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23 novembre 2020 1 23 /11 /novembre /2020 06:32

 

Des annonces très politiques pleuvent à Jérusalem : fin octobre, on apprenait l’expropriation de 200 commerces palestiniens à Jérusalem-Est afin de faire place nette pour un vaste complexe israélien technologique, touristique et commercial. Plus récemment, c’est le projet de construction de 96 logements dans la colonie de Ramat Shlomo qui ressurgit : il avait été annoncé en 2010 lors d’une visite en Israël de Joe Biden (Vice-président de l’époque), ce qui avait provoqué la colère de Biden et de l’administration Obama (le projet avait alors été gelé). Dimanche 15 novembre, ce sont 1200 logements qui sont annoncés dans la colonie de Givat Hamatos, projet destiné à isoler encore plus Bethléem de Jérusalem. Parallèlement les ordres de démolitions et d’expropriations tombent dans les quartiers palestiniens de Sheikh Jarrah et de Silwan.

Année de l’annonce du plan Trump et de l’annexion de la vallée du Jourdain et des colonies, l’année 2020 est une année noire pour la Palestine : records de constructions dans les colonies, records de confiscation de terres, records de destructions et particulièrement à Jérusalem où la politique israélienne de nettoyage ethnique se poursuit à grande vitesse et à bas bruit. Une politique planifiée depuis des décennies : impossibilité de construire, destruction d’habitat, vol de terres et de biens, construction massive de colonies économiques et de peuplement, transfert forcé de population, répression de toute opposition. L’objectif d’Israël est clair : rendre la vie des Palestiniens impossible pour les forcer à partir. Ils sont privés de tout droit élémentaire : droit à l’éducation, à la santé, droit de se déplacer et de vivre en famille, droit de pratiquer leur mode de vie et d’accéder à leurs lieux de culte.

Au cœur de ces politiques de nettoyage ethnique, les lois édictées par Israël depuis plus de 70 ans. C’est particulièrement le cas à Jérusalem où les Palestiniens, considérés comme des étrangers sur leur propre terre, sont soumis au bon vouloir d’Israël qui décide de qui a le droit d’y vivre ou pas. Dans sa loi du 8 mars 2018 Israël prétend bannir de Jérusalem les Palestiniens pour « défaut d’allégeance ».

C’est cette menace qui pèse aujourd’hui sur Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, déjà enfermé pendant 9 ans au total dans les prisons israéliennes. Israël s’acharne sur lui espérant le faire renoncer à vivre sur sa terre natale à Jérusalem. Outre les emprisonnements arbitraires, Salah Hamouri est victime de l’interdiction qui est faite à sa femme et à son fils – en France actuellement - de le rejoindre à Jérusalem.

À deux mois de l’installation de la nouvelle administration étasunienne Netanyahou fait ce qu’il sait faire le mieux : rapport de force, politique de la terre brûlée et du fait accompli. Que Biden ne reconnaisse pas les colonies comme légales - contrairement à Trump et Pompeo - cela lui importe peu, le message est clair : le nettoyage ethnique à Jérusalem continue ! L’annonce par Biden du maintien de l’ambassade étasunienne à Jérusalem ne peut que l’encourager.

La situation des Palestiniens de Jérusalem ne peut plus être ignorée, celle de Salah Hamouri non plus. Il faut absolument arrêter Netanyahou et protéger les Palestiniens vivant sous occupation israélienne. La France doit prendre toute sa part pour que soit mis fin à l’occupation de Jérusalem-Est et au nettoyage ethnique dont sont victimes les Palestiniens de Jérusalem et particulièrement notre compatriote Salah Hamouri. Il doit pouvoir vivre avec sa famille à Jérusalem sans être harcelé en permanence par les autorités israéliennes.

L’AFPS engage ce jour une campagne en direction des parlementaires et des autorités françaises pour qu’elles mettent tout en œuvre dans ce sens.

Le Bureau national de l’AFPS

16 novembre 2020

 

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22 novembre 2020 7 22 /11 /novembre /2020 08:23
Bien public mondial. L’Afrique du Sud et l’Inde contre-attaquent sur l’accès aux vaccins - L'Humanité, 20 novembre 2020

 

Bien public mondial. L’Afrique du Sud et l’Inde contre-attaquent sur l’accès aux vaccins
Vendredi 20 Novembre 2020

À l’Organisation mondiale du commerce, une résolution des deux pays, examinée ce vendredi, propose de suspendre la propriété intellectuelle par temps de pandémie. L’Union européenne et la France, en particulier, ont l’opportunité concrète de sortir de leur duplicité pour choisir la vie avant les profits de Big Pharma.

L’aveu est passé sous les radars, et ce serait fort dommage qu’il le reste. Les déclarations lénifiantes d’Ursula von der Leyen, la présidente  de la Commission, ou ­d’Emmanuel Macron, le président français, nul ne les ignore : le vaccin contre le ­Covid-19 devra être un « bien public mondial », répètent-ils depuis des mois. Très bien, mais qu’est-ce qu’ils entendent, au fond ? Fin octobre, Stella Kyriakides, la commissaire à la Santé, a, dans une ­réponse écrite à l’eurodéputé Marc Botenga (PTB), membre du groupe parlementaire de la Gauche unitaire européenne  (GUE-NGL), levé toute ambiguïté et ­démontré l’hypocrisie intrinsèque de Bruxelles dans cette affaire. « La notion de bien commun universel souligne l’importance pour l’humanité de trouver un vaccin qui pourra être utilisé pour la prévention du Covid-19, une infection qui ne connaît pas de frontières », plaide-t-elle d’abord. Avant d’être catégorique sur la portée réelle du slogan, inexistante selon elle : « Ce n’est pas un concept juridique entraînant des conséquences juridiques, en particulier dans le contexte des droits de   propriété intellectuelle, évacue Stella ­Kyriakides. Un système efficace de propriété intellectuelle est crucial pour garantir les incitations au développement de vaccins innovants. »

À  l’OMS, l’Union européenne a délibérément loupé le coche

En somme, quoi qu’il arrive dans la pandémie sans précédent que nous connaissons, le vaccin pourra, pour l’Union européenne, et donc pour la France, devenir un « bien public mondial »… Mais seulement une fois que les actionnaires des multinationales pharmaceutiques occidentales, campés sur leurs portefeuilles de brevets, auront ­ramassé le pactole. Et que les États les plus riches, après avoir payé les recherches publiques nécessaires depuis des décennies, subventionné massivement les développements actuels, les essais cliniques, les unités de production et les circuits logistiques, ou encore accepté de prendre en charge, pour l’avenir, les risques liés aux effets secondaires encore inconnus, auront raflé les premiers stocks pour leur propre compte…

Comme l’Humanité l’a établi cette semaine, les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Suisse, le Japon, le Canada et l’Australie peuvent d’ores et déjà compter sur près de 6 milliards de doses des différents vaccins élaborés par les mastodontes américains et européens, tandis que 92 pays moins riches, avec une population globale de 3,9 milliards de personnes, seront condamnés à se ­partager les rebuts – 500 millions de doses précommandées – à travers le Covax, le mécanisme de ­mutualisation non contraignante mis en place sous l’égide de l’Organisation ­mondiale de la santé (OMS).

En réalité, à chaque étape, jusqu’à présent, l’Union européenne a délibérément loupé le coche pour assurer un vaccin sûr, ­efficace, universel, abordable et accessible partout dans le monde. Cela a été le cas, en particulier, à l’OMS. Certes, à la différence des États-Unis de Trump qui ont engagé une procédure visant à sortir de l’institution multilatérale, Bruxelles s’implique financièrement dans l’outil public-privé, baptisé ACT Accelerator, dont dépend notamment le Covax. Mais, en dehors de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et du Portugal, les États membres – dont la France – et l’UE, en tant que telle, ont boycotté l’initiative bien plus ambitieuse et volontariste, connue sous l’acronyme C-TAP, qui devait déboucher sur une plateforme d’échanges de savoir-faire et de brevets pour toutes les technologies, les vaccins et les traitements contre le Covid-19 (lire nos éditions des 29 mai et 12 juin).

Introduire des dérogations temporaires aux brevets

Une nouvelle opportunité historique de faire du vaccin un réel bien public mondial s’ouvre désormais à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et c’est peut-être la dernière avant la catastrophe d’une gestion en mode sauve qui peut… Ce vendredi, au cours d’une réunion de son conseil dédiée aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic ou Trips en anglais), une proposition déterminante, formulée par l’Afrique du Sud et l’Inde, rejoints par le Kenya et l’Eswatini (ex-Swaziland), doit être examinée. Dans un champ forcément très technique, le texte vise à introduire des « dérogations à certaines dispositions de l’accord sur la propriété ­intellectuelle pour la prévention, l’endiguement et le traitement du Covid-19 ». La résolution considère que les brevets, le droit d’auteur ou la protection des savoir-faire ne doivent pas créer « d’obstacles à l’accès en temps utile à des produits médicaux abordables, y compris les vaccins et les médicaments, ni à l’intensification de la recherche, du déve­loppement, de la fabrication et de la fourniture de produits médicaux essentiels ».

L’Inde, forte de son statut d’« atelier du monde » pour les médicaments, et l’Afrique du Sud, en pointe depuis les batailles héroïques de Mandela pour l’accès au traitement contre le sida, proposent de suspendre toutes les dispositions qui protègent les intérêts privés des grandes multinationales pharmaceutiques et biomédicales « jusqu’à ce qu’une vaccination largement répandue soit en place à l’échelle mondiale et que la majorité de la population mondiale soit immunisée ». Représentant sud-africain à l’OMC, Mustaqeem de Gama défend cette perspective avec éloquence : « On va avoir besoin de plus de vaccins, pas de moins, ce qui doit amener à amplifier la production mondiale. Je n’arrive pas à comprendre que les gouvernements du monde entier ne soient que capables de sous-traiter leurs responsabilités, en matière de santé publique, à une poignée d’entreprises qui les retiennent en otages… »

Faute d’accord, l’Afrique du Sud demandera un vote à l’OMC

En quelques semaines, cette proposition a déjà reçu le soutien ferme de 99 États membres de l’OMC (sur un total de 164), du Nigeria à l’Argentine, en passant par l’Égypte, le Venezuela, le Pakistan et l’Indonésie. La Chine se dit ouverte à la discussion sur cette dérogation temporaire. Un seul bloc est vraiment hostile : les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Suisse, le Canada, le Japon et l’Australie, soit tous les pays qui monopolisent les premières doses de vaccin… À cette étape, dans son argumentaire en réponse à la proposition de l’Inde et l’Afrique du Sud, Bruxelles continue à défendre contre l’évidence l’idée que le régime des brevets « ne constitue en aucun cas un obstacle pour les médicaments et les technologies face au Covid-19 ». 

Dans une enceinte comme l’OMC, où le consensus est généralement recherché, l’Afrique du Sud a prévenu ces derniers jours : faute d’accord, elle pourrait aller jusqu’à demander un vote et, dans ce cas, elle a, de l’avis général, de bonnes chances de l’emporter car il lui suffit de convaincre un peu plus d’une vingtaine de pays supplémentaires pour dépasser le seuil majoritaire de 75 % des États membres… Codirecteur de la campagne pour l’accès aux médicaments de Médecins sans frontières, Sidney Wong lance un défi qui devrait siffler aux oreilles des dirigeants européens : « Les gouvernements doivent se demander de quel côté de l’Histoire ils veulent se trouver quand les livres sur cette pandémie ­seront écrits. » 

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22 novembre 2020 7 22 /11 /novembre /2020 08:13
États-Unis. La gauche alerte sur le lobbying de la Big Tech (L'Humanité, Bruno Odent, 20 novembre 2020)
États-Unis. La gauche alerte sur le lobbying de la Big Tech
Vendredi 20 Novembre 2020

La jeune élue du Congrès Alexandria Ocasio-Cortez s’alarme des dérégulations exigées par Uber & Co et de leurs relais dans l’équipe Biden.

 

Elle fut sans doute l’une de ceux qui auront le moins ménagé leurs efforts pour « faire voter » dans les quartiers populaires et débarquer le président d’extrême droite, Donald Trump. Pourtant, Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), réélue haut la main le 3 novembre à la Chambre des ­représentants, est taraudée aujourd’hui par l’inquiétude. Elle dénonce le forcing de la Big Tech en vue d’étendre la dérégulation d’un droit du travail, déjà bien malmené dans le pays. Ces géants de l’Internet peuvent s’appuyer sur le succès obtenu par Uber et consorts dans un référendum en Californie contre les garanties et protections sociales des chauffeurs ou autres travailleurs adhérant à leurs plateformes. Surtout, leurs hommes exercent une influence déjà notoire au sein de l’équipe Biden en cours de constitution.

Les chauffeurs ramenés à un statut d’autoentrepreneurs

AOC a tenu meeting, il y a quelques jours à New York, dans sa circonscription très populaire qui englobe des quartiers du Bronx et du Queens, pour alerter contre une extension rapide à tous les États-Unis des dispositions antisociales de « la proposition 22 », validée lors des scrutins du 3 novembre par les électeurs californiens. « Je suis très inquiète du rôle que va pouvoir jouer la direction d’Uber auprès de cette administration après ce qui est arrivé en Californie ! » a lancé la jeune femme proche de Bernie Sanders. La légis­lation californienne adoptée en 2019 et torpillée par le référendum tentait de garantir aux employés du secteur congés ­maladie, paiement d’heures supplémentaires et accès à une assurance-­chômage. Tout cela est balayé par la proposition 22, qui ramène les chauffeurs et autres intervenants au statut d’autoentrepreneurs contractuels, donc corvéables à merci.

Un grand nombre de chauffeurs qui habitent dans la circonscription 14 d’Ocasio-Cortez à New York, travaillent pour diverses compagnies de taxis, sont souvent, des « app drivers (conducteurs fonctionnant avec une appli) qui, dit-elle, seraient en première ligne » d’une généralisation de la dérégulation. Or celle-ci est ouvertement revendiquée, depuis le lendemain des scrutins du 3 novembre, par les dirigeants des compagnies Uber, Lyft, DoorDash, Instacart ou Postmates qui ont dépensé la bagatelle de 200 millions de dollars en publicités politiques en Californie, rejoignant les outrances des élections 2020 où ont été enregistrés quelque 14 milliards de dollars de dépenses cumulées, record historique.

Uber se sent pousser des ailes

L’un des grands dirigeants d’Uber, parti­culièrement engagé dans cette campagne californienne et ses suites, est un certain Tony West, un avocat d’affaires. Signe particulier : l’homme est depuis 2003 l’un des principaux conseillers de la vice-présidente Kamala Harris, qu’il a accompagnée tout au long de sa carrière politique. Il est même, accessoirement, devenu son beau-frère. Sans nommer directement West, AOC a explicité devant ses électeurs à New York que ses raisons de tirer l’alarme tiennent « aux représentants venus de la Big Tech (dans l’équipe Biden), ce qui va avoir un effet incroyablement dommageable sur les droits et le monde du travail ». Et, en effet, hormis West, l’équipe de transition de Biden a recruté un certain Matt Olsen, un autre représentant de haut vol d’Uber Technologies Inc.

Uber se sent pousser des ailes et exprime publiquement le souhait de voir la déréglementation votée en Californie « devenir non seulement la norme aux États-Unis, mais dans le monde entier ». C’est dire combien le combat déclenché par Alexandria Ocasio-Cortez acquiert une dimension pleinement internationale. 

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19 novembre 2020 4 19 /11 /novembre /2020 06:17

 

La séance d’ouverture du forum européen, le 8 novembre dernier, est largement revenue sur l’urgence d’une autre utilisation de l’argent pour lutter contre la domination du capital en Europe et pour ouvrir des brèches dans la construction capitaliste de l’UE.

 

 

La semaine passée fut marquée par deux évènements importants de ce point de vue. L’ « accord », présenté comme « historique », entre le Conseil et le Parlement européen, se solde par l’ajout de 16 milliards au budget pluriannuel de l’UE pour les années 2021-2027. Cela demeure insuffisant par rapport à l’ampleur de la crise européenne, sanitaire, économique et sociale. Les fonds alloués pour la santé avaient été quasiment supprimés du budget de l’UE et transférés dans le programme de « relance » de 750 milliards d’euros, limité dans le temps, par la décision du Conseil européen du 20 juillet dernier. La nouvelle mouture adoptée la semaine dernière alloue seulement, au total, et pour six ans, la somme de 5 milliards d’euros à la santé, contre les 9,4 milliards qui figuraient dans la toute première proposition. L’accord soi-disant « historique » se traduit donc par une division par deux du budget européen sur la santé et reste dans la logique initiale d’un budget de l’UE adossé à un plan de relance gravement sous-dimensionné, et financé en grande partie par un endettement remboursable sur les marchés financiers. Les demandes formulées, par exemple, par le gouvernement espagnol en avril dernier, d’un plan de relance chiffré à 1 500 milliards et financé par de la dette perpétuelle, donc non remboursée, demeurent lettre morte.

Cet « accord » a été précédé par un appel commun, passé inaperçu, de trois gouvernements, les Pays-Bas, la Suède et la Roumanie, à constituer une nouvelle institution de l’UE, une « structure permanente de coordination de crise » dont l’objectif n’est pas de répondre aux besoins des peuples mais d’empêcher « des ruptures du Marché unique », c’est-à-dire de protéger la sacro-sainte règle capitaliste de la concurrence libre au sein de l’UE. Cette proposition provient de gouvernements qui s’opposent à l’émission de dettes communes à l’UE et qui cherchent à en proposer une alternative.

Ces deux évènements illustrent à la fois l’absence de projet commun des bourgeoisies européennes pour sortir de la crise européenne et la volonté de protéger, voire de relancer, l’intégration capitaliste européenne, par des biais contradictoires. Entre E. Macron qui cherche à faire du plan de « relance » une ébauche de la « souveraineté européenne » et qui prépare une conférence européenne fin 2021 dans l’espoir de lancer le processus d’un nouveau traité européen, A. Merkel et la bourgeoisie allemande qui cherchent à éviter l’effondrement de la zone Euro et qui sont contraints à des bouger tactiques et, espèrent-ils, temporaires, un ensemble de bourgeoisies au nord du continent qui veulent à tout prix défendre le libre-échange, des gouvernements d’Europe de l’Est qui piétinent en même temps les droits fondamentaux, et les pays du sud, dont la crise renforce le caractère périphérique, les divergences s’accentuent dans les classes dirigeantes européennes. Mais elles se retrouvent sur la nécessité de maintenir la domination du capital sur l’Europe et la logique néolibérale de la construction européenne, représentée par les traités européens, l’indépendance et les missions de la BCE, les règles de surveillance budgétaires, qui sont atténuées mais maintenues, et le carcan de la dette publique. La question de l’utilisation de l’argent, qu’il procède de l’UE ou de la BCE, celle de la dette publique, et celle de la lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux sont plus centrales que jamais. La fraude et l’évasion fiscale représentent en Europe une somme bien supérieure au plan de « relance » de l’UE. Tout comme est centrale la nécessité du contrôle démocratique, par les peuples et des nations, sur l’argent, pour le réorienter des banques aux citoyens, vers la santé, l’emploi et les services publics. C’est une bataille centrale de rapports de force de classes en Europe. 

Le 4e forum européen des forces de gauche, progressistes et écologistes a vocation à poser ses questions centrales et à travailler à des initiatives communes montrant qu’il est possible de changer de logique, d’ouvrir des brèches dans la construction libérale-capitaliste européenne en associant la question sociale, la question écologique et la question de l’exercice de la souveraineté démocratique des peuples et des nations, et de faire bouger les rapports de force.

Un débat sera donc important dans le calendrier : le 26 novembre, de 18 h à 20 h, sur « Quel nouveau modèle de production et de travail face à l’explosion du chômage ? » avec la participation de Fabien Roussel.

Le programme complet est à retrouver et les inscriptions se font sur le site du forum : https://europeanforum.eu/ 

Vincent Boulet, adjoint au secteur international/Europe

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15 novembre 2020 7 15 /11 /novembre /2020 09:32
Manuela d'Avila (photo wikipédia)

Manuela d'Avila (photo wikipédia)

Municipales au Brésil: Manuela d'Avila, espoir de la gauche à Porto Alegre

En tête des sondages dans la capitale de l'Etat de Rio Grande do Sul, la jeune communiste tente de polir son image.

Début d'un article dans Le Monde, 13 novembre 2020 - Bruno Meyerfeld

Tant pis pour le mercure qui monte et l'épidémie qui flambe : en ce brûlant après-midi d'octobre, en pleine crise sanitaire, Manuela d'Avila a la pêche. Joviale, la candidate de gauche à la mairie de Porto Alegre s'installe dans ses bureaux et retire le masque, dévoilant un large sourire. Avec cette étrange campagne menée essentiellement sur les réseaux sociaux (Covid-19 oblige), "On gagne beaucoup de temps! C'est très pratique. On évite tous les évènements inutiles" se réjouit-elle.

A 39 ans, la jeune femme a de quoi être enthousiaste : tous les sondages la donnent en tête, avec 27 % des voix au premier tour et victorieuse au second, loin devant ses adversaires de droite et du centre. Communiste, féministe, engagée sur les droits humains et les minorités, Manuela d’Avila incarne la jeunesse et les espoirs de gauche dans la capitale du Rio Grande do Sul, à rebours de Jair Bolsonaro et de l’extrême droite au pouvoir.

"Manu" (son surnom) est loin d'être une nouvelle venue en politique. Dans le monde communiste, ce serait même plutôt une apparatchik: déjà candidate (malheureuse) par deux fois à la mairie de Porto Alegre, Manuela d'Avila fut élue en 2004, à 23 ans, conseillère municipale (la plus jeune de l'histoire de la ville) puis successivement députée fédérale (2007-2015) et régionale (2015-2019). C'est elle tout naturellement que Fernando Haddad, le candidat du Parti des Travailleurs (PT) à la présidentielle de 2018, choisit comme colistière, au poste de vice-présidente... 

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15 novembre 2020 7 15 /11 /novembre /2020 09:30
Les chiffres qui tuent.
45% de fréquentation en plus au Secours Populaire depuis la crise du Covid, 1,3 millions de personnes, et 1,4 millions de personnes accompagnées aussi par le Secours Catholique. Un million de chômeurs en plus, un million de personnes qui ont basculé dans la pauvreté. La moitié des chômeurs qui ne sont pas indemnisés. Des français les plus modestes qui une fois payé les charges de leur maison (loyers, électricité, eau, chauffage, télécommunications) vivent pour le reste avec entre 2 et 9 euros par jour et par personne (étude du secours catholique présentée dans L'Humanité le jeudi 12 novembre).
Pendant ce temps, les 2189 milliardaires dans le monde ont connu une hausse de leur richesse de 24% entre avril et juillet 2020 pour constituer un total de 10200 milliards de dollars.
Les 25 plus riches ont vu leur richesse augmenter de 255 milliards de dollars entre mi-mars et fin mai 2020.
Le contraste est saisissant : ceux qui sont déjà riches s’enrichissent quand les pauvres s’appauvrissent. Les entreprises licencient à tour de bras pendant que les actionnaires continueront de percevoir leurs dividendes auprès de nombreuses sociétés, démontant ainsi que la financiarisation de l’économie phagocyte l’économie réelle au profit de quelques-uns.
Comment, dans ce contexte, comprendre et accepter que le gouvernement continue de verser des aides diverses et variées à des entreprises sans exiger la moindre contrepartie en terme d’emplois, de formation ou d’investissement ? Comment accepter que les riches sont exonérés de tout effort de solidarité nationale? C'est le Secours Catholique qui l'annonce cette semaine, sous Macron, le Pouvoir d'achat des 0,1% les plus aisés a crû de 27%.
On va continuer à accepter ça longtemps?
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15 novembre 2020 7 15 /11 /novembre /2020 08:59
Le scandale de l'immobilisation des navires de sauvetage en Italie alors que de nouveaux migrants meurent chaque jour noyés en Méditerranée
Le scandale de l'immobilisation des navires de sauvetage en Italie alors que de nouveaux migrants meurent chaque jour noyés en Méditerranée

Vendredi 13 novembre, une fois de plus, plus de 100 migrants sont morts noyés au large de la Libye. Et encore, ce ne sont que les drames connus.

Un drame de plus donc à mettre au crédit d'une politique d'immigration européenne déshumanisée, contraires aux Droits de l'Homme. 

De nombreuses embarcations de fortune partent actuellement d'Afrique du Nord vers l'Europe, et un seul bateau de sauvetage circule entre l'Italie, la Tunisie et la Libye, 6 autres étant bloqués à quai comme ici a Porto Empedocle près d'Agrigente au sud de la Sicile (photos du mois d'août du Sea Watch et de l'Océan Viking bloqués administrativement au port) en Sicile par le gouvernement italien, sur une orientation d'anti-immigration qui est confortée par l'attitude de ses voisins européens.

Continuer à interdire l'accès à la mer de ces bateaux de sauveteurs d'ONG c'est encore condamner des centaines de réfugiés à la noyade. C'est un crime, de la non assistance à personnes en danger.

Une pétition internationale est actuellement disponible sur Change.org pour dénoncer ce scandale humanitaire et humain.

https://www.change.org/p/lib%C3%A9rez-l-ocean-viking-2

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15 novembre 2020 7 15 /11 /novembre /2020 05:53

 

Lourd du symbole colonial, le franc CFA – le franc de la Communauté financière africaine – sera remplacé par l’eco. Mais ce changement de monnaie mettra-il réellement fin à la domination monétaire et coloniale de la France sur une partie importante du continent africain ?

*Ndongo Samba Sylla est économiste du développement sénégalais. Auteur avec Fanny Pigeaud de l’Arme invisible de la Françafrique. Une histoire du franc CFA.

DU DÉNI À LA RECONNAISSANCE ?

« Créé officiellement le 26 décembre 1945 par la France du général de Gaulle, le franc CFA était la dernière monnaie coloniale ayant cours », a souligné le journal le Monde à la suite de l’adoption, le 20 mai 2020, par le gouvernement français, du projet de loi relatif à la révision de l’accord de coopération monétaire entre la France et les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

Après des décennies de déni systématique, il est instructif de voir ce journal centriste reconnaître, enfin, que le franc CFA est une « monnaie coloniale » partagée par des pays formellement indépendants, depuis 1960 pour la plupart. Jusque-là, ce type de propos était tenu pour « extrémiste » par les médias français, et par le gouvernement français, qui a régulièrement affirmé que le franc CFA est une « monnaie africaine » et donc un « non-sujet » pour la France, comme le soutenait Emmanuel Macron en novembre 2017, à Ouagadougou. L’usage de l’imparfait dans la phrase précitée laisse penser, à tort, que la page du franc CFA a été définitivement tournée. En réalité, le déni du colonialisme monétaire et, plus généralement, des différentes facettes de l’impérialisme français en Afrique a été l’un des sports favoris de l’opinion publique hexagonale, à quelques exceptions près. Le franc CFA n’est pas encore mort. Et, il vaut la peine de le noter : ce n’est pas la « dernière monnaie coloniale ayant cours ». Le franc des colonies françaises du Pacifique (CFP), créé en même temps que le franc CFA et avec les mêmes principes de fonctionnement, est l’unité monétaire de trois ensembles territoriaux sous administration française. Sa dénomination originelle est demeurée inchangée.

LES NON-DITS D’UNE RÉFORME

Le projet de loi relatif au nouvel accord de coopération entre la France et les pays de l’UEMOA est la suite logique de la réforme du franc CFA annoncée à Abidjan, le 21 décembre 2019, par Emmanuel Macron, en compagnie de son homologue ivoirien, Alassane Ouattara. Pour le moment, celle-ci concerne uniquement le franc CFA utilisé en Afrique de l’Ouest, à l’exclusion du franc CFA utilisé par les six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Trois changements principaux sont à l’ordre du jour. Le premier est la fermeture du compte d’opérations, c’est-à-dire du compte courant ouvert au nom de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dans les livres du Trésor français. En contrepartie de la « garantie de convertibilité » du gouvernement français – sa promesse virtuelle de prêter des euros à la BCEAO en cas d’épuisement de ses réserves de change –, la BCEAO était jusque-là tenue de déposer au moins 50 % de ses réserves de change sur ce compte. Cela ne devrait plus être le cas : la BCEAO aura, en théorie, la possibilité de placer ses avoirs extérieurs où bon lui semble. Cette concession de la part du gouvernement français est une manière de couper court aux nombreuses spéculations et critiques, parfois infondées, autour du compte d’opérations. Elle s’explique également par des raisons financières : depuis quelques années, le taux d’intérêt nominal que le Trésor français offre à la BCEAO est supérieur aux taux quasi nuls auxquels il peut s’endetter sur les marchés internationaux. Il est à préciser que cela n’est pas ni n’a jamais été une faveur faite aux pays africains ; tout au contraire, les taux d’intérêt réels – les taux nominaux ajustés de l’inflation – ont souvent été négatifs. En d’autres termes, c’est comme si les pays africains, jusque-là, payaient la France pour qu’elle leur garde leurs réserves de change !

Le deuxième changement concerne le retrait des représentants français des instances techniques de la BCEAO. Là, également, l’objectif du gouvernement français est de faire taire les critiques récurrentes sur ce point. Mais il est peu probable qu’il y parvienne. Car, en lieu et place des représentants français, le nouvel accord propose la « présence au Comité de politique monétaire de la BCEAO d’une personnalité indépendante et qualifiée nommée intuitu personae par le Conseil des ministres [de l’UEMOA], en concertation avec la France ».

Le dernier changement envisagé consiste à renommer le franc CFA : il devient « eco ». Le souci du gouvernement français et de ses alliés africains de faire oublier au plus vite un sigle honni a justifié cette décision controversée. Au départ, eco est le nom qui a été collectivement retenu par les quinze pays de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), dont les huit de l’UEMOA, pour leur projet de monnaie unique régionale qui remonte à 1983. Eco est d’ailleurs l’apocope d’ECOWAS (soit la traduction anglaise du sigle CEDEAO). Après de nombreux reports, l’eco de la CEDEAO était censé voir le jour en 2020. La feuille de route de la CEDEAO tablait sur un schéma, fort peu réaliste, d’intégration graduelle. Les pays qui rempliraient les critères de convergence – c’est-à-dire les critères d’entrée dans la future zone eco – devaient lancer l’eco en 2020. Apparemment, seul le Togo était dans ce cas. La question qui se pose maintenant est de savoir si les pays de la CEDEAO non membres de l’UEMOA, dont les anglophones, accepteront que ceux de l’UEMOA reprennent le nom eco sans autre forme de procès. En attendant, la rhétorique de la « fin » du franc CFA n’a aucune portée opérationnelle puisque l’eco fiduciaire – la circulation des billets de banque et pièces eco – devra attendre quelques années.

S’il est encore moins justifié de parler de « fin » du franc CFA en Afrique de l’Ouest, c’est parce que les mécanismes qui fondent ce dispositif monétaire colonial sont toujours en place. Une abolition du franc CFA aurait nécessité au moins, symboliquement, la fin de l’accord de coopération monétaire entre la France et les pays de l’UEMOA, c’est-à-dire l’abolition de tout lien formel de subordination monétaire de ces derniers vis-à-vis du Trésor français. Or cet accord a été renouvelé dans l’optique de rendre moins visible la domination monétaire française. La parité fixe avec l’euro, objet majeur de la critique des économistes, a ainsi été maintenue. De même, le Trésor français garde toujours un rôle de « garant », qu’il n’a jamais vraiment exercé, ainsi que le reconnaît, entre les lignes, le projet de loi.

L’esprit de la réforme du franc CFA est « tout changer pour que rien ne change ». C’est le principal enseignement que l’on peut tirer de l’audition de deux techniciens du Trésor français et de la Banque de France par la commission des finances de l’Assemblée nationale française, le 12 février 2020. De leur propre aveu, la réforme a pour objectif de sortir des « irritants politiques » sans affecter les « éléments essentiels »du système CFA, à savoir la parité fixe avec l’euro et la « garantie de convertibilité », une périphrase pour désigner un mécanisme de contrôle destiné à garantir les intérêts économiques français.

L'impérialisme monétaire s'étend sur plus de dix pays africains

L’AFROLIBÉRALISME COMME ALTERNATIVE ?

Avant l’annonce de décembre 2019, on pouvait identifier quatre positions sur la question de la réforme du franc CFA. La première est la perspective du « réformisme symbolique » : on se débarrasse des symboles gênants, mais on garde le cœur du système C’est la position du gouvernement français, c’est celle qui est reflétée dans le projet de loi.

La deuxième est la perspective de ce que l’on pourrait baptiser « réformisme adaptatif ». Elle consiste à sauvegarder le pré carré monétaire en l’adaptant à un contexte marqué par un déclin économique et géopolitique de la France. Les propositions comme celles visant à remplacer les représentants français par des Européens et à ancrer le franc CFA à un panier de monnaies (au lieu du seul euro) s’inscrivent dans cette optique. Mais elles tiennent plus du wishful thinking, d’une pensée magique. Le gouvernement français n’est pas prêt à céder volontairement son influence sur son pré carré et ne peut « octroyer » de garantie dans une monnaie tierce.

Tandis que ces deux premières positions émanent de l’intelligentsia françafricaine, la perspective dominante chez les panafricanistes est ce qu’on pourrait appeler celle de l’« abolitionnisme néolibéral ». De quoi s’agitil ? C’est un projet tout à fait paradoxal mais illustratif de la déshérence intellectuelle d’un panafricanisme contemporain noyé dans les eaux glacées de l’afrolibéralisme. Il consiste à dépasser le franc CFA, à mettre hors jeu la France viaune intégration monétaire d’essence néolibérale dans un cadre régional plus large. En effet, beaucoup d’intellectuels et de mouvements panafricanistes croient, à tort, que la monnaie unique CEDEAO, telle qu’elle a été envisagée jusque-là, est une alternative au franc CFA. Ils éludent le fait que la monnaie unique CEDEAO partage la même philosophie monétaire que le franc CFA, devenu euro CFA à partir de 1994, avec la transposition des critères de Maastricht aux pays de l’UEMOA et de la CEMAC. Or c’est un point que le gouvernement français et son allié ivoirien ont parfaitement compris : au jeu des critères de convergence, les pays de l’UEMOA pris collectivement pourront difficilement se faire battre par le reste des pays de la CEDEAO. La dernière position, qui est la nôtre, est celle de l’« abolitionnisme souverain ». Perspective minoritaire, elle met en avant le fait que les conditions politiques et économiques pour un partage mutuellement bénéfique d’une même monnaie ne sont pas remplies au sein de l’UEMOA, un ensemble qui n’a de justification que celle liée à l’histoire coloniale. Par conséquent, ces conditions seraient encore plus problématiques dans un cadre plus large, comme celui de la CEDEAO, où le commerce intracommunautaire est faible (environ 10 % du commerce total) et dont le PIB est dominé à près de deux tiers par le Nigeria, un des rares pays pétroliers de la zone.

Le franc CFA est une sorte de fossile vivant de la colonisation française

Pas plus que la monnaie coloniale aujourd’hui contestée, une monnaie sans souverain – l’euro tropicalisé que la CEDEAO entrevoit – ne peut être une réponse satisfaisante aux défis économiques de la région. Si les pays de la CEDEAO veulent une monnaie unique fonctionnelle et bénéfique pour tous, ils devraient d’abord travailler au plus vite à une union politique fédérale. Le mimétisme ne doit pas les pousser à mettre la charrue avant les bœufs comme les pays de la zone euro l’ont fait. Toutefois, au regard de la faible probabilité à court et moyen terme de l’avènement d’une union fédérale en Afrique de l’Ouest, un abolitionnisme souverain recommanderait plutôt la mise en place de monnaies nationales solidaires : chaque pays de la région doit avoir sa propre monnaie et les différentes monnaies nationales pourraient être rendues solidaires via un système de paiements régional, une unité de compte commune, la mise en place d’un fonds monétaire, la mise en commun d’une partie des réserves de change et l’adoption de politiques communes d’autosuffisance énergétique et alimentaire. Un tel système permet d’avoir tous les avantages attendus d’une monnaie unique sans les inconvénients notoires que la crise de la zone euro depuis 2008 et celle de long terme des pays CFA ont fait ressortir avec acuité.

L’impasse monétaire de l’Afrique de l’Ouest est, d’une certaine manière, l’expression de la contradiction à laquelle les pays francophones font face. D’un côté, leurs élites écartent toute idée d’une monnaie nationale : nombre de panafricanistes, prompts à critiquer leurs maîtres coloniaux, pensent paradoxalement comme eux que les pays de l’Afrique francophone ne sont pas capables, pour une raison ou une autre, de gérer avec succès une monnaie nationale; ce qui ne laisse que l’option d’une monnaie unique. Mais, d’un autre côté, ces pays peuvent difficilement sortir du statu quo monétaire colonial étant donné qu’ils n’ont montré aucune volonté de s’unir dans un cadre fédéral ni entre eux ni avec leurs voisins, un préalable à une intégration monétaire réussie. De ce point de vue, on pourra reconnaître une certaine cohérence politique à la position du gouvernement français. Pendant ce temps, la grande majorité des contempteurs africains de l’impérialisme occidental voient, hélas, dans les projets afro libéraux – monnaies uniques sans souverain, zone de libre-échange continentale, etc. – la réalisation des idéaux du panafricanisme originel. Espérons que la ratification du nouvel accord de coopération monétaire dans chacun des huit pays de l’UEMOA suscitera un débat clarificateur.

 

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14 novembre 2020 6 14 /11 /novembre /2020 13:00
Vaccin Covid-19 : Pas de géant - par Méline Le Gourrierec, commission internationale du PCF

L’annonce par les laboratoires américains, le "géant" Pfizer, et leur partenaire allemand BioNTech de la mise au point d’un vaccin performant contre la covid-19 à « 90 % d'efficacité » a fait la une de l'actualité en ce début de semaine faisant renaître l’espoir fou d’une sortie proche de la crise pandémique et sanitaire.

Depuis le début de la pandémie, une course de vitesse internationale est engagée pour la recherche d'un traitement et d'un vaccin. La communauté scientifique est sur tous les continents mobilisée à plein pour élaborer et tester en un temps record le vaccin que tous les peuples attendent impatiemment.

Nombre de chercheurs ont souligné l'importance de renforcer la coopération internationale pour atteindre cet objectif tant qualitatif que de délai. C'est d'ailleurs ainsi qu'en temps ordinaire, par la mise en commun et la communication de leurs recherches et résultats, que la médecine et la science franchissent des pas de géant mais cette exigence de coopération s'en trouve redoublée en période de pandémie de Covid19 étant données les l'étendue de la crise sanitaire dans les pays développés et les répercussions sociales de la crise dans un contexte économique déjà sinistré. Malgré l'ostracisme dont elles ont fait l'objet de la part de chefs d’État de grandes puissances, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation des Nations unies (ONU) n'ont eu de cesse d'appeler les États et gouvernements à inscrire résolument leur action médicale, sanitaire, scientifique dans un cadre commun et coopératif.

Pourtant, c'est bien, à cette heure, partout, la loi du marché et les logiques de compétition qui sont à l'œuvre – l'OMS recense 47 « candidats vaccins » en cours d'essais cliniques en cours –, quitte à laisser sur le banc de touche des centaines de millions d'êtres humains.

A la suite de l'annonce tonitruante de Pfizer, d'autres communiqués ont déferlé mettant en lumière les intérêts en jeu : les industries pharmaceutiques veulent toutes découvrir en premier ce « graal » qui leur apportera un maximum de profits, et aux États, un prestige au plan national et une assise au plan internationale.

Ce dont il s’agit, toutefois, c’est bien de santé publique. En un an, plus de 1,3 millions de femmes et d’hommes sont décédés de ce virus, plus de 34 millions ont survécu mais n'en sont pas sortis indemnes et il faudra encore attendre longtemps avant de bien connaître toutes les séquelles du coronavirus.

L’accès aux soins pour toutes et tous est un combat quotidien face à des systèmes de santé mal en point voire inexistants par endroit. La rentabilité et les intérêts économiques ont pris le dessus. Les soins et les médicaments atteignent, dans certains pays et selon les maladies, des prix exorbitants, excluant de fait des populations entières. Ce constat quotidien appelle des changements profonds, des ruptures de logique.

Nous ne sommes pas, les peuples ne sont pas, égaux face à la covid-19, ni même les individus. La pandémie et la crise sanitaire ont considérablement aggravé les inégalités déjà insupportables dans chaque pays et entre chaque région du monde.

Pour protéger les populations de chaque pays de la Covid19, il n'y a pas d'autres issues viables que de les protéger toutes, partout. L’enjeu est que nous soyons, que les peuples soient, égaux dans l’accès aux vaccins et aux traitements qui seront produits.

C'est là le cœur de la bataille politique du moment.

Il se trouve que la production du fameux vaccin Pfizer-BioNTech est coûteuse et que ses « conditions de conservation sont très contraignantes ». Autrement dit, une sélection par l'argent décidera de qui, où, sera vacciné-e. Or pour être efficace en cas de pandémie, une stratégie de vaccination mise en œuvre et coordonnée au niveau international est indispensable pour protéger les quelque 8 milliards d’êtres humains que nous sommes.

Tout bénéfice du vaccin doit d'abord être médical et humain.

C’est dans ce sens que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) participe au mécanisme Covax qui doit « favoriser un accès et une distribution équitables des vaccins, […] pour protéger les populations de tous les pays ».

Et c'est pourquoi, le Parti communiste français s'est engagé dans la campagne européenne pour un vaccin gratuit donc accessible à tous (#Right2Cure).

Il y a l'urgence à laquelle il est indispensable de répondre : protéger les populations, protéger les emplois, protéger les écosystèmes ; et il y a le tournant à prendre : sortir la santé, la médecine et le médicament, la protection sociale du domaine marchand. Rien ne sera plus déterminant que les mobilisations sociales, populaires, pour, là aussi, franchir, ensemble, des pas de géant.

Méline Le Gourriérec,
membre de la commission International du PCF

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13 novembre 2020 5 13 /11 /novembre /2020 06:33

 

L’origine des infrastructures des transports africaines est marquée par le besoin de satisfaire les intérêts des puissances coloniales. Aujourd’hui, des progrès dans ce domaine ont été accomplis mais la question d’une nouvelle conception et du développement de ces structures reste posée.

*Don-Mello Ahoua est docteur-ingénieur de l’École des ponts et chaussées de Paris, ancien directeur général du Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD) et ancien ministre de l’Équipement et de l’Assainissement de la Côte d’Ivoire.

Le partage de l’Afrique entre les grandes puissances coloniales à la conférence de Berlin, du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, a cloisonné et rattaché chaque colonie à sa tutelle. Puisque l’exploitation de ces colonies était impossible sans construire des infrastructures les reliant à leur tutelle, la pénétration des territoires colonisés s’est d’abord faite par les voies navigables, puis par les chemins de fer orientés des ports vers l’intérieur des différents territoires. L’économie coloniale s’est donc développée en s’appuyant sur les transports maritime, fluvial et ferroviaire, établissant un lien direct entre les métropoles et les colonies. Ces liens directs ont favorisé les échanges des idées, des hommes et des biens de consommation entre chaque métropole et ses colonies tout en divisant d’anciens royaumes ou communautés tribales de plus en plus isolés par le déficit d’infrastructures modernes reliant les colonies entre elles.

Les grands couloirs d'intégration des infrastructures et de développement de l'Agenda 2063.

Source : Agenda 2063, rapport final

 

Cette situation a perduré après les indépendances politiques, prolongeant ainsi la dépendance économique financière et monétaire. La conséquence directe de ce paradoxe est qu’il est plus aisé de commercer avec l’ancienne puissance coloniale qu’avec un pays voisin et de consommer ce qui est produit hors du continent que ce que le voisin produit. Dans ces conditions, sans ignorer les autres obstacles, relever le défi de l’intégration industrielle africaine revient à relever le défi de l’intégration des infrastructures de transport.

LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

Les capitales économiques les plus prospères en Afrique se trouvent, à quelques rares exceptions près, sur les côtes maritimes. Dans ces villes portuaires se sont développés des ports et aéroports avant et après les indépendances. La compagnie panafricaine Air Afrique, qui a symbolisé l’intégration africaine, s’est évaporée sous les coups de boutoir des compagnies nationales et de la concurrence occidentale. Sur ses cendres se développent des compagnies nationales à vocation internationale qui ne réussissent pas encore à couvrir en temps et en heure les besoins de mobilité interétatiques.

Au lendemain de l’accession des pays africains à l’indépendance, le développement de l’autorité de l’État à l’échelle nationale a constitué la priorité. Le besoin de mobilité des véhicules administratifs et sécuritaires, plus confortables et plus rapides, a donné la priorité au développement du réseau routier. La route a ainsi détrôné le chemin de fer et les voies navigables. Seuls les pondéreux, dans la logique de l’économie coloniale, continuent d’emprunter les chemins de fer et les voies navigables légués par la colonisation. La saturation des postes d’emploi dans l’administration et les exigences d’emplois modernes pour le lot de jeunes sortant des écoles et des universités remettent au goût du jour le besoin de création de valeur ajoutée aux produits primaires. Le développement industriel n’est donc plus une option mais un besoin vital pour mettre la jeunesse au travail et limiter le fléau migratoire en augmentant les opportunités d’emploi sur le continent.

L’étroitesse des marchés nationaux et la dispersion continentale des gisements de matières premières ne permettent d’envisager le développement industriel qu’à l’échelle du continent. L’adoption par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine de la zone de libre-échange continental en janvier 2020 ouvre la voie à un développement industriel bénéficiant de l’économie d’échelle. L’industrie a besoin de matières premières et de marchés accessibles par des infrastructures compétitives. Dès lors, en termes d’infrastructures de transport, les chemins de fer et les ports restent les options viables pour l’accès aux matières premières et au marché continental. Tandis que les ports ont continué à se développer après les indépendances, le chemin de fer a sombré au profit de la route. L’accroissement de l’insécurité et des tracasseries routières en Afrique, le développement des trains à grande vitesse dans le monde et la volonté d’émergence des différents pays africains définissent un nouveau contexte qui peut donner une dynamique nouvelle au chemin de fer, qui a été détrôné par la route. Nous concentrerons donc notre analyse sur le chemin de fer.

LE CHEMIN DE FER : HISTORIQUE ET ÉTAT DES LIEUX

Dans le dessein de relier ses possessions africaines, l’Empire britannique décida d’un projet ambitieux : relier le nord et le sud du continent par un chemin de fer du Caire, en Égypte, au Cap, en Afrique du Sud((George Tabor, The Cape and Cairo Railwayand River Routes, Genta Publications, 2013.)). Côté nord, ce projet à écartement standard de 1435 mm n’a connu un début de réalisation qu’en 1851. La première section, d’Alexandrie à Kafr el-Zaiyat, a été inaugurée en 1854, et complétée jusqu’au Caire en 1856. Il s’est poursuivi à Assouan avec le même écartement. Après une traversée du Nil en ferry, le chemin de fer a continué jusqu’à Khartoum, au Soudan, avec un écartement de 1067 mm.

Des réseaux ferroviaires fragmentés

Le côté sud du projet démarra en 1860. Une première ligne longue de 3 km, entre Durban et Point, est inaugurée au Natal en juin 1860; elle est prolongée jusqu’à Umgeni en 1867. C’est aussi en 1860 que la Cape Town Railway and Dock Company ouvre sa ligne Le Cap-Wellington (96 km) ainsi qu’un embranchement de 10 km entre Cape Town et Wynberg. Les premières lignes de l’Afrique australe sont construites à l’écartement standard de 1435 mm. La ruée vers les mines de diamants de Kimberley, à la fin des années 1860, a eu d’importantes conséquences, car il s’agissait désormais de prolonger les chemins de fer sur des distances supérieures à 1000 km. Afin de limiter les coûts, les ingénieurs s’orientèrent vers le choix d’un écartement plus étroit. En 1869, la Cape Copper Company avait ouvert une ligne à l’écartement de 760 mm entre Okiep et Port Nolloh. Cet écartement était jugé trop faible pour les ingénieurs du Cap, qui optèrent pour un compromis en faisant un choix intermédiaire entre la voie standard de 1435 mm et la voie étroite de 760 mm. C’est ainsi que l’écartement de 1067 mm, également connu comme « voie métrique anglaise » ou « écartement du Cap », est retenu vers 1874. Il va rapidement devenir l’écartement standard dans une grande partie de l’Afrique. La fin du colonialisme consacra la fin du projet Cap-Caire.

En concurrence au projet britannique, en 1881, la France décide de relier Dakar, en Afrique de l’Ouest, à Djibouti, en Afrique de l’Est. Seuls les tronçons Dakar-Bamako (1898-1924)((Benjamin Neuman, « La ligne de chemin de fer Dakar-Bamako », in l’Express, 1er janv. 2017)) et Djibouti - Addis-Abeba (1896- 1917)((Dubois Colette, Djibouti, 1886-1967. Héritage ou frustration, L’Harmattan, 1997.)) furent réalisés. En effet, la crise de Fachoda, en 1898, qui met le Soudan sous la coupe de l’Empire britannique, oblige la France à revoir ses ambitions. Le projet Dakar-Djibouti laisse la place au projet Dakar- Niger. Démarré en 1898((Hélène Gully, « La bataille du rail africain », in Libération, 28 janv. 2016.)), le projet s’arrête à Bamako en 1924 sans atteindre le Niger. Un projet similaire est lancé entre Abidjan (1904)5 et le Niger mais termine sa course au Burkina Faso en 1954 sans atteindre le Niger. En Afrique du Nord, un décret du 11 juillet 1860((Georges Pilot, Ouvrages du génie civil français dans le monde. Lignes de chemin de fer, Ingénieurs et scientifiques de France, nov. 2012 (en ligne : www.iesf.fr).)) accorde à la Compagnie des chemins de fer algériens la concession des lignes d’Alger à Blida, d’Oran à Saint-Denis-du-Sig et de Constantine à la mer. La section d’Alger à Blida, inaugurée le 8 septembre 1862, est la première ligne de chemin de fer de la France d’outre-mer. Le chemin de fer marocain est l’un des plus modernes de l’Afrique francophone. Commencé par des objectifs militaires pendant la guerre espagnole contre le royaume, le réseau n’a commencé véritablement à se développer que sous le protectorat français, avec la première ligne de desserte du chantier du port en 19075 et la ligne de chemin de fer Decauville de 500 mm d’écartement de la Chaouia en 1908. Aujourd’hui, le Maroc possède un réseau d’une longueur de 2210 km, dont 1284 électrifiés à écartement standard. Le réseau constitue une véritable ceinture qui relie les principales villes économiques situées sur le front maritime (Tanger, Casablanca, Rabat, etc.). En 1984, le pays réalise le doublement de voie entre Casablanca et Rabat, ce qui a permis de lancer le Train Navette Rapide entre les deux villes. Puis, en 2018, il s’est doté d’une ligne à grande vitesse (TGV) reliant Tanger à Kenitra (4e ville industrielle du Maroc), dans un premier temps, pour continuer vers Casablanca, Marrakech et Agadir par la suite. Si ce réseau remarquable a permis le développement de l’industrie et du commerce interne, l’absence du prolongement du réseau vers les capitales économiques des autres pays africains limite les échanges à travers le continent.

Le chemin de fer transgabonais((Louis Augustin Aleka, le Rôle d’une infrastructure de base de chemin de fer Transgabonais, Diss, 1978.)) est une des rares infrastructures ferroviaires récentes : achevé en 1987, il relie Libreville à Franceville, traversant en diagonale le territoire gabonais, dont il constitue un axe structurant majeur. Il s’agit d’un chemin de fer à vocation minéralière avec l’écartement des voies au standard de 1435 mm. En 1972, la Banque mondiale refusa de financer une infrastructure au motif que la concurrence sur le marché international du fer, notamment celle du Brésil, ne justifiait pas sa construction. Priver le Gabon d’un chemin de fer, alors que le Cameroun terminait le prolongement du Transcamerounais de Yaoundé à N’Gaoundéré, fut ressenti comme une atteinte au prestige national. Le projet fut sauvé par le pétrole et les recettes inattendues consécutives au « choc pétrolier » de 1973-1974 : le quadruplement des cours du brut se traduisit par un triplement des recettes de l’État, qui se trouva en mesure de se passer de la Banque mondiale. Le tracé du Transgabonais fut réorienté, sous l’impulsion du président de la République gabonaise Omar Bongo, en direction du Haut-Ogooué : en 1987, la liaison Libreville- Franceville était achevée. Il est aussi l’oeuvre du Prince : le président Bongo, natif de Franceville, dota la terre de ses ancêtres du prestigieux chemin de fer.

Le chemin de fer en Afrique date pour l’essentiel, de l’époque coloniale et est relativement peu développé, avec une longueur de lignes en exploitation d’environ 70000 km, soit 7 % du total mondial alors que le continent représente environ 14% de la population mondiale et 22 % de la superficie. Le réseau, souvent à voie unique, construit avec des écartements différents, est en outre très peu interconnecté, constituant souvent des lignes isolées ou des impasses, à l’exception de l’Afrique australe qui représente à elle seule 36 % des lignes exploitées, et de l’Afrique du Nord, relativement bien équipée. Les différentes initiatives en Afrique ont contribué à divers écartements du réseau de chemin de fer allant de 500 mm à 1435 mm, avec des variantes de 1000 mm et de 1067 mm. En Afrique orientale, le transport ferroviaire représente un quart du fret marchandises. Il est utilisé pour le transport de pondéreux et de produits non périssables. Les corridors sont aussi des outils d’intégration régionale et de désenclavement. Par exemple, l’accès aux pays des Grands Lacs s’effectue par deux corridors : dans le corridor nord, via le Kenya, route et rail suivent le même tracé, de Mombasa à Kampala ; dans le corridor sud, qui traverse la Tanzanie, les itinéraires ferroviaires et routiers, moins proches les uns des autres, relient Dar es-Salaam au lac Tanganyika, donnant accès au Burundi et au Sud-Kivu.

Les chemins de fer de la République démocratique du Congo (RDC) ont pratiquement cessé de rouler. Seul le chemin de fer Matadi-Kinshasa participe encore, tant bien que mal, aux activités de transport entre la capitale congolaise et son débouché maritime. Si une reprise de l’activité extractive est en cours, l’exportation ne s’effectue pas par le territoire congolais mais par le réseau de transport routier et ferroviaire de l’Afrique australe (le cobalt prend le chemin de Durban). Quelques rares trains circulent encore, de Lubumbashi vers Kananga ou vers Kindu et Kalémié, prouesses de cheminots qui maintiennent le rail en survie parce que le réseau routier très dégradé ne vaut guère mieux. Le programme de reconstruction décidé par l’État, amorcé par la normalisation politique de 2006, au terme d’une transition douloureuse, impose la reconstruction des infrastructures de liaison, condition de l’effectivité du contrôle territorial et de la relance de l’économie d’échanges. Dans ce vaste chantier, comme dans tous les pays africains, la priorité va à la route plus qu’aux chemins de fer, même si le Programme multisectoriel de reconstruction lancé en 2003 avec l’appui de la Banque mondiale fait mention de projets de modernisation et d’extension du réseau ferré. On mesure là le poids des priorités.

Le transport routier prend le pas sur le ferroviaire.

Le transport ferroviaire de voyageurs est éclipsé chaque année un peu plus. En réalité, ce dernier ne joue encore un rôle notable que dans la desserte d’agglomérations urbaines. Les liaisons interurbaines lui échappent au rythme de l’aménagement des réseaux routiers. Dans tous les pays disposant d’un réseau routier performant, l’évolution va dans le même sens. En Afrique australe, malgré la relative densité du réseau ferroviaire, les déplacements de personnes s’effectuent essentiellement par la route. Partout les services d’autocars relayent le train. La fréquentation des gares routières tranche avec la fermeture des gares ferroviaires.

L’achèvement en cours du bitumage sur l’axe Dakar-Bamako, réduit à la portion congrue le transport voyageurs par chemin de fer et contraint à réévaluer son utilité. Sur la liaison Yaoundé-Douala, une société de transport routier propose des départs toutes les heures de 5 à 19 heures, en cars climatisés munis de ceintures de sécurité pour les passagers. Avec ses deux liaisons quotidiennes aux horaires incertains, le train ne fait plus recette. Il a pu résister à la concurrence aussi longtemps que la route était non bitumée. Le Transcamerounais conserve en revanche tout son intérêt comme voie de désenclavement du Tchad et de la RCA : à partir de Ngaoundéré, la route prend le relais vers N’Djamena et Bangui, la conteneurisation facilitant le transport multimodal le long de la chaîne port-rail-route. En Côte d’Ivoire, comme au Cameroun, les véhicules et cars climatisés rapides remplacent les wagons lents et insalubres. Les difficultés de l’ancienne Régie des chemins de fer Abidjan-Niger (RAN) ont conduit en 1989 à son éclatement en deux sociétés, l’une appartenant à la Côte d’Ivoire, l’autre au Burkina Faso, puis à une privatisation de l’ensemble du réseau, entrée en vigueur en 1995 après la création de la Société internationale de transport africain par rail (Sitarail). Chacun des deux États détient 15 % des parts, la majorité appartenant à des intérêts privés européens. Au Cameroun, la privatisation, qui s’est traduite par la substitution en 1999 de la Cameroon Railways Company (Camrail) à la Regiefercam mise en place en 1960, s’est accompagnée de la fermeture des petites gares jugées « non utiles » pour concentrer les efforts d’assainissement sur le Transcamerounais. En conclusion de ce bref tour d’horizon, il apparaît clairement que la fonction de desserte des territoires qui fut une des raisons d’être de la création de lignes de chemin de fer est aujourd’hui battue en brèche par le transport routier, du moins dans le contexte technologique du passé. Le train ne conserve quelque avantage que pour le transport de marchandises, comme on peut le constater dans les corridors de développement. En réalité, seule l’Afrique du Sud possède un véritable réseau sous-régional dense et opérationnel, qui se prolonge par des appendices pénétrant l’ensemble de l’Afrique australe (Zimbabwe, Zambie, Katanga, Mozambique, Namibie). C’est aussi le pays le plus industrialisé d’Afrique.

L’intérêt du chemin de fer réside essentiellement dans son rôle irremplaçable pour le transport de produits miniers, y compris en Afrique du Sud, où les minerais et le charbon représentent plus de 90 % du fret marchandises. Les grands projets actuels sont tous liés à la croissance de l’économie minière : extension du Transgabonais; construction d’un Transguinéen destiné à l’exploitation du fer des monts Nimba et de Simandou en Guinée ; réhabilitation du chemin de fer de Beira au Mozambique, préalable à l’extraction du charbon des mines de Moatize; réhabilitation du chemin de fer de Benguela pour relancer l’économie katangaise ; projet de mise en valeur du fer de la Falémé au Sénégal nécessitant la construction d’un chemin de fer vers un port atlantique, etc. Tous ces projets confirment la place dévolue à l’Afrique dans la mondialisation : fournir des matières premières aux pays du Nord et aux pays émergents. Ils renforcent l’extraversion macro - économique du continent qui exporte la plus-value hors du continent, par conséquent leur impact sur la création d’emplois modernes pour les jeunes diplômés reste limité et pousse à l’émigration. Le transport des passagers dépend désormais de la route, le chemin de fer pouvant au mieux constituer un appoint là où il n’y a pas de bonne route, par exemple dans la traversée du Mayombe, où le Congo-Océan permet aux paysans d’expédier leurs bananes vers Pointe-Noire et Brazzaville. Au train colonial, qui joua dans le passé un rôle considérable dans la structuration des territoires, s’est substitué le train de l’économie mondialisée, élargissement de la dissymétrie fondamentale qui régit les relations entre l’Afrique et un Nord désormais grossi des pays émergents. Les voies ferrées minéralières ont assurément de l’avenir. Mais si elles s’intègrent à l’économie-monde, elles ne participent guère à l’industrialisation et à l’intégration africaine et n’ont pas vocation à constituer des réseaux. Dans les grandes agglomérations de plus en plus asphyxiées par le transport routier, le chemin de fer continue pourtant à faire rêver tout comme au début du XXème siècle, à l’exemple des lignes Dakar-Rufisque ou Lagos-Ifaw. L’avenir des autres voies ferrées semble en revanche bien incertain. Les liaisons interurbaines résistent mal à la forte concurrence de la route. L’utopie reste d’actualité ainsi qu’en témoignent le nouveau chemin de fer électrique et aux normes modernes entre Djibouti et Addis-Abeba rénové par la Chine de 2013 à 2016 et l’exemple sud-africain, première puissance industrielle d’Afrique ainsi que les couloirs d’intégration des infrastructures contenus dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine (annexe II). Avec cet agenda, le long terme donnera peut-être raison aux utopistes ; dans l’immédiat, toutefois, l’horizon du rail africain reste bouché.

PASSAGE DE L’UTOPIE À LA RÉALITÉ

Ce parcours à l’échelle du continent met en évidence une réalité. Au niveau technologique actuel du chemin de fer en Afrique, le transport de pondéreux reste dominant, mais ce transport sert les pays industriels. L’émergence des pays africains devra passer par l’industrialisation et l’échange entre les pays africains. Le réseau routier est inapproprié pour ces échanges. Le chemin de fer est le plus adapté. Doit-on attendre l’industrialisation de l’Afrique avant de lancer un programme de chemin de fer intégré ou l’inverse ?

De même qu’à l’époque coloniale le chemin de fer a précédé le développement de l’économie coloniale, de même l’industrialisation de l’Afrique, dont la conséquence est l’échange de pondéreux entre les capitales économiques africaines, n’est possible que si le chemin de fer précède le développement industriel. Les villes ayant des ports maritimes sont devenues des zones de groupement des produits marchands du pays ou de quelques pays enclavés. Dans ces villes portuaires se développe donc l’import-export avec l’Occident. On y constate un manque flagrant d’industrie de transformation des produits primaires en produits finis, hormis des zones de développement d’embryons d’industries dont les produits sont destinés au marché intérieur avec une faible possibilité d’expansion sous-régionale, voire continentale. Les villes portuaires restent donc essentiellement des villes d’import-export avec les pays hors du continent.

Le développement industriel intégré et coordonné de l’Afrique passe par le développement d’une ceinture de chemin de fer reliant les différentes villes portuaires. Le développement industriel de ces villes avec ces infrastructures intégrées donnera une impulsion à l’expansion sous-régionale, voire continentale, pour chacune des économies nationales. Au-delà des villes portuaires, un maillage du continent qui prendrait aussi en compte les grandes villes économiques enclavées, basé sur les voies ferrées existantes mais modernisées et intégrées, devra compléter les échanges par transport ferroviaire. Le réseau intégré de chemin de fer est en même temps un couloir de développement de zones industrielles qui s’ouvre sur le marché continental. Le développement des pôles industriels, du réseau de télécommunication et du réseau électrique le long du chemin de fer permettra de disposer de l’expertise, des innovations, des services et de l’énergie nécessaires à l’intégration des économies. Des universités, des écoles et des hôpitaux d’excellence avec des spécificités sectorielles peuvent se développer le long des couloirs de chemin de fer. Tels peuvent être les objectifs stratégiques du chemin de fer au service du développement industriel du continent. En l’absence de ces infrastructures, l’Agenda 2063 et la zone de libre-échange continental, comme le plan d’action de Lagos resteront dans le domaine de l’utopie.

CONCLUSION

L’exemple de l’Afrique australe démontre que l’accélération de l’industrialisation et du libre-échange entre les pays africains passe par l’accélération du développement du chemin de fer. Si les conditions sont réunies au niveau des infrastructures portuaires et aéroportuaires, la distance à parcourir dans le secteur du chemin de fer est énorme. Les pays africains qui ont entamé leur industrialisation, comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Maroc ou l’Égypte, peuvent assurer un leadership dans la mise en place d’un réseau ferroviaire intégré entre les capitales économiques et administratives. À grande vitesse, le chemin de fer constitue le moyen sécurisé par excellence pour le transport de marchandises et de voyageurs à moindre coût. La mondialisation de la concurrence impose donc un réseau ferré pour avoir une industrie autocentrée compétitive. Le développement des trains rapides élimine le désavantage de la lenteur qui a contribué à marginaliser ce mode de transport. Si le développement industriel de l’Afrique est pour le moment une utopie, elle le sera moins si l’Afrique transforme cette utopie en réalité en construisant son chemin de fer intégré. Le chemin de l’industrialisation au service du développement du continent passe nécessairement par le chemin de fer intégré

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