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26 novembre 2016 6 26 /11 /novembre /2016 19:49
Pour «casser la baraque», François Fillon dégaine un projet-gourdin
 PAR LA RÉDACTION DE MEDIAPART

Éclipsé par le duel Sarkozy-Juppé, François Fillon a pris le temps de construire un projet radical. Passage en force dès les premiers mois du quinquennat, fin du système de Sécurité sociale hérité de 1945, réécriture du droit de la filiation, mise en place de « statistiques d’origine » Les journalistes de Mediapart se sont penchés sur le programme coup de massue du nouveau favori de la primaire.

 

Personne ne l’a vu venir. Pendant toute la campagne de la primaire de la droite et du centre, François Fillon est resté dans l’ombre du duel Juppé-Sarkozy, trop rapidement annoncé. Lentement, méthodiquement, l’ancien premier ministre a profité de cette relative tranquillité pour construire un projet présidentiel radical, truffé de mesures ultralibérales économiquement et ultraconservatrices sur les questions de société. Des propositions éclipsées dans le débat public par les « Gaulois » et la « double ration de frites » de Nicolas Sarkozy, mais qui n’ont pas échappé à la frange la plus réactionnaire de l’électorat, laquelle s’est mobilisée en masse au premier tour pour plébisciter son nouveau champion.

Fort de ses 44,1 %, François Fillon s’est dit « fier », lors du dernier débat de la primaire, « d’avoir gagné une bataille idéologique ». « Mon seul regret est d’avoir mis autant de temps à convaincre », a-t-il ajouté. Pour comprendre quelles sont ces propositions qui ont séduit les électeurs de la droite profonde, Mediapart se penche sur les lignes de force du programme de l’ancien premier ministre. Un « programme puissant de transformation du pays », comme il le présente lui-même. Mais qui laisse surtout entrevoir une casse sociale considérable, un choc récessif détonant et un retour en arrière sur les droits accordés aux femmes et aux LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans).

  • Un « choc » libéral et social

C’est sur la radicalité de son programme économique que François Fillon s’est d’abord distingué dans cette campagne. L’ex-premier ministre, qui revendique l’héritage thatchérien, a dégainé avant tous les autres candidats à la primaire un programme ultralibéral, assumant la nécessité d’un « choc » français, comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne en ont déjà connu.

Pour « fluidifier » le marché du travail, il propose la suppression de toute durée légale du travail – en renvoyant la question à des accords d’entreprise (Alain Juppé souhaite pour sa part le retour aux 39 heures) –, un code du travail réduit au strict minimum, la fin des régimes spéciaux et un report à 65 ans de l’âge de départ à la retraite. Pour rompre avec l’« assistanat », François Fillon veut aussi restaurer la dégressivité des allocations chômage et instaurer une allocation sociale unique « pour que les revenus du travail soient toujours supérieurs à ceux de l’assistance ».

Celui qui pense être le seul à proposer un projet capable de « redresser le pays » défend par ailleurs une baisse massive de la fiscalité des entreprises et des plus riches. Il propose de baisser les charges patronales de 40 milliards, ce en quoi il diffère très peu de son adversaire, qui propose une baisse de 35 milliards, avec un allègement de 10 milliards de l’impôt sur les sociétés.

Pour les ménages, rien de bien réjouissant non plus, puisque l’ancien premier ministre souhaite augmenter de deux points le taux de TVA (contre un point pour Alain Juppé). Pour les contribuables les plus riches en revanche, le député de Paris propose, comme son concurrent, la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et le plafonnement de la taxation des revenus du capital.

Parce qu’il entend malgré tout désendetter le pays, François Fillon promet une purge dans la dépense publique et mise sur 100 milliards d’économie sur le quinquennat. Sa mesure phare : supprimer 500 000 postes de fonctionnaires, quand le maire de Bordeaux évoque au moins 250 000 suppressions. Pour atteindre ce chiffre astronomique – pour mémoire, la douloureuse révision générale des politiques publiques (RGPP) avait supprimé 117 000 emplois en cinq ans –, le député de Paris propose de faire travailler 39 heures les fonctionnaires. Avec quelles compensations ? Mystère.

Pour administrer cette amère potion, l’ancien premier ministre compte bien « passer en force ». « Il y a une surestimation des forces de résistances sociales », expliquait-il début septembre, devant un parterre d’associations libérales. À l'entendre, il faudra donc procéder par ordonnances dès le mois de juillet. « Les organisations syndicales n’ont plus la force pour accomplir les blocages dont elles menacent. Personne ne peut vraiment dire que le pays était bloqué avec la loi El Khomri ! »

 

Pour lui, les syndicats en sont aujourd’hui réduits « à des actions désespérées comme le blocage des dépôts de carburant ». « Nous, on a envoyé la gendarmerie, cela s’est très bien passé [lors des blocages contre la réforme des retraites en 2010 – ndlr]. S’il faut le faire, on le refera ! » avait-il encore lancé lors de cette réunion publique. Pour contourner ces « forces de blocage », François Fillon veut par ailleurs développer le référendum d’entreprise.

La fin des régimes spéciaux devra elle aussi être tranchée par référendum. Parce que, explique-t-il, notre « démocratie est mise au défi du faire », c’est-à-dire condamnée à l’impuissance, le député de Paris veut un « gouvernement commando » de 15 ministres. Une vieille antienne qu’aucun président n’a jamais appliquée. « Le calendrier parlementaire devra permettre l’adoption des principales réformes dans les 100 jours qui suivent l’élection présidentielle. Cette rapidité d’adoption sera rendue possible par le niveau sans précédent de préparation de l’équipe gouvernementale et des textes, les principales réformes étant déjà rédigées sous la forme de projets de loi, voire au niveau de leurs décrets d’applications », écrit-il encore dans son programme.

  • Santé : la fin de la Sécurité sociale

Pour une fois, des candidats à l’élection présidentielle ont parlé santé jeudi soir. Et ce fut l’un des moments les plus saillants du débat de l’entre-deux-tours de la primaire. Alain Juppé a voulu marquer sa « divergence assez profonde » avec son concurrent sur l’avenir de l’assurance maladie : « Moi, je ne toucherai pas au taux de remboursement dont bénéficient aujourd’hui les Français. » François Fillon s’est agacé : « Alors oui, je propose que la Sécurité sociale se concentre sur les risques principaux. Alors tout de suite, la caricature ! » Nulle caricature pourtant, l’ancien premier ministre détaille précisément ses propositions en matière de santé dans un document de seize pages. Et elles reviennent à tourner définitivement la page du système de Sécurité sociale hérité de 1945.

Pour mettre fin aux « déficits récurrents de l’assurance maladie », François Fillon choisit l’option la plus simple : transférer des dépenses de l’assurance maladie vers les complémentaires. L’assurance maladie se verrait recentrée « sur les affections graves ou de longue durée », et les complémentaires sur « le reste, le panier de soins individuel ». N’en déplaise au député de Paris, qui promet aux Français « le juste soin, au meilleur coût », c’est bien le choix le plus coûteux et le plus inégalitaire qu’il fait : les complémentaires ont de lourds frais de gestion, sans comparaison avec l’assurance maladie, et elles segmentent les risques, assurant une bien moindre solidarité entre bien portants et malades, riches et pauvres, jeunes et vieux.

« Responsabiliser les patients » est un leitmotiv à droite. Là encore, François Fillon choisit l’option radicale : le retour en force des franchises. Il veut « introduire une franchise médicale universelle, fonction des revenus dans les limites d’un seuil et d’un plafond ». Ce sont les complémentaires santé qui rembourseront ces franchises. Petite promesse sociale : « Les moins favorisés ne pouvant accéder à l’assurance privée bénéficieront d’un régime spécial de couverture accrue. » Il rompt également avec le mode de financement de la Sécurité sociale, historiquement assis sur les revenus du travail. Décidé à alléger encore la fiscalité des entreprises, il compte basculer « les cotisations maladies patronales vers un mix CSG/TVA ».

 

 

L’hôpital est dans le viseur du candidat, qui prévoit de revenir aux 39 heures… sans aucune précision sur les contreparties financières. Et s’il est resté flou sur les catégories professionnelles visées par sa promesse de suppression de 500 000 postes de fonctionnaires, il a bien précisé au cours du débat télévisé que cette purge concernerait « les trois fonctions publiques », donc la fonction publique hospitalière.

En apparence, les libéraux sont à la fête. François Fillon comme Alain Juppé prévoient de supprimer le tiers payant généralisé honni, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier. L’ancien premier ministre estime que la médecine générale est « face à un risque de paupérisation » (sic), et il promet à tous les médecins libéraux une « juste rémunération ». Un détail cependant : les « soins courants » sont assurés par les libéraux, qu’ils soient médecins, dentistes, pharmaciens ou infirmiers. Ces derniers passeraient donc, inévitablement, de la tutelle de l’assurance maladie à celle des complémentaires. Eux qui sont une cible électorale pour la droite, ont-ils réellement mesuré les conséquences de ce projet de réforme radical ? Depuis jeudi soir, le milieu de la santé s’agite sur les réseaux sociaux.

Dans une interview aux Échos, le porte-parole santé de François Fillon, manifestement affolé, a battu en retraite. La franchise universelle ? « Il est possible que nous renoncions. » Le recul de l’assurance maladie ? L’ancien premier ministre « ne changera peut-être pas le taux actuel de 75 % », a-t-il indiqué. Le “brutal”, l’inflexible candidat recule déjà.
  • Famille et droits des femmes

La famille, c’est l’incantation des chaumières, le hululement des paroisses, le brame des grands cerfs réactionnaires. La famille permet à la vieille droite française de se faire le chantre de ses intérêts et de ses détestations, au nom de l’amour des siens. François Fillon s’y adonne à cœur joie dès sa déclaration de candidature, le 28 août 2016 à Sablé-sur Sarthe, treize jours après la fête mariale revendiquée d’emblée par ce héraut de l’Ouest catholique : « Le 15 août, j’ai célébré l’Assomption à l’abbaye de Solesmes voisine. Depuis plus de mille ans, des moines y observent la règle de saint Benoît. Mille ans d’Histoire ! » Sa harangue se poursuit avec une anaphore de derrière les fagots, « Ma France », par neuf fois répétée, comme pour faire la nique au « Moi président » de François Hollande en 2012, lors du débat télévisé crucial face à Nicolas Sarkozy. En sixième position, l’ancien premier ministre assène : « Ma France doit protéger la famille et ses valeurs. »

 

Puis il donne quelques pistes, usant et abusant de la première personne du singulier : « Je veux que les familles soient placées devant leur responsabilité éducative et sanctionnées quand elles se montrent incapables de faire rentrer leurs enfants le soir à la maison et de les envoyer le matin à l’école. Je veux la liberté pour les parents de choisir l’école de leurs enfants. Je défendrai la liberté scolaire en permettant la création de nouvelles écoles privées à condition qu’elles respectent nos valeurs communes. »

Apprécions tout ce qu’implique ce « à condition qu’elles respectent nos valeurs communes » : cherchez l'islam ! Et le postulant à la primaire de la droite et du centre d’enchaîner :

« Le redressement national passe aussi par la famille dont le rôle est fondamental pour la cohésion sociale et pour la transmission des valeurs. Je remettrai la famille au cœur de notre projet politique. Je proposerai l’abrogation de la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Je demanderai au Parlement de réécrire le droit de la filiation afin de protéger les droits de l’enfant. »

Deux mois plus tard, en pleine ascension, le candidat Fillon, dans une épître aux évêques de France (24 octobre 2016), rajoute une couche de familialisme exacerbé : « Pour reconstruire notre contrat social, je crois à la famille. Elle est le premier cercle de nos solidarités, de nos tendresses, elle est au cœur de mon projet politique. La physionomie des familles françaises a évolué avec le temps. Le mariage pour tous a été voté. J’y étais hostile mais j’ai toujours indiqué que le législateur ne pourrait revenir là-dessus au risque de diviser à nouveau la société française. En revanche, je propose de réécrire le droit de la filiation pour figer le principe selon lequel un enfant est toujours le fruit d’un père et d’une mère. De ce principe découlent des conséquences : réserver l’adoption plénière aux couples hétérosexuels, limiter strictement l’accès à la PMA aux couples hétérosexuels stériles et interdire la GPA qui est une instrumentalisation inadmissible du corps des femmes. Il serait à l’honneur de la France de s’engager pour l’interdiction universelle des mères porteuses. »

Le programme de François Fillon s’engage donc à réécrire la loi Taubira (qu’entend maintenir Alain Juppé) en mettant fin à l’adoption plénière pour les couples de même sexe. Voilà un thème ayant mobilisé les catholiques pratiquants (qui sont également de bons pratiquants électoraux ; ils se rendent volontiers aux urnes, les flatter s’avère payant !), dans la mesure où, pour citer Koz, un thuriféraire de François Fillon sur les réseaux sociaux, l’adoption plénière « pose le problème majeur en ce qu’elle abolit la réalité et ancre l’enfant dans une filiation totalement fictive ».

Une telle normalisation n’est pas surprenante pour un homme ayant voté contre la dépénalisation de l’homosexualité (1982), contre le Pacs (1999) et contre le mariage pour tous (2013). Un tel ordre moral s’accompagne, chez François Fillon, de compensations sonnantes et trébuchantes – toujours au nom des grands principes. Les riches familles nombreuses bénéficieront d’avantages fiscaux non négligeables.

