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C'est l'été, une petite chanson pour la fête de la musique:
Le lundi 20 juin, les militants du collectif "Un bateau pour Gaza" de la région de Morlaix se sont retrouvés dans le local du PCF Morlaix, rue de Callac, pour un repas convivial destiné à célebrer la belle aventure humaine que fut l'organisation des collectes de fonds et du fest-noz de Saint Thégonnec le 22 avril 2011 avec des citoyens engagés issus des mouvements et des courants de pensée les plus divers: Association des Chrétiens contre la Torture, Amnesty International, Ligue des Droits de l'homme, PS, PCF, NPA, les Verts, Morlaix-Vavel, AFPS...
Rappelons qu'à Gaza, 1,6 millions d'habitants vivent sur 370 km2 (une des plus fortes densités de population au monde). 70% des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté et 80% de la population de Gaza dépend de l'aide humanitaire.
Depuis la victoire électorale du Hamas et la capture du soldat Gilad Shalit retenu en otage depuis 5 ans par un commando palestinien, Israël impose un blocus à cette petite enclave, relayé par l'Egypte, alliée des Américains jusqu'à la chute de Moubarak, blocus qui prive de tout les gazaoui.
En 2008, l'opération israélienne "Plomb durci" sur Gaza, une agression avec des forces disproportionnés contre une population sans défense, a fait 1400 victimes en 22 jours et s'est accompagnée de nombreux crimes de guerre et des possibles "crimes contre l'humanité" reconnus par le rapport Glodstone de l'ONU.
Le 21 mai 2010, l'arraisonnement brutal par un commando israélien du bateau turc qui cherchait à forcer le blocus de Gaza et à mettre l'injustice mortifère dont souffrent ses habitants au coeur de l'actualité internationale avait fait 9 morts et de nombreux blessés. Sous la pression (trop peu élevée) de la communauté internationale, Israël avait légèrement assoupli son embargo le mois suivant sur les biens "à usage civil", tandis que les matériaux de construction, par exemple, susceptibles d'utilisation militaire, restaient sous embargo.
L'attaque brutale de l'armée israélienne contre des civils étrangers avait manifesté le sentiment d'impunité et l'extrême violence de ce régime qui colonise à tout va, emprisonne les palestiniens et les prive de leurs ressources et de leurs possibilités de travailler dans les enclaves arabes en Israël et les territoires occupées, et qui justifie des représailles disproportionnées à chaque tir de roquette ou attentat palestinien.
La flotille de la liberté qui va voguer vers Gaza à partir de plusieurs ports du pourtour méditéranéen comporte deux bateaux français partant d'Athènes et d'un port du sud de la France où sont embarqués des militants des droits de l'homme, de la cause palestinienne et des personnalités publiques de gauche comme le député communiste du Havre ou Olivier Besancenot. Cette flotille a pour but de dénoncer les scandales:
- de la punition collective injustifiée dont sont victimes les gazoui.
- de la non reconnaissance d'un gouvernement qui, quoique partisan d'une idéologie islamiste contestable et dangeureuse, est issu d'une majorité politique issue des élections (celui du Hamas).
- de la prétention d'Israël à gérer les frontières d'un territoire palestinien souverain et de porter atteinte à la liberté fondamentale de circuler librement et à la possibilité pour cette enclave palestinienne de développer son économie.
Le ministère des Affaires Etrangères français et l'ensemble des gouvernements européens, sous l'influence des Israéliens arguant de la possibilité d'acheminer des vivres et du matériel humanitaire par voie de terre sous leur contrôle, ont tenté de dissuader la mise en place de cette nouvelle flotille en route vers Gaza. Mais l'objectif de cette opération est plus politique encore que militaire: manifester au grand jour l'arbitraire de la politique israélienne pour augmenter le niveau de pression sur cet Etat et desserer l'étau qui étouffe la population de Gaza.
Pour ceux qui veulent le visionner, vous trouverez ici un petit film d'animation politique, poétique et pathétique de soutien au peuple de Gaza.
Vive la Palestine libre et rendue dans ses droits!
Une nouvelle fois, la « politique-réclame » du chef de l'État se conclut par un fiasco : les représentants des vingt économies les plus puissantes de la planète refusent de faire face à leurs responsabilités pour sortir l’agriculture des griffes des intérêts privés et de la fuite en avant dans la spéculation.
Ce jeudi 23 juin, les conclusions de l’initiative française se résument ainsi à un copié collé pour l’agriculture des mauvaises recettes appliquées à l’ensemble de l’économie mondiale après la crise financière de 2008.
L’accord des 20 pays se limite ainsi à améliorer la « transparence » des marchés et la « connaissance » des stocks agricoles, « en encourageant les pays à partager leurs données » et « à prendre des mesures appropriées pour une meilleure régulation ».
En dehors de ces vagues intentions, et de quelques vœux pieux sur l’augmentation de la production mondiale, aucune volonté politique n’a transparu pour extirper l'agriculture des dogmes libre-échangistes, et des dumpings sociaux, économiques, environnementaux conduits par l'OMC, le FMI, la Banque mondiale.
Comme l’a affirmé le ministre français de l’Agriculture, il s’agit bien d’un accord « historique », puisqu’il prétend tout résoudre sans rien changer sur le fond de la politique agricole et alimentaire mondiale. Les représentants des grandes puissances ont tourné le dos à l’humanité en montrant une nouvelle fois l’immense hypocrisie qui consiste à faire croire que tout change sans rien changer. L’instabilité des prix et la spéculation sur les marchés agricoles n’ont donc pas fini d’affamer les peuples du monde.
Saisir l’enjeu de civilisation d'un nouvel ordre alimentaire mondial suppose au contraire de mettre en place une véritable réforme agraire de dimension internationale, avec pour principes fondateurs la souveraineté alimentaire des peuples, et la protection de marchés communs régionaux fondés sur le développement d’une agriculture paysanne et la complémentarité des productions.
Plus que jamais, il faut en finir avec l’incantation politique. Plus que jamais, l'agriculture doit être considérée comme un bien commun de l'humanité.
André Chassaigne.
J'écoutais il y a une semaine, vers 7h50, la chronique que l'ancien rédacteur en chef de Courrier International, Alexandre Adler, consacrait à la Syrie sur France Culture. En gros, celui qui a pris depuis une dizaine d'années le virage du néo-conservatisme sioniste après avoir été maoïste dans sa jeunesse nous disait qu'il y a quelques semaines, on ne voyait pas comment un changement de régime pouvait se produire en Syrie, car les États voisins n'avaient pas forcément intérêt à voir partir le clan Assad et s'installer une démocratie dans un pays politiquement et économiquement à bout de souffle: l'Iran, parce qu'il est un allié de la Syrie, qui contrôle son bras armé au Liban, le Hezbollah; la Turquie, parce qu'elle est en train de coloniser économiquement la Syrie; l'Arabie Saoudite et les Américains, parce que la Syrie est un élément de stabilité dans la région, et l'on craint en cas de changement de régime une perte de contrôle sur la situation libanaise et une montée de l'islamisme et de l'agressivité contre Israël en Syrie (les Etats-Unis ont aussi eu recours à l'aide des services de renseignement syriens pour « lutter contre le terrorisme » et délocaliser la torture) ; Israël, parce qu'au moment où il perd un à un ses alliés arabes (Ben Ali, Moubarak), il a besoin de compter sur un pays avec lequel il est toujours officiellement en guerre, mais qui en réalité cherche essentiellement à contrôler sa population avec son armée et à maintenir un statut quo inoffensif dans ses rapports avec l'état hébreu.
Alexandre Adler concluait son analyse en disant que maintenant, les voisins de la Syrie voyaient s'installer une situation de point de non retour dans le pays du Levant avec une escalade de la répression de la part d'un régime qui par la dureté de sa riposte radicalise le ventre mou de la population qui n'aspirait jusque là qu'à des réformes démocratiques modérées, sans appeler au départ de Bachar el-Assad. La violence risque de s'installer durablement dans le pays et le régime bassiste apparaît condamné à terme. Or, loin de se féliciter d'une possibilité d'évolution démocratique de la Syrie, ses voisins, selon Adler, feraient contre mauvaise fortune bon cœur et se réjouiraient cyniquement de voir cet État qui, sous Hafez el-Assad, n'avait cessé de remuer les braises de la division ethnico-confessionnelle chez son petit voisin libanais afin d'orienter la guerre civile pour le profit de ses intérêts stratégiques, victime à son tour d'une balkanisation et de risques de conflits ethnico-confessionnels entre les communautés chrétiennes, alaouites, sunnites, chiites, kurdes, druzes, communautés qui, selon le chroniqueur, seraient actuellement en recherche d'alliance étrangère pour consolider leurs positions et défendre leurs intérêts face aux autres communautés.
Il n'est pas impossible en effet qu'il y ait des risques à moyen terme de conflits plus ou moins violents entre ces communautés, qu'ils soient motivés par des revendications séparatistes, des fanatismes religieux et des disputes pour le pouvoir et ses avantages économiques. En particulier, les chrétiens de Syrie – arméniens, maronites, catholiques syriaques, orthodoxes- qui constituent un peu moins de 10% de la population et sont en voie de marginalisation du fait de leur moindre dynamisme démographique et de l'exil d'une partie des membres des communautés les plus fortunés et dotés culturellement, étaient protégés par le régime et soutenaient le patriotisme laïc dont il se prévalait: le repli identitaire observé dans la société les années 1990 et 2000 (qui les concerne également) constitue une menace potentielle pour eux, qui pourraient être stigmatisés si la majorité sunnite reprenait le pouvoir, un peu comme cela se passe aujourd'hui en Egypte avec les Coptes.
En effet, jusqu'à présent, comme hier dans l'Irak du Baas et de Sadaam Hussein, une minorité confessionnelle dominait le pays en Syrie (les alaouites de la montagne du nord-ouest de la Syrie, contrôlant l'armée, les services de renseignement, et le parti Baas, et s'appuyant aussi dans une certaine mesure, sur une alliance avec la bourgeoisie chrétienne), mais en garantissant avec des moyens autoritaires, sinon une vraie laïcité, du moins une neutralité de l'État par rapport aux cultes, et un climat de relative tranquillité pour les minorités culturelles et religieuses joint à une répression de l'Islam politique à volonté hégémonique.
Toutefois, il est frappant de constater que Alexandre Adler est incapable d'envisager une évolution démocratique, pacifique, et tolérante de la révolution citoyenne syrienne, soit parce qu'il partage les présupposés culturalistes teintées de racisme larvé des adeptes du choc des civilisations (présupposés démentis justement par le printemps des peuples arabes) qui ne croient pas les peuples arabes capables d'accéder de leur propre initiative, du fait de leur religion et de leur histoire, à une société ouverte, démocratique et libérale, soit parce qu'il imagine l'avenir probable à partir de son désir de voir Israël pouvoir exploiter les divisions de ses adversaires. En tout cas, cette analyse conduite avec le ton péremptoire qui caractérise Alexandre Adler et les adeptes de la realpolitik cynique au service des intérêts occidentaux de sa sorte, qui considèrent les peuples comme des pions sur l'échiquier des rapports de forces entre puissances amies (pro-israéliennes et pro-occidentales) ou ennemies (en révolte contre l'ordre impérialiste occidental, potentiellement anti-sionistes), manifeste un beau mépris pour le courage inouï et les motivations démocratiques et sociales des centaines de milliers de Syriens qui manifestent et s'organisent au péril de leur vie depuis presque deux mois pour arracher des concessions démocratiques au clan Assad d'abord, et maintenant pour l'expulser du pouvoir.
J'ai eu la chance de pouvoir séjourner avec ma compagne et mes enfants en Syrie cet été pendant un mois et demi. C'est un des voyages les plus extraordinaires que nous avons jusqu'ici eu la chance de faire en dehors de l'Europe. Les Syriens qui évoluent dans une société multiculturelle à l'histoire extraordinairement riche, sont distingués, d'une politesse exquise, très accueillants: leurs rapports entre eux, en première apparence, semblent marqués par la courtoisie et la fraternité. Les inégalités et les distances sociales n'apparaissent pas très grandes entre eux au premier abord, si l'on excepte toutefois les privilégiés de l'armée et l'espèce de mafia qui gravite autour des dignitaires du régime et contrôle les grandes entreprises privatisées. Les infrastructures de transports, les villes, les services publics de santé et d'éducation n'apparaissent pas aussi délabrés qu'en Égypte ou au Maroc: on n'a pas le sentiment d'être dans un pays sous-développé quand on circule dans les villes.
Cependant, une enquête du Programme des Nations Unies pour le Développement révélaient que 30% des syriens vivaient en dessous du seuil de pauvreté, 2 millions ne pouvant subvenir à leurs besoins alimentaires, principalement dans le monde rural et semi-désertique et dans les périphéries des villes où se pressent les victimes des sécheresses et de l'exode rural. Depuis la libéralisation économique des années 1990-2000, avec la baisse en particulier de l'emploi public et des salaires dans la fonction publique, la classe moyenne s'est également appauvrie: le niveau de vie moyen des syriens s'est détérioré (1000 dollars par habitant et par an en moyenne: il a baissé de 10% entre 1980 et 2000) avec un fort de taux chômage et une crise du logement. La plupart des gens sont obligés de cumuler plusieurs emplois pour s'en sortir et vivent sans confort, en ne s'assurant que la satisfaction des besoins élémentaires. En Syrie, les ressources pétrolières, qui représentent les 2/3 des exportations et 50% des revenus de l'Etat, sont accaparées par le clan Assad et sa clientèle.
Bachar el-Assad a succédé à 34 ans à Hafez-el-Assad comme président-dictateur de la Syrie le 13 juin 2000. Pourtant éduqué dans un contexte occidental et s'étant destiné à une carrière d'ophtalmologiste dans le civil, il n'a pas apporté les réformes d'ouverture démocratique et de respect des droits humains qu'on voulait espérer de lui, malgré la curiosité de la succession dynastique dans un régime censément présidentiel. L'état d'urgence instauré en 1962 dans le sillage des atmosphères de coups d'état militaires qui ont suivi la séparation avec l'Egypte, qui conduit à donner les pleins pouvoirs au président, au parti-Etat du Baas, et aux services de sécurité, n'a pas été aboli. Toute opposition politique, y compris celle des différentes fractions d'une mouvance communiste autrefois très puissante qui ont refusé de se faire intégrer dans le régime dictatorial (en 1973, au début du règne d'Hafez-el-Assad, les communistes, honnis par un Hafez qui représentait la fraction la plus nationaliste et de droite du Baas socialiste et pan-arabe, se sont séparés en deux fractions acceptant d'être représentées dans le rassemblement présidentiel et une majorité rentrant dans l'opposition clandestine, dont les leaders ont été éliminés, emprisonnés et torturés, contraints à l'exil: à la dernière fête de l'humanité, le stand du parti communiste syrien « acheté » et officiel était à 50 mètres du stand du parti communiste syrien clandestin et persécuté, où j'ai pu m'entretenir avec de vieux militants en exil), est réprimée et empêchée de s'exprimer.
D'emblée, Bachar n'a pu imposer son autorité qu'en donnant des gages au clan familial (ses oncles, son beau-frère ont d'abord fait figure de rivaux dangereux) et au clan alaouite qui tient le pouvoir en Syrie: son pouvoir s'appuie comme celui de son père sur tout un appareil sécuritaire reposant sur quatre services de renseignement différents (les moukharabat assurant renseignements et sécurité du régime, contrôlant l'armée composée de 300000 hommes et affectée par la perte de revenus lié au retrait du Liban en 2005, et la société) et des unités d'élites militaires. Quand on demande « qui gouverne en Syrie? », les syriens, nous dit la spécialiste française de la Syrie contemporaine Caroline Donati (L'exception syrienne: entre modernité et résistance), qui dénoncent le règne des moukharabat, répondent « les services de renseignement »: « Organiser un mariage, ouvrir un commerce, fonder une association, envoyer un fax, s'inscrire à l'université ou dans des instituts de formation, importer des pièces détachées d'automobile: autant de gestes de la vie quotidienne qui nécessitent l'autorisation des omniprésents services de renseignement ». Le système de sécurité s'autonomisait déjà par rapport au pouvoir du clan Assad avant le début de la révolte citoyenne en Syrie: il fonctionnait tout seul et assurait essentiellement la protection de ses intérêts. Avant 2011, le parti Baas n'était déjà plus vraiment une force sociale pour asseoir le pouvoir autoritaire de Bachar: un parti fourre-tout composé aussi bien de riches et de pauvres, de paysans et d'ingénieurs, et où beaucoup, à la base, se plaignent de la corruption du régime et des régressions sociales. Un parti qui vieillit, s'éloigne de la société, particulièrement dans les villes: « seuls 29000 Damascènes en sont membres effectifs sur une population de 4,5 millions d'habitants » selon Caroline Donati. Et encore, beaucoup de membres du Baas sont loin d'être convaincus par la qualité des orientations politiques prises par Bachar ni par l'idéologie officielle du Baas, leur adhésion devant davantage à des raisons opportunistes d'intérêt personnel.
Qu'est-ce qui explique la force du soulèvement populaire en Syrie ? D'abord, évidemment l'exemple du courage des citoyens tunisiens et égyptiens qui, en s'organisant pour rompre le lien de la peur et manifester ensemble pacifiquement, ont réussi à faire chuter des régimes tout aussi corrompus et répressifs que celui des Assad, mais qui étaient moins destructeurs de toute opposition politique et de la liberté d'expression et davantage liés aux intérêts occidentaux, et donc sur lesquels ces derniers avaient une certaine prise.
En Syrie, on a aussi un contexte de récession économique et de crise sociale liée à une absence de partage des richesses et à des politiques libérales au service des privilégiés. On a une population de 17 millions d'habitants dont la moitié ont moins de 20 ans, avec des diplômés et des moins diplômés sans autre perspective que le chômage, la précarité ou les bas salaires qui aspirent à plus de liberté, plus de reconnaissance institutionnelle et sociale de leur dignité, plus d'égalité, moins de favoritisme et de corruption au plus haut niveau du pouvoir. En 2009, par exemple, l'influent cousin du président, Rami Makhlouf avait des intérêts dans 9 des 12 banques privées que compte le pays, avait une exclusivité sur les entreprises de téléphonie mobile domiciliées dans des paradis fiscaux, et des capitaux dans l'exploitation pétrolière, l'immobilier. « Sous Bachar, écrit E.Picard cité par Caroline Donati, le caractère patrimonial du régime se combine avec l'épanouissement d'un secteur capitaliste ultralibéral voire mafieux. C'est ce « capitalisme des copains », combiné à la persistance de l'autoritarisme, qui fait du régime ba'thiste aujourd'hui un régime néo-patrimonial ». La nouvelle clientèle du régime, ce sont les nouveaux entrepreneurs de l'économie globalisée et des des anciennes grosses entreprises publiques de l'ancien État socialiste aujourd'hui privatisées qui sont protégés par le régime pour faire leurs affaires et n'ont surtout pas intérêt à ce que cela change. En Syrie aussi, les chaînes satellitaires arabes et internet ont permis de faire circuler l'information et de contourner la propagande et la désinformation du pouvoir. De plus, la ferveur musulmane des sunnites joue certainement un rôle important dans l'esprit d'indépendance et de sacrifice des jeunes qui débutent dans les mosquées leurs marches de colère contre un régime qui en 1982, n'avaient pas hésité à massacrer 15000 personnes au moins à Hama. Tout un quartier du centre-ville agité par la rébellion islamiste où l'on avait tué des soutiens du régime avait été pilonné à l'artillerie lourde pendant des jours avant que les survivants, à qui l'on avait promis par haut-parleur depuis le sommet de la colline d'où on les bombardait la grâce pour qu'ils puissent enterrer leurs morts, soient encore triés lors de ratissages militaires et en partie éliminés: désormais, ce sont des hôtels et des restaurants de luxe, un grand commissariat, et des terrains vagues qui ont remplacé ce quartier historique martyr situé au pied du grand parc de la ville où les enfants sont toujours aussi gais.
Depuis presque trois mois, le régime syrien réprime avec une violence inouïe les manifestations et la révolte populaire. L'armée et les services de sécurité tirent sur des manifestants désarmés (dans les villes du djebel druze au sud, les banlieues de Damas, Lattaquié...) - hommes, femmes, adolescents – et « punissent » des villes entières (Deraa au sud, Djisr el-Choghour au nord-ouest) en les encerclant avec des chars pour les affamer avant de les ratisser méthodiquement afin d'arrêter et de torturer, bombardant et mitraillant les villages (Maraat an Nouman, la petite ville du massif calcaire du Nord-Ouest au sud d'Alep où les croisés européens en leur temps avaient massacré toute la population et s'étaient livrés à des actes de cannibalisme en arrivant en Syrie) avec des avions et des hélicoptères pour faire des exemples de répressions féroces susceptibles d'inspirer la terreur. Des jeunes gens, des enfants de 13 ans sont rendus à leur famille morts et affreusement mutilés, ou vivants mais détruits psychologiquement et physiquement par des tortures sadiques que les services de renseignement syriens ont déjà expérimenté au Liban.
Le cœur se soulève en imaginant le calvaire que les syriens sont en train de vivre, parfois privés de tout, face à un régime qui se sait voué aux gémonies par une majorité de la population mais qui a décidé, que l'ordre vienne de Bachar où des puissants qui gravitent dans l'ombre autour de lui, de préserver à tout prix et par la manière la plus forte les intérêts des cadres de l'armée, des services de sécurité et des membres de la mafia associée au dictateur, en pariant sur la lassitude de la population et le renouveau de la peur devant tant d'horreurs.
Plus de 1300 morts déjà ! Et combien de vies saccagées par les tortures systématiques visant à « guérir » de l'engagement politique... Mais maintenant, le peuple syrien est debout, et s'y maintient dans les pires épreuves par la force de la haine, parce qu'il a entrevu une vie meilleure dans un avenir démocratique possible et car il sait qu'il est trop tard pour reculer, qu'il n'a plus grand chose à perdre et que ce régime de bourreaux sans conscience est acculé.
A court ou moyen terme, la dictature en Syrie tombera, comme probablement le régime islamiste répressif et vieillissant de l'Iran voisin. Malheureusement, l'armée est tenue elle aussi jusqu'à présent par le lien de la terreur et les répressions des récentes mutineries dans des casernes du nord du pays ont été atroces. Il semble que seule une insurrection généralisée (et armée?) de la population pourra venir à bout de ce régime. Il faut en attendant que les États qui font des affaires avec la Syrie (la Turquie, la Russie...), ou chez qui les proches du régime ont placé des capitaux et investi dans des entreprises, isolent le régime de Bachar el-Assad. Il faut qu'on ne lui vende plus d'armes et qu'on cherche à soutenir les rares foyers d'opposition structurée (par des communications, des conseils, de la logistique, des aides financières, des pressions sur le régime pour relâcher les prisonniers).
Est-il responsable de chercher à armer la révolte populaire? Je n'en sais rien: cela pourrait encore démultiplier la violence de la répression et enfoncer le pays dans une guerre civile dont pourrait se nourrir les conflits communautaires.
Ce qui est sûr, c'est que les syriens, nourris au lait du nationalisme arabe, sont hostiles à toute intervention militaire étrangère pour chasser la dictature, comme cela s'est fait en Libye, et qu'il ne sert à rien d'agiter cette menace qu'instrumentalise Bachar el-Assad pour ses intérêts en faisant passer ses opposants comme les éclaireurs d'un complot impérialiste occidental. L'armée syrienne est d'ailleurs suffisamment forte pour résister, à partir du moment où elle ne s'est pas désunie en fractions pro et anti-Bachar, à tout assaut étranger sur son sol.
La première chose que l'on devrait faire à mon sens, c'est d'ouvrir en grand les espaces d'expression publique aux opposants syriens partout dans le monde, pour empêcher que les gouvernements, d'ici quelques semaines, en reviennent à ménager leurs intérêts stratégiques en se lavant les mains et détournant les yeux devant les souffrances infligées à la population civile. C'est ce qu'a fait le parti communiste dans sa conférence nationale en invitant le vendredi soir un intellectuel et éditeur syrien proche du communisme exilé en France qui nous a disséqué avec clarté la nature du régime et de la contestation qui grandit dans son pays natal.
La Syrie partage une histoire commune avec la France: principautés franques, normandes, ordres de moines-soldats installés sur son territoire pendant plus de deux siècles à l'époque des croisades, protectorat français de 1918 à 1945, nombreux échanges culturels depuis. Ne l'abandonnons pas à ses tortionnaires!
Ismaël Dupont.
Consultation des adhérents de la section de Morlaix:
16, 17, 18 juin 2011.
69 adhérents
Inscrits (cotisants): 60
Votants: 40 (66,6%)
Nuls: 0
Exprimés: 40
choix |
| Voix | % exprimés |
1 | Proposition de la Conférence nationale pour un accord du Front de Gauche: Jean-Luc Mélenchon | 20 | 50,00% |
2 | Le PCF s'engage dans la poursuite de la dynamique du Rassemblement du Front de Gauche: André Chassaigne | 18 | 45,00% |
3 | Le PCF doit accorder la priorité au mouvement populaire: Emmanuel Dang Tran | 0 | 0,00% |
4 | Vote Blanc | 2 | 5,00% |
Après deux débats très riches organisés en avril et en mai, les 69 adhérents de la section communiste de Morlaix étaient appelés les 16,17,18 juin à se prononcer en toute souveraineté sur la proposition votée par la conférence nationale du PCF le 5 juin impliquant la candidature de Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles dans le cadre d'un accord entre les partenaires du Front de Gauche sur un programme partagé pour 2012, qui sera encore enrichi en co-élaboration avec les citoyens, ainsi que sur l'animation de la campagne et la répartition des circonscriptions aux législatives.
50% des suffrages exprimés se sont portés sur la proposition votée à 63% par les délégués de la conférence nationale conduisant à la candidature de Jean-Luc Mélenchon pour représenter le Front de Gauche.
45% des votants ont voté pour André Chassaigne (député du Puy de Dôme ayant réalisé le meilleur score des candidats du Front de Gauche dans le Limousin aux régionales de 2009) qui s'engageait aussi pour une poursuite de la dynamique de rassemblement du Front de Gauche.
Sachant qu'il y a eu 5% de bulletins blancs, on peut en conclure que les communistes du pays de Morlaix, quoique partagés sur le choix du meilleur candidat aux présidentielles pour le Front de Gauche, ont plébiscité cette stratégie de rassemblement large de la gauche de transformation sociale décidée à reprendre le pouvoir à la finance pour changer la vie de nos concitoyens. Cette implication dans le vote et ce résultat laissent augurer d'une très forte mobilisation unitaire des communistes dans la campagne des présidentielles et législatives de 2012.
Au niveau du Finstère, il y a eu 70% de participation des communistes à la consultation interne. 55,8% des votants ont choisi l'option retenue par la conférence nationale de la candidature Mélenchon, 41,7% ont voté Chassaigne, 2,42% ont voté Dang Tran.
Au total cela donne pour les 4 départements bretons: 65% pour Mélenchon, 32% pour Chassaigne, 2% pour Dang Tran.
GROUPE DES ÉLUS COMMUNISTES
Interview de Gérard Lahellec, Vice-président en charge de la mobilité au Conseil régional de Bretagne par le magazine Bretagne Ile de France. 17 juin 2011
A propos du transport régional des voyageurs et du ferroviaire, où en sommes nous en Bretagne?
Gerard Lahellec: En effet, depuis la décentralisation du transport régional, la Région définit pour la Bretagne le niveau de service des trains et cars régionaux : la desserte, la tarification et les objectifs de qualité du service public. Pour l’année 2011, la subvention régionale versée à la SNCF pour l’exploitation du TER Bretagne sera de 84 Millions d’euros. Cette somme représente les deux tiers du coût du TER, le reste correspondant aux recettes : le voyageur paye en moyenne un tiers du coût réel de son trajet. 156,2 Millions d’euros sont consacrés aux transports terrestres par le Conseil régional dans son budget primitif 2011. L’exploitation correspond au service régional de transport de voyageurs, essentiellement le TER Bretagne ; le matériel à l’achat de nouveaux trains ; le volet infrastructures comprend la ligne à grande vitesse, la modernisation des voies ferrées en Bretagne et la rénovation des gares.
En 2010, la fréquentation du TER a augmenté de 2 %, en nombre de voyages, ce qui porte la hausse à + 18 % depuis 2007, soit + 50% depuis le transfert à la Région de la compétence ferroviaire en 2002, portant aujourd'hui le nombre de voyages en moyenne à 30 000 par jour.
En outre, 100% du parc des trains a été remis à neuf tandis qu'un investissement de 200 Millions d’euros est actuellement en cours pour l'acquisition de nouveaux trains.
Enfin, fin 2010, BreizhGo.com est devenu le site d’information sur les transports publics en Bretagne. Il a pour ambition de simplifier et faciliter les déplacements en train, autocar, bus, métro, bateau ou à vélo, qu’ils soient quotidiens, professionnels ou de loisirs. L’utilisateur peut ainsi trouver les horaires pour son trajet de bout en bout, s’affranchissant des frontières entre les différents réseaux de transport et une information complète sur les services proposés.
Le rapport Grignon prévoit l'ouverture à la concurrence du transport régional des voyageurs ; quelles réflexions vous inspire cette disposition?
Gerard Lahellec : Tout d'abord, ce rapport Grignon n'intervient pas comme un orage dans un ciel serein; ce rapport intervient après un rapport de la cour des comptes de 2009 déclarant que les régions consacrent trop de moyens pour développer le service public, dans un contexte de réforme des collectivités mettant à mal les moyens financiers de celles-ci ; et à un moment où le commissaire européen aux transports préconise une obligation d'ouverture à la concurrence de tous les transports. Il est tout de même curieux que l'on puisse engager une telle mission sans y associer les régions de France qui exercent pourtant cette compétence et qui ont prouvé leur efficacité.
Ce rapport affirme que les régions, grâce à la concurrence, pourront obtenir un meilleur rapport qualité/prix pour leurs Transports Express Régionaux (TER). Mais cette affirmation ne s'appuie sur aucun constat objectif, bien au contraire! En effet, il n'est pas difficile de prouver que toutes les ouvertures au marché et à la concurrence ont eu pour effet d'augmenter les prix. Ainsi, par exemple, dans la perspective de l'ouverture à la concurrence, la SNCF vient de créer une sorte de filiale chargée de moderniser et de gérer les gares; mais cette filiale, lorsqu'elle co-finance avec des collectivités la modernisation des gares, rémunère le capital qu'elle engage à 9% ! Et pour obtenir une telle rémunération du capital qu'elle engage, elle augmente le coût des prestations en gare en augmentant le prix des prestations de service public comme le prix du passage des trains en gare ou encore le prix de l'utilisation des espaces mis à disposition. C'est la preuve que l'ouverture au marché et à la concurrence a pour effet d'augmenter les prix en faisant payer les prestations de service public. Dans ce cas précis, l'argent collecté sur les prestations de service public est utilisé pour rémunérer le capital et non pour développer le service!
Si on se réfère à ce qui s'est passé pour le fret ferroviaire, les choses sont encore plus claires!
Avec l'ouverture à la concurrence du fret, on nous avait promis un développement inédit de la circulation de trains de marchandises ! Le résultat est là, désastreux! Les opérateurs privés, après avoir organisé la concurrence sur les segments les plus rentables, ont dû renoncer, non sans avoir entre temps fragilisé la SNCF qui désormais concentre ses ambitions sur la captation des marchés les plus rentables, avec pour conséquence des abandons et des gâchis en tous genres.
On observera d'emblée que les motivations et les postulats pour l'ouverture à la concurrence varient entre «recherche d'une amélioration» et «obligation de se soumettre à la concurrence».
Il est pour le moins troublant de constater que le rapport fasse totalement l'impasse sur l'analyse des conditions dans lesquelles le transport régional des voyageurs en France s'est considérablement amélioré. Il fait aussi l'impasse sur l'ensemble des optimisations obtenues, notamment dans le cadre de la négociation des conventions. Enfin, il est étonnant que l'on puisse méconnaître à ce point la qualité de l'expertise acquise par les Régions et les bons résultats obtenus du fait de celle-ci !
On observera aussi que le journal «Les Echos» du 24 février relate, par une «fuite» organisée, que la SNCF reconnaît un manque de compétitivité de 30% par rapport à ses concurrents européens. Mais les «fuites» organisées de ce document interne sont destinées à provoquer le débat pour obliger les syndicats à venir à la table de discussions proposée par la SNCF sur le thème : ou libéralisme sauvage et les cheminots perdent tout ou nous forgeons ensemble une convention collective mais il faut accepter des sacrifices. C'est donc le statut social des cheminots qui est aussi dans le collimateur; Si les pouvoirs publics actuels veulent étendre le champ d'application des garanties collectives applicables à l'opérateur historique, ils le peuvent, mais ce n'est pas la volonté politique qui préside aux choix actuels et pourtant, en Bretagne comme dans les autres régions de France, la démonstration est faite que l'ambition publique est un gage de réussite économique et de développement durable et solidaire des territoires.
Une manifestation unitaire de 18000 cheminots à l'appel de la CGT, de l'UNSA, de Sud-Rail et de la CGT a protesté le jeudi 16 juin contre les politiques de libéralisation du fret ferroviaire, d'ouverture à la concurrence du transport régional de voyageur, la suppression des emplois et de précarisation des statuts à la SNCF. Nathalie Kosciusko-Morizet, selon Ouest France de ce vendredi 17 juin, avait mis le feu en poudre en déclarant (comme si l'évolution des statuts des employés de la SNCF vers le droit privé impliquant flexibilité, exigence de rendement accrues et rémunération différenciée par primes liées à des contrats d'objectifs n'était pas déjà une réalité) que la SNCF ne pourrait pas « faire durablement l'économie de l'adaptation à de nouvelles organisations du travail ». Sous-entendu: les organisations de travail que promeut l'exigence d'auto-financement d'une entreprise à capitaux majoritairement étatiques ou, pire encore, l'exigence de rentabilité pour les actionnaires du fait de l'ouverture du capital de la SNCF.
Il nous faut rappeler que la suppression du monopole de la SNCF pour le transport de marchandises et de voyageurs dont le principe a été accepté par Jospin et Chirac au sommet européen de Barcelone en 2001, associé à la politique systématique de désinvestissement de l'État actionnaire dans l'emploi et les équipements non immédiatement rentables ou au service de l'économie mondialisée, heureusement souvent contrebalancée par le volontarisme des régions pour maintenir ou créer des réseaux de transports régionaux de qualité, ont pour conséquences de fragiliser considérablement les capacités de la SNCF de répondre aux défis environnementaux et sociaux immenses auxquels le transport ferré pourrait être confronté dans les années à venir.
Au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la loi Grenelle, dans un geste fort pour lutter contre les dérèglements climatiques, affichait la volonté de réduire de 20% d'ici 2020 les gaz à effet de serre émis par l'ensemble des transports et Nicolas Sarkozy s'engageait à faire évoluer de 14% à 25% la part du fret non routier en 15 ans. La mise en œuvre de ces annonces impliquait d'intensifier le trafic des « wagons isolés », soit des trains incomplets transportant des marchandises en alternative et connexion avec le routier. Or, rappelle André Chassaigne dans son essai Pour une terre commune, « ce type de transport qui représente actuellement 43% du fret SNCF est responsable de 75% des pertes financières de l'entreprise: un contresens absolu pour les chantres de la concurrence libre et non faussée! La décision est donc tombée: la SNCF décide d'abandonner progressivement ce type de transport, avec, à la clé, la fermeture de 500 gares et la suppression des dessertes qui y sont attachées ». Or, rappelle André Chassaigne, « selon l'étude « Carbone 4 », commandée par la SNCF, cet abandon du fret de proximité va provoquer un rejet supplémentaire de 300000 tonnes équivalent CO2 chaque année... En exigeant de la SNCF qu'elle privilégie la rentabilité des grands sillons et des trains complets au détriment du trafic diffus des marchandises, le gouvernement fait un choix désastreux pour la planète et la vie des territoires ».
Tout est dit: on ne peut pas à la fois imposer des exigences de rentabilité à court terme toujours plus grande à la SNCF tandis qu'on les rend à la fois plus impératives et moins aisées à mettre en œuvre en la soumettant à la concurrence d'opérateurs privés, tout en lui demandant, en tant que service public, de remplir une mission d'intérêt général. En quoi celle-ci consisterait t-elle? Elle impliquerait d'offrir des conditions de travail, de formation et de rémunération exemplaires à ses employés, à donner la priorité à l'usage du train et à la mobilité des catégories moyennes et populaires par des tarifs peu élevés accessibles à toutes les catégories sociales pour servir d'alternative à la voiture polluante et de plus en plus chère après le renchérissement des carburants, et enfin à développer une politique de transport des marchandises ambitieuse pour réduire les émissions de CO2.
Si les trains régionaux attirent de plus en plus de voyageurs, c'est qu'il y a de forts investissements de la collectivité dans ce domaine, ici des conseils régionaux qui subventionnent largement ce mode de transport pour des régions écologiques (limiter le « tout routier ») et sociales (liées aux besoins des travailleurs et aux conditions d'accès à l'emploi).
Selon un article du Télégramme du mardi 12 avril 2011 que m'a transmis Jean Dréan, la Bretagne est ainsi championne toutes catégories, grâce au volontarisme de Gérard Lahellec (vice-président du Conseil Régional chargé des transports) et des communistes, pour le transport collectif de voyageur régional par car et train TER: augmentation du nombre de voyageurs de 50% en 8 ans liée à l'augmentation du carburant, à l'accroissement des cadences des trains de proximité permettant la liaison logement-travail, à la rénovation ou au remplacement des rames, de plus en plus confortables. L'usager ne paie que le tiers du coût du billet, le reste étant pris en charge par la région. Ce renouveau du transport public régional est un des succès de la décentralisation et montre que le transport ferré est un service public essentiel qui ne peut pas pour remplir cette fonction d'intérêt général se passer d'investissement de la collectivité financés par des impôts solidaires et redistributifs: ainsi au budget 2011, le conseil régional de Bretagne a inscrit 156 millions d'euros au chapitre ferroviaire et la programmation 2007-2013 prévoit 1,1 milliard d'euros.
En France, le développement de l'activité de fret ferroviaire est fragilisé par plusieurs facteurs:
a) Le renoncement par Jean-Louis Borloo de créer une « éco-taxe poids lourds » et l'acceptation que des sous-traitants étrangers pratiquant un dumping social en employant des routiers étrangers à moindre coût travaillent pour des groupes français. L'application de cette éco-taxe sur les poids lourds, comme le rappelle André Chassaigne, « permettrait pourtant d'internationaliser une partie des coûts que ne supporte pas actuellement le mode routier (infrastructures, nuisances, accidentologie, pollution...). Elle permettrait de créer des contraintes économiques sur les grands groupes commerciaux pour aller véritablement vers une complémentarité rail-route, voire vers un renouveau du transport fluvial.
b) L'ouverture du transport des marchandises (date d'entrée en vigueur au niveau national et international: 2006) à la concurrence qui limite les possibilités d'investissement de la filiale de la SNCF, Novatrans, et dégrade la qualité du service rendu, les opérateurs privés sacrifiant les savoir-faire et les effectifs des personnels aux objectifs de rentabilité. Le 9 avril dernier annonce la CGT cheminot dans un communiqué de presse transmis par Jean, Dréan, un train de marchandises a ainsi déraillé dans les Landes, entraînant des retards sur le réseau ferré national (TER et TGV). Cet incident incombe à la compagnie ferroviaire privée Euro Cargo Rail (ECR) qui circule sur le réseau national depuis l'ouverture du transport ferroviaire à la concurrence et s'explique par les économies en personnels, formation, et les exigences de productivité propres à une entreprise privée prenant le pas sur les impératifs de prudence et de sécurité. Cette ouverture à la concurrence, en diminuant les tarifs proposés, les recettes et les capacités d'investissement, atteint aussi la qualité du service rendu chez Novatrans. Dans un cadre européen, pour respecter le sacro-saint dogme de la concurrence libre et non faussée, l'État français s'est de plus engagé en 2006 à ne pas attribuer d'aide publique à l'activité fret de la filiale de la SNCF pendant 10 ans. Ou comment la mettre en difficulté face à ses concurrents.
Sur le plan local, on peut ainsi regretter que la puissante coopérative agricole Sica de St Pol de Léon se soit positionnée sur la privatisation des activités de fret ferroviaire en créant en associant à des capitaux allemands le nouvel opérateur breton de transport de marchandises Combiwest travaillant avec Euro Cargo Rail (ECR) plutôt qu'avec la filiale rail-route de la SNCF Novatrans. Combiwest prévoit une liaison entre Saint-Martin des Champs et Rungis en 2012 et dans le cadre de ce projet ambitieux d'import-export, la Sica a prévu de créer un nouveau gigantesque entrepôt sur la commune de Plougoulm, à partir duquel seront acheminés par camion les produits jusqu'à Saint Martin des Champs, sans envisager pour des raisons écologiques et de réduction des nuisances dues au trafic routier de donner une seconde jeunesse au fret de marchandise sur la voie de chemin de fer Roscoff-Morlaix en encourageant si besoin les pouvoirs publics à restaurer le pont assez vétuste passant sur la Penzé. Alors qu'il y a plusieurs années, on avait délaissé, faute de volonté politique de soutenir le transport ferroviaire de marchandise, l'entrepôt visant à assurer le ferroutage créé par la SNCF à St Martin des Champs, c'est maintenant le secteur privé qui récolte les profits du renouveau de cette activité. Ce n'est pas acceptable.
Comme l'écrit Patrice Bessac, responsable du Projet du PCF, dans l'éditorial de la Revue du Projet de mars 2011, intitulée « Ecolo-communiste sans complexe », « le soutien de personnalités comme Daniel Cohn-Bendit aux politiques libérales de l'Union européenne a eu comme conséquence que l'Europe a régressé sur le fret ferroviaire... Pas stagné, non, régressé: il y a plus de camions sur les routes aujourd'hui que sur les rails par rapport aux 20 dernières années. De la même manière, l'acceptation du dogme de la régulation par le marché de tous les domaines de l'économie a eu comme effet une explosion du transport des marcha ndises, de leur production segmentée et au final un impact écologique désastreux ». Ainsi, en de 1990 à 2010, la route est passée de 58% à 80% du volume fret transporté et le rail de 26% à 12%...
Être un écologiste conséquent aujourd'hui en France, c'est adhérer aux principes réaffirmés avec force dans le Programme populaire et partagé du Front de Gauche
1) S'affranchir du Traité de Lisbonne qui résume et durcit dans un sens libéral les traités européens antérieurs et chercher à renégocier, sur la base de l'électrochoc de notre sortie du traité refusé par les peuples hollandais, irlandais, français, un traité qui reconnaîtra le droit aux États, y compris dans un cadre coopératif européen, de garder des monopoles et des possibilités d'aides publiques pour leurs services publics de transports. 2) S'affranchir du Traité de Lisbonne et des politiques de libéralisation menées au niveau européen depuis 25 ans, c'est aussi rendre possible une relocalisation de l'économie (prelèvements fiscaux sur les réimportations de productions délocalisées, taxe kilométrique sur les transports de marchandises évitables, objectifs que les camions arrivant dans notre pays par les frontières belges et espagnoles passent sur des trains) pour diminuer les émissions de CO2 et les transports superflus et polluants. 3) Nous prévoyons aussi dans ce Programme partagé pour 2012 issu d'un accord entre les organisations du Front de Gauche (Parti communiste, Parti de Gauche, Gauche Unitaire) et d'une co-élaboration avec les citoyens d'abroger les lois de libéralisation du rail et d'engager un processus de désendettement du système ferroviaire tout en favorisant le ferroutage, en développant le transport ferroviaire, fluvial, et le transport maritime côtier. Pour inciter les voyageurs à prendre le train, il faudra prévoir une baisse des tarifs financée par la collectivité (et le doublement du Versement Transport des entreprises pour ce qui est des transports professionnels) et fixer un tarif voyageur unique au kilomètre. Nous inscrirons aussi dans la loi l'encouragement au wagon isolé (messagerie ferroviaire) comme un service d'intérêt général, éligible à des subventions publiques.
Le journal de la CGT Cheminots, La tribune des Cheminots, rappelle en ce mois de juin 2011 les conséquences désastreuses de la libéralisation du trafic ferroviaire: « La tarification élevée, la dégradation de la sécurité, les suppressions massives d'emplois et la chaîne de sécurité fragilisée sont les caractéristiques principales de l'ouverture totale au privé. Ceci a des conséquences pour les cheminots: précarisation de l'emploi, externalisation d'activités, remise en question des conditions de travail, demande de plus de flexibilité, attaques contre les systèmes de protection sociale, les statuts, les conventions collectives ».
Ismaël Dupont.
On nous a signalé ce passionnant reportage d'actualité cinématographique sur la fête du parti communiste à Pont-Labbé en 1938 en présence de Marcel Cachin, reportage qui valorise la continuité entre les traditions et les modes de vie des bretons et la lutte communiste pour l'émancipation humaine. Pour ceux qu'intéresse l'histoire sociale et politique, qui pensent à tort les communistes comme des jacobins ennemis des particularismes régionaux, pour ceux enfin qui n'ont jamais écouté chanter l'Internationale en breton, précipitez-vous sur ce reportage d'une quinzaine de minutes qui revèle l'énorme popularité du parti communiste au moment du Front Populaire et sa volonté d'assimiler les héritages populaires nationaux et régionaux.... http://www.cinearchives.org/Catalogue_general-62-61-0-1.html?q=synchrone&
On pouvait s'y attendre. Depuis des années, nombre d'experts patentés s'interrogeaient dans les médias sur les limites du modèle français d'étatisation de la promotion et de la gestion du patrimoine culturel, sur le sous-investissement d'un État dont les caisses seraient vides pour l'acquisition et la conservation de biens culturels, propriétés de la nation, et sur les avantages du système anglo-saxon de partenariat public-privé et de valorisation publique du mécénat.
La dépense publique doit être réduite. Il n'y a pas d'alternative (le fameux Tina de Margaret Tatcher: « There is no alternative »). La culture n'est pas, de loin, le poste prioritaire du budget national: santé, éducation, police, armée, justice passent loin devant dans l'ordre des priorités. Comme les autres ministères, le ministère de la culture et les institutions culturelles comme les musées et les théâtres doivent donc songer à tendre vers l'auto-financement. Ainsi, tandis que le ministère de la défense vend à une entreprise privée l'hôtel de la Marine sur la place de la Concorde au balcon duquel des révolutionnaires assistèrent à l'exécution de Marie-Antoinette et de Louis XVI, tandis que le château de Versailles sert régulièrement pour les festins et les soirées prestigieuses de l'aristocratie européenne, de la très haute bourgeoisie ou des multinationales, que le Louvre exporte une partie des trésors nationaux chez les milliardaires du Qatar ou lance à grand renfort de publicité auprès des mécènes privés, riches ou non, une campagne de souscription pour acheter le magnifique et coquin tableau de Lucas Cranach l'Ancien, Les trois Grâces, notre dame de fer à nous, la maire de Morlaix, n'est pas en reste.
Il y a quelques mois, Agnès Le Brun, récemment imposée par Jean-François Copé comme secrétaire départementale de l'UMP, donnait symboliquement son visa à la politique sarkozyste de privatisation du patrimoine et des activités culturelles en lançant une campagne de souscription dûment médiatisée pour offrir au Musée des Jacobins un calice du XVIème siècle: en 15 jours, s'est félicité Agnès Le Brun en conseil municipal, la somme a pu être réunie. Il est vrai qu'elle-même paie de sa personne en cédant ses indemnités de maire pour que revive un théâtre qu'elle a privé de ses investisseurs publics en poussant l'ancienne direction au départ et diminuant drastiquement les subventions de la ville. Par pied de nez, des morlaisiens ont donné un euro provocateur pour avoir leur nom inscrit au registre des vanités des mécènes du musée à côté de celui « des plus généreux donateurs », notables de la région de Morlaix appartenant aux réseaux du maire actuel (Rotary club ou Lion's Club...?) décidés à assurer la réussite rapide de cette entreprise de délégitimation de l'investissement public dans le service public de la culture et de restauration de l'orgueil des élites provinciales.
Dans un Ouest France daté d'il y a presque deux semaines, on pouvait lire un nouvel appel décomplexé à un financement par les entreprises privées et les particuliers des activités culturelles municipales à Morlaix. La motivation: s'acheter une image de bienfaiteur public et se faire de la publicité pour les entreprises. Ainsi, on nous explique que la banque CIC Ouest choie les enfants morlaisiens en leur offrant la réédition d'un livre de conte intitulé Lomic roi de la baie qui sert de support aux activités pédagogiques de la maison à Pondalez (qui dépend de la mairie et du musée des Jacobins). Des œuvres de l'exposition Bernard Menguy auraient également pu être produites, nous dit-on, grâce au soutien du Comptoir métallurgique de Bretagne, de la forge de Plouézoch et de la voilerie Ulmo.
Avoir son nom gravé dans le marbre, honoré par sa ville, ce fut aussi sans doute le rêve d'Agnès Le Brun qui, sur la plaque que les Morlaisiens ont payé avec leurs impôts pour rendre hommage et célébrer la mémoire des victimes du centre-ville autres que les 39 enfants de l'école maternelle Notre-Dame-de- Lourdes) des bombardements anglais du Viaduc le 29 janvier 1943, s'est arrogé la moitié de la place sur la stèle commémorative pour faire graver en lettre d'or son nom et ses titres conquis de haute lutte: « Agnès Le Brun, maire de Morlaix, conseillère générale ».
Tout cela nous rappelle l'époque bénie d'une autre société de caste, celle de l'antiquité hellénistique et romaine, lorsque les hommes d'affaires, les hommes politiques et les notables de bonne famille des Cités manifestaient sans complexe leur appartenance à la caste des nantis, rehaussaient leur prestige et leur popularité auprès du peuple, en finançant, sur des deniers personnels qui avaient été préalablement gonflés en volant tout à fait régulièrement leurs semblables (par la corruption politique, l'impôt inégalitaire, le travail sous-payé dans les villas à la campagne, l'exploitation des esclaves, des peuples et des villes vaincus et rançonnés), des jeux du cirque, des thermes, des théâtres, des améliorations de voiries et de temples. Ces évergètes avaient en retour le droit d'avoir leur statue ou leur nom honorés à leur mort ou de leur vivant sur les places et les avenues ou dans les bâtiments publics.
L'historien de l'antiquité Paul Veyne a analysé cette pratique de l'évergétisme dans un livre très dense, Le pain et le cirque, et en a fait la caractéristique d'un régime des notables sans puissance publique et État véritable où l'oligarchie se sert du financement des services publics pour affirmer son rang et maintenir sa domination: « L'évergétisme est la clé de cette oligarchie: seul gouvernera celui qui est assez riche pour payer. L'obligation de faire largesse joue le rôle de barrière et permet aux notables de se réserver le privilège de gouverner, ainsi que la distance sociale que le pouvoir politique confère » (Paul Veyne). Cette pratique ostentatoire trouve à s'exercer là où l'impôt solidaire pour financer les infrastructures publiques utiles et accessibles à tous est faible, en l'absence d'État et de volonté de redistribution sociale.
Or, précisément, ce petit article de Ouest France déjà mentionné qui assurait (le 1er juin si je ne m'abuse) la communication de la majorité municipale encourageant au mécénat privé dans le domaine du financement des acquisitions et opérations culturelles donnait une autre justification à cette pratique: non seulement elle offre une satisfaction narcissique ou un certificat de civisme aux riches et aux entreprises mais en plus, elle ne contredit pas leurs intérêts financiers. En effet, nous dit-on, « les donateurs peuvent bénéficier d'avantages fiscaux. Un apport en numéraire ouvre droit à une réduction d'impôt de 60% des sommes versées dans la limite de 0,5% du chiffre d'affaire hors taxe. Des contreparties matérielles sont aussi proposées: visites privées, conférences, réceptions dans les espaces du musée, gratuité au musée pour les salariés etc. ».
Au moment où la mairie de Morlaix n'a pas trouvé d'autre solution que de faire payer 4,50 euros l'entrée au musée des Jacobins aux Morlaisiens adultes qui bénéficiaient auparavant d'une gratuité justifiée par leur contribution aux impôts locaux et leur qualité de citoyens ayant droit à une offre culturelle de proximité, on est content d'apprendre que les riches donateurs du musée peuvent trouver dans le mécénat une nouvelle niche fiscale, sachant que ce sont les baisses d'impôt pour les riches et les entreprises voulues par la droite qui vident les caisses de l'État et justifient en retour le recours à l'investissement privé dans le mécénat culturel récompensé en nouvelles baisses d'impôt... C'est comme cela qui s'étouffe en se serrant la ceinture volontaire pour engraisser une minorité accepte de bon cœur la main charitable qui consent à offrir quelques plaisirs à la population. On est content d'apprendre aussi que certains clubs huppés ou certaines entreprises pour leur politique de charme vis à vis des employés ou des clients pourront disposer du musée des Jacobins pour organiser leurs conférences et leurs repas grand luxe...
Voulez-vous une autre bonne nouvelle pour la vitalité des entreprises culturelles à capitaux mixtes public-privé qu'on appelait autrefois les musées nationaux, régionaux ou municipaux et qui sont aujourd'hui gérées de plus en plus comme des usines de petits pois?
Les œuvres d'art ne seront pas réintégrées dans l'assiette de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune dont Fabius les avaient exclues en 1981: cela aurait produit, pour Frédéric Mitterrand, Jacques Lang, et les plus fervents défenseurs de la culture française au sein de l'UMP pourtant infiltré par des dangereux « partageux » comme le député des côtes d'Armor Marc Le Fur, l'effondrement du marché de l'art, la mort des artistes, des mécènes, des donations aux musées...Même le brillant héros tragique Dominique Strauss-Khan, dont la défense est portée à bout de bras par la fortune familiale d'Anne Saint Clair assise sur une collection impressionnante de tableaux de maîtres, ne s'en serait pas relevée... Heureusement qu'il est si simple de concilier l'intérêt de l'oligarchie et celui de la culture. D'ailleurs, peut-on les dissocier? Seuls les élites ont un bon goût naturel et une capacité créatrice...
Plus sérieusement, ne peut-on pas logiquement penser qu'en faisant rentrer plus d'impôts, et particulièrement plus d'impôt de solidarité sur la fortune, et en supprimant cette niche fiscale exceptionnelle que constitue l'achat d'œuvres d'art, on lutte contre l'inflation spéculative dans le marché de l'art qui rend difficile l'achat d'œuvres par les musées et on fait rentrer de l'argent frais pour mener une politique ambitieuse de nationalisation du patrimoine culturel, de soutien public à la culture vivante et à la démocratisation de la culture.
Ismaël Dupont