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20 mars 2022 7 20 /03 /mars /2022 06:26

 

 

Une nouvelle géopolitique alimentaire mondiale se dessine sous l’effet de l’inadmissible guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine. Cela doit nous conduire à repenser l’avenir alimentaire de la planète.


Longtemps, il a été dit que la production agricole mondiale permettrait de nourrir 10 milliards d’habitants en 2050. Aujourd’hui, on se demande comment faire face aux besoins alimentaires de 7,5 milliards d'habitants. Les tensions et les guerres aggravent les insécurités humaines, sanitaires, énergétiques, alimentaires.


Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a lancé ce mardi 15 mars un puissant cri d’alarme : « Nous devons faire tout notre possible pour éviter un ouragan de famines et un effondrement du système alimentaire mondial ».


Comme toujours la famine, les privations d’énergie, les modifications climatiques vont toucher d’abord durement les plus fragiles, les plus précaires, les plus pauvres. Ce contexte totalement nouveau oblige à mettre en première ligne des préoccupations, les enjeux de sécurité et de souveraineté alimentaires, ainsi que des coopérations de type nouveau, à l’opposé des stratégies de division internationale de la production agricole et de la concurrence exacerbée par les traités de libre-échange.

Il convient d’avoir à l’esprit que le quart de la ration en calories de la planète est issue du blé. Or, jusqu’alors, la Russie et l’Ukraine fournissaient le tiers des quantités de blé échangées sur la planète. À ceci s’ajoutent 20 % du commerce du maïs, 70 % des tourteaux de tournesol et d’huile. En 20 ans, la Russie a plus que doublé sa production de blé, qui a atteint plus de 80 millions de tonnes en 2021.

On comprend dès lors que les effets de la guerre avec la fermeture des ports rendent l’accès à ces stocks impossibles. Et rien ne dit qu’ils ne seront pas détruits.


Les pays du pourtour méditerranéen, l’Afrique et le Moyen-Orient, déjà frappés par des sécheresses, n'ont actuellement pas accès à ce blé puisqu’il n’y a pas de sorties possibles par la Mer Noire. Ils se trouvent donc dans un terrible piège. Une initiative internationale pour ouvrir un corridor pour les matières premières alimentaires est indispensable, tout en combattant la famine qui grandit en Ukraine. Mesurons l’ampleur de la question ! Sur les 21 millions de tonnes de blé que consomme l'Égypte, près de 13 millions sont importées essentiellement de Russie et d’Ukraine. Les pays africains importent la moitié de leurs besoins alimentaires.


Comme les récoltes sont mauvaises en Chine, on peut penser que la Russie va y déverser ses stocks pour contourner le blocus économique. Les récoltes en Australie ont été réduites à cause des inondations. L’Union européenne est aujourd’hui autosuffisante, mais n’est pas en capacité d’exporter. Et il y a des pays qui ne peuvent pas produire de blé sur leur sol.

Tout ceci ne justifie en rien l’énorme spéculation qui a lieu depuis des semaines. Ainsi le prix du blé atteint 400 € la tonne, soit plus du double qu’au moment de la fin des dernières récoltes où déjà les prix étaient très élevés.


Par effet de domino, toutes les filières animales vont se trouver en difficulté. Les coûts de l’alimentation des porcs et des volailles ont augmenté de 70 % en un an. Ceux de l’alimentation des vaches laitières et des bovins suivent la même courbe.


Les populations des pays du Sud risquent de faire face à de nouvelles famines. Celles-ci pourraient être limitées, voire éradiquées, si les grandes multinationales et les pays du Nord ne poussaient pas à la destruction des agricultures vivrières. Il y a donc urgence à engager un grand débat mondial sur les voies permettant une sécurité alimentaire mondiale. Ce débat doit avoir lieu sous l’égide de l’ONU et sa branche chargée de l’agriculture et de l’alimentation, la FAO.


Des mesures immédiates devraient être décidées pour établir un bilan des stocks pour constituer des réserves stratégiques à répartir dans les pays qui en ont besoin. Une évaluation des besoins à venir devrait être établie afin que puissent être rapidement réorientés les semis dans la perspective des récoltes à venir. La responsabilité de ces instances internationales, dont la banque des règlements internationaux, la banque mondiale, le fonds monétaire international, la FAO avec le Comité de sécurité alimentaire mondial, doit être de combattre la spéculation et de créer des stocks à répartir, et faire ainsi cesser les ignobles spéculations en cours.


Mais les coûts de production agricole vont aussi augmenter. Alors que la moitié de la production alimentaire mondiale dépend des engrais azotés, la production de ces derniers dépend du gaz ou de l’ammoniac pour une bonne part fournie par la Russie. À ceci s'ajoutent les effets pervers induits par une telle situation alors qu’il est impératif de tenir compte des besoins écologiques et de qualité alimentaire. Il s’agit de bâtir sans attendre le cadre d’une nouvelle souveraineté alimentaire. Il est évident qu’elle nécessite un monde plus stable.

Cela plaide pour la réunion d’une conférence sur la paix et la sécurité en Europe et des initiatives de désarmement. La politique agricole commune doit être repensée en ce sens. Comment accepter, par exemple, des programmes de mise en jachère quand la famine menace ? Pourquoi continuer à refuser un grand programme d’installations de jeunes agriculteurs leur garantissant un revenu ? Pourquoi n’avoir pas lancé un grand plan européen protéine pour lequel je me suis tant battu au parlement européen ? Les importations de protéines équivalent à 20 % de la surface agricole européenne !


Le bouleversement de la géopolitique agricole et alimentaire mondiale appelle de nouvelles orientations. Celle-ci pourrait être débattue dans une conférence mondiale pour la sécurité alimentaire sous l’égide de l’ONU et de son agence spécialisée agricole la FAO (Food and Agriculture Organisation).

 

 

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10 mars 2022 4 10 /03 /mars /2022 17:14

 

 

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3 février 2022 4 03 /02 /février /2022 06:27

 

La course à l’Élysée se jouera aussi sur la question climatique. Mais le président sortant ne pourra capitaliser sur son bilan en la matière. Celui qui se rêvait en leader mondial du climat est allé de renoncement en renoncement. Et, à la fin, les plus pauvres paient la facture.

 

Dans un rapport publié ce mercredi, le Réseau Action Climat rappelle : « À l’issue de ce quinquennat, la plupart des indicateurs sont dans le rouge. »

Souvenons-nous de 2017. À peine un pied posé à l’Élysée, Emmanuel Macron répondait « Make Our Planet Great Again » à Donald Trump, qui entendait sortir son pays de l’accord de Paris. Un quinquennat plus tard, passé à faire gober des couleuvres à ses ministres de l’Écologie, la douche est forcément glaciale. Pour le climat, pour la biodiversité, pour les plus précaires. Voilà donc l’heure du bilan, à l’approche d’une présidentielle où l’environnement est devenu l’une des priorités des Français. Sans surprise, il n’est pas glorieux. Dans un rapport publié ce mercredi, le Réseau Action Climat (RAC) pointe des « résultats insuffisants et une méthode à revoir ». Avant lui, Attac dressait le même constat dans un livre publié la semaine dernière. Bref, rien ne va ou presque. « À l’issue de ce quinquennat, la plupart des indicateurs sont dans le rouge », rappelle le RAC. Retour sur la mandature du renoncement climatique.

Justice climatique : un quinquennat de perdu

On le sait : les plus riches sont aussi ceux qui polluent le plus. Une politique équitable demanderait donc aux principaux responsables du réchauffement climatique de contribuer davantage à l’effort. « Mais c’est en dehors du logiciel macroniste de taxer les plus riches », assure Quentin Parrinello, responsable plaidoyer chez Oxfam, organisation membre du RAC. Conséquence : l’exécutif augmente, fin 2018, la taxe carbone et fait grimper le prix des carburants, obligeant les plus pauvres à payer la facture de la transition énergétique. Naît alors le mouvement des gilets jaunes sur les ronds-points et dans les rues et la taxe finit par être abandonnée. « La fiscalité écologique est une façon de faire changer les comportements des consommateurs, explique Quentin Parrinello. Mais puisqu’ils n’avaient aucune alternative, les précaires ne pouvaient changer leur comportement. Ils ont donc subi. »

Pour la justice sociale et climatique, on repassera donc. Puisque, plutôt qu’une taxe sur le kérosène censée pénaliser les plus riches et les multinationales, l’actuelle majorité a préféré augmenter l’« éco-contribution » sur les billets d’avion d’un montant qui varie « entre 1,5 et 18 euros », note le RAC. Une goutte d’eau. Autre renoncement : le malus « au poids » dans l’automobile qui devait viser les véhicules lourds polluants en augmentant le prix d’achat de 10 euros par kilo au-dessus de 1,8 tonne. Une mesure qui concerne 2 % du marché alors que la Convention citoyenne sur le climat préconisait de fixer le seuil à 1,4 tonne pour cibler 26 % du marché. « Macron ne veut pas toucher à la croissance de certaines industries polluantes. Mais plus on le fait tard, plus ça sera difficile », conclut Quentin Parrinello.