Il y a le relèvement du plafond du quotient familial à 3 000 euros. Celui-ci était passé, dès l’été 2012, de 2 336 euros par demi-part à 2 000 euros ; puis à 1 500 euros l’année suivante. Plus les revenus sont importants, plus s’avère substantielle la suppression de la gratification octroyée aux familles nombreuses. Le coût de rabot ôte un bénéfice supplémentaire aux plus aisés. Cela relève de la justice sociale. Traduction dans le programme de François Fillon : le relèvement à 3 000 euros doit « mettre fin à la surimposition dont ont été victimes depuis 4 ans les classes moyennes et tout particulièrement les familles nombreuses ». Renversons la perspective : M. Fillon entend abroger une mesure socialiste, qui visait à augmenter l’effort contributif des familles nombreuses aisées en restreignant leurs possibilités de se soustraire à l’impôt…

La réforme la plus symptomatique de François Fillon (non proposée par Alain Juppé) consiste à supprimer la modulation des allocations familiales en fonction des revenus, comme c’est le cas depuis juillet 2015. Le montant des “allocs”, pour une famille de deux enfants par exemple, a depuis lors été divisé par deux pour un foyer fiscal dépassant les 6 000 euros mensuels et par quatre au-delà de 8 000 euros. Ces subventions, Fillon régnant, devraient être à nouveau uniformes (donc injustes), au nom d’une belle appellation dévoyée : « L’universalité. » Les allocations redeviendraient ainsi ce qu'elles n'auraient jamais dû cesser d'être pour la droite effrénée : permettre aux familles pauvres de joindre les deux bouts et aux familles riches de mettre encore davantage de beurre dans les épinards.

L’Insee, dans son étude parue le 22 novembre 2016, France, portrait social, écrit ceci : « Par rapport à une situation où elles n’auraient pas été mises en œuvre, les nouvelles mesures sociales et fiscales intervenues en 2015 diminuent légèrement le niveau de vie des 30 % des ménages les plus aisés en augmentant, légèrement aussi, celui du reste de la population et plus particulièrement des 10 % les plus modestes. » Cet infime rééquilibrage est insupportable à la droite irrémédiable, qui se drape dans les valeurs familiales.

Demeure une interrogation lourde de sens pour l’avenir. François Fillon (qui a voté l’abolition de la peine de mort en 1981) s’inscrit-il dans la lignée du personnalisme chrétien (« La famille est à la fois instinct et raison, puisqu’elle est la rencontre de la vie biologique, de la vie sociale et de la vie spirituelle », écrivait ainsi Jean Lacroix, longtemps philosophe attitré du Monde d’Hubert Beuve-Méry, dans son ouvrage de 1948, Force et faiblesse de la famille) ?

Ou alors François Fillon, qui a reçu le soutien du fâcheux Jean-Frédéric Poisson au nom de la défense des valeurs familiales, retrouve-t-il une certaine veine maurrassienne considérant la famille comme l'un des garants (avec la corporation et la paroisse) d’une société d’ordre à même d'incarner le « pays réel » (par opposition au « pays légal », c’est-à-dire la République) ?… À titre indicatif, à Sablé-sur-Sarthe, le 28 août dernier, le candidat lâchait dans son discours aux accents refondateurs : « Non, la France n’est pas née en 1789 et elle n’est pas passée de l’ombre à la lumière en 1981 ! »

En ce qui concerne l’avortement, l’ancien premier ministre répète à qui veut l’entendre que tout, dans son for intérieur, y répugne – signal on ne peut plus clair par les temps qui courent. Le candidat précise cependant, quand on l’y oblige, qu’il se veut et se montrera respectueux de la loi Veil votée en 1975. Poussé dans ses retranchements, il n’hésite pas à s’en laver les mains : « Je suis un homme, je ne suis pas une femme, a-t-il lâché lors du débat du 24 novembre. Je n’ai donc pas à prendre ce genre de décisions. »

Avec une telle façon de s’exonérer en ravalant l’avortement à une question qui relèverait des « personnes du sexe » (comme on dit dans la bonne bourgeoisie de province), François Fillon se fait le truchement d’une régression qui nous ramène quasiment un demi-siècle en arrière. En 1967, quand le gaulliste Lucien Neuwirth, qui défendait une loi, controversée à droite, sur la contraception, était allé parler de la pilule à l’Élysée avec le général-président, celui-ci avait laissé tomber, dans un grognement patriarcal : « Voyez cela avec ma femme… »

 

 

 

  • Éducation : retour vers le passé

François Fillon a été ministre de l’éducation nationale entre mars 2004 et mai 2005. Il ne se prive pas de le rappeler. Pour lui, il faut faire table rase du passé et détricoter ce que le gouvernement actuel a mis en place en la matière. Le vainqueur de la primaire de la droite et du centre doit pourtant endosser les réalisations pas franchement glorieuses du quinquennat Sarkozy, dont il a été le premier ministre de 2007 à 2012. La purge de 80 000 postes dans l’enseignement a lourdement entaché son bilan. Pourtant, le député de Paris n'entend pas faire le moindre mea culpa et préconise au contraire de continuer sur cette lancée. Il a annoncé la suppression de 500 000 fonctionnaires.

Difficile d’imaginer que l’institution scolaire, qui compte en son sein un peu plus de 800 000 enseignants, passerait entre les gouttes. De toute façon, François Fillon considère que l’école est déjà suffisamment dotée – il s’agit du premier budget de la nation – et qu’il n’y pas besoin d’y injecter des crédits supplémentaires, mais d’engager de profondes réformes. « Notre enseignement scolaire n’est donc pas malade d’un manque de moyens », assène-t-il dans sa feuille de route en huit pages pour l’éducation.

Sur le plan pédagogique, rien de novateur. Le programme exhale la naphtaline. L’uniforme pourra être instauré. Sans surprise, le vainqueur du premier tour de la primaire reprend les vieilles antiennes de la droite et pourfend comme il se doit la « caste de pédagogues prétentieux », coupable à ses yeux d’avoir insufflé son idéologie dans les couloirs du ministère et détruit l’école à cause de « l’égalitarisme promu par la gauche ». 

Pour contrer leur influence, l’idée phare de l’ancien premier ministre, aux forts relents de IIIe République, consiste à « réécrire les programmes d’Histoire avec l’idée de les concevoir comme un récit national ». Ceci devant redonner aux enfants « la confiance dans notre patrie ». Cette tâche incomberait à « trois académiciens ». Qu’importe si une telle perspective va à l’encontre du travail scientifique des historiens, qui ne bâtissent pas une histoire mais se fondent sur des faits. 

Dans cette lignée de l’ordre et de la morale à tout crin, les pleins pouvoirs seront donnés aux chefs d’établissement. Chacun aura plus d’autonomie pour casser un système que « le centralisme excessif étouffe », comme il l’a expliqué dans cette interview au Point, le 24 novembre. Ainsi un chef d’établissement aura-t-il la possibilité de recruter lui-même les enseignants, de leur octroyer une promotion et de choisir ses élèves. Du jamais vu dans le système actuel.

Les enseignants devront être également plus présents et auront en contrepartie un traitement revalorisé grâce, notamment, à une prime au mérite. Des enseignants qui seront tenus de consacrer 75 % du temps d’apprentissage de leurs élèves à enseigner les fondamentaux : « Lecture, calcul, écriture, grandes dates et grands personnages de l’histoire de la Nation, géographie de la France et des régions. » L’obtention du brevet sera une condition sine qua non pour entrer au lycée. Le bac sera réformé et réduit à quatre épreuves « plus solides ». La gestion des filières professionnelles sera confiée aux régions.

Pour l’enseignement supérieur, François Fillon veut octroyer plus d’autonomie aux universités et plaide en faveur de la sélection à l’entrée du master, déjà en cours de mise en place par le gouvernement… Il n’oublie pas, dans sa conquête du pouvoir, de donner des gages à l’électorat catholique. Président de la République, l’ancien premier ministre reviendrait sur la limitation de 20 % d’écoles privées sous contrat. De manière générale, les familles devraient s’impliquer dans la vie scolaire et être associées aux grandes décisions au sein de chaque établissement. Bien sûr, hors de question de laisser à l’école le monopole de l’éducation. En bon père de famille, il explique que ceci sera mis en œuvre « sans contrevenir au rôle essentiel des parents dans la transmission de valeurs morales à leurs enfants ».

  • La laïcité à l’épreuve de la chrétienté

C’est l’un des points qui différencient le plus François Fillon d’Alain Juppé. Souhaitant, comme il l’avait indiqué en septembre au Journal du Dimanche, « interdire toute forme de prosélytisme à l’intérieur de l’espace public », l’ancien premier ministre plaide pour légiférer sur l’interdiction du burkini, contrairement au maire de Bordeaux, qui entend résister « à la tentation d’exiger des lois de circonstance au fil des polémiques médiatiques ».

Ce dernier veut créer un code de la laïcité « qui rassemblera les règles non négociables qui s’imposent à tous et à toutes les religions, pour donner des bases fermes à ceux qui font appliquer la laïcité au quotidien ». Il envisage également l’instauration d’un « délit d’entrave à la laïcité dans les services publics ». En outre, les deux hommes se sont tous deux démarqués de Nicolas Sarkozy en s’exprimant en faveur des repas de substitution dans les cantines scolaires et du droit au port du voile dans les universités.

Dans son livre, Vaincre le terrorisme islamique (Éd. Albin Michel), François Fillon cible directement l’islam. « Arrêtons de faire semblant. Non, il n’y a pas un problème religieux en France. Oui, il y a un problème lié à l’islam », écrit-il. La France est « menacée dans son identité par un ennemi dont le crime est la prière », affirme-t-il dès les premières pages. Avant d’ajouter : « Nous avons fini par céder sur les valeurs qui sont les nôtres, nous avons pactisé et nous avons cédé. »

 

Pour régler le « problème », il souhaite créer « une instance de concertation entre l’État et l’Islam en France », qui soit différente du Conseil français du culte musulman (CFCM) mis en place en 2007 par Nicolas Sarkozy, là où le maire de Bordeaux propose « un conseil national des cultes » pour « conclure un accord entre la République et l’islam de France ». Tous deux entendent mettre fin au financement des lieux de culte par des fonds étrangers, mais l’ancien premier ministre se distingue de son adversaire en refusant de recourir à de l’argent public, estimant que « les musulmans sont suffisamment nombreux en France pour financer leur culte ».

Comme tous les autres candidats à la primaire, François Fillon s’est gargarisé de laïcité durant toute la campagne, en l’envisageant sous le seul prisme du culte musulman. Invitant le pape François dans les débats, celui qui revendique haut et fort sa foi catholique dans le livre Faire (Éd. Albin Michel) a également cosigné une tribuneintitulée « Crèches de Noël, une victoire française », dans laquelle le sénateur de Vendée Bruno Retailleau et lui se félicitent de la décision du Conseil d’État d’autoriser les crèches dans les mairies, à condition qu’elles n’aient qu’« un caractère culturel et festif ».

  • Immigration et « statistiques d’origine »
  • En matière d’immigration, François Fillon veut « rompre avec le laxisme » du gouvernement socialiste. Il propose de faire inscrire dans la Constitution le principe selon lequel « l’immigration dépend de la capacité d’accueil et d’intégration de la France ». Comme Alain Juppé, il souhaite que le Parlement fixe chaque année le nombre de personnes maximum susceptibles d’être « accueillies ». L’ancien premier ministre veut également autoriser les « statistiques d’origine » pour permettre « de fixer un cadre à notre politique migratoire ». Une sélection par origine qui paraît constitutionnellement difficile à faire passer.

    En outre, il ambitionne également de supprimer l’aide médicale d’État (AME) – qui permet aux étrangers en situation irrégulière d’accéder aux soins –, pour la remplacer par une « dispense de frais de santé » ne concernant que les maladies contagieuses et les situations d’urgence.

  • Une justice du tout-carcéral
  • Exit la loi Taubira. Après avoir bataillé en vain au Parlement contre le texte de l’ancienne garde des Sceaux, François Fillon se propose aujourd’hui d’en retirer les mesures qui en font la substantifique moelle. Comme Alain Juppé, l’ancien premier ministre entend réintroduire les peines planchers, ces peines minimales instaurées en 2007 pour les personnes en situation de récidive légale et, en 2011, pour les auteurs de certains délits de violences aggravées.

  •  

    Pour « redonner du sens à la peine », le candidat propose de supprimer la contrainte pénale, alternative à l’incarcération promue par Taubira, dont Jean-Jacques Urvoas, son successeur place Vendôme, avait déjà souligné en juin le peu d’utilité. Il souhaite également « rétablir le caractère automatique des révocations de sursis » et « supprimer l’automaticité des réductions de peine ». Et en attendant l’incarcération, il plaide pour la mise en place de « sanctions rapidement exécutables »comme « la suspension des aides sociales » et l’« interdiction de séjour ou du territoire national ».

    Les trois credo de François Fillon en matière de justice : simple, indépendante, efficace. L’ancien premier ministre veut garantir « l’impartialité et l’indépendance des juges du siège », laquelle indépendance est en réalité déjà garantie, contrairement à celle du parquet, dont il ne dit rien, sinon qu’il considère le « maintien d’un lien organique avec le pouvoir exécutif » comme une « exigence ». L’impartialité dont parle le député de Paris se résume surtout à une réforme en profondeur du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont il regrette les « prises de positions politiques ». Le « mur des cons » n’a visiblement toujours pas été digéré.

    Pour le reste, Fillon ne dit pas grand-chose de la réinsertion, mais souhaite en revanche augmenter la durée de l’incarcération. Là où Alain Juppé ambitionne la construction de 10 000 places de prison, l’ancien premier ministre pousse le curseur d’un cran supplémentaire en avançant le chiffre de 16 000 places.

