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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 06:52

Parti Communiste Français

Section du Pays de Morlaix

 

Dans le cadre de l’engagement du collectif "un bateau pour gaza" est organisée,  samedi matin  9 avril 11h une conférence de presse au port de Morlaix sur le bateau "vent d'ouest" qui collabore avec le collectif et qui va  monter le drapeau palestinien en haut du mat (tout ça samedi matin en live pour la presse ).

 A l’occasion de cette conférence de presse sera annoncé le fest noz du 22 avril (Salle des fêtes de St Thégonnec), lu un texte de Mme Hessel (femme de Stéphane) qui a accepté d'être la marraine du bateau , on parlera aussi de la campagne nationale " un bateau français pour Gaza".

 
Le collectif souhaite que tous ceux qui le peuvent viennent samedi à 11 h : « ce serait bien qu'on soit un peu nombreux ....... pour créer l'événement sur Morlaix ».

un bateau pour Gaza port de Morlaixun drapeau pour Gaza...à Morlaix

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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 06:58

 

Première partie d'un article de remémoration: "Du combat pour l'unité socialiste à la scission du congrès de Tours et à la naissance du PCF".  

 

1) De la marginalité aux crises de la croissance politique, exigeant le positionnement de forces révolutionnaires face aux institutions de la République.  

 

a) Un mouvement socialiste à reconstruire après la tragédie de la Commune.

Comme l'écrit Louis Mexandeau dans son introduction à Le discours des deux méthodes: Jean Jaurès et Jules Guesde (éditions Le passager clandestin): « à la différence des grandes social-démocraties la (re)naissance socialiste après la Tragédie de la Commune de Paris s'était faite sous le signe de l'émiettement. Le poids de l'histoire, la personnalité des hommes avaient contribué à cette « chapellisation » qui étonnait les partis étrangers ».

A la suite de l'échec sanglant de la Commune en mai 1871, beaucoup de militants vont être déportés, contraints à l'exil, et dans les premières années de la décennie 1870, le combat qui primera, y compris pour les militants d'extrême gauche, sera celui de la consolidation de la République face au cléricalisme et au danger de restauration monarchique. L'historien Pierre Lévêque, dans l'article sur « La Gauche et l'idée révolutionnaire au XIXème siècle » publié dans le livre collectif dirigé par Gilles Candar et Jean-Jacques Becker, L'histoire des gauches en France: l'héritage du XIXème siècle (La découverte), écrit ainsi: « Pour beaucoup, le drame de 1871 a condamné définitivement la stratégie insurrectionnelle, et leur option légaliste sera confirmée par les solides garanties apportées en 1881 aux libertés de réunion et de presse, en 1884 à la liberté syndicale ».

Dans les congrès ouvriers de Paris et de Lyon en 1876 et 1878, la constatation du droit de propriété et de l'inégalité sociale prend des formes plutôt proudhoniennes mettant l'accent moins sur la conquête du pouvoir politique pour imposer verticalement la transformation sociale que sur l'auto-organisation spontanée des travailleurs en chambres syndicales et coopératives de production.

 

Mais en octobre 1879 est créé à Marseille un parti ouvrier d'inspiration collectiviste et marxisante, d'abord dirigé par Jules Guesde (1845-1922), ancien anarchiste récemment converti au marxisme et qui cherche depuis 1877 à propager ses idées dans le journal qu'il crée avec Gabriel Deville (1854-1940) et où collabore Paul Lafargue, L'Egalité. Rappelons que l'autorité intellectuelle de Marx commence seulement depuis peu à se faire sentir en France. En 1873, Pierre Larousse lui consacre un article plutôt favorable dans son Grand dictionnaire universel du XIXème siècle et en 1872 est publié le premier livre du Capital. En revanche, il faudra attendre 1885 pour voir la première version intégrale du Manifeste du parti communiste publiée en français, traduite par Laura Lafargue, fille de Marx et compagne de Lafargue.

Au congrès de Saint Etienne en septembre 1882, Guesde est mis en minorité, ce qui entraîne son départ de son parti, sa création du POF (Parti Ouvrier Français) et la formation en opposition par Paul Brousse et Gaston Allemane de la Fédération des travailleurs socialistes de France.

« Celle-ci, écrit Pierre Lévêque, maintient un objectif maximaliste (la libération du prolétariat par la collectivisation des moyens de production et d'échange), mais entend abandonner le tout à la fois qui aboutit au rien du tout » et parvenir au but par une série d'étapes successives: il faut conquérir les municipalités qui confieront les services publics (eau, gaz, transports en commun...) à des associations ouvrières, éduquer ainsi les travailleurs à la gestion, établir enfin, par la voie du suffrage universel, la République sociale qui prendra en main les grandes industries, les chemins de fer et les banques ».