Les alternatives remisées au placard

Pour permettre à un pays de se défaire de ses émissions de CO2, il ne suffit pas de le contraindre, il faut aussi lui offrir des alternatives. Dans tous les secteurs économiques, des politiques de décarbonation sont possibles sans que cela pèse sur les citoyens. Et plus, même : bien ficelées, elles peuvent contribuer à renforcer l’équité. « Tout le monde se déplace, se nourrit et se chauffe », résume Anne Bringault, coordinatrice des programmes du RAC. Un atout, quand l’enjeu est justement « d’embarquer tout le monde dans la transition ». Or, sur ce point, le quinquennat d’Emmanuel Macron n’a pas donné l’orientation attendue.

Premier secteur émetteur de gaz à effet de serre (31 % en 2019), celui des transports cumule les lacunes, pour ce qui est, par exemple, de renverser la dépendance à la voiture individuelle. Les politiques cyclables ont certes bénéficié d’un plan dédié, mais il reste minimal. « Le niveau d’investissement de l’État atteint à peine 0,75 euro par habitant et par an », avance le RAC dans son rapport. Le transport ferroviaire, pour sa part, a continué de vieillir. L’âge moyen des lignes est de vingt-neuf ans, « contre dix-sept ans en Allemagne et quinze ans en Suisse », et pire encore : de plus de trente-six ans (36,7) pour les plus petites lignes, qui, depuis 2017, ont perdu une centaine de gares et haltes ferroviaires. Dans le même temps, les politiques structurelles sont loin d’avoir contribué à réduire les distances à parcourir au quotidien. « En milieu urbain, souligne Attac, le foncier devient rare et cher, aggravant les problèmes de logement, mais aussi de transport pour celles et ceux qui travaillent en ville sans avoir les moyens d’y habiter. » Extension des déserts médicaux ou recul des services publics dans les communes rurales et les zones périurbaines sont allées dans le même contresens écologique.

Les politiques alimentaires (24 % de notre empreinte carbone) n’ont pas mieux soutenu la transition. La promesse électorale d’Emmanuel Macron d’intégrer 50 % de produits bio ou issus de circuits courts dans les cantines scolaires et les restaurants d’entreprises en 2022 est loin d’avoir été tenue : la part du bio dans la restauration collective n’était que de 5,6 % en 2020.

Les emplois de demain compromis

Foin de transition écologique juste sans transition sociale équivalente : depuis 2018, organisations environnementales et syndicats de travailleurs se sont tous mis d’accord sur ce point. « La question de la justice sociale ne se limite pas à la question écologique, mais cette dernière ne se résoudra pas sans justice sociale », résume Vincent Gay, d’Attac. Anticiper les transitions industrielles de façon à ne pas les faire subir aux travailleurs s’avère en ce sens indispensable. L’industrie lourde (75 % des émissions de l’industrie) est singulièrement concernée, sans se voir pour autant contrainte d’anticiper sa conversion. Le plan de relance de l’économie française au sortir de la crise aurait pu être l’opportunité de le faire : il s’en est abstenu. « En revanche, Emmanuel Macron a mis en œuvre sa réforme de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour en faire une entreprise financière gérée selon les standards du marché », relève Attac. Un processus de privatisation rampant, poursuit l’organisation, qui pourrait peser lourd sur les emplois liés à la transition. « La CDC finance plus de 70 % de la construction et de la réhabilitation des logements sociaux, ainsi que la plupart des infrastructures et des équipements d’intérêt général. » Au total, note encore Attac, elle « est le principal investisseur dans le doma ine de la transition écologique et sociale ». Selon l’Ademe, la transition énergétique dans le seul secteur de la construction pourrait générer 196 000 nouveaux emplois d’ici à 2050.

 

 

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29 novembre 2021 1 29 /11 /novembre /2021 09:14

 

Utilisé pour combattre des insectes parasites des bananeraies alors qu’il était interdit ailleurs, ce puissant insecticide a pollué durablement les sols martiniquais et il provoque des maladies graves. Quelles solutions envisagées depuis la Martinique ?

 

LE CHLORDECONE ENJEU DE LUTTES

Le 27 février 2021 ont défilé toutes les couches de la société martiniquaise dans les rues de Fort-de-France. Des partis politiques de gauche et indépendantistes aux syndicats et jusqu’aux associations représentantes de l’archevêché, en passant par les édiles municipaux et les associations, tous avaient un seul mot d’ordre : « Non à la prescription des crimes liés à la pollution au chlordécone ! Justice et réparation ! »

Cette mobilisation était provoquée par la menace de non-lieu et de prescription du dossier de procédure judiciaire suite à la plainte déposée en 2007. Les responsables devront être désignés par la justice. Mais 80 % des entreprises agroalimentaires sont détenues par les Békés, Blancs créoles, considérés comme « les descendants des maîtres blancs esclavagistes »[1]. La monoculture de la banane est détenue par ce patronat composé de multinationales, tandis que de petits planteurs occupent une part ténue des terres et restent dépendants des grands planteurs pour la vente, le transport, les fournitures ou pour la location de terres en fermage. Ces mouvements sociaux interviennent au moment de la présentation par l’État du plan chlordécone IV (2021-2027), le 3 mars 2021[2]. L’élaboration de ce plan était ouverte à la concertation autour de six stratégies alliant recherche, actions de communication, aspects socio-économiques et de santé, avec un budget de 92 millions d’euros pour les deux territoires. Pour les associations, les propositions de l’État restent largement en deçà des enjeux tant en termes de moyens que de contenus.

 

CONTEXTES DE PRODUCTION ET UTILISATION

Synthétisé à la fin des années 1950, le chlordécone est une molécule hydrophobe avec une structure en cage. L’INRA[3] a démontré que son temps de dégradation spontanée est de l’ordre de 1 à 5-6 siècles selon le type de sols. Il a servi d’insecticide (pièges à cafards, fourmis…) jusqu’en 1975 aux États-Unis et à Porto Rico, de traitement des plantes ornementales et contre le charançon de la banane dans les Antilles françaises ainsi qu’au Cameroun et en Côte-d’Ivoire.

Une persistance forte dans l’environnement est constatée : un tiers des surfaces agricoles utiles et le littoral marin, avec le transfert par les cours d’eau, sont pollués. La pollution, cantonnée d’abord au cadre professionnel, gagne vite la vie courante dès le milieu des années 1970, via les eaux de consommation et l’alimentation[4].

Aux États-Unis, les dangers du pesticide sont mis en évidence en 1961 dans le cadre du dossier toxicologique nécessaire à l’autorisation d’emploi : les effets neurotoxiques, reprotoxiques et cancérigènes sont démontrés chez les rongeurs. Les États-Unis restreignent alors le pesticide à un usage non alimentaire. Pourtant, l’exposition des travailleurs qui le fabriquaient à Hopewell (Virginie) provoque une catastrophe sanitaire et environnementale en 1975 : les ouvriers, exposés jusqu’à 32 000 µg/l, développent le syndrome du Kepone (qui apparaît à partir de 600 µg/l). La production, l’exportation et l’utilisation du chlordécone sont interdites.

Entre 1965 et 2021 sont publiées 716 études. Le pic des travaux scientifiques est biphasique : en 1975 et en 2000 avec la redécouverte de ses dangers aux Antilles. Un autre pesticide organochloré, le HCH, est employé aux Antilles françaises depuis les années 1950. Le chlordécone prend la suite sous formulation Kepone, avec une première demande d’autorisation de son utilisation, refusée en 1968, puis autorisée en 1972. Cette autorisation est renouvelée en 1981 sous formulation Curlone. L’interdiction est actée en 1990 sur le territoire français, mais des dérogations partielles sont conservées pour son utilisation dans les Antilles, jusqu’à son interdiction définitive en 1993.

L’épandage aux pieds des bananiers était réalisé le plus souvent par des femmes. Les ouvrières agricoles répartissaient manuellement une poudre, une ou deux fois par an, sans équipement de protection individuelle, comme l’affirme Marie-Hellen Marthe, dite Surelly, secrétaire générale du syndicat CGTM des ouvriers agricoles. Christiane, ancienne ouvrière agricole dans les bananeraies dès l’âge de douze ans, témoigne pour l’hebdomadaire communiste martiniquais Justice[5]: « C’est moi qui mettais toutes ces poudres dangereuses dans les champs de banane, sans le savoir. […] J’ai été opérée de 3 cancers et je suis handicapée depuis mes 39 ans. […] Aujourd’hui, je suis sans famille : ma mère est morte de deux cancers, mon père est mort du cancer de la prostate, mon frère et mon oncle aussi […]. »

Le 8 avril 2021, l’AMSES (Association médicale pour la sauvegarde de l’environnement et de la santé Martinique) tient une conférence de presse[6]. Sa présidente, docteure Josiane Jos-Pelage, annonce se porter partie civile dans la plainte déposée en 2007 par l’Assaupamar (Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais) et Écologie urbaine afin de s’opposer au non-lieu judiciaire. L’association dépose également plainte contre cinq anciens ministres accusés d’avoir prolongé l’usage du chlordécone entre 1990 et 1993. La preuve par factures de l’achat du Curlone après 1993 est également mise au jour… de quoi faire sauter la menace de prescription du dossier.

 

LES RÉPERCUSSIONS SANITAIRES

Luc Multigner, directeur de recherche à l’INSERM, insiste lors du webinaire du 3 avril 2021, sur la nécessité des actions de vulgarisation et de pédagogie pour prévenir les risques sanitaires liés à la pollution : « Il faut aborder les questions de santé, être clair et pédagogique car il existe beaucoup d’a priori et d’idées préconçues sur la santé. [7]»

Le pesticide arrive dans l’organisme principalement par voie orale. Il est absorbé par le tube digestif et va vers le foie qui le capte et le stocke. Le chlordécone va circuler dans l’organisme par voie sanguine. Il est véhiculé par l’albumine et une lipoprotéine, lesquelles vont le ramener vers le foie : il s’accumule peu dans les tissus gras. Il s’agit donc d’un polluant fortement persistant dans le corps. La demi-vie est de 5-6 mois. La mesure dans le sang montre qu’il disparaît en 2-3 ans en arrêtant toute ingestion. Toutefois, l’exposition des populations est quotidienne. L’accumulation est continue jusqu’à une concentration maximale d’équilibre.

Il s’agit donc d’un polluant fortement persistant dans le corps ; il entraîne la survenue du cancer de la prostate, des naissances prématurées… et de moins bons scores neurocomportementaux des nourrissons et enfants.

Le suivi du taux de chlordécone dans le sang est effectué à partir des années 2000. On constate une contamination de toute la population et un transfert au fœtus. Luc Multigner établit la présence d’associations ou d’excès de risques sur la santé concernant la survenue du cancer de la prostate, des naissances prématurées et de moins bons scores neurocomportementaux des nourrissons et enfants.

Le cancer de la prostate se développe à partir de quatre critères : territoire, accès aux soins, contributions génétiques très importantes (58 %) et contributions environnementales variables. Le Centre international de recherche sur le cancer a établi une recherche par pays. Sur 186 pays, la Guadeloupe et la Martinique, classées comme pays indépendants, sont en tête. Le risque absolu y est doublé de 1 % à 2 %. Si on supprimait le chlordécone, il y aurait 5 à 7 % des cas incidents en moins (25-30 cas par an et par département).

Le risque de prématurité est doublé avec la présence de + 0,5 µg/L de chlordécone dans le sang. Entre 2004 et 2007, le risque absolu a doublé, passant de 12-14 % à 24-28 %. Selon les données de 2007, cela constitue 120 à 170 cas de prématurité sur 6 000 naissances par an et par territoire qui pourraient être évités.

Les résultats relatifs aux scores neurocomportementaux rapportés sont constatés de manière empirique. La recherche sur le sujet se poursuit. Le cancer du sein connaît une incidence plus faible que dans l’Hexagone, mais il est constaté une plus grande prévalence préménopausique que postménopausique. Des études pilotes sont en cours pour pouvoir faire des études aux Antilles. Concernant le cancer de l’utérus, l’incidence est trop faible pour pouvoir faire des études. Quant à l’endométriose, il n’existe pas d’études scientifiques publiées dans des journaux à comité de lecture relatives à l’impact du pesticide sur son développement. Des constats médicaux sont toutefois établis par les gynécologues, notamment par le docteur Quist, interviewé en 2020 par l’Union des femmes de Martinique. Cette association affirme par la voix de sa présidente, Rita Bonheur, que les femmes restent les oubliées de la recherche dans ce domaine. Ainsi, de nombreuses recherches restent en cours ou à mener. Elles nécessitent la mise à disposition de moyens par les autorités[8].

LES SOLUTIONS DE DÉPOLLUTION DES SOLS

Trois axes de perspective de développement de la recherche de solutions dites de remédiation[9] sont identifiés :

– la voie physico-chimique par oxydoréduction est aujourd’hui à l’arrêt ; des essais sur les sols avec de la poudre de fer ont donné une dégradation à environ 70 %. Mais il n’y a pas de recul sur les effets des produits de la réaction ;

– la voie biologique par champignon, développée lors du plan chlordécone III, est à l’arrêt. Les résultats ont donné moins de 1 % de dégradation.

– la voie de remédiation par les plantes[10]. L’ingénieur-docteur Yohan Liber est parti du constat que, sur d’aussi grandes surfaces, les plantes ont fait leur preuve pour extraire des métaux lourds comme l’or,

le palladium, le plomb. Mais elles absorbent seulement les métaux sous forme de sels dissous dans l’eau. Or la molécule de chlordécone est hydrophobe : il s’agit du principal problème de la remédiation par les plantes. Il convient d’identifier les critères, dans la flore, des plantes qui auraient une aptitude à la remédiation. Les facteurs les plus importants sont la transpiration foliaire, c’est-à-dire la capacité d’une plante à absorber et à évaporer par ses feuilles. Ce sont des pistes qui sont en attente. La phase prospective sur le terrain est à mettre en place. Il existe aujourd’hui un consensus scientifique : la phytoremédiation est la voie à explorer et la plus prometteuse des trois.

L’opinion fait une focalisation sur le chlordécone, mais il s’agit de la partie émergée de iceberg : la molécule mère se dégrade dans les sols et donne jusqu’à 5 fois plus de produits. Or il n’existe pas de standard pour les produits de dégradation, comme il en existe pour détecter la présence du chlordécone. Cet enjeu fort de la recherche permettra la production d’une nouvelle carte de contamination des sols. Toutefois, la recherche est freinée par un problème de gouvernance administrative et politique.

 

VERS UN FRONT COMMUN DU MOUVEMENT SOCIAL

Lors de la manifestation du 27 mars 2021 à l’initiative du collectif des ouvrières et ouvriers agricoles victimes des pesticides, sa représentante, Cannelle Fourdrinier, s’exprimait à la tribune en leur nom. Ce collectif est né officieusement en septembre 2019, officiellement en décembre 2019, avec une meneuse des grèves des ouvriers agricoles de février 1974. Une délégation à l’Assemblée nationale et au Sénat a rencontré tous les partis politiques, sauf le RN. Un point est satisfait : le dosage du taux de chlordécone dans le sang est gratuit et sans ordonnance. Toutefois, dans le plan chlordécone IV, les grands oubliés restent les ouvriers. Depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui, une soixantaine de produits pesticides ont été utilisés pour la culture de la banane. Une enquête de terrain a été menée par les membres du collectif : 98 % des ouvriers sont malades.

Le collectif demande une reconnaissance de la responsabilité de l’État et des patrons békés, la prise en charge des frais engagés dans le cadre de la maladie, un dépistage tous produits, la mise en place d’une épicerie solidaire pour une alimentation sans pesticides, un centre de recherche et un accompagnement psychologique et diététique, une revalorisation des retraites avec un minimum de 1 000 €, l’exonération de la taxe foncière et un retour des terres aux ouvriers ; s’y ajoutent une dépollution des terres martiniquaises, une réfection du réseau d’eau et une mise à disposition de terres saines.

Alors que Lyannaj Pou Dépolyé Matinik – collectif pour dépolluer la Martinique composé de partis politiques de gauche, syndicats, associations – a construit également ses revendications, l’enjeu est bien de se réunir afin de présenter une plate-forme commune. Les Martiniquais sont unis et déterminés autour de cette cause.

Les rassemblements des 10 et 27 avril 2021, organisés à la maison des syndicats à l’appel de cinquante organisations, ont été l’occasion de dévoiler la plate-forme revendicative dans le domaine agricole.

Elle comporte, en particulier, l’achèvement rapide de l’analyse de tous les sols susceptibles d’être consacrés à l’agriculture et à l’élevage, le déblocage-accélération-simplification des procédures de mise à disposition des terres en friche à des agriculteurs(-trices) privé(e)s de terres, la refonte de la politique agricole commune (PAC) aux agricultures de nos pays très éloignés de l’autosuffisance alimentaire. Mais aussi, plus largement, le développement de l’aide aux alternatives agricoles, le réexamen des marges bénéficiaires des grandes surfaces responsables des prix élevés, la mise en œuvre d’une politique agricole de la collectivité territoriale de Martinique (CTM) ainsi que la mise en place d’un observatoire de la situation des ouvriers(-ières) agricoles.

Après des décennies de lutte, la revendication de justice et de réparation est aujourd’hui portée par pratiquement l’ensemble de la société martiniquaise. Pour reprendre les paroles d’une Martiniquaise entendue dans un rassemblement : « Soit l’État confirme que le mépris des dominants l’emporte sur le droit, soit on tourne le dos au déni. L’heure des lots de consolation est révolue. »

1. Les derniers maîtres de Martinique ? documentaire d’Investigations et Enquêtes, 2009  (https://www.youtube.com/watch?v=4N0OS2f4xVg).

2. « Plan Chlordécone IV : “Insignifiant” ? Peut mieux faire », journal Justice du11 mars 2021.

3. Résultats des travaux de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), devenu avec l’IRSEAT, l’INREA (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) depuis le 1er janvier 2020.

4. Jessica Oublié, Vinciane Lebrun, Nicola Gobbi, KathrineAvraam, préface de Luc Multigner, Tropiques toxiques. Le scandale du chlordécone, coédition Les Escales-Steinkis, Paris, 2020.

5. Collectif des ouvriers agricoles empoisonnés, « Doubout pou réparasyion », journal Justice du 1er avril 2021.

6. « Chlordécone : l’AMSES dépose une plainte contre 5 ex-ministres », journal Justice du 15 avril 2021.

 7. « Chlordécone : quels risques pour la santé des populations aux Antilles ? », webinaire du 3 avril 2021 (https://sw-ke.facebook.com/ComiteMarche98/videos/729175007749901/) organisé par CM 98 (comité Marche 23 mai 1998), Université populaire, en présence d’Emmanuel Gordien, virologue, président du CM 98, Luc Multigner, épidémiologiste, directeur de recherche à l’INSERM, Serge Romana, généticien, fondateur de la fondation Esclavage et Réconciliation, Corinne Jacoby-Koaly, coordinatrice pédagogique.

8. Lien : https://unionfemmesmartinique.com/2020/10/23/chlordecone-les-femmes-les-grandes-oubliees/.

9. « Chlordécone : perspectives de dépollution des sols et détoxification des personnes », webinaire Santé Environnement sans dérogation – Journée nationale sans pesticides, mars 2021.

10. Yohan Liber, Étude des déterminants biologiques de l’absorption de la molécule dechlordécone par la plante, thèse soutenue en décembre 2018, CNRS, UMR 5023, laboratoire d’écologie des hydrosystèmes naturels et anthropisés.

REFERENCES

↑1

Les derniers maîtres de Martinique ? documentaire d’Investigations et Enquêtes, 2009  (https://www.youtube.com/watch?v=4N0OS2f4xVg).

↑2

« Plan Chlordécone IV : “Insignifiant” ? Peut mieux faire », journal Justice du11 mars 2021.

↑3

Résultats des travaux de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), devenu avec l’IRSEAT, l’INREA (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) depuis le 1er janvier 2020.

↑4

Jessica Oublié, Vinciane Lebrun, Nicola Gobbi, KathrineAvraam, préface de Luc Multigner, Tropiques toxiques. Le scandale du chlordécone, coédition Les Escales-Steinkis, Paris, 2020.

↑5

Collectif des ouvriers agricoles empoisonnés, « Doubout pou réparasyion », journal Justice du 1er avril 2021.

↑6

« Chlordécone : l’AMSES dépose une plainte contre 5 ex-ministres », journal Justice du 15 avril 2021.

↑7

« Chlordécone : quels risques pour la santé des populations aux Antilles ? », webinaire du 3 avril 2021 (https://sw-ke.facebook.com/ComiteMarche98/videos/729175007749901/) organisé par CM 98 (comité Marche 23 mai 1998), Université populaire, en présence d’Emmanuel Gordien, virologue, président du CM 98, Luc Multigner, épidémiologiste, directeur de recherche à l’INSERM, Serge Romana, généticien, fondateur de la fondation Esclavage et Réconciliation, Corinne Jacoby-Koaly, coordinatrice pédagogique.

↑8

Lien : https://unionfemmesmartinique.com/2020/10/23/chlordecone-les-femmes-les-grandes-oubliees/.

↑9

« Chlordécone : perspectives de dépollution des sols et détoxification des personnes », webinaire Santé Environnement sans dérogation – Journée nationale sans pesticides, mars 2021.

↑10

Yohan Liber, Étude des déterminants biologiques de l’absorption de la molécule dechlordécone par la plante, thèse soutenue en décembre 2018, CNRS, UMR 5023, laboratoire d’écologie des hydrosystèmes naturels et anthropisés.

 

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21 novembre 2021 7 21 /11 /novembre /2021 06:42

 

Nouveau Vlog de l’R de campagne.

Le 27 octobre avait lieu la troisième rencontre des Jours Heureux, à Rennes, sur les thèmes de l'écologie, l'énergie et l'environnement.

Fabien Roussel avait profité de ce déplacement en Ille-et-Vilaine pour visiter des entreprises locales, qui agissent pour l'environnement en produisant et/ou utilisant des produits sains pour la planète :


l'usine Antofenol, specialisée dans le biocontrôle,
l'usine des Galettes de Broöns,
le barrage de Rophémel, 
et l'entreprise de fret ferroviaire Trans-Fer 

Justin a décidé d’immortaliser dans son vlog cette journée riche en rencontres et en échanges 👇

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20 novembre 2021 6 20 /11 /novembre /2021 06:39

 

Samedi se clôturait la COP26 à Glasgow. Alors que le défi climatique invite à la coopération internationale et à un réel changement de mode de production, l'accord qui a été trouvé samedi soir entre les pays participants s'avère être un compromis de bas étage.

 

 

Le profit et la rentabilité plutôt que l'humain et la planète, c'est ce qui ressort de cette COP26. La COP 26 à Glasgow est un cadre multilatéral de négociations nécessaire à la limitation du réchauffement climatique global à 1,5 °C à la fin du siècle. L’Accord de Paris a fixé cet objectif, mais les stratégies nationales pour le réaliser ne sont pas à la hauteur. Cela risque de se poursuivre étant donné que la version finale de l'accord trouvé samedi ouvre la porte à des aménagements pour "circonstances nationales particulières". La coopération internationale est plus urgente que jamais, en particulier pour financer la transition et l’adaptation des pays en développement, ceux qui subissent le plus le dérèglement climatique et émettent le moins de gaz à effet de serre. Les 100 milliards d’euros par an promis par les États ne suffiront pas et sous pression des États-Unis, aucune aide supplémentaire, notamment pour compenser les dégâts déjà subis, ne sera donnée aux pays pauvres.

Les précédentes COP n’ont pas abouti à un calendrier de sortie du charbon, du pétrole et du gaz. Cette dernière s'inscrit dans les échecs précédents. Alors que des engagements sur la sortie des sources d'énergie fossiles, notamment le charbon, avaient été pris par une vingtaine de pays, l'accord final est bien moins ambitieux. Sous le poids notamment de la Chine et de l'Inde, la sortie du charbon a été remplacée par une formulation mole appelant "à intensifier les efforts vers la diminution progressive du charbon sans système de capture de CO2 et à la sortie des subventions inefficaces aux énergies fossiles". C’est pourtant l’urgence afin de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre avant 2030. Il faut en finir avec le “marché carbone” permettant aux entreprises et aux États d’acheter le droit à polluer.

Premièrement, il faut décarboner notre production d'énergie, comme nous le demandons, avec un mix énergétique assis sur les énergies nucléaire et hydraulique. Deuxièmement, l'urgence est à la relocalisation de la production industrielle en France. La pollution que nous évitons d’émettre sur le sol national est provoquée par la production et le transport des marchandises que nous importons. Sans industrie au pays, pas d’écologie !

Alors que des millions de jeunes marchent à travers le monde pour dénoncer l’inaction des gouvernements dans leur lutte contre le réchauffement climatique, le MJCF dénonce ce nouvel acte manqué. Il revendique la mise en place de grands travaux écologiques pour nous permettre de décarboner notre production énergétique :

  • La relocalisation de la production industrielle, appuyée par des filières industrielles publiques et par une énergie publique décarbonée.
  • Le développement du transport ferroviaire public, afin de réduire le transport routier.
  • La gratuité et le développement des transports en commun.
  • La rénovation thermique du parc de logements, afin de réduire la part de la consommation énergétique qui y est consacrée.
  • La conditionnalité des aides publiques aux entreprises à la décarbonisation du mode de production et à la préservation de la biodiversité.

Amado Lebaube

rédacteur en chef d’Avant-Garde

 

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14 novembre 2021 7 14 /11 /novembre /2021 07:01

 

La COP26 qui a lieu à Glasgow est centrale pour le respect des accords de Paris et pour tenir l’objectif de neutralité carbone au niveau mondial pour la seconde moitié du siècle. Avant la COP, les engagements étaient nettement insuffisants. Une baisse des émissions de 7 % au lieu des 30 à 50 % d’ici à 2030 est pourtant nécessaire pour contenir le réchauffement de 1,5 à 2 degrés pour continuer à vivre dans des conditions tolérables.

 

 

Durant cette COP, plusieurs engagements émanant d’une centaine de pays, comme les objectifs de neutralité carbone venant d’Inde et de Chine, nous permettent d’espérer atteindre jusqu’à 30 % de baisse d’émissions. Cela reste nettement insuffisant pour l’objectif 1,5 degré, mais c’est une avancée. Preuve que grâce à la pression des peuples, les COP peuvent servir et poussent les États à honorer leurs engagements. Les manifestations un peu partout dans le monde, comme la mobilisation de l’opinion publique, jouent aussi un rôle central pour construire le rapport de force au niveau mondial.

Bien sûr ce ne sont que des engagements, et il faudra veiller à ce qu’ils soient tenus année après année durant la décennie jusqu’en 2030. Par exemple, les 100 milliards par an d’aide promis par les pays riches en 2009 pour aider les pays pauvres à lutter contre le dérèglement climatique tardent à se concrétiser. C’est une bataille immédiate qu’il faut mener, et porter progressivement à près de 1 000 milliards à partir de 2030. C’est possible en réorientant des financements consacrés au militaire par exemple (près de 2 000 milliards de dollars par an dans le monde), en particulier en mettant fin aux armes atomiques. Ce sujet est pourtant encore tabou dans les discussions des COP. La lutte contre l’évasion fiscale comme moyen de financer les enjeux climatiques n’y est pas non plus abordée. Il faudrait aussi redéfinir le rôle des grandes banques centrales, comme la BCE, qui doivent utiliser la création monétaire pour des investissements bas carbone.

Pour contribuer à cette pression populaire et faire monter ces batailles politiques, le PCF a envoyé une délégation pour participer à la belle manifestation sur le climat de Glasgow, mais aussi pour rencontrer des forces politiques, associatives et syndicales progressistes internationales. Ainsi, la délégation a porté le point de vue du PCF en intervenant lors des débats organisés par le PGE sur le financement des mesures climatiques ou du rôle de la démocratie sur les politiques énergétiques, s’est enrichie du bouillonnement d’idées lors des ateliers du sommet mondial pour le climat qui débattent d’alternatives au capitalisme vert.

La bataille, mondiale, est aussi européenne. En effet, nous ne pourrons relever le défi climatique qu’en sortant du dogme de la concurrence libre et non faussée. Que ce soit le marché carbone qui donne un droit de polluer aux multinationales ou le marché de l’énergie, les politiques européennes sont inefficaces écologiquement et dramatiques socialement. Ce n’est qu’en rompant avec les traités européens et en nous engageant dans une Europe de la coopération entre des pays et des peuples libres, souverains et associés que nous pourrons atteindre nos objectifs. « Ce n’est pas le climat qu’il faut changer, mais le système » était d’ailleurs le mot d’ordre de notre délégation à cette COP26.

Ainsi, nos échanges avec les syndicalistes de la Fédération Internationales des transports (ITF) ont souligné la convergence de luttes et de propositions pour un développement de l’usage du train et donc un investissement massif dans des transports publics et écologiques (transports urbains, fret ou transport passager). C’est une proposition forte pour réduire nos émissions de CO2 et garantir l’accès aux transports comme un droit fondamental.

Enfin, la bataille pour le climat peut aussi se mener localement, nationalement. Pour accentuer la pression populaire et faire changer le système, il faut rendre majoritaires des propositions concrètes et gagner leur application. Des propositions pour une écologie sociale et populaire pour aller vers une empreinte carbone nulle le plus rapidement possible.

Ainsi, Fabien Roussel propose un pacte inédit pour le climat et l’emploi de 140 milliards d’€, en suivant les recommandations du GIEC. Il permettra, entre autres, de mettre en place la gratuité des transports en commun et de faire baisser le prix du billet SNCF, de rénover énergétiquement 500 000 logements par an, pour vivre plus confortablement en réduisant sa facture énergétique.

Voilà quelques exemples de propositions concrètes alliant bataille pour le pouvoir d’achat, pour l’écologie et favorable à l’emploi que nous voulons faire progresser jusqu’à les rendre incontournables. En poursuivant les mobilisations autour de la COP 26 par le vote Fabien Roussel et par le développement de luttes autour de ces propositions.

La délégation PCF

 

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27 octobre 2021 3 27 /10 /octobre /2021 05:43

 

L’Afrique, dernière terre vierge ? Terre de nature, de parcs et de réserves ? Derrière les images, quelles réalités ? Soixante ans après les décolonisations, entre nature brute, explosion démographique et préservation de la biodiversité, qui agit ? qui transforme ? On peut tenter une première approche stimulante.

*Guillaume Blanc, historien de l’environnement, spécialiste de l’Afrique contemporaine, est maître de conférences à l’université Rennes-II.

En milieu naturel, il y a des histoires d’adaptation. Par exemple dans les Cévennes, un parc national français inscrit au patrimoine mondial par l’UNESCO en 2011 et dont les paysages ont été « façonnés par l’agropastoralisme durant trois millénaires », nous dit la prestigieuse institution. Cela au point que les Cévennes auraient aujourd’hui une « valeur universelle exceptionnelle » et qu’à ce titre il est nécessaire d’y sauver les « systèmes agro-pastoraux », « de les conserver par la perpétuation des activités traditionnelles ». Mais il existe aussi des histoires de dégradation. Ainsi dans le Simien, un parc national éthiopien classé au patrimoine mondial par l’UNESCO en 1978. On peut y découvrir un « paysage spectaculaire » et apercevoir des « espèces endémiques ».

Au moins un million de personnes ont été chassées des aires protégées africaines au xxe siècle.

Seulement, nous dit l’UNESCO, « les activités agricoles et pastorales […] ont sévèrement affecté les valeurs naturelles du Simien ». À ce titre, il est alors nécessaire d’enrayer « les menaces pesant sur l’intégrité du parc », à savoir « l’installation humaine, les cultures et l’érosion des sols ». Et voilà pourquoi, en 2016, sur recommandation des experts de l’UNESCO et de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), les autorités éthiopiennes ont expulsé 2500 cultivateurs et bergers hors du parc du Simien. Là où les Européens façonnent, les Africains détruisent. Voici la logique.

CHASSER LES HUMAINS

Le Simien est loin d’être un cas isolé. Il y a environ 350 parcs nationaux en Afrique, et de la plupart d’entre eux les populations ont été expulsées pour faire place à l’animal et à la forêt ou à la savane. C’est le cas de 50 % des parcs du Bénin, de 40 % des parcs du Rwanda ou encore de 30 % des parcs de Tanzanie et du Congo-Kinshasa. Au moins un million de personnes ont été chassées des aires protégées africaines au XXe siècle. Quant aux parcs encore habités, l’agriculture, le pastoralisme et la chasse y sont généralement interdits. Des millions de cultivateurs et de bergers sont alors quotidiennement sanctionnés d’amendes, voire de peines de prison, pour avoir cultivé la terre, fait pâturer leurs troupeaux ou chassé du petit gibier. 

Les populations humaines ont été expulsées de la plupart des 350 parcs nationaux africains pour faire place à l’animal et à la forêt ou à la savane.

  Cette histoire est choquante, mais elle est bien réelle. Au lendemain des indépendances africaines, le fardeau civilisationnel du colon a cédé sa place au fardeau écologique de l’expert occidental. L’intention a changé depuis. Mais pas l’esprit : le monde moderne devrait protéger l’Afrique des Africains. Et tout cela au nom d’un mythe, celui de l’éden africain.

IL FAUT SAUVER L’ÉDEN AFRICAIN

L’idée d’une Afrique avant tout naturelle et sauvage est aussi absurde que celle selon laquelle l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. Pour comprendre cette représentation, il faut remonter aux débuts de l’aventure coloniale. À la fin du XIXe siècle, les colons partis tenter leur chance en Afrique laissent derrière eux des paysages radicalement transformés par l’urbanisation et la révolution industrielle. Persuadés d’avoir retrouvé en Afrique la nature disparue en Europe, ils inventent le mythe du bon et du mauvais chasseur. Le premier est blanc ; il chasse le trophée au fusil, et avec bravoure. Le second, le braconnier, est noir ; il chasse la nourriture à l’arc et à la lance, avec cruauté. C’est sur ce registre que les colons créent les premières réserves de chasse, où les populations africaines sont sinon expulsées du moins privées du droit à la terre. Puis, dans les années 1930, ces réserves sont converties en parcs nationaux. Et l’histoire se répète : criminalisation des populations et expulsions.

Ces récits racontent une Afrique verte, vierge et sauvage. Or cette Afrique n’existe pas.

Des produits culturels en quantité vont alors accompagner cette naturalisation à marche forcée de l’Afrique : des récits de voyage, comme ceux de Stanley et Livingstone, Roosevelt et Churchill ; des romans, les Neiges du Kilimandjaro d’Ernest Hemingway (1936), Une femme africaine de Karen Blixen (1937) ou encore les Racines du ciel de Romain Gary (1956) ; puis des guides naturalistes comme National Geographic et Lonely Planet, jusqu’aux films d’animation comme le Roi lion. Tous ces récits racontent une Afrique verte, vierge et sauvage. Or cette Afrique n’existe pas. Comme l’Europe, le continent africain est habité, cultivé. Mais nous sommes amenés à croire que les parcs naturels africains sont vides ; en fait, ils ont été vidés de leurs habitants… Et ils continuent bien souvent de l’être.

DE L’UTILITÉ DU MYTHE

Il faut dire que cette représentation d’une Afrique naturelle va main dans la main avec un autre cliché : celui de paysans africains trop nombreux, malhabiles, destructeurs. Ces derniers auraient notamment détruit les forêts « primaires » d’Afrique. En réalité, ces forêts n’existent pas davantage qu’en Europe. Comme ailleurs, les humains ont su s’adapter à leur environnement : l’agriculture et la sylviculture permettent la pousse des arbres, surtout dans des milieux semi-arides. Mais des savoirs prétendument scientifiques continuent de présenter les écosystèmes africains comme étant détruits partout, et partout de la même manière. Les travaux d’Al Gore sont à cet égard fort révélateurs. Selon l’ancien vice-président étatsunien, prix Nobel de la paix en 2007, l’Éthiopie, par exemple, aurait été à 40 % recouverte de forêts en 1900, contre 3 % « aujourd’hui ». L’histoire révèle que ces chiffres sont issus d’un rapport livré en 1961 par H.P. Huffnagel, un expert de la FAO, l’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Cet expert n’avait passé qu’une semaine en Éthiopie, et il ne s’appuyait sur aucune donnée scientifique. Mais peu importe. Aujourd’hui encore, ces chiffres sont tenus pour vrais par les experts internationaux de la conservation, lesquels recommandent dès lors l’expulsion ou la criminalisation d’agriculteurs et de bergers, qui ne participent pas, eux, à la crise écologique.

Al Gore est aujourd’hui l’un des rares experts à décrire finement les conséquences sociales du changement climatique. En revanche, lorsqu’il s’agit des causes, l’homme se fait plus discret. Rien n’est dit, dans ses films pas plus que dans ses livres, sur Apple et Google, deux entreprises pourtant parmi les plus polluantes au monde. Et pour cause, Al Gore finance la première et siège au conseil d’administration de la seconde. Ceux qui protègent sont aussi ceux qui détruisent. Voilà la matrice du colonialisme vert.

L’HISTOIRE POUR PARFAIRE LE PRÉSENT

Comme partout dans le monde, les sociétés africaines vont devoir faire face à la sixième extinction. Quel que soit notre bord politique, la réalité nous rattrape : le capitalisme et le mode de vie consumériste qui l’accompagne détruisent les ressources de la planète. L’Afrique, ici, ne fait pas exception. Le problème est alors de nier l’évidence, ou plutôt les évidences. D’abord, il y a l’histoire. En 1961, au moment où les colonies africaines accèdent à l’indépendance, l’UICN, l’UNESCO et la FAO lancent le « Projet spécial pour l’Afrique ». Il s’agit de « poursuivre le travail accompli dans les parcs », stipulent leurs archives. Pour employer et financer les Européens qui travaillent déjà sur place est alors imaginée la création d’une banque, un Fonds mondial pour la nature. Ainsi naît le World Wildlife Fund ( WWF). Tout au long des années 1960 et 1970, le WWF permet aux administrateurs coloniaux de se reconvertir en experts internationaux, et de poursuivre leur combat : mettre plus de terres en parc ; empêcher que les humains y cultivent la terre. Les dirigeants africains, eux, acceptent volontiers.

En Afrique également, comme ici en Éthiopie, l’activité agricole a façonné les paysages pendant des siècles.

Grâce aux parcs et à la reconnaissance internationale qui les accompagne, ils peuvent non seulement développer l’industrie touristique, mais aussi planter le drapeau national dans des territoires qu’ils peinent à contrôler : chez les nomades, dans les maquis, aux frontières. Et cette façon de conserver la nature africaine pèse encore sur le présent : l’alliance entre l’expert et le dirigeant continue, au détriment de l’habitant.

Il y a l’histoire, puis il y a, aussi, l’absurdité. Quel est le coût écologique de la visite d’un parc national africain ? Un randonneur s’équipe d’une tente avec des arceaux en aluminium pour un sac léger, de chaussures et d’une veste en goretex pour une tenue imperméable et « respirante », d’un maillot de corps en polaire pour supporter le froid des soirées en haute montagne… Autant de matériaux dont la fabrication passe par l’extraction industrielle et la transformation chimique de bauxite et de pétrole. Sans compter que le trajet en avion aura émis au moins 0,5 t de CO2. Bref, visiter un parc naturel africain équivaut à détruire ailleurs dans le monde les ressources qui sont mises en parc en Afrique.

Après l’aberration écologique vient l’injustice sociale. Aujourd’hui encore, les institutions internationales de la conservation exigent des États africains qu’ils empêchent les habitants des parcs de cultiver la terre. Mais de qui parle-t-on, au juste ? D’hommes et de femmes qui produisent leur propre nourriture, de cultivateurs et de bergers qui se déplacent généralement à pied, de paysans qui vivent sans électricité, ne consomment que très peu de viande et de poisson, n’achètent que rarement de nouveaux vêtements.

Et contrairement à deux milliards de personnes, ils n’ont ni ordinateur ni smartphone. Leur mode de vie ne nuit en rien à la protection de la planète. L’UNESCO, le WWF, l’UICN, les experts internationaux et bon nombre d’entre nous considèrent pourtant que leur expulsion est éthique et nécessaire, c’est-à-dire juste, et justifiée. Pourquoi ? Parce que s’en prendre à eux permet d’éviter de nous en prendre à nous-mêmes.

Revue Progressistes | 24 Oct 2021 à 20:23 | Catégories : Environnement et SociétéN° 31 | URL : https://wp.me/p3uI8L-2Y7

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26 octobre 2021 2 26 /10 /octobre /2021 05:29

 

Depuis peu, on assiste à un développement des installations de méthanisation, c’est-à-dire de fabrication, à partir de composants organiques que l’on fait fermenter, d’un gaz composé majoritairement de méthane, donc combustible. Il en résulte un résidu appelé « digestat », utilisable comme engrais. Cette description un peu idyllique explique que le biométhane, qualifié de « gaz vert », est l’objet de toutes les attentions. Mais le diable est dans les détails.  

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) d’avril 2020 ambitionne une production de biogaz de 14 TWh en 2023, et jusqu’à 32 TWh en 2028. Ces objectifs sont-ils réalistes ? La question mérite d’être posée : il ne suffit pas de produire, il faut des débouchés, or ils sont limités. Le biogaz peut être utilisé comme carburant pour véhicules (on parle alors de gaz naturel pour véhicule [GNV]) après construction d’une station de remplissage près de l’usine de méthanisation. Mais en France, la motorisation au gaz naturel est peu développée : en février 2020, seulement 21500 véhicules roulaient au GNV. À l’état brut, ou après un léger traitement, le biogaz peut être valorisé sur le site sous forme d’électricité ou/et de chaleur. Cette électricité peut être autoconsommée ou revendue à EDF.

La loi oblige EDF à acheter l’électricité par contrats de vingt ans, à un prix allant de 150 à 220 €/MWh. Très supérieur au prix du marché européen.

La PPE envisage un développement de la production d’électricité au biogaz jusqu’à 8 TWh en 2023, alors qu’en 2019 la production d’électricité à partir de biogaz s’est élevée à 2,3 TWh, soit 0,5 % de la consommation électrique française. Après filtration du biogaz, le biométhane obtenu peut être injecté dans les réseaux de gaz et vendu à un fournisseur, qui le revendra à ses clients domestiques ou professionnels. La PPE envisage une baisse de 22 % de la consommation de gaz naturel en 2028, compensée par un développement massif des installations de production de biométhane : 6 TWh en 2023 et jusqu’à 22 TWh en 2028. Une ambition optimiste quand on sait que la production de biométhane n’a été que de 1,2 TWh en 2019.

FINANCEMENT PUBLIC MASSIF

C’est sur ces deux dernières options que le gouvernement fonde son pari. Pour cela, il est prêt à mettre le prix… payé par d’autres ! Avec la technologie actuelle, ni le biogaz ni le biométhane ne sont compétitifs. Selon une étude, le coût de production sans subvention du biométhane varie de 122 €/MWh pour les petites installations à 94 €/MWh pour les plus grosses, donc très supérieur au prix de gros du gaz naturel, qui est de 20 à 25 €/MWh((https://www.eneaconsulting. com/competitivite-de-la-filie re-biomethane-francaise/)).

Plusieurs cas de pollution des nappes phréatiques par les bactéries du digesteur ou par le digestat épandu ont été relevés en France.

La loi oblige donc EDF à acheter l’électricité par contrats de vingt ans, à un prix allant de 150 à 220 €/MWh. Très supérieur au prix du marché européen qui varie de 35 à 50 €/MWh pendant 330 jours par an, alors que cette électricité n’est ni programmable ni pilotable. Ce prix de rachat est répercuté par EDF sur la facture du consommateur d’électricité. Pour le biométhane injecté dans le réseau, l’État a opté pour un tarif d’achat imposé. Un producteur est assuré de vendre son biométhane au fournisseur de gaz naturel de son choix, à un tarif fixé pour une durée de quinze ans. La PPE envisage une baisse de 22% de la consommation de gaz naturel en 2028, compensée par un développement massif des installations de production de biométhane : 6 TWh en 2023 et jusqu’a 22 TWh en 2028. Suivant le type d’installation et la nature des déchets, ce tarif d’achat est compris entre 45 et 125 €/MWh. Un prix avantageux comparé au prix sur les marchés du gaz naturel, de l’ordre de 20 à 25 €/MWh, et avec la prise en charge par GRDF de 40 % du coût de raccordement au réseau. Un cadeau supporté par l’ensemble des usagers du gaz. Pour justifier ces subventions, les partisans du biogaz invoquent les externalités positives : réduction des gaz à effet de serre, bénéfice pour la balance commerciale, création d’emplois locaux et allégement de la gestion des déchets pour les collectivités. Ces externalités positives, difficiles à évaluer, pourraient effectivement être internalisées sous forme de subventions ou de prix préférentiels. Encore faut-il qu’elles soient avérées et qu’on n’oublie pas les externalités négatives.

UN PROCESSUS POTENTIELLEMENT DANGEREUX

Si le processus de méthanisation améliore le bilan carbone, il faut porter au passif les émissions liées à la logistique. Certaines usines de méthanisation communes à plusieurs exploitations agricoles peuvent nécessiter, selon leur taille et la quantité des intrants, des norias de plusieurs dizaines de camions par jour. Outre les nuisances auditives et olfactives, les émissions de gaz polluants ou à effet de serre s’en trouvent lourdement ac - crues.  Si le processus de méthanisation améliore le bilan carbone, il faut porter au passif les émissions liées à la logistique. Par ailleurs, en vieillissant, les digesteurs peuvent perdre de leur étanchéité et être à l’origine de fuites de méthane. Sans compter le risque d’explosion, un taux de fuite de 4 % suffirait à réduire à néant le bénéfice sur les émissions de gaz à effet de serre, puisque le méthane a un effet 25 fois supérieur au CO2. Le digestat n’est pas le fertilisant idéal tant vanté. C’est un mélange de matières riches en azote mais chargé de métaux lourds et d’agents pathogènes (bactéries, parasites, résidus médicamenteux). 

COMMENT ÇA MARCHE ?

Le biogaz est issu de la fermentation anaérobie de matières organiques : déchets issus de l’agriculture, de l’industrie alimentaire, des ordures ménagères. Cette fermentation est un procédé biochimique résultant de l’action de divers types de bactéries. Le biogaz brut est composé de 50 à 65 % de méthane (le reste est composé de CO2, de H2S, d’eau et d’impuretés diverses).

Le biométhane est un biogaz qui a subi une épuration poussée grâce à laquelle il atteint le même niveau de qualité que le gaz naturel. La fermentation nécessite la présence d’intrants qui apportent les bactéries : lisiers de porcins et de bovins, fientes de volaille, boues, déchets organiques… ; et d’intrants apportant du carbone pour favoriser la production de méthane : maïs, betteraves, tourne - sol… Les principaux intrants méthanisables sont les déchets agricoles (déjections, cultures intermédiaires…), les déchets agroalimentaires (d’abattoirs, laiteries…), les ordures ménagères et les boues de stations d’épuration. Aux imperfections près, le bio - méthane est considéré comme neutre en carbone. Si sa combustion dégage du CO2, il s’agit de CO2 préalablement capté dans l’atmosphère par photosynthèse par les végétaux méthanisés.

La fermentation génère un résidu riche en azote, le digestat ; c’est une matière solide ou pâteuse qui représente de 70 à 90 % de la masse introduite dans le digesteur. Selon la nature des intrants, les digestats peuvent aussi contenir des métaux lourds et des microorganismes pathogènes (virus, bactéries, parasites). Potentiellement dangereuses, les usines de méthanisation sont des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Mais la plupart ne sont soumises qu’à déclaration, une procédure peu contraignante, sans consultation publique.

L’IRSTEA ((IRSTEA, Impact du compostage et de la méthanisation sur les pathogènes et l’antibiorésistance, université de Rennes.)) montre qu’une méthanisation à 40 °C maximum réduit moins le nombre de pathogènes qu’une méthanisation à 50 °C ou un compostage à 70 °C ; or les systèmes les plus utilisés s’arrêtent à 40 °C. Lorsque le digestat est épandu, il est absorbé par le sol et s’infiltre vers les cours d’eau et les nappes phréatiques, notamment dans les sols calcaires. Plusieurs cas de pollution des nappes phréatiques par les bactéries du digesteur ou par le digestat épandu ont été relevés en France. Les nuisances olfactives (H2S, gaz…) sont courantes. En outre, le digestat est volatil et au contact de l’air va produire du protoxyde d’azote, gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO2.

UNE RÉGLEMENTATION PERMISSIVE

L’impact potentiel du biogaz sur l’équilibre des filières agricoles est aussi une externalité négative. La production de biogaz constitue un revenu complémentaire pour les agriculteurs, et la tentation peut être grande de consacrer une partie des terres agricoles à la culture d’intrants dédiés. La réglementation française limite un peu ce risque, mais c’est ce qui s’est passé en Allemagne (voir encadré cidessous).

UN DANGER POUR L’AGRICULTURE La méthanisation industrielle pourrait impacter négativement le monde agricole, en entraînant une concur - rence effrénée à l’appro visionnement en intrants avec des effets désastreux sur les prix, en détournant les terrains agricoles de leur vocation alimentaire et en générant des revenus de nature à fausser les conditions d’acquisition des terres. C’est déjà ce qui se passe outre-Rhin.

Fin 2017, l’Allemagne comptait 9331 unités de méthanisation. Le pays méthanise des sous-produits animaux (lisier et fumier) et des matières premières renouvelables. Mais les effluents et déchets représentent à peine 25 % des intrants ; 75 % sont constitués de cultures dédiées, parmi lesquelles le maïs domine. En Allemagne, en 2015, près d’un million d’hectares étaient consacrés à la production de biogaz. En seulement quatre ans, le prix de la location de l’hectare est passé de 250 à plus de 600 € par an.

Même l’organisation écologiste Les Amis de la Terre s’en émeut : « Une unité moyenne a besoin de 200 ha cultivés en maïs et elle doit être constamment alimentée. L’appétit pour le maïs a transformé l’Allemagne en désert.((http://amisdelaterre40.fr/spip/spip.php?article230.)) ».

En France, l’utilisation de maïs pour la méthanisation, bien que plafonnée à 15 %, est très importante. Les besoins pour les grosses exploitations-usines augmentent. Elles achètent du maïs sur pied à un prix très avantageux. Cette pratique encourage la monoculture et bloque la rotation des cultures avec des conséquences connues : utilisation excessive d’engrais et de pesticides, inflation sur les autres produits nécessaires aux animaux. Leur capacité financière leur permet de rafler les terres agricoles disponibles en alimentant la spéculation foncière aux dépens des petits agriculteurs. Selon la Confédération paysanne, « Aucun contrôle relatif aux approvisionnements n’est réalisé sur le terrain concernant les ap pro - visionnements et le respect du plafond des 15 % de cultures principales, entraînant une vraie incertitude sur le respect réel de cette mesure ». Elle estime que « trop de végétaux qui ne sont pas des déchets alimentent les méthaniseurs, au détriment de la souveraineté alimentaire et de la solidarité entre paysan(ne)s. Le plafond de 15 % est beaucoup trop élevé pour permettre d’éviter des accaparements de terres massifs »((Confédération paysanne, « La méthanisation est-elle compatible avec l’agriculture paysanne ? ».)).

Il faut donc limiter la production de biométhane au traitement des déchets et interdire l’utilisation de cultures dédiées pour ne pas reproduire les errements de la production de bioéthanol. La souveraineté ali mentaire ne doit pas être mise en danger pour une illusoire souveraineté énergétique ou une amélioration dérisoire du bilan carbone.

Malgré ces risques, l’État, outre les subventions massives, favorise le développement du biogaz par une réglementation laxiste. Il existe trois régimes administratifs d’installations classées pour l’implantation d’un méthaniseur. La plupart des installations (celles de moins de 30 t/j de matières) ne sont soumises qu’à déclaration, procédure peu contraignante : l’exploitant déclare son installation et peut la démarrer sans autre formalité.

En 2010 a été créée une autorisation simplifiée, l’« enregistrement », pour les installations consommant de 30 à 100 t/j d’intrants, où les contraintes sont faibles : pas d’étude d’impact ou de danger. En fait, le régime d’autorisation ne s’applique qu’aux très grosses installations (plus de 100 t/j). C’est la seule procédure qui exige une étude d’impact et de dangers et une enquête publique avant la décision du préfet. Elles sont contrôlées par les inspecteurs des installations classées alors que les petites installations sont autocontrôlées.

Généraliser le régime d’autorisation, systématiser les études d’impact, de risques et les consultations publiques sont la condition d’un développement du biogaz conforme à l’intérêt général.

Malgré les risques évoqués, les préconisations de l’arrêté technique de 2009 sont peu contraignantes. Pour l’implantation des unités, elles n’imposent qu’une distance minimale de 50 m des habitations et de 35 m des points d’eau. Et l’auto - contrôle est la règle.

Enfin, en 2018, un arrêté a facilité la mise sur le marché de digestats issus de la méthanisation agricole. La production de biogaz dans des conditions techniques satisfaisantes est une opportunité pour traiter les déchets agricoles. Mais elle doit être cantonnée au traitement des déchets « à la ferme », et non devenir une activité de production d’énergie de masse.

Au vu des dangers qu’elle recèle, sa mise en oeuvre doit être soumise à des exigences réglementaires moins laxistes. Généraliser le régime d’autorisation, systématiser les études d’impact, de risques et les consultations publiques sont la condition d’un développement du biogaz con - forme à l’intérêt général.

Revue Progressistes | 24 Oct 2021 à 20:05 | Catégories : Environnement et SociétéN° 31 | URL : https://wp.me/p3uI8L-2XN

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10 octobre 2021 7 10 /10 /octobre /2021 16:04

 

À trois semaines de la COP 26  qui va se tenir à Glasgow, l’année 2021  nous a fourni  des enseignements  préoccupants concernant notre souveraineté alimentaire du fait  des aléas climatiques qui rendent les récoltes agricoles incertaines. De leur côté, les  exploitants forestiers  constatent une dégradation de l’état sanitaire des massifs et demandent  au gouvernement d’avoir une politique budgétaire favorisant une gestion de long terme. Sans résultat pour le moment.    

Un récent  conseil spécialisé de FranceAgriMer  nous apprend  que « suite aux pluies incessantes de l’été,  la teneur en eau des blés tendres à l’entrée des silos est souvent plus élevée qu’à l’accoutumée, avec une moyenne nationale estimée à 14% ». Du coup, « des opérations de séchage par les collecteurs seront parfois nécessaires. Par ailleurs, les fortes chaleurs au moment du remplissage des grains et les pluies persistantes en fin de cycle ont altéré parfois les poids spécifique». Mal remplis à cause de pics de chaleurs, puis humidifiés par les pluies, les grains de blé sont allégés, ce qui diminue leur poids spécifique. Cette année, moins du tiers de la récolte dépasse les 76 kilos pour 100 litres de volume. Du coup, certains blés ne seront pas vendus pour faire du pain. Ils seront recyclés dans la filière des aliments du bétail, avec un prix de vente moins rémunérateur.

Pour autant, nous ne risquons pas, cette année, de manquer de pain en France. La récolte de blé tendre serait proche de 35 millions de tonnes sur le territoire français. Les exportations vers les pays membres de l’Union européenne seraient de 8 millions de tonnes pour la campagne qui vient de débuter, en hausse de 1,9 million de tonnes sur la précédente. En revanche, les exportations vers les pays tiers seraient en baisse de 2,2 millions de tonnes, du fait notamment de l’augmentation du coût de fret sur les longues distances. Mais elles atteindraient tout de même 9,6 millions de tonnes.

La France importe trop de protéines végétales

On peut raisonnablement penser que la France devrait, dans les prochaines années, produire moins de blé pour l’exportation et cultiver davantage de protéines végétales pour nourrir les Français et les animaux d’élevage. Pour l’alimentation humaine, le déficit est élevé en pois chiches, en haricots secs et en lentilles. Pour le bétail, notre pays importe près de 3 millions de tonnes de soja et de tourteaux chaque année alors nous pouvons produire toutes ces protéines végétales avec de bons rendements dans plusieurs régions du pays. Mais il faudrait pour cela que les aides de la Politique agricole commune (PAC) soient davantage orientées en ce sens, ce qui n’est pas franchement le cas avec la réforme qui va se mettre en place entre  2023 et 2027.

Avec le réchauffement climatique, l’économie forestière voit aussi sa gestion se compliquer.  A propos de filière bois, Antoine d’Amécourt, qui préside la Fédération nationale des syndicats des forestiers privés, publie une lettre ouverte dans laquelle on peut lire que « les maladies ont décimé des secteurs entiers de nos forêts avec en particulier la chalarose du frêne et les scolytes sur les résineux. Le déséquilibre sylvo-cynégétique n’est plus acceptable, il rend difficile le renouvellement forestier et fragilise la gestion durable de nos massifs ».

Une vulnérabilité préoccupante des massifs forestiers

Antoine d’Amécourt relève que « les incendies de l’été ont montré les vulnérabilités générées par un déséquilibre entre protection de la biodiversité et maintien d’activités sylvicoles ». Il note aussi que « sans un juste prix (du bois d’œuvre, ndlr) aucun propriétaire ne pourra engager les investissements coûteux et de très long terme indispensables pour assurer le renouvellement forestier, surtout en cette période de changement climatique ». Il propose de « construire en bois de France plutôt qu’avec des produits d’import, de privilégier des habitats qui stockent du CO2 sur le long terme ». Considérant que « les stériles polémiques ne font qu’alimenter les réseaux sociaux  et les amateurs de scandales», il estime que «seules les rencontres  et la compréhension commune de forêt et de la filière bois  permettront d’avancer».

Ces observations sont en phase avec celles exprimées par la Fédération nationale des communes forestières qui interpelle l’État en soulignant que ces communes «font face à de nombreuses difficultés pour la préservation des forêts : attaques de parasites, dépérissement de certaines essences, sécheresse répétées, risques d’incendies accrus. La Fédération attend du gouvernement « une véritable refonte de la politique forestière et la prise en compte du travail déjà exemplaire   des communes forestières pour la préservation du poumon vert de la France ».

Au moment où paraissait ce communiqué des communes forestières, l’hebdomadaire « La France Agricole » indiquait que dans le département du Doubs « 97% des communes ont des recettes forestières en recul, une centaine d’entre elles connaîtrait des difficultés budgétaires sérieuses, si la crise sanitaire devait perdurer ». Car cette crise conduit à couper du bois pour limiter la contamination des scolytes dans les massifs de résineux. Du coup, le prix du m3 de résineux baisse chaque fois que l’offre dépasse la demande. Le journal ajoutait que « la réforme du financement de l’ONF, qui prévoit une forte augmentation des frais de garderie (du bois coupé, ndlr) est aussi source d’inquiétude ».        

Non au traité de libre-échange UE-Mercosur

 Quelle soit publique ou privée, la forêt française doit être gérée avec une vision de long terme, ce qui implique d’avoir un juste prix du bois d’œuvre et sa transformation en France au lieu d’exporter toujours plus de grumes en Chine et ailleurs. Cela implique aussi, pour la préservation de nos forêts, comme pour l’agriculture, d’en finir avec les accords de libre-échange sur fond de dumping social et environnemental. Voilà aussi pourquoi le « Collectif national Stop-CETA-Mercosur » composé d’environ 35 organisations, dont ATTAC France, la CGT, la FSU et la Confédération paysanne, adressait le 21 septembre dernier une « Lettre ouverte à la Commission européenne et au gouvernement » français, leur demandant de ne pas « sauver » cet accord   pas encore ratifié, mais de l’abandonner car sa signature se traduirait par une accélération de la déforestation en Amazonie.

Mais on sait que la Commission cherche à faire ratifier cet accord tandis que le président Macron et le gouvernement français gardent le silence sur le sujet.     

 

 

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