    • Environnement

    C’est tout un symbole : l’image illustrant le volet « environnement » du projet de François Fillon ressemble à la couverture d’un dossier de presse d’EDF. Gros plans sur des lignes à haute tension, tour aéroréfrigérante de réacteur nucléaire derrière un champ de colza, parc éolien en arrière-plan, panneaux photovoltaïques dans un coin. Tout pour produire et transporter l’électricité, rien pour la réduire.

    Au fil des douze pages de son programme, les mots choisis plantent un imaginaire productiviste. La baisse de la demande d’énergie n’est pas mentionnée, alors que l’innovation et le progrès scientifique sont des objectifs affichés. Le principe de précaution est contesté (car il « sert de prétexte à l’inaction ») au profit du principe de responsabilité – qui n’est pas défini. Les énergies « non carbonées », incluant le nucléaire, sont citées plus souvent que les renouvelables (éoliennes, photovoltaïques, hydrauliques…).

     

    Contrairement à Nicolas Sarkozy, l’ancien premier ministre revendique le bilan du Grenelle de l’environnement (en l’enjolivant au passage). L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes n’est pas évoqué, mais est-ce nécessaire ? François Fillon a signé la déclaration d’utilité publique du projet en 2008 et en est donc l’un des principaux décisionnaires. En meeting, il ne manque jamais une occasion de dénoncer les « hors-la-loi » qui occupent le terrain, pour mieux aider son fidèle Bruno Retailleau, président du conseil régional des Pays de la Loire.

    Concrètement, des dizaines de mesures sont proposées. Elles s’articulent autour d’une vision pronucléaire, pro-EDF et économiquement libérale. Fillon président : plus d’objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production de l’électricité, fin de l’arrêt de la centrale de Fessenheim, allongement de la durée de vie des réacteurs à 60 ans (comme le réclame EDF). Mais rien n’est dit sur l’avenir de l’EPR en construction à Flamanville. L’ancien premier ministre veut supprimer le tarif d’achat des renouvelables, système qui garantit aux producteurs d’énergie un prix de vente sur plusieurs années, ainsi que le mécanisme de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui le finance.

  •  

     

    En échange, il propose d’allouer les montants économisés au financement de la rénovation énergétique des bâtiments (mais sans préciser comment). Il dit aussi vouloir fixer à 30 euros minimum le prix de la tonne de CO2 en Europe, mais sans qu’on comprenne très bien si c’est par une réforme du marché européen du carbone (jusqu’ici en échec) ou par une taxe continentale (impossible car elle requiert le vote unanime des États de l’Union).

     

     

     

Le choc néolibéral qu’il appelle de ses vœux se manifeste par son projet de mise en concurrence de la SNCF sur les réseaux ferroviaires, supposée améliorer la compétitivité du ferroutage, alors que le réseau ferré souffre depuis des années d’un sous-investissement destructeur. À l’inverse, le candidat à la primaire ne dit rien de l’écotaxe poids lourds, pourtant votée alors qu’il occupait Matignon. Il annonce par ailleurs un programme de simplification administrative (suppression de normes, regroupement des procédures d’autorisation…).

Surprise, une revendication des écologistes figure dans le programme de François Fillon : l’objectif de 0 % d’électricité d’origine fossile en France. Cela mettrait un coup d’arrêt aux centrales à gaz, en difficultés économiques depuis plusieurs années, mais dont certaines unités sont en cours de construction, comme le projet de Poweo Direct Énergie à Landivisiau, en Bretagne.

  • Europe

Alain Juppé et François Fillon promettent tous deux une Europe « moins bureaucratique », un retour de l’influence française à Bruxelles (sans dire comment ils s’y prendraient, avec un Front national très représenté au Parlement de Strasbourg) ou encore une « Europe de la sécurité et de la défense », en réponse, notamment, au risque terroriste.

Sur la méthode à emprunter pour « refonder l’Europe », ils ont un temps divergé. Au lendemain de la victoire du Brexit, l’ancien premier ministre avait défendu la tenue d’un référendum, non pas sur l’appartenance de la France à l’Union européenne, mais sur des traités européens renégociés (comme le proposait aussi Bruno Le Maire). Mais le député de Paris, qui a voté contre le traité de Maastricht en 1992, semble avoir mis ce projet de côté : il n’en parle plus. Le maire de Bordeaux s’est toujours opposé, quant à lui, à la tenue d’un référendum sur l’Europe, qui serait à ses yeux « totalement irresponsable ». 

Sur l’euro, sujet cher au FN, qui veut s’en débarrasser, les candidats en appellent tous deux à des réformes qui renforceraient la zone euro. Pour Fillon, il s’agit de doter la zone euro d’une structure politique, présidée par l’un des chefs de gouvernement des 19 (à l’heure actuelle, c’est « seulement » le ministre des finances de l’un des pays de la zone euro qui dirige l’Eurogroupe). Il parle également d’un « secrétariat général de la zone euro complètement autonome de la commission, qui assumera le suivi de la gestion de la zone économique ».

Son projet semble donc d’inspiration davantage intergouvernementale (donner du pouvoir aux États, à Bruxelles) que celui d’Alain Juppé, qui compte parmi ses fervents soutiens à Bruxelles le fédéraliste Alain Lamassoure (en clair : renforcer les institutions communautaires, dont la commission, pour favoriser l’intégration économique de la zone euro). Le maire de Bordeaux veut « organiser la convergence, notamment fiscale, entre les économies de la zone ». 

Quant aux négociations commerciales, du CETA (avec le Canada) au TAFTA (avec les États-Unis), les candidats sont restés plutôt discrets. François Fillon promet de « refuser de signer le traité transatlantique en l’état car il est beaucoup trop déséquilibré » (ce qui est exactement la position actuelle du gouvernement français), tandis qu’Alain Juppé laisse entendre qu’il partage cette position, à demi-mot, lorsqu’il réclame des « accords négociés dans des conditions transparentes ».

Enfin, les programmes sur l’Europe ne disent pas un mot d’une éventuelle taxe sur les transactions financières à l’échelle de la zone euro, vieux serpent de mer défendu par Paris et Berlin. Les négociations sur ce sujet semblent enlisées dans la capitale belge, et la victoire de LR à la présidentielle française pourrait bien tuer définitivement le projet.

  • Le double jeu avec la Russie
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  • Ce fut, en mai 2012, un coup de téléphone. Vladimir Poutine était le premier dirigeant étranger à appeler François Fillon après la défaite présidentielle de Nicolas Sarkozy : un signe d’amitié pour celui qui allait quitter Matignon et avec qui Poutine avait construit des relations étroites. De 2008 à 2012, les deux hommes étaient tous les deux premier ministre – la présidence russe était alors occupée par Dmitri Medvedev – et se rencontraient souvent. François Fillon a signé de très nombreux contrats à Moscou, dans l’aéronautique, l’automobile mais aussi les navires Mistral, etc.
  • Mercredi, Vladimir Poutine a aussi été le premier et seul dirigeant étranger à se livrer à un éloge d’un Fillon décrit comme un « grand professionnel » qui « se distingue fortement des hommes politiques de la planète ». Le décrivant comme « ferme »,« réservé », « négociateur ardu », le président russe décidait ainsi, par cette démarche tout à fait inhabituelle pour le Kremlin, de donner son imprimatur et son soutien à la candidature de François Fillon.

    Car depuis l’élection aux États-Unis de Donald Trump, le régime russe jubile. Le voilà au centre du jeu mondial, reconnu soudain comme un acteur essentiel voire prépondérant, tous les analystes disséquant désormais les succès de ce nouveau softpower (pouvoir d’influence) russe, bâti avec l’aide d’une intense machine à propagande construite au niveau mondial.

    Est-ce si certain ? La Russie demeure un pays en pleine crise économique, frappé de plein fouet par les sanctions décidées par l’Union européenne au lendemain de l’annexion de la Crimée, au printemps 2014, fragilisé par l’effondrement des prix du pétrole et des matières premières. Et le raidissement de plus en plus manifeste du régime sur la scène intérieure dit aussi la crainte de voir surgir des révoltes sociales qui menaceraient la réélection de Poutine en 2018.

    Cerné par les difficultés, Vladimir Poutine peut donc se dire qu’une installation de François Fillon à l’Élysée lui redonnerait quelques marges de manœuvre face à une Europe qui vient de décider de reconduire les sanctions à son encontre, et alors que les relations avec l’Allemagne et Angela Merkel se sont fortement dégradées.

  • Voilà pour le jeu russe. François Fillon a lui aussi beaucoup joué de cette relation supposée au beau fixe avec les dirigeants de Moscou. Cela a d’abord été un moyen de se démarquer de ses concurrents, Nicolas Sarlozy et surtout Alain Juppé. Cela lui a ensuite servi à revendiquer une lignée – celle du gaullisme et de son « Europe de l’Atlantique à l’Oural » – et un positionnement : un « souverainisme » revendiqué, contre la politique étrangère de François Hollande alignée sur celle des États-Unis.

    Mais sur cette affaire, les masques devraient rapidement tomber. Certes, depuis quinze ans, Fillon a toujours plaidé pour une relation de « dialogue équilibré » avec Moscou. Mais ce fut aussi la position constante d’Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères de Lionel Jospin (1997-2002), et également celle de Jacques Chirac. Rien de nouveau, donc : Fillon ne faisait que reprendre à son compte les grands fondamentaux de la politique étrangère française.

    Tout a changé avec l’Ukraine puis la Syrie, deux guerres dont la Russie a décidé de devenir un acteur clé. On connaît la suite : une rupture avec l’Union européenne. Les relations avec le Royaume-Uni étaient déjà exécrables ; elles le deviennent avec tous les pays d’Europe centrale, Pologne en tête. Elles se dégradent fortement avec l’Allemagne. Elles se tendent avec la France, qui n’est pas un acteur de premier plan pour le régime russe.

    C’est l’occasion que saisit François Fillon pour se démarquer brutalement de la politique française et prendre le parti de la Russie. Jusqu’où ? François Fillon se voit en de Gaulle. Mais ne joue-t-il pas seulement au président moldave ou bulgare ?

  • Dans ces deux pays, les candidats, qui viennent d’être élus à la mi-novembre, ont fait à grand bruit une campagne pro-russe, vantant le régime Poutine et sa place nouvelle dans le jeu international. Aussitôt élus, ils ont pris leurs distances et sont vite retournés vers l’Europe, ses budgets et ses protections… « Le président ne peut pas être pro-russe ou pro-européen, le président doit être pro-moldave », déclarait, au lendemain de son élection, Igor Dodon, surnommé « le Trump moldave », tout en précisant aussitôt qu’il était hors de question de mettre en cause « le partenariat stratégique avec l’Union européenne ».

    Le quasi-poutinisme affiché par François Fillon dans cette campagne a ainsi ses limites. Il lui a permis de draguer large à la droite de la droite et dans quelques recoins souverainistes et anti-atlantistes. Il lui a permis de s’assurer les soutiens de quelques parlementaires habitués des voyages en Crimée annexée (Thierry Mariani, Jacques Myard) et des réseaux d’affaires russes. Il lui a permis d’approfondir les liens noués en Russie, en particulier avec l’aide précieuse de deux hommes qui furent ses conseillers à Matignon, Jean de Boishue et Igor Mitrofanoff, tous deux descendants de Russes blancs, russophiles convaincus et hommes de réseaux à Moscou.

  • Mais la russophilie de Fillon n’apparaît guère compatible avec ce qu’il affiche comme étant sa priorité en politique étrangère et politique européenne : reconstruire la relation avec l’Allemagne, relancer ce couple qui s’ignore désormais et remodeler l’Europe par un nouveau levier franco-allemand. Or l’Allemagne est aujourd’hui le principal problème de Moscou. Ce que François Fillon semble également ignorer est la dynamique propre au régime russe. Au pouvoir depuis dix-sept ans, Vladimir Poutine, s’il est réélu en 2018 – ce que tout laisse présager –, le demeurera jusqu’en 2024 ! Poutine le Vojd – le Guide –, Poutine le Tsar, ayant effacé tout concurrent et contre-pouvoir en son pays, est devenu un « objet politique » largement incontrôlé et imprévisible, donc inquiétant. Au-delà d’opportunistes postures gaulliennes, François Fillon, s’il ne le sait déjà, le découvrira très vite.

  • Syrie : le choix du camp de Bachar al-Assad

Sur la Syrie, François Fillon a adopté une rhétorique très proche de celle du régime de Damas. S’impose ainsi selon lui la nécessité d’un choix entre, d’un côté, le président syrien Bachar al-Assad et de l’autre, Daech. « Quand on est en guerre, on doit choisir son principal adversaire, écrit François Fillon dans Vaincre le totalitarisme islamique. De Gaulle, pendant la Seconde Guerre mondiale, avait choisi : l’adversaire, c’était Hitler et il n’a pas hésité à s’allier avec les Russes pour le combattre. » Pour vaincre l’État islamique (EI), l’ancien premier ministre prône le même rapprochement. « Il faut s’attaquer à ce mal, il faut le faire avec les Russes, il faut le faire avec les Iraniens, il faut le faire avec tous ceux qui sont prêts à nous aider à le réaliser », arguait-il lors du premier débat entre les candidats, le 13 octobre.

  • Quand on l’interroge sur les raids aériens russo-syriens contre les secteurs d’Alep-Est sous contrôle rebelle, qui ont fait plus de 500 morts et 2 000 blessés depuis le 22 septembre, selon l’ONU, il botte en touche et refuse de parler de « crimes de guerre ». « Il ne faut pas utiliser des mots comme ça, sans pouvoir vérifier », a-t-il affirmé, le 27 octobre, dans « L’Émission politique », sur France 2. La veille, des frappes aériennes sur une école située dans la province d’Idlib (nord-ouest de la Syrie) avaient tué 22 enfants et 6 enseignants, selon l’Unicef.

    François Fillon veut en finir avec « les postures morales », le « politiquement correct » et l’« angélisme ». « Il y a deux camps en Syrie et non pas trois comme on le dit, assurait-il encore le 13 octobre. Le camp de ceux qui veulent mettre en place ce régime totalitaire islamique que j’évoquais tout à l’heure. Et puis, il y a les autres. Moi, je choisis les autres parce que je considère que ce danger-là est trop grave pour la paix mondiale et qu’il nécessite aujourd’hui que nous nous alliions à des gens que nous n’aimons pas ou dont nous n’approuvons pas l’organisation politique et économique. » En d’autres termes : il faut s’allier à Vladimir Poutine et à Bachar al-Assad pour lutter contre l’EI.

    En écartant les rebelles syriens et en proposant une telle alliance, l’ancien premier ministre entérine le fait que les bombardements d’Alep relèveraient de la lutte contre le « totalitarisme islamique ». Et enterre un peu rapidement les conclusions de l’émissaire de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, qui estimait début octobre que sur les quelque 8 000 combattants de la rébellion à Alep, seuls 900 appartiennent à l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, le Front Fateh Al-Cham (anciennement Front Al-Nosra, qui a renoncé cet été à son allégeance à l’organisation d’al-Zawhari). Et se demandait si la présence de ces 900 combattants n’offrait pas à Moscou et Damas un « alibi facile »pour détruire la ville.

     

  • À aucun moment, François Fillon ne prend en compte le fait que la rébellion anti-Assad lutte elle aussi contre l’EI. À Alep, Idlib, Deraa, dans la Ghouta orientale près de Damas, à Hama, Daech a été chassé par la rébellion que François Fillon ignore, quand le régime syrien, lui, pactisait avec l’État islamique pour gagner un peu de répit et maintenir ses positions. De même, un autre chiffre semble échapper à François Fillon : selon le think thank Institute for the study of war, 91 % des frappes russes ne visent pas Daech, mais bien la rébellion… Soutenir les bombardements russes ne mettra pas fin à Daech, mais contribuera encore davantage à renforcer les antagonismes et à prolonger une guerre civile qui dure depuis bientôt six ans. François Fillon et ses conseillers oublient aussi comment ce régime syrien a joué des années durant avec le djihadisme, comment il s’en est servi et comment il en a parfois favorisé l’émergence, avant et après le début de la révolution syrienne.

    Membre de l’équipe de campagne, Thierry Mariani, député LR (ex-UMP) des Français de l’étranger, vice-président du groupe d’amitié France-Russie à l’Assemblée et coprésident de l’association Dialogue franco-russe, s’était pourtant rendu à Damas au printemps dernier, en compagnie de quatre autres députés de l’opposition, dont deux soutiens de Fillon (Valérie Boyer, sa porte-parole, et Nicolas Dhuicq, député de l’Aube). Ensemble, ils avaient rencontré Bachar al-Assad et étaient rentrés en France pour vanter l’intervention russe en Syrie.

  • Cette position, en parfaite contradiction avec celle du gouvernement français, les députés Dhuicq et Mariani l’avaient déjà défendue en novembre 2015, lors d’un précédent voyage à Damas organisé par SOS Chrétiens d’Orient, association créée il y a deux ans et qui se présente comme apolitique mais compte dans ses rangs nombre de figures issues de l’extrême droite. Ses méthodes et son efficacité sont par ailleurs très controversées.

    « Même si elle s’en défend, c’est une association proche des milieux d’extrême droite puisque les deux fondateurs sont d’anciens attachés parlementaires du Front national, précise à Mediapart le père Gollnisch, directeur de l’ONG L’Œuvre d’Orient, fondée il y a 160 ans. Ils se sont fait connaître en envoyant des jeunes Français sur le terrain, de manière parfois imprudente : on n’emmène pas des jeunes en Syrie, un pays en pleine guerre civile, dans des cars de tourisme, comme le fait cette association ! SOS Chrétiens d’Orient entretient par ailleurs des liens avec le régime syrien qui ne sont pas sans poser question. Les chrétiens d’Orient ne doivent pas être ainsi instrumentalisés politiquement. »

    L’ancien premier ministre a fait du soutien aux chrétiens d’Orient l’un de ses marqueurs de campagne. « Bachar al-Assad est soutenu par beaucoup de chrétiens d’Orient, qui considèrent que l’arrivée des sunnites en Syrie serait soit le cercueil, soit la valise », a-t-il encore précisé sur le plateau de « L’Émission politique ». Cette position est pourtant aussi erronée que dangereuse pour les chrétiens d’Orient eux-mêmes. Depuis le début de la guerre, Assad lui-même emploie cette rhétorique et se pose en protecteur des minorités, en particulier des chrétiens. À l’inverse, quarante ans de règne démontrent l’antagonisme constitutif du régime des Assad avec ces mêmes minorités. Estimés à 15 % de la population syrienne en 1970, année où Hafez al-Assad, le père de l'actuel président, a pris le pouvoir, les chrétiens n’en représentent plus que 4 % aujourd’hui.

  • « Dans ce type de régime et d’oppression, les chrétiens comme les musulmans n’ont pas leur place, et ceux qui ont les moyens de partir quittent la Syrie, affirme le chercheur Ziad Majed. Du fait de leur niveau d’éducation un peu supérieur et leur meilleure relation aux langues étrangères, mais aussi en raison de leur plus grande facilité à obtenir des visas, les chrétiens quittent la Syrie. Et cette dynamique a commencé bien avant le début de la guerre en 2011. Assad n’a jamais été un garant pour les minorités. Au contraire, il les a fait fuir. » De 1978 à 2000, Hafez al-Assad n’a par ailleurs eu de cesse de marginaliser les forces politiques chrétiennes libanaises.

 

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25 novembre 2016 5 25 /11 /novembre /2016 12:02

Communiqué de l'USRE, 24 novembre:

UN DÉTAIL DANS LA CAMPAGNE ÉLECTORALE DE FRANÇOIS FILLON ?

L’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE*) apprend que le candidat à l’élection présidentielle François Fillon a déclaré à une antenne de grande écoute :

« Les intégristes musulmans sont en train de prendre en otage la communauté

musulmane. » (…) « Il faut combattre cet intégrisme, il faut le combattre comme

d'ailleurs dans le passé, je le rappelle, on a combattu une forme d'intégrisme

catholique ou comme on a combattu la volonté des juifs de vivre dans une

communauté qui ne respectait pas toutes les règles de la République française ».

Certes, à la suite de l’intervention du Grand Rabbin Korsia, Fillon ou ses porteparole ont affirmé l’appartenance des juifs à la communauté nationale française.

C’est le moins qu’on pouvait en attendre. Mais, à aucun moment les propos

antérieurement tenus n’ont été désavoués.

De quoi parle donc Fillon ? Des émigrés juifs d’Europe centrale, venus pour

s’intégrer dans « le pays de la Liberté et des droits de l’homme » et qui se sont

aussitôt massivement engagés dans l’Armée française pour défendre leur patrie

d’adoption ? Des juifs contraints de porter l’étoile jaune par l’État français ?

De Marcel Rayman, combattant contre l’occupant nazi avec tous ses camarades de la section juive de la MOI avant d’être fusillé avec les autres résistants de l’Affiche rouge par les nazis ? De Charles Lederman, prenant contact avec l’Archevêque de Toulouse, Monseigneur Saliège, ce qui a amené ce dernier à protester en chaire contre les sévices antisémites de l’occupant ? S’agit-il de Vladimir Jankelevitch, prononçant son cours en Sorbonne ou écrivant son magistral « Traité des Vertus » ?

L’UJRE attend de François Fillon qu’il précise de quelle « période passée » il parle et qu’il revienne clairement sur ses propos.

Le Bureau de l’UJRE

24/11/2016

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25 novembre 2016 5 25 /11 /novembre /2016 11:47

25 novembre 2016, journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes

Debout contre les violences faites aux femmes : 18H30 DE BASTILLE A REPUBLIQUE

vendredi 25 novembre 2016

Appel du Collectif pour les droits des femmes :

Nous vivons dans un pays où il y a 86 000 viols par an dont seulement 1,5% sont condamnés. 216 000 femmes sont victimes de violences conjugales, 122 sont mortes en 2015. Stop aux violences faites aux femmes !

Nous vivons dans un pays où on enferme une femme, Jacqueline Sauvage, qui a enduré, ainsi que ses enfants, 47 ans de coups, sévices et viols de la part de son mari et a fini par le tuer. Liberté pour Jacqueline Sauvage !

Nous vivons dans un pays où, par manque de volonté politique, les lois et leur application ne sont pas à la hauteur de l’enjeu que représentent ces violences. Pour une loi cadre contre les violences faites aux femmes !

Nous vivons dans un pays qui a signé et ratifié en 2014 la « Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique » dite Convention d’Istanbul . Cette Convention, que les États doivent obligatoirement transposer dans le droit national, contient des dispositions plus favorables que le droit français. Transposition immédiate dans le droit français de la Convention d’Istanbul !

Nous vivons dans un pays qui a adopté une loi courageuse de lutte contre le système prostitutionnel et pour l’accompagnement des personnes prostituées. Application complète de cette loi, avec des budgets suffisants, notamment pour financer les parcours de sortie du système prostitutionnel !

Nous vivons dans un pays où le gouvernement, pliant devant des intégristes religieux, a supprimé les ABCD de l’égalité qui visaient à lutter contre les stéréotypes de sexe à l’école. Pour une réelle éducation à l’égalité, qui ait les moyens concrets d’être effective et de qualité, obligatoire à chaque niveau du système éducatif !

Nous vivons dans un pays où être lesbienne expose encore à des violences physiques et verbales dans tous les milieux : public, professionnel, familial, amical. Sensibilisation à la lesbophobie dans toutes les actions et campagnes contre les violences faites aux femmes.

Nous vivons dans un pays où l’État consacre 0,05 % de son budget (soit 221,2 millions d’euros) à l’égalité femmes-hommes. Quant à elles , les violences conjugales reviennent à 2,5 milliards d’euros par an ( frais médicaux, de thérapie de justice, police, perte d’emploi, déménagements, etc). Les subventions accordées aux associations qui hébergent et accompagnent les femmes victimes de violences sont rognées constamment. Augmentation du budget du Ministère et des subventions pour que les associations qui remplissent des missions de service public puissent fonctionner !

Nous vivons dans un pays où les discours populistes et réactionnaires augmentent et veulent faire croire que fermer les frontières suffirait à arrêter les violences faites aux femmes ; dans un pays dont le gouvernement a déclaré ne vouloir recevoir en 2 ans que 30 000 exilé-e-s qui fuient la guerre, les persécutions et la terreur, notamment de Daesh en Syrie. Halte aux mensonges, aux amalgames et à la stigmatisation ! Bienvenue aux exilé-e-s !

Nous vivons dans un pays qui participe à des conflits armés engendrant tueries, violences sexuelles, viol utilisé comme arme de guerre, enlèvements, trafic sexuel, déplacements massifs et forcés, accroissement de la pauvreté, etc. Priorité aux cessez-le-feu, aux pourparlers de paix et à la participation des femmes aux processus de paix !

Nous vivons dans un pays où, malgré les grands principes d’égalité femmes/hommes, inscrits dans tous les textes fondamentaux , dont tout le monde se félicite, sévissent toujours domination patriarcale, inégalités et violences.

Au pays des « droits de l’homme » et de l’égalité, on frappe, on viole, on tue tous les jours.

Pour que le pays des droits de l’Homme devienne enfin, aussi, le pays des droits des femmes !

Premiers signataires : Collectif National pour les Droits des Femmes, Actit, Agir Ensemble contre le Chômage, Alliance des femmes pour la démocratie, Alternative Libertaire, Amicale du Nid, APEL-Egalité, Association de Solidarité avec les Femmes Algériennes démocrates, Association nationale des études féministes, Attac France, Centre LGBT Paris Ile de France, CGT, Chiennes de garde, Collectif 20è Tenon/ivg, Collectif Faty KOUMBA : Association des Libertés, Droits de l’homme et non-violence et Association Pan-africaniste des droits civiques des Femmes, Collectif féministe contre le Viol, Collectif féministes pour l’égalité, Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et la Contraception, Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes, Coordination lesbienne en France, Culture égalité, association féministe de Martinique,DIDF ( Fédération des association des travailleurs-ses et des jeunes issue de l’immigrationn de Turquie), les effronté-e-s, Ensemble !, Fédération Syndicale Unitaire, Fédération Nationale Solidarité Femmes, Femmes égalité, Femmes libres – Radio libertaire, Femmes migrantes debout, Femmes pour le Dire Femmes Pour Agir, Femmes solidaires, Gender Company, Ligue des femmes iraniennes pour la Démocratie, Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté, Mémoire traumatique et victimologie, Maison des Femmesde Paris, Maison des Femmes Thérèse Clerc Montreuil, Marche Mondiale des Femmes , Osez le féminisme !, Parti de Gauche, PCF, Réseau Féministe « Ruptures », Réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées, SKB Union des Femmes Socialistes Turquie,, SNPES-PJJ-FSU, SOS Femmes Alternative-Centre Flora Tristan, Union nationale des retraités et des personnes âgées, Union Syndicale Solidaires.

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24 novembre 2016 4 24 /11 /novembre /2016 20:30
CICE: la (vraie) France des assistés! (Fakir - 21 novembre 2016)
CICE : LA (VRAIE) FRANCE DES ASSISTÉS !

PAR BAPTISTE LEFEVRE, FRANÇOIS RUFFIN 21/11/2016 PARU DANS LE FAKIR N°78 - EN KIOSQUE) DÉCEMBRE 2016 - JANVIER 2017

 

Vingt-deux milliards. 22 000 000 000. C’est un métier, que de faire sentir l’énormité d’un chiffre comme ça. Que ça ne reste pas une abstraction 
avec plein de zéros. Que ça prenne corps, un peu, jusqu’à chez vous.

Je serais informaticien, là, je fabriquerais un « convertisseur de CICE ».
Vous entreriez le nom d’un métier.
« Infirmier », par exemple.
C’est la débâcle dans les hôpitaux, on le sait tous, les patients qui attendent des nuits aux « urgences », d’autres où le personnel apporte son propre papier toilette, les établissements parisiens qui épuisent leurs salariés, bref, une Sécu au bord de la crise de nerfs.
Donc, embaucher des « infirmiers », qui est contre ?
J’ai regardé sur « infirmiers.com », c’est environ 1 828 € brut en début de carrière, allez, 2 000, soit 32 000 par an avec les cotisations patronales.
En bien, ça fait 625 000 infirmiers.
Voilà ce qu’on pourrait recruter avec les vingt milliards du CICE.
Mais vous avez raison : il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Avec mon convertisseur ultra-perfectionné, chacun pourrait se faire un mix à lui, ses embauches idéales : instits, animateurs pour le périscolaire, auxiliaires pour les vieux, cheminots, inspecteurs du travail, contrôleurs des impôts, etc.
Cette manne, ces vingt milliards, constitueraient un vrai bol d’air pour le tissu social, pour des services publics aujourd’hui sous asphyxie. Alors que là, ils n’ont servi à rien ou presque…

Vous saisissez, maintenant, l’énormité de ces vingt milliards ?
Il faut vous l’écrire en chiffres, peut-être, avec tous les zéros ?
20 000 000 000 ?
Non ?
Ça ne vient toujours pas ?
Alors, je vais convertir en autre chose.
En ministères.
J’ai consulté le budget de l’Etat pour 2016.
Le coût du CICE c’est, pour cette année :
7,3 fois le budget de l’ « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (2,7 milliards).
7,3 fois aussi le budget de la « Culture » (2,7 milliards).
2 fois le budget de l’ « Ecologie, développement et mobilité durables » (9,1 milliards).
2,4 fois le budget de la « Justice » (8,2 milliards).
33,3 fois le budget de « Sport, jeunesse et vie associative » (0,6 milliard).
36 fois le budget des « Médias, livres et industries culturelles ».
50 % du budget de la « Défense » (39,6 milliards).
30 % du budget de l’ « Enseignement scolaire » (67 milliards).
Vous le pigez, désormais, que c’est du lourd, ces vingt milliards ? Que ça peut rebattre les cartes complètement ? Qu’un gouvernement qui dirait : « Bam, notre priorité, c’est l’Ecologie », d’un coup d’un seul, il pourrait en tripler le budget, avec ces vingt milliards… et avec des effets sans doute plus significatifs sur l’emploi !

Il faut mesurer ici le paradoxe.
Le gouvernement (« les gouvernements », on devrait dire, tant l’alternance ne change pas grand-chose à ces choix politiques), le gouvernement compte sur un « effet de levier ». En gros, en donnant un euro d’aide au privé, ça va démultiplier les énergies, et à force d’investissements, d’embauches, de croissance, de tout ça, à la fin, ça fera des petits, ça produira dix euros dans le PIB.
Mais on assiste à l’inverse : l’effet de levier est remplacé par une évaporation. Chaque euro mis dans la machine devient dix centimes à l’arrivée. « Reconstitution de leurs marges » oblige... Ah qu’en termes galants ces choses-là sont mises ! En moins codé, ces subventions sont passées par profits et profits, se muent en dividendes pour les actionnaires, ou en rétributions pour les patrons.
Ainsi, par exemple, de Carrefour (le premier bénéficiaire privé, derrière La Poste et la SNCF) : 120 millions de CICE. De quoi soutenir l’envolée des dividendes : + 25 % depuis 2012, 517 millions d’€, soit 62 % des bénéfices. De quoi aider aussi un nécessiteux, le PDG, dont le salaire double, de 3,7 à 7 millions d’€.
Ainsi, également, de Casino, qui touche 97 millions de CICE et qui réduit ses « frais de personnel » d’à peu près autant. Tandis que la « rémunération des dirigeants », elle, ne connaît pas la crise : +12,5 % entre 2014 et 2015.
Ainsi, enfin, pour conclure le tiercé de la grand distrib’, de Auchan : 88 millions d’€ de CICE. Les dividendes versés à la famille Mulliez ont quasiment triplé : 200 millions en 2015, contre 67 en 2014.

Sa marge de manœuvre budgétaire, François Hollande l’aura donc consacrée à ça.
A rien.
Mais c’est à cela, justement, qu’on découvre la puissance d’un dogme : qui va songer, aujourd’hui, à stopper cette mesure ?

***

Notre dossier sur la France des assistés est à lire intégralement dans Fakir n°78, actuellement en vente sur notre boutique et dans les kiosques !

CICE: la (vraie) France des assistés! (Fakir - 21 novembre 2016)
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24 novembre 2016 4 24 /11 /novembre /2016 20:07
Chez Véolia, le banquet des fauves (Martine Orange - Médiapart- 24 novembre 2016)
Chez Veolia, le banquet des fauves
 PAR MARTINE ORANGE

Deux dirigeants de la branche Eau de Veolia France sont devenus actionnaires d’une société luxembourgeoise après lui avoir confié un énorme contrat: le traitement des paiements de toutes les factures d’eau du groupe. Ils espéraient revendre par la suite cette société 200 millions d’euros au minimum. À Veolia de préférence.

 

La  machination était censée ne jamais venir au grand jour. Comment imaginer un tel dévoiement au sein de Veolia ? Alors que le groupe a supprimé plusieurs milliers d’emplois dans l’activité Eau au cours des quatre dernières années, et lancé un programme d’économies de plus de 600 millions d’euros, deux des plus hauts responsables de l’activité de la branche Eau travaillaient surtout à leur enrichissement, en utilisant les moyens financiers, les clients, la réputation du groupe pour leur seul profit personnel.

Dans la plus grande discrétion, ces dirigeants sont devenus actionnaires, avec une poignée d’acolytes, d’une toute petite structure basée au Luxembourg, Olky Payment Service Provider. Une société qu’ils venaient justement de choisir pour lui confier un énorme contrat : le traitement de tous les paiements des factures d’eau des abonnés de Veolia en France ! 

Cette plateforme, qui gère en particulier les paiements par TIP (titre interbancaire de paiement), a une technique particulière : elle  représente automatiquement les factures impayées auprès des banques et peut mettre en place des paiements fractionnés. Un huissier des temps modernes en quelque sorte.

Ce système est censé lutter contre les impayés, de plus en plus importants dans la gestion des services d’eau. Non pas parce que la pauvreté sévit de plus en plus en France, à entendre les grands concessionnaires d’eau (Veolia, Suez environnement, Saur), mais en raison de la loi Brottes, votée en 2013. Celle-ci, selon eux, serait une incitation à ne pas payer puisqu’elle institue un droit minimum à l’eau et interdit toute coupure définitive. Vent debout contre ce texte, les concessionnaires d’eau réclament désormais que les municipalités prennent à leur charge une partie des factures impayées, au titre de l’aide sociale.

Pendant ce temps, les deux dirigeants de la branche Eau avaient tout mis en place pour engranger les bénéfices. Avec l’espoir de faire une culbute encore plus grande dans un délai assez bref. Car le but était de revendre l’ensemble de la société au groupe, ou à d’autres, le plus rapidement possible. Le prix de revente avait déjà été fixé entre les différents actionnaires : 200 millions d’euros minimum ! 

200 millions d’euros ! La cupidité des dirigeants est décidément devenue sans limite. Depuis des années, la chronique des affaires de rémunération et d’enrichissement personnel dans le monde patronal ne cesse de s’étoffer.  Mais cette affaire traduit un degré supplémentaire dans l’effondrement moral, l’absence de toute éthique, de tout scrupule. Avec un sentiment complet d’impunité, ces dirigeants se sont appuyés sur leurs connaissances, ce petit monde de réseaux, de combines, d’entre-soi qui fait si souvent la marque du capitalisme français, pour monter leur machination. L’argent emportant tout.

L’affaire paraît avoir été pensée et orchestrée de longue date. Car tous les engrenages du mécanisme s’emboîtent en un temps record. Les sociétés nécessaires sont créées au moment voulu. Tout le monde semble jongler avec aisance dans l’opacité de la finance discrète et des paradis fiscaux.

Tout commence en 2014. Alain Franchi vient juste d’hériter de la responsabilité de l’activité Eau en France. Parachuté de l’extérieur en juillet 2013 pour la restructurer, ce responsable est présenté comme un manager de crise. Il est surtout le bras de droit de Serge Michel, parrain du BTP depuis plus de trente ans, qui a fait la pluie et le beau temps dans les conseils d’administration de Vinci et de Veolia (voir « Alain Minc m’a tuer »). Selon Challenges, c’est Serge Michel qui aurait imposé, en contrepartie du maintien d’Antoine Frérot à la présidence du groupe (voir notre enquête ici), la nomination de son plus proche collaborateur à la tête de la branche Eau, l’activité stratégique de Veolia. Ce qui nous a été confirmé par plusieurs sources.  Le groupe dément toute interférence de Serge Michel dans cette nomination. Les relations entre Serge Michel et Alain Franchi seraient distendues ces derniers temps, dit-on. Ils continuent cependant de partager au moins sept sociétés ensemble.

Alain Franchi connaît Olivier Boyadjian. Cet ancien de la Caisse des dépôts – il dirigeait l’équipe d’investissements de CDC Capital investissements – est responsable désormais du fonds d’investissement HIG Capital en France. Il est lui aussi présenté comme un « manager de crise ». Son fonds a repris notamment les actifs de l’usine Molex, mise en faillite par sa maison mère en 2009, des usines (ex-Pechiney) vendues par le groupe Rio Tinto en France ou des parcs de la Compagnie des Alpes.

Selon nos informations, c’est Olivier Boyadjian qui aurait parlé le premier de la société Olky Payment Service Provider à Alain Franchi. « En juillet 2014 », précise Franck Rouayroux, le dirigeant de la société luxembourgeoise dans un mail, en réponse à nos questions. Olivier Boyadjian n’a pas retourné notre appel(voir la Boîte noire).

Conseiller cette société à un groupe comme Veolia est des plus étonnants. Car des plateformes de paiement, il en existe des dizaines bâties sur le même modèle et qui ont pignon sur rue. Pourquoi recommander une obscure société, basée au Luxembourg, et qui n’a quasiment aucune référence dans ces métiers ? Créée en 2011, elle n’est d’abord qu’une filiale conçue dans le prolongement d’une des activités de sa maison mère, Olky International Holding : la location de scooters.

La maison mère n’est pas plus rassurante. C’est une holding financière qui n’a guère de surface. Elle a été créée en 1998 par des fonds basés aux îles Vierges britanniques et dans l’île de Niue, un des paradis fiscaux les plus opaques – un des trusts qui figurent parmi les actionnaires fondateurs d’Olky International se retrouve d’ailleurs dans les Panama papers. Puis elle a été rachetée, semble-t-il, par Franck Rouayroux, un ingénieur français installé au Luxembourg en 2000.

Pendant toutes ces années, la holding financière vivote. Elle a des activités dans la vente d’articles de sport, la location de scooters et surtout de voitures de luxe, cette dernière activité semblant avoir été un puissant ciment entre la société et ses clients. Tout va petitement, jusqu’à ce que les autorités luxembourgeoises de contrôle lui donnent un agrément bancaire en 2013. Ce qui lui permet de travailler dans toute l’Europe.

Un tour de table sur mesure

Sur quelles bases les autorités de contrôle luxembourgeoises ont-elles pu accorder un tel agrément à une plateforme de paiement qui n’a aucune surface financière affichée, aucune référence ? Mystère. « Olky Payment a développé une usine de traitement d’opérations SEPA (Système d’Information Bancaire appelé SIO4), dont la particularité repose sur le développement de fonctionnalités novatrices permettant d’améliorer significativement les chances de recouvrement des créances impayées pour les créanciers. Cette solution opérationnelle dès 2014 a permis à Olkypay d’être reconnue comme l’une des Fintechs les plus innovantes, récompensée à plusieurs reprises en France et au Luxembourg », nous a répondu son dirigeant Franck Rouayroux. Atteint d’une brusque « extinction de voix », il a préféré nous répondre par mail.

Comment Veolia peut-il se laisser convaincre de confier à une société basée au Luxembourg tous les abonnés de ses concessions d’eau en France payant par TIP, alors qu’elle a comme seuls clients connus le groupe Beaumanoir (prêt-à-porter) et la caisse sociale de Monaco ? Encore plus mystérieux. La société semble avoir eu des arguments convaincants. Un mois à peine après avoir été présentée, elle signe dès le début août un accord d’agrément avec Veolia. Olky Payment s’engage à lui « fournir des services de paiement ». Le 22 décembre 2014, le directeur général de Veolia Eau, Alain Franchi, signe un contrat définitif, confiant pour sept ans à la société luxembourgeoise le traitement de l’ensemble de la facturation par TIP de ses services délégués sur le territoire français, à l’exception des eaux de Marseille et du grand Lyon.

D’un seul coup, c’est un flux de 3 à 5 milliards d’euros par an assuré pour la société. Une vraie manne pour la toute petite entreprise. D’autant que Veolia accepte de prendre à sa charge tous les frais de développement (près de 2 millions d’euros) pour lui permettre de gérer sa facturation. Le groupe lui promet aussi son soutien et son nom pour proposer« une offre de service [de la plateforme – ndlr] à d’autres distributeurs d’eau et à d’autres secteurs d’activité ». Les offices d’HLM sont particulièrement visés.

« J’ai été informé qu’il y avait un transfert de notre facturation vers une société au Luxembourg. Mais cette opération m’a été présentée comme un simple recours à un prestataire extérieur pour aider nos services », reconnaît le PDG, Antoine Frérot. Pour lui, il n’y avait pas de raison de s’attarder beaucoup plus sur ce dossier : ce n’était qu’un contrat de sous-traitance qui ne justifiait pas d'aller voir plus loin.

En coulisses, pourtant, différentes personnes s’agitent beaucoup. Brusquement, des « investisseurs » veulent en être et participer au formidable succès à venir de cette société totalement inconnue. L’affaire, il est vrai, s’annonce prometteuse. Dès la première année du contrat Veolia, Olky Payment a réalisé quelque 6 millions d’euros de profit pour un chiffre d’affaires d’environ 13 millions d’euros. Des marges dignes de celles du secteur du luxe.

Le 11 mars 2015, lors d’une assemblée générale extraordinaire visant à acter une augmentation de capital de 1,2 million d’euros (pour le porter à 2,2 millions), de nouveaux actionnaires font leur apparition. On y retrouve Olivier Boyadjian, qui a permis de décrocher le contrat avec Veolia. Mais celui-ci ne passe pas par son fonds d’investissement. Il préfère investir à titre personnel avec sa femme, devenant le troisième actionnaire, derrière ceux qui possèdent 20 % du capital.

Avec lui arrivent des noms connus ailleurs : Didier Lombard, ancien PDG d’Orange, Jean-Yves Durance, vice-président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris ; François Drouin, président du tunnel du Mont-Blanc ; Guy Tavenaud, ancien banquier chez Lazard. Ils arrivent souvent avec leur femme et pour des montants modérés (autour de 50 000 euros).

Comment ont-ils découvert cette société ? « Par des contacts normaux. C’est une fintech », nous a répondu François Drouin avant de couper court à la conversation. « Par l’intermédiaire de gens que je connaissais », a ajouté Jean-Yves Durance, avant de préciser qu’il n’avait « aucune intention de répondre » à nos questions. Aucun des autres n’a retourné nos appels. Olivier Boyadjian « s’est chargé d’organiser le tour de table des nouveaux entrants qu’il représente. Parmi ceux-ci se trouvent beaucoup de financiers ou ex-banquiers, séduits par le caractère innovant des solutions apportées par Olkypay dans un secteur qui leur était bien connu et qui s’est ouvert à la concurrence après la transposition de la Directive des Services de Paiement (DSP) », nous a répondu le dirigeant d’Olky Payment. S’il fallait trouver un autre point commun entre eux, la plupart entretiennent une grande proximité avec la Caisse des dépôts, dont le nom est malheureusement trop souvent cité dans des affaires obscures.

Mais une autre entité discrète prend aussi une participation significative (10 % du capital) à l’occasion de ce nouveau tour de table : Digital Transaction Services. Le dirigeant de cette société suisse n’est autre que Jean-Philippe Franchi, le frère du directeur général de Veolia Eau, Alain Franchi ! Il travaille lui aussi pour la branche Eau du groupe. Tout cela, bien sûr, n’est que pur hasard et ne pose aucun problème de conflit d’intérêts, ni d’abus de confiance.

À la suite de nos questions sur cette présence inattendue, Alain Franchi nous a fait parvenir la réponse écrite suivante : « Cette opération a été réalisée sans que j’en aie été informé. J’ai été informé de la prise de participation de Jean-Philippe dans cette société il y a environ un mois. J'ai immédiatement souhaité analyser les éventuels conflits d'intérêts qui se poseraient. Je n’avais pas encore toutes les réponses lorsque vous avez contacté le groupe Veolia. » Bref, il a découvert le pot aux roses juste avant notre enquête, mais n’avait pas encore pris la peine d’en informer le président du groupe, Antoine Frérot.

Comment le croire ? Car la prise de participations de Digital Transaction Services a vraiment des allures d’opération d’initiés. L’enchaînement, en tout cas, est parfait. Dès que le contrat entre Veolia et Olky Payment est signé, le 22 décembre 2014, la procédure pour créer la société Digital Transaction Services est lancée. Le 23 janvier 2015, elle fait enregistrer ses statuts fondateurs à Neuchâtel (Suisse). L’objet de la société est de concevoir et développer des solutions informatiques, mais aussi de prendre des participations dans des sociétés en Suisse ou à l’étranger. Elle entre au capital de Olky Payment le 11 mars.

Un pacte d'actionnaires en or

Le tour de table, toutefois, ne sera vraiment complété qu’en novembre 2015. Le 30 novembre 2015, la maison mère de la plateforme de paiement, Olky International Holding, qui se renommera à cette occasion Utoky International Holding, tient une nouvelle assemblée générale extraordinaire. Celle-ci doit entériner l’arrivée d’un nouvel actionnaire, la société Gaway.

En matière d’argent, l’imagination est toujours au pouvoir : l’entrée de cette nouvelle société se fait par le biais d’une seule « action traçante ». Un concept jusqu’alors totalement inconnu. Cette seule action, comme l’explique le procès-verbal de l’assemblée, donne le droit à « 21,7391 %[quatre chiffres après la virgule !] de toutes les performances et revenus des actions par la holding dans Olky Payment (…) ainsi que du produit de la vente de tout ou partie des actifs désignés ». En résumé, grâce à cette seule action, l’actionnaire qui la détient s’octroie 6 % des profits ou du prix de cession de Olky Payment Service Provider. Cette action est souscrite par la société Gaway, logée à Montbrison (Loire). Une société totalement inconnue mais qui semble particulièrement bien informée.

Mais pourquoi utiliser un mécanisme si compliqué en multipliant les sociétés écrans ? Le secret, de fait, s’imposait : le véritable propriétaire de cette société est Philippe Malterre, le directeur général adjoint de Veolia Eau France. L’homme est un des piliers de Veolia. Il est entré dans le groupe il y a plus de trente ans, du temps où celui-ci s’appelait encore la Générale des eaux et était présidé par Guy Dejouany. Philippe Malterre n’a pas retourné notre appel.

Ainsi, dans le plus grand secret, au mépris de toutes les règles, deux responsables de la branche Eau sont actionnaires directs dans une société prestataire du groupe, portée à bout de bras par Veolia, et espèrent en tirer un profit personnel. Et pas seulement dans la gestion quotidienne.

Car les actionnaires qui sont arrivés au capital d’Olky Payment tout de suite après que cette dernière a décroché le contrat avec Veolia sont de vrais entrepreneurs ! Le jour même où ils sont entrés au capital, ils ont signé un pacte d’actionnaires dont l’objet quasiment unique est de prévoir les conditions de sortie. Il est notamment prévu que tous devront céder leurs titres « si la société reçoit une offre d’achat au moins égale à 7 fois l’Ebitda (résultat brut d’exploitation) et que celle-ci est présentée pour un prix minimum de 200 millions d’euros » !

Franck Rouayroux minimise aujourd’hui la portée de ce pacte et des engagements écrits qui ont été pris. Le pacte d’actionnaires a surtout pour but, selon lui, « de réguler les relations entre les différents actionnaires et de prévoir les conditions de sortie pour ne pas léser les minoritaires. Il prévoit notamment un montant minimal de rachat de la société Olkypay en-deçà duquel seule l’unanimité des voix est requise pour autoriser une cession ».

Les actionnaires ont-ils déjà en tête un repreneur, quand ils signent cet acte ? À qui pensent-ils ? Qui peut mettre 200 millions d’euros sur la table pour une telle société ? Un fonds d’investissement comme celui dirigé en France par Olivier Boyadjian ? Peut-être. Mais sans doute plus Veolia, objet de toutes les attentions des actionnaires puisque le pacte prévoit un comité de pilotage pour suivre spécialement le contrat avec le groupe.

« Il n’existe aucun engagement de la part de Veolia sur un éventuel rachat. Il n’y a pas non plus de projet de cession à court terme », assure Franck Rouayroux. Pourtant, une note d’honoraires de l’avocat d’Olky Payment, par ailleurs actionnaire lui aussi de la société par la biais de la société Appia, Nicola di Giovanni, fait mention de l’existence d’une lettre d’intention de Veolia.

Et puis, il y a ce bruit de fond. À partir du moment où la société a décroché le contrat Veolia, celle-ci se lance dans la recherche de prix et d’articles de presse, comme s’il y avait urgence à se faire connaître. De son côté, Veolia fait quelques déclarations, disant penser à l’avenir se développer dans les activités high-tech et peut-être racheter quelques sociétés de haute technologie. Aujourd’hui, Veolia assure qu’il n’a jamais été question de racheter de telles sociétés et en tout cas, jamais à ce prix-là. Le groupe précise qu’une acquisition d’un tel montant doit être obligatoirement soumise au conseil d’administration du groupe et obtenir son approbation. Bref, selon lui, il n’y avait aucun moyen de lui faire racheter la société en douce.

Lorsqu’il a été informé de cette affaire, Antoine Frérot, le PDG de Veolia, n’y a pas cru. Puis devant l’accumulation des preuves, il a bien fallu se rendre à l’évidence : Veolia Eau était victime d’une fraude massive de la part de certains de ses dirigeants. « Eu égard aux éléments que vous avez portés à notre connaissance, nous avons décidé de lancer un audit interne portant sur l'opération incriminée, et plus largement sur toutes les sociétés de spécialité de Veolia Eau France. Cet audit sera réalisé en coopération avec les avocats du Groupe. Deux collaborateurs sont concernés par ces allégations. Ils ont fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire, afin de permettre le bon déroulement de l'enquête interne. À l'aune des résultats de l'enquête, Veolia prendra toutes les mesures qui s'imposeront », nous a-t-il dit dans une déclaration officielle.

La fraude était-elle détectable avant ? Aujourd’hui, la bonne affaire espérée semble en tout cas éventée. Il y en a peut-être d'autres construites sur le même modèle dans le groupe. Il reste de tout cela un goût de cendres devant tant de cupidité, d’effondrement moral, de collusion affairiste. Comme si les métiers de l’eau n’arrivaient jamais à se sortir de leur passé, de cette culture de la corruption.

 

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24 novembre 2016 4 24 /11 /novembre /2016 19:59
Fidèles, sarkozystes, droite extrême: les soutiens empoisonnés de Fillon
 PAR ELLEN SALVI

En devenant le favori de la primaire de la droite et du centre, François Fillon a vu revenir dans son escarcelle toute une série d’élus qui le méprisaient il y a encore quelques semaines. Parmi eux, beaucoup de sarkozystes, mais aussi plusieurs figures de la droite extrême, séduites par son discours ultraconservateur. À ses côtés, elles entendent relancer dès 2017 la vieille antienne de la « fusion des droites ».

 

François Fillon a plein de nouveaux amis. Ils le suivent partout, envahissent les plateaux de télévision pour prêcher sa bonne parole et arrosent les réseaux sociaux de hashtags à la gloire du nouveau favori de la primaire de la droite et du centre. Mardi 22 novembre au matin, à la Maison de la chimie à Paris, les nombreux parlementaires qui le soutiennent depuis toujours (Gérard Larcher, Bruno Retailleau, Jérôme Chartier, Valérie Boyer, Jean-François Lamour…) frayaient avec plusieurs sarkozystes ayant suivi le choix de leur champion déchu. Depuis qu’il est arrivé largement en tête du premier tour, avec 44,1 % des suffrages exprimés, l’ancien premier ministre a vu revenir dans son escarcelle toute une série d’élus qui le méprisaient il y a encore quelques semaines.

Au meeting qu’il a tenu à Lyon mardi soir, on a ainsi pu apercevoir au premier rang le président par intérim de LR Laurent Wauquiez, mais aussi Bruno Le Maire, candidat malheureux à la primaire, qui avait pourtant juré ses grands dieux qu’il ne se rallierait à personne pour le second tour. Le député de l’Eure fait également partie des 215 parlementaires qui ont publié ce jeudi une tribune dans laquelle ils déplorent les critiques qu’Alain Juppé a adressées à François Fillon ces derniers jours. Parmi la liste interminable des signataires, figure également toute une série d’élus qui avaient tourné le dos à l’ancien premier ministre et sont aujourd’hui contraints de faire preuve d’une souplesse exemplaire pour s’attirer de nouveau ses faveurs.

« On a eu des coups de fil dégoulinants, affirme un membre historique de l’équipe de campagne. C’est fou le nombre de gens qui n’ont pas de dignité. Courtisan un jour, courtisan toujours… » Dans le viseur des fillonistes, on trouve notamment Pierre Lellouche, qui passait de caméras en micros, mardi matin. Longtemps proche de Fillon, le député de Paris avait créé la surprise fin août en se ralliant à Nicolas Sarkozy. « C’est le traître permanent, s’agace un parlementaire soutien de l’ancien premier ministre. Il a même réussi à envoyer un long texto à François pour lui assurer qu’il avait toujours été filloniste et que ses prises de position l’avaient sans doute beaucoup aidé avant qu’il ne parte chez Sarko... »

 

Éric Ciotti a lui aussi fait grincer quelques dents. Jusqu’alors farouche soutien de l’ex-chef de l’État, le député des Alpes-Maritimes a immédiatement proposé ses services « pour emmener François ici ou là, pour l’accompagner dans des visites », indique un autre membre du premier cercle. « Lui, il rêve tellement d’être ministre de l’intérieur qu’il se vendrait à Hollande s’il le fallait », s’amuse encore un parlementaire filloniste. Mais le soutien le plus incroyable reste celui de Rachida Dati qui, après avoir traité Fillon de tous les noms –« déloyal », « désagréable », « petit ingrat », « mal élevé », etc. –, a fini par annoncer qu’elle voterait pour lui. « J’ai toujours été légitimiste. Je veux que ma famille politique gagne », a-t-elle expliqué sur Europe 1.

L’entourage de Nicolas Sarkozy est l’une des clefs de son échec. Depuis plusieurs années, l’image dégradée des Christian Estrosi, Nadine Morano et Brice Hortefeux n’a cessé de nourrir l’antisarkozysme. Les juppéistes l’ont bien compris, eux qui communiquent depuis dimanche sur le sujet. « Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est la reconstitution de l’équipe Fillon-Sarkozy qui nous a dirigés de 2007 à 2012 », a glissé le maire de Bordeaux au 20 heures de France 2, regrettant « ce tandem qui se reconstitue » et qui, à son sens, « montre bien l’orientation du programme de François Fillon ». « Il a été mon ministre. En votant pour lui, les gens ont voté un peu pour mon bilan », s’est d’ailleurs consolé Nicolas Sarkozy, cité par Le Parisien.

Si tout le monde reconnaît que l’ex-chef de l’État n’a pas franchement attaqué son ancien « collaborateur » pendant la campagne, réservant l’essentiel de ses coups à Alain Juppé, nul ne peut oublier les tensions qui ont dominé la relation des deux hommes jusqu’ici. De la présidence de l’UMP en 2012 à l’affaire Jouyet, le tandem a bien des fois vacillé. « Fillon, je le veux à terre et sans oxygène », aurait même lancé Sarkozy, en pleine affaire des pénalités financières de l’UMP. De son côté, l’ancien ministre a multiplié les allusions à peine voilées aux problèmes judiciaires de son adversaire, se présentant comme le Monsieur Propre du scrutin.

Sur Twitter, les mêmes qui défendent aujourd’hui Fillon face à l’offensive de Juppé lui tombaient dessus il y a encore quelques mois. Pour certains sarkozystes historiques, ce soutien était d’ailleurs loin d’aller de soi, comme le prouve cette conversation entre le président du comité d’organisation de la primaire Thierry Solère et le sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi, enregistrée à leur insu quelques jours avant le premier tour :

Dans l’équipe de campagne historique de François Fillon, personne n’est dupe. « Il y a des gens dans l’entourage de Sarkozy que nous ne voulons pas voir, tranche le député du Loiret Serge Grouard, qui a chapeauté le projet de l’ancien premier ministre. Certains devraient avoir davantage de retenue, un peu plus de décence. » Pour autant, tous estiment que le « rassemblement sera nécessaire » après le 27 novembre. Un rassemblement qui inclura forcément des personnalités issues de toutes les écuries LR, mais pas seulement. Car en captant « toutes les composantes de ce qu’on appelle les droites profondes », pour reprendre les mots du chercheur Simon Labouret, Fillon a ramené dans son giron plusieurs figures de la droite extrême.

Pour la « fusion des droites »

Parmi ceux qui ont clairement affiché leur soutien à l’ancien premier ministre, apparaissent notamment Charles Million et Charles Beigbeder, cofondateurs de L’Avant-Garde, un « réseau collaboratif d’action politique », qui n’exclut pas l’idée d’une alliance électorale entre LR et le FN. Le 16 octobre dernier, les deux hommes s’affichaient dans le cortège de La Manif pour tous aux côtés du maire de Béziers Robert Ménard, du président de Souveraineté, identités et libertés (SIEL) – un parti associé au FN – Karim Ouchikh, et du patron du RPF Christian Vanneste, qui a lui aussi décidé de rejoindre Fillon, « l’homme d’une révolution conservatrice ».

Tout ce petit monde a commencé à se côtoyer en 2013 au sein des manifestations anti-mariage pour tous, auxquelles Fillon n’a jamais participé, estimant que « les hommes politiques doivent être dans l’action, pas dans la protestation », mais qu’il a toujours soutenues. Leur candidat naturel pour la primaire aurait dû être le président du Parti chrétien-démocrate (PCD, fondé par Christine Boutin), Jean-Frédéric Poisson, qui a toujours été très ferme sur la nécessité d’abroger la loi Taubira, là où l’ancien premier ministre se propose “simplement” de la réécrire. Poisson et Fillon figuraient d’ailleurs aux côtés de personnalités de la droite extrême, sur la pétition du collectif Vos Couleurs, lancée début octobre pour réclamer la « fusion des droites ».

Autre figure de cette droite qui entend rassembler la sensibilité de Marion Maréchal-Le Pen au sein du FN, l’eurodéputé Aymeric Chauprade a lui aussi affirmé qu’il voterait pour l’ancien premier ministre au second tour de la primaire. Ancien proche de Philippe de Villiers, en rupture avec le parti de Marine Le Pen dont il était encore conseiller aux affaires internationales en 2015, l’élu a même indiqué à L’Express sa volonté de se mettre « à la disposition de François Fillon » pour mieux « bloquer l’accès du second tour de la présidentielle à Marine Le Pen ». Avec de solides réseaux russes, qui dépassent la géopolitique, Chauprade a le profil parfait pour séduire le russophile Fillon.

Sans surprise, Patrick Buisson, ancien conseiller sulfureux de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, a lui aussi apporté son soutien au député de Paris qui incarne à ses yeux « une révolution conservatrice ». « Alain Juppé sera très probablement battu dimanche soir, il représentait cette tradition de cette droite qui ne s’assume pas, a assuré l’inspirateur de l’ultradroitisation sur Europe 1, jeudi matin. Cette hypothèque qui pesait sur la droite est en train de sauter, c’est en cela que, dans l’histoire des idées, c’est un moment 

Au sein de la cathosphère, le choix de soutenir Fillon n’est pas allé de soi, certains pointant notamment ses « ambiguïtés » sur l’adoption par les couples de même sexe. Mais qu’importent les querelles du premier tour, puisque Jean-Frédéric Poisson a lui aussi logiquement annoncé qu’il se ralliait au député de Paris. « J’ai toujours dit que le projet d’Alain Juppé était extrêmement technocratique, fondé sur l’idée d'une France multiculturelle que je refuse et très fédéraliste, pour ne pas dire mondialiste, sur le plan économique, a-t-il expliqué dans Le Figaro. Le projet de François Fillon, lui, a intégré un certain nombre d’éléments essentiels. Donc, je le soutiens pour que son projet l’emporte sur celui d’Alain Juppé. »

Revendiquant une forme de réalisme, le mouvement Sens commun, émanation politique de La Manif pour tous, a tout de même choisi de faire campagne pour Fillon. Tout comme Frigide Barjot, l’égérie des anti-mariage pour tous, séduite par les atermoiements de l’ancien premier ministre sur la question de l’avortement, mais aussi par ses prises de position contre la gestation pour autrui (GPA) et la procréation médicalement assistée (PMA). Face à un Alain Juppé jugé « un peu mou et pas net sur les questions sociétales », Sens commun a préféré « l’honnêteté de François Fillon et son combat pour les valeurs », expliquait à Mediapart la porte-parole du collectif, Madeleine de Jessey, quelques jours avant le premier tour.

La jeune femme a beaucoup œuvré pour mobiliser les réseaux de la cathosphère derrière la candidature de l’ancien premier ministre. En réunion publique, « à chaque fois qu’elle a pris la parole, c’était mesuré », tient à préciser le député de Paris Jean-François Lamour. Mardi soir, à Lyon, elle était encore au premier rang du meeting, aux côtés du président par intérim de LR, Laurent Wauquiez. Fin mai, la même Madeleine de Jessey posait tout sourire, dos à dos avec Marion Maréchal-Le Pen, en couverture d’un numéro de l’hebdomadaire Famille chrétienne titré« Les Frondeuses ».

Dans l’entretien croisé, les deux femmes devisaient sur une éventuelle alliance entre leurs mouvements respectifs. « Le drame aujourd’hui est que les partis censés incarner les clivages politiques, au demeurant légitimes, ne représentent plus les Français. Nous allons au-devant de recomposition majeure en 2017, assurait à l’époque la porte-parole de Sens commun. Il existe un espace politique – conservateur et souverainiste – qui n’est pas investi. Je verrais d’un très bon œil que cet espace se structure. Son objectif serait de voir se lever tous ceux qui, au sein des Républicains, n’en peuvent plus de cette ligne fédéraliste et laxiste. »

 

Pointant ses divergences avec les discours de Marine Le Pen et Florian Philippot – qui se résument à « leur étatisme en matière d’économie » et à « l’éducation qu’ils souhaitent centraliser encore plus » –, Madeleine de Jessey estimait que « les esprits sont mûrs pour faire quelque chose de neuf à droite », avant de lancer une perche à peine voilée à Marion Maréchal-Le Pen : « Il existerait d’autres alternatives qu’une fusion pure et simple dans le FN. Encore faudrait-il être prêt à se détacher de toute logique partisane ou dynastique… » Il n’en fallait pas plus à la députée frontiste pour tomber sous le charme. « Ce sont des gens [Sens commun – ndlr] avec qui j’aimerais travailler demain, confiait-elle au Figaro après la rencontre. C’est une génération avec laquelle on peut s’entendre. »

Gérard Longuet, Anne Méaux... les anciens d’Occident

Si François Fillon explique dans son livre Faire (Éd. Albin Michel) avoir « toujours combattu l’extrême droite parce qu’elle n’a jamais apporté dans notre histoire que le malheur et la honte [et] parce qu’elle incarne les traits les plus sombres de notre caractère », il lui a tout de même donné de sacrés gages. Rien d’étonnant, par conséquent, à voir le député et maire d’Orange Jacques Bompard, fondateur du parti d’extrême droite Ligue du Sud, ou encore le xénophobe Henry de Lesquen, patron de Radio Courtoisie, lui apporter leur soutien. Sur leur fil Twitter, les deux hommes ont repris à leur compte la polémique agitée par la fachosphère depuis des années autour de la proximité d’Alain Juppé – rebaptisé « Ali Juppé » – avec le très républicain imam de Bordeaux, figure de l’UOIF.

Les mêmes qui regrettent ce jeudi dans Le Figaro que le maire de Bordeaux emprunte« les mots que la gauche a forgés pour mieux emprisonner la candidature de François Fillon » ne disent rien du vocabulaire de l’extrême droite. Hors de question de fâcher d’éventuels électeurs. « La logique de rassemblement dans laquelle nous sommes s’adresse à tout le monde, souligne le député filloniste Serge Grouard. François Fillon n’est pas dans le compromis, il a un projet, qui l’aime le suive. Tant mieux si du point de vue politique, on évite que des gens ne finissent par voter FN. » Comprendre cette partie poreuse de l’électorat qui, depuis plusieurs années, oscille entre la droite de gouvernement et l’extrême droite. S’il s’arrête officiellement aux élus FN, le spectre de Fillon englobe Philippe de Villiers, reconnaissent plusieurs de ses proches interrogés par Mediapart.

Le fondateur du Mouvement pour la France (MPF), qui avait à maintes reprises affiché sa sympathie pour Jean-Frédéric Poisson, ne s’est pas encore exprimé sur le nouveau favori de la primaire de la droite et du centre. Il a en revanche lui aussi attaqué le maire de Bordeaux. « Pour moi Juppé c’est un dhimmi [...] qui est en situation d’infériorité et qui remercie l’islam de le protéger », a-t-il affirmé sur la web-télé d’extrême droite TV Libertés. Dans le fief vendéen de Philippe de Villiers, François Fillon a réuni 56,3 % des suffrages exprimés au premier tour. « Surtout grâce au travail de Bruno Retailleau dans la région », souligne Jean-François Lamour. Le président du conseil régional des Pays de la Loire, également patron du groupe LR au Sénat, fut très longtemps proche du fondateur du MPF. C’est d’ailleurs sous les couleurs du parti souverainiste qu’il est entré au Sénat en 2004.

 

 

 

Fidèles, sarkozystes, droite extrême: les soutiens empoisonnés de François Fillon (Ellen Salvi, Médiapart - 24 novembre 2016)

Soutien de la première heure, Retailleau fait partie de la garde rapprochée de l’ancien premier ministre. Il y côtoie bon nombre d’autres élus, tels les député(e)s Jérôme Chartier, Valérie Boyer, Serge Grouard, Isabelle Le Callenec et Philippe Houillon, ou encore les sénateurs Philippe Bas, Gérard Larcher ou Gérard Longuet. Dans l’équipe de campagne, l’ancien ministre de la défense a d’ailleurs retrouvé la communicante Anne Méaux, présidente de l’agence Image 7. Il y a cinquante ans, quand ils étaient « jeunes et libres » pour reprendre les mots de Longuet, les deux fillonistes militaient au sein du mouvement d’extrême droite Occident, dissous en 1968.

Parmi les politiques qui gravitent autour de François Fillon, on retrouve également le député des Français de l’étranger Thierry Mariani, vice-président du groupe d’amitié France-Russie à l’Assemblée et coprésident de l’association Dialogue franco-russe. C’est lui qui s’était rendu à Damas, au printemps dernier, pour rencontrer Bachar al-Assad, en compagnie de quatre autres députés LR – dont les fillonistes Valérie Boyer et Nicolas Dhuicq –, et de l’ancien président du Front national de la jeunesse (FNJ), Julien Rochedy. Lui aussi qui avait déjà suscité la controverse en juillet 2015, en partant en Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie. Dans l’équipe de campagne, Mariani fait partie de ceux chargés de « défendre la souveraineté de la France ».

Côté opérationnel, l’ancien premier ministre peut également compter sur une poignée de personnes qui ont mené toute la campagne à ses côtés. Certains, comme Éric Chomaudon, Antoine Gosset-Grainville, Igor Mitrofanoff, Myriam Lévy et Jean de Boishue, travaillaient déjà avec lui à Matignon. Mais celui à qui Fillon doit sans doute sa victoire reste Patrick Stefanini, qui anime depuis 2013 le club de réflexion politiqueForce républicaine, et s’est vu accorder la direction de campagne.

Ancien directeur adjoint du cabinet d’Alain Juppé à Matignon, aux côtés duquel il a été condamné dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris et à qui il avait d’abord proposé ses services, ce haut fonctionnaire de 63 ans avait déjà fait gagner Jacques Chirac à la présidentielle de 1995 et Valérie Pécresse aux régionales de 2015. Nommé à la tête du Comité interministériel de contrôle de l’immigration en mai 2005, il est aussi celui qui a conçu et fabriqué le ministère le plus controversé du mandat de Nicolas Sarkozy : celui de l’immigration et de l’identité nationale.

En 1997, alors qu’il est secrétaire général adjoint du RPR, Stefanini fait partie de ceux qui s’interrogent sur l’attitude à tenir vis-à-vis du FN. La même année, aux élections législatives, le parti de Jean-Marie Le Pen s’est retrouvé en triangulaire face à la droite et à la gauche dans 77 circonscriptions. Un record qui repose sur la table la question d’éventuels accord électoraux avec l’extrême droite. Pour contourner le problème, Stefanini et Pasqua imaginent l’introduction d’une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin actuel, mais une partie de la droite reste farouchement opposée à l’idée de discuter avec les frontistes. Tout juste réélu député, François Fillon assure que son mentor Philippe Seguin « ne négociera jamais » avec le parti de Le Pen. Vingt années ont passé depuis.

 

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24 novembre 2016 4 24 /11 /novembre /2016 15:14

La cure de rigueur de Fillon/Juppé pour les collectivités locales : les médias en parlent

jeudi 24 novembre 2016[]

Les principales mesures de Fillon/Juppé sur les dépenses publiques font les UNES des journaux :

Extraits :

François Fillon promet de réduire le déficit de la France grâce à une réduction de quelque 100 milliards d’euros des dépenses publiques et de les faire passer de 57 % à quelque 50 % du PIB pour ainsi ramener le budget à l’équilibre.

Dans son programme, il évoque cinq engagements pour assainir les finances dont la réduction de 500 000 postes dans la fonction publique, la réforme du cadre d’action des collectivités territoriales, porter l’âge de la retraite à 65 ans. Les économies réalisées seraient obtenues environ pour moitié par les actions sur l’État et les collectivités territoriales, et pour moitié sur la sphère sociale (dont 20 milliards d’euros par la réforme de la retraite).

De son côté, Alain Juppé propose des économies possibles dans une fourchette de 85 à 100 milliards d’euros le temps du quinquennat. Les baisses de dépenses passeront aussi par une coupe dans les effectifs de la fonction publique dans une limite de 250 000 à 300 000 postes. La mesure, avec entre autres un allongement du temps de travail, permettrait une dizaine de milliards d’euros d’économies.

Parmi les autres pistes, le programme d’Alain Juppé propose aussi un passage de la retraite à 65 ans (20 milliards d’euros d’économies sur les cinq ans du mandat), la révision du périmètre de l’intervention de l’État (10 milliards d’euros), la réforme de l’assurance-chômage pour un retour à l’équilibre (5 milliards d’euros) ou encore la lutte contre « la fraude et les abus du système social » (7 milliards d’euros).

Concernant le temps de travail, François Fillon veut faire repasser les 2 millions de fonctionnaires territoriaux de 35 à 39 heures, ce qui permettrait selon lui de "récupérer" l’équivalent du temps de travail d’une grande partie des 500.000 postes qu’il veut voir disparaître.

Alain Juppé propose de négocier une hausse du temps de travail sans plus de détail.

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23 novembre 2016 3 23 /11 /novembre /2016 13:49

Le Ouest-France annonce aujourd'hui que 6 millions de ménage, contre 5 millions il y a deux ans, sont en précarité énergétique, c'est à dire qu'ils consacrent plus de 10% de leurs revenus à leur dépenses d'énergies pour leur logement ou qu'ils éprouvent une sensation de froid liée à un chauffage défaillant ou une isolation insuffisante. Un million de ménages cumulent les deux. 

Et c'est ce moment que choisit Enedis (ex ERDF) pour augmenter de 2,71% sa taxe sur la facture d'électricité des Français. 

Tout augmente... sauf les salaires, les retraites et les minima sociaux! 

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23 novembre 2016 3 23 /11 /novembre /2016 12:17
Plusieurs élus Les Républicains veulent faire interdire des affiches de prévention contre le Sida au motif qu'elles mettent en scène des homosexuels
Plusieurs élus LR veulent faire interdire des affiches de prévention contre le sida

mercredi 23 novembre 2016

Plusieurs maires Les Républicains partent en guerre contre une campagne nationale de prévention du VIH. Laquelle campagne a le don de leur déplaire, car mettant en scène des couples d’hommes.

Ainsi, plusieurs maires de droite, comme celui d’Angers Christophe Béchu ou celui d’Aulnay-sous-Bois, Bruno Beschizza ont joué de leur pouvoir de police locale pour faire retirer une campagne pourtant parrainée par le ministère de la Santé. Ailleurs, des affiches ont été vandalisées. Jean-Frédéric Poisson, candidat à la primaire de la droite et du centre, a demandé au Premier ministre de les retirer. Sur BFM Paris lundi dernier, Bruno Beschizza se justifie par son inquiétude de "messages subliminaux d’accouplement" qui entraineraient "une certaine confusion dans l’esprit" d’un « enfant de cinq ans ». Pour la droite plus que jamais sous la coupe morale de la Manif pour tous, « on est dans autre chose que dans la prévention. C’est centré sur un type de sexualité », avoue Christophe Béchu. La ministre des Affaires sociales Marisol Touraine a annoncé "saisir la justice" après la "censure" par "certains maires" d’une campagne de prévention contre le sida montrant des couples homosexuels, les élus jugeant les affiches contraires "aux bonnes moeurs" ou "provocantes". "Pour la santé publique et contre l’homophobie, je saisis la justice après la censure par certains maires de la campagne de prévention du VIH", a écrit la ministre sur le réseau social Twitter, en réaction notamment à un arrêté d’interdiction pris par la municipalité d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, dirigée par un maire Les Républicains.

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23 novembre 2016 3 23 /11 /novembre /2016 11:58

Les députés Front de gauche ont voté Contre

L’Assemblée Nationale adopte le budget 2017

mercredi 23 novembre 2016

L’Assemblée nationale a voté ce mardi 22 novembre 2016, (287 voix pour, 243 voix contre, 22 députés se sont abstenus) l’ensemble du projet de loi de finances pour 2017 en première lecture.

Ont voté contre à gauche, 13 députés du Front de Gauche: 

  • François Asensi
  • Huguette Bello
  • Alain Bocquet
  • Marie-George Buffet
  • Jean-Jacques Candelier
  • Patrice Carvalho
  • Gaby Charroux
  • André Chassaigne
  • Marc Dolez
  • Jacqueline Fraysse

 

 

Des députés socialistes frondeurs (11 se sont abstenus dont Aurélie Filippeti, Laurent Baumel): 

  • Christian Paul
  • Gérard Sebaoun

 

Pouria Amirshahi, Philippe Noguès, députés socialistes en rupture 

Isabelle Attard ex Nouvelle Donne 

Les députés écologistes se sont abstenus: Duflot, Mamère... 

 

Le Projet de Loi de Finances 2017, sous réserve de sa transmission, fera l’objet, jeudi 24 novembre 2016, d’une discussion générale en séance publique. Cette discussion ouvre traditionnellement l’examen du projet de loi de finances au Sénat. Mercredi 16 novembre 2016, la commission des finances du Sénat s’est réunie pour examiner les articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2017. Elle a donné mandat au rapporteur général pour rédiger une motion tendant à opposer la question préalable sur l’ensemble du projet de loi de finances.

Cette motion, déposée au nom de la commission, sera débattue en séance publique mercredi 30 novembre 2016.e. Nous voterons contre ce projet de budget."

Les députés Front de Gauche, une nouvelle fois, ont voté contre le budget d'inspiration libérale et autoritaire présenté par le gouvernement de François Hollande

Les députés Front de Gauche, une nouvelle fois, ont voté contre le budget d'inspiration libérale et autoritaire présenté par le gouvernement de François Hollande

Les députés Front de gauche ont voté CONTRE. Explication de vote par Gaby Charroux :

"Nous voici au terme de l’examen de ce projet de loi de finances pour 2017, dernier budget du quinquennat. Le temps est donc venu de prendre du recul pour faire le bilan de la politique budgétaire menée depuis 2012. Soyons francs : ce quinquennat aura été celui d’un transfert inédit de fiscalité. En effet, le choix exclusif d’une politique de l’offre, fait dès 2012 et amplifié en 2014, aura conduit à diminuer de plus de 30 milliards d’euros les prélèvements sur les entreprises et à augmenter de 20 milliards d’euros environ les prélèvements sur les ménages. 

Avec la hausse du taux de CICE et la baisse programmée du taux de l’impôt sur les sociétés, adoptées dans ce budget, ce choix est, malheureusement, conforté. Dès lors, messieurs les ministres, que va-t-il rester de notre impôt sur les sociétés dont le rendement sera deux fois moindre que celui de la moyenne des pays de l’OCDE ? Autre question : ce transfert massif – et douloureux –des prélèvements des entreprises vers les ménages, qui s’accompagne d’une TVA désormais en surpoids, a-t-il été bénéfique pour l’emploi et la cohésion sociale ? Malheureusement non ! En quatre ans et demi, le chômage comme la précarité n’auront cessé de croître. L’erreur manifeste aura été de croire et de faire croire que la compétitivité des entreprises dépendait exclusivement du prix du travail, je dis bien de son prix car le travail n’est pas un coût !

Or c’est par l’investissement, l’innovation et la formation que notre pays doit se singulariser. C’est par un mode de développement fondé sur la transition écologique, la réussite éducative ainsi qu’un véritable accompagnement dans l’emploi tout au long de la vie que nous parviendrons à proposer un chemin d’espérance et d’optimisme à nos concitoyens. Ce chemin est, pour le moment, coupé par une fracture territoriale, silencieuse et pourtant si douloureuse, qui s’aggrave : la métropolisation a contribué à accroître les inégalités sociales et le sentiment d’abandon.

La baisse des investissements publics, en particulier à l’échelon local, qui a subi une baisse drastique et indifférenciée de ses moyens, a été lourde de conséquences pour nos territoires. Bien sûr, nous avons salué certains efforts nécessaires, en matière de police, de gendarmerie et de justice, pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Nous avons également soutenu le rattrapage concernant l’éducation nationale, même si un effort supplémentaire reste nécessaire. Ce soutien, nous l’avons apporté en responsabilité, ce dont nous nous félicitons, compte tenu de ce que d’aucuns promettent ! Contrainte de faire de la surenchère pour pouvoir se démarquer politiquement, la droite annonce, selon les goûts, entre 80 et 110 milliards d’euros de diminution de dépenses publiques, ce qui aurait des conséquences dramatiques sur notre capacité à répondre aux défis du temps présent. C’est une ineptie au moment où toutes les grandes institutions prônent un desserrement des politiques d’austérité qui font tant de mal aux plus fragiles.

Mais si nous en sommes là, messieurs les ministres, si nos concitoyens font preuve d’un tel rejet à l’égard de la politique menée depuis 2012, c’est tout simplement parce que le chemin choisi n’a pas été à la hauteur de leurs attentes et de vos engagements.

En refusant de toucher à une ligne du Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – TSCG – et donc en refusant de porter le fer contre l’orthodoxie européenne qui fait des 3 % de déficit l’horizon indépassable, notre pays s’est mis dans l’impasse.

En ne portant pas une véritable réforme fiscale posant la progressivité et la justice comme valeurs cardinales, modulant les prélèvements des entreprises en fonction de l’utilisation des bénéfices et décourageant la rente, le Gouvernement est resté dans le couloir de l’ordolibéralisme ambiant.

Le prélèvement à la source n’est en aucun cas une réforme fiscale. Source de complexité, qualifié par certains d’usine à gaz, il présente des risques importants en matière de confidentialité et d’efficacité du recouvrement en associant un tiers à la collecte, en l’occurrence l’entreprise, dont ce n’est pourtant pas le rôle. Pis, le prélèvement à la source pourrait être pour la droite le cheval de Troie d’une flat tax, un impôt proportionnel qui toucherait uniformément les plus riches et les plus pauvres, ce qui constituerait un désastre social.Dans sa philosophie, ce budget ne diffère pas des précédents.

Au terme de cette législature, il signe la déception de ne pas avoir ouvert un autre chemin : celui d’une création et d’une répartition plus égalitaires des richesses, celui du progrès et de l’ambition, celui de l’innovation et de l’espoir.C’est pour avoir oublié sa volonté de battre en brèche une finance internationale toute-puissante, c’est pour avoir pris le parti de la doxa libérale que le Gouvernement, entraînant toute la gauche, a perdu une grande partie du peuple. L’urgence est telle que la résignation comme la satisfaction seraient une faute. Nous voterons contre ce projet de budget. 

 

Bilan de mandat et rapport d'activité des députés du Front de Gauche de 2012 à 2017

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