 Paul Brousse lui-même est l'auteur du néologisme « marxisme » à consonance péjorative qui apparaît dans un pamphlet paru en 1882, Le Marxisme dans l'Internationale, dans lequel il dénonce la social-démocratie allemande et son « appendice » en France, le guesdisme, qui, en mettant l'accent sur le déterminisme économique dans lequel prend sens le combat politique, en dépréciant la démocratie parlementaire et en cherchant à imposer la prééminence d'un parti pensé comme le cerveau de la classe ouvrière sur le mouvement syndical, s'oppose aussi bien à la tradition française de valorisation proudhonienne de l'organisation spontanée des travailleurs qu'à l'adhésion aux valeurs républicaines à titre d'héritage révolutionnaire à conserver.

Si cette fédération « possibiliste » s'affaiblit par la suite, elle sera relayée dans les années 1890 par une partie des socialistes indépendants, dont Alexandre Millerand, député de la Seine et directeur du quotidien La Petite République. Celui-ci exprimera clairement son point de vue légaliste et partisan de réformes progressives appelées par des objectifs révolutionnaires au banquet de Saint Mandé le 30 mai 1896. Citons encore Pierre Lévêque qui décrit ce fameux programme de Saint Mandé, nouveau bréviaire du socialisme réformiste (volume cité, p.311): « Le but final, réaffirmé, est d' « assurer à chaque être, au sein de la société, le développement intégral de sa personnalité », le moyen préconisé est bien le passage d'un mode de production à un autre (« la substitution nécessaire et progressive de la propriété sociale à la propriété capitaliste »); il s'opérera grâce à l'intervention de l'Etat, mais de façon graduée, à mesure que les différentes branches de l'économie « deviennent mûres pour cette appropriation collective »: processus de longue durée et non mutation brusque. Surtout, cette révolution sociale, étalée dans le temps, s'opérera dans le respect de la légalité: la « conquête des pouvoirs publics » se fera « par le suffrage universel », à l'exclusion de la violence, de la grève générale, de l'insurrection.

 

b) 1892: les socialistes deviennent une puissance électorale et s'enracinent dans la vie politique française. 

 

En 1892, les socialistes ont des résultats très encourageants aux municipales, qui réhabilitent, même au regard du POF marxiste, la légalité républicaine. Le journal Le Socialiste qui a succédé à l'Egalité pour servir de tribune au POF, ne craint pas ainsi de déclarer le 21 août 1892: « Réformes et révolution, loin de se contredire, se complètent donc et nous sommes réformistes, parce ce que révolutionnaires ».

 

C'est aussi en 1892, alors que la grève de Carmaux (16 août-3 novembre 1892) lui a montré comment un patron héritier, maître de la mine, le marquis de Solages, pouvait grâce à son pouvoir social et son pouvoir politique s'asseoir sur le suffrage universel en limogeant Calvignac, le mineur syndicaliste devenu maire, que Jean Jaurès est devenu pleinement socialiste.

Il avait été élu député à 26 ans en 1885 et avait appartenu jusqu'à sa défaite aux législatives de 1889 au courant des républicains de gauche, manifestant déjà une vive préoccupation pour la question sociale. Ainsi, en 1886, il cosigna une proposition de loi pour mettre en place des caisses ouvrières de retraite basées sur la coopération et la prévoyance et des caisses de secours pour pallier aux décès ou aux accidents de travail . En 1886 toujours, il s'intéressa au problème de la sécurité des mineurs et assista au congrès de leur syndicat. En février 1892, après s'être mis à la lecture de Marx et de Lassale sous l'influence du bibliothécaire de l'Ecole Normale Supérieure, le très influent et charismatique Lucien Herr, il soutenait sa thèse de doctorat écrite en latin sur « Les origines du socialisme allemand » qu'il faisait remonter à Luther, Kant et Fichte, et enfin, le 27 mars 1892, il discutait toute une nuit avec Jules Guesde à Toulouse, nuit qui l'a peut-être définitivement convaincu de la justesse des analyses et des voies d'émancipation socialistes.

 

A partir de 1893, les socialistes, sans parvenir à former un même parti, parviennent néanmoins à se montrer relativement solidaires au Parlement avec leur cinquantaine de députés pour faire face à la poussée réactionnaire et nationaliste qui menaçait la République et pour faire pression sur les radicaux afin qu'ils mettent en œuvre des réformes sociales.

 

c) 1898-1899: La crise du débat sur la participation ministérielle et sur l'implication aux côtés des forces politiques bourgeoises dans l'affaire Dreyfus et la défense républicaine.  

 

Toutefois, quand Alexandre Millerand entre dans le gouvernement du radical Waldeck Rousseau en 1899 avec l'approbation des « possibilistes », l'entente socialiste est fortement mise à mal.

Jaurès défend la participation gouvernementale comme moyen de défendre les idéaux républicains fondamentaux (laïcité, pouvoir des représentants du peuple sur l'armée et démocratisation de celle-ci, impartialité de la justice) menacés par les forces de la réaction nationaliste, cléricale et antisémite déchaînées contre les partisans de Dreyfus. Guesde, qui était pourtant outré par l'antisémitisme et la mauvaise foi manifestés par l'armée au cours de l'affaire Dreyfus (qui commence avec la condamnation à la dégradation et au bagne très médiatisée et passionnée pour haute trahison du capitaine juif en décembre 1894 et est relancée au moment du procès à huis clos et de la relaxe du vrai espion, Esterhazy, dénoncés par le célèbre J'accuse d'Emile Zola dans le L'Aurore du 13 janvier 1898) voit dans cette participation gouvernementale un risque d'embourgeoisement des cadres socialistes et de démobilisation des militants ainsi qu'un détournement par rapport au but essentiel qui reste la transformation révolutionnaire des rapports de propriété et de production.

Dans une lettre datée du 28 juillet 1899 au leader de la social-démocratie allemande, Wilhelm Liebknecht, père du compagnon de Rosa Luxemburg lors de la révolution spartakiste, Karl Liebknecht, Lafargue revient sur les conséquences de l'erreur stratégique et humaine de Jules Guesde qui, en plaidant pour l'abstention et la non-intervention, dans le combat acharné qui opposait les républicains dreyfusards et les anti-dreyfusards antisémites ou partisans de la vieille droite catholique, nationaliste et autoritaire, a mis sur le devant de la scène des leaders socialistes plus réformistes, Millerand et Jaurès, alimentant ainsi la dérive opportuniste des cadres socialistes:

« La crise que traverse le socialisme en France était fatale, mais grâce à l'absurde et inconcevable conduite de Guesde et de Vaillant dans l'affaire Dreyfus, nous sommes placés dans une situation difficile pour nous défendre...Depuis que le socialisme est devenu en France une force électorale, il a été envahi à la suite de Jaurès et de Millerand par une quantité d'universitaires et de radicaux, en quête d'électeurs et de places. L'affaire Dreyfus et notre inaction dans la circonstance leur ont donné une énorme popularité...J'ai à plusieurs reprises demandé à Guesde et à nos amis d'intervenir dans l'affaire Dreyfus; sans prendre parti pour ou contre D., il y avait une des belles occasions de faire campagne contre le militarisme, le nationalisme et le cléricalisme. Jaurès aurait été obligé de modifier sa campagne, excellente selon moi, mais par trop personnelle, et au lieu de le voir recueillir aujourd'hui tout le mérite du triomphe contre l'Etat-major, nous l'aurions partagé avec lui...Cependant, je ne désespère pas. Nous sortirons de la crise divisés en deux camps-les arrivistes ministériels et les socialistes révolutionnaires. Je ne sais pas si nous serons en minorité au congrès; mais il ne se passera pas beaucoup de temps avant que nous ayons reconquis notre influence et notre prestige grâce aux avortements politiques des ministériels et aux compétitions de personne parmi eux ». (Paul Lafargue, Paresse et Révolution. Ecrits 1880-1911. Tallandier, p. 325).

 

A la veille du congrès de Japy, après l'entrée d'Alexandre Millerand au gouvernement, guesdistes et vaillantistes se fendent d'une déclaration intransigeante le 14 juillet 1899: « Le Parti socialiste, parti de classe, ne saurait être ou devenir, sous peine de suicide, un parti ministériel. Il n'a pas à partager le pouvoir avec la bourgeoisie, dans les mains de laquelle l'Etat ne peut être qu'un instrument de conservation et d'oppression sociales. Sa mission est de le lui arracher, pour en faire l'instrument de la libération et de la révolution sociale » (cité dans Jean Jaurès de l'historien Jean-Pierre Rioux. Editions Perrin, p.172).

 

d) les différentes tendances du socialisme au tournant du siècle.

 

Les partis révolutionnaires, dont:

  - le parti socialiste de France d'Edouard Vaillant, héritier de la tradition blanquiste.

  - le POF (Parti Ouvrier Français) des marxistes orthodoxes regroupés derrière Jules Guesde et Paul Lafargue qui pensent que la collaboration avec les partis bourgeois (les radicaux) par le soutien parlementaire ou la participation gouvernementale justifiée au nom des valeurs républicaines et de la mise en œuvre de réformes graduelles améliorant la condition ouvrière risque de briser la combativité ouvrière, d'embourgeoiser les cadres socialistes et de mettre en avant une illusoire communauté d'intérêt entre les classes au détriment d'un approfondissement de la lutte des classes.

Jules Guesde, lors du discours où il donnait la répartie à Jaurès qui avait exposé les principes de sa stratégie à la salle de l'hippodrome de Lille en octobre1900, résumait ainsi son point de vue: « malheur à nous si nous nous laissons arrêter le long de la route, attendant comme une aumône les prétendues réformes que l'intérêt même de la bourgeoisie est quelque fois de jeter à l'appétit de la foule et qui ne sont et ne peuvent être que des trompe-la-faim... La Révolution qui nous incombe n'est possible que dans la mesure où vous resterez vous-mêmes, classe contre classe, ne connaissant pas et ne voulant pas connaître les divisions qui peuvent exister dans le monde capitaliste ».

 

Une constellation plus réformiste (ou évolutionniste) et républicaine regroupée dans le « Parti Socialiste Français » dont le leader est Jaurès.

Cette tendance est diverse entre:

    - les partisans des maires socialistes du sud de la France et les socialistes indépendants tels que Millerand et Viviani venus du radicalisme de gauche et qui seront appelés à vite se désolidariser en partie par opportunisme des idées de révolution ouvrière socialiste. 

   - les héritiers du socialisme « possibiliste » de Paul Brousse, partisans des réformes graduées.

   - les partisans de la synthèse jaurésienne entre la critique marxiste du capitalisme et de sa force d'aliénation, l'idéal d'une émancipation de toute l'humanité par la suppression des structures de l'économie capitaliste, et l'acceptation d'un chemin progressif et démocratique menant à cette émancipation qui suppose aussi la conservation des acquis républicains promus par les héritiers de la révolution bourgeoise de 1789.

   

 

e) le positionnement de Jaurès: garder des objectifs de transformation radicale des structures économiques sans dédaigner les conquêtes sociales et démocratiques partielles obtenues par la lutte sociale ou parlementaire.

 

Depuis 1892-1893, sa rencontre avec Guesde et son soutien actif aux mineurs grévistes de Carmaux en conflit avec le marquis de Solages, Jaurès est marxiste au sens où il partage l'objectif d'une révolution sociale caractérisée par l'appropriation collective des moyens de production pour émanciper l'homme et rompre avec les exploitations, et aussi au sens où il fait, lui aussi, de la lutte des classes le moteur essentiel de l'histoire tout en considérant que la classe ouvrière a un rôle messianique dans l'émancipation de l'humanité toute entière.

Néanmoins, contrairement au courant de l'anarcho-syndicalisme assez fort chez les anciens de la Commune et les militants syndicaux, Jaurès considère que la grève générale insurrectionnelle et l'auto-organisation ouvrière ne sont pas des voies d'émancipation suffisantes. Le suffrage universel et l'action dans les institutions (Parlement, municipalités) peuvent permettre aux prolétaires d'améliorer leurs conditions de vie, de conquérir progressivement dignité, autonomie et capacité d'auto-organisation, ce qui leur permettra d'acquérir les capacités de transformer à moyen terme radicalement les structures de la société capitaliste.

A cet égard, Jaurès est aussi plus enthousiaste que les guesdistes pour célébrer comme porteuses d'espoirs les créations de coopératives ouvrières ou agricoles qui créent ici et maintenant des expériences locales alternatives par rapport à la loi de la compétition capitaliste. Pour lui, contrairement aux guesdistes et aux blanquistes, la société capitaliste ne peut être abattue par un coup de force politique ou même une victoire électorale grâce à l'action décidée d'une avant-garde du mouvement ouvrier: son dépassement exige l'apprentissage de l'auto-gestion par les travailleurs à travers l'administration de caisses de retraites et de protection sociale, de coopératives de travail et de consommation.

Au Congrès de Toulouse de 1908, il dira ainsi: « Non, ce n'est ni par un coup de main, ni même par un coup de majorité que nous ferons surgir l'ordre nouveau. (…). (Le prolétariat)...n'a pas l'enfantillage de penser qu'un coup d'insurrection suffira à constituer, à organiser un régime nouveau. Au lendemain de l'insurrection, l'ordre capitaliste subsisterait et le prolétariat, victorieux en apparence, serait impuissant à utiliser et à organiser sa victoire, s'il ne s'était préparé à la prendre en main par le développement d'institutions de tout ordre, syndicales ