C'est bien connu, il n'y a pas plus rassembleur que la mort, elle qui crée de l'unanimité factice d'un instant.
Le défunt est toujours un héros trop tôt disparu que l'on célèbre à l'envie...
Pour le coup, nous avons un vrai héros que des dizaines d'hommes de pouvoir incomparablement moins courageux et estimables moralement se sentent obligés d'honorer et dont on se dispute l'aura en espérant en retirer quelque bénéfice politicien ou diplomatique.
Mandela serait-il devenu une marque publicitaire ? Une icône bonne pour repeindre de bons sentiments made in « WORLD CULTURE » des pouvoirs politiques néo-coloniaux, ultra-libéraux et réactionnaires ?
Il y a eu l'hommage d'Obama, le président des drones et de la mise sur écoute du monde, dont l'itinéraire personnel expliquera malgré tout sans doute une admiration sincère pour le combat de Mandela.
La palme de l'hypocrisie et de l'amnésie reviendrait peut-être à David Cameron, l'héritier politique de Margaret Tatcher, le meilleur allié du régime raciste d'Afrique du Sud qui justifiait l'emprisonnement de Mandela, un terroriste communiste comme le considérait également les USA de Reagan à l'époque.
Dans le genre, François Hollande n'est pas mal non plus, lui qui dédie le sommet Françafricain de Paris à la fois à la guerre en Centrafrique et au prix Nobel de la Paix le moins usurpé, même si Mandela a su également dans les années1960 prôner la résistance armée contre le régime colonial et raciste des descendants des Afrikaners, ce que beaucoup de commentaires hagiographiques et fleur bleue oublient de mentionner.
François Hollande qui fut étrangement silencieux lors de son voyage en Israël le mois dernier... Qui s'abstint en particulier de condamner l'apartheid de plus en plus féroce dont sont victimes les Palestiniens des territoires occupés et de l’état colonial d'Israël. Faut-il rappeler que Mandela était aussi un ardent défenseur des droits bafoués des Palestiniens?
Hollande a salué la mémoire « d'un résistant exceptionnel » lui le président normal si peu résistant face aux forces de l'impérialisme américain et financier.
François Hollande n'hésite pas non plus à exploiter politiquement les funérailles de Nelson Mandela en se positionnant en "Président au-dessus de la mêlée" et des partis par l'invitation de Nicolas Sarkozy, grand défenseur des opprimés devant l'éternel.
La mort de la souveraineté démocratique des citoyens français, avec la ratification en 2012 du TSCG, le pacte budgétaire européen, après celle du Traité de Lisbonne en 2007, voulue par ses deux chiens de garde de l'ordre néo-libéral, et la mort du plus grand des démocrates contemporains, auront donc réussi à réunir les deux concurrents qui mènent des politiques si piteusement interchangeables.
Vendredi, c'était Hubert Coudurier, grand sympathisant anti-colonial et communiste comme chacun sait, qui rédigeait dans le Télégramme sa demande de canonisation pour Mandela.
Il est vrai qu'il justifiait son hommage davantage par le Pardon vis à vis des anciens bourreaux que par l'efficacité de la lutte de libération nationale. Dans ce concert d'éloges, aucun écrit de Mandela, aucune analyse non plus de la persistance des inégalités sociales et raciales en Afrique du Sud, ni des divisions fondées sur la couleur de peau qui demeurent à l'intérieur de la société.
Le devenir SPECTACLE de la LUTTE en ce début du 21e Siècle, coïncidant avec le travestissement et l'édulcoration des combats historiques de libération sociale, voilà ce qu'illustre l'hommage international et médiatique à Mandela.
On avait déjà la floraison des Disneyland pour échapper aux dures lois du réel : à quand le Mandeland pour amuser la galerie et s'acheter une vertu à bon compte en s'identifiant au redresseur de tort une fois le combat (à moitié) gagné? Comme disait en substance Charles Peguy, faire honneur aux "grands anciens", ce n'est pas les diviniser et se répandre en actions de grâce, c'est puiser dans leur exemple une inspiration pour l'action urgente et nouvelle qui se recommande à nous et la lutte contre les injustices du moment.
Ismaël Dupont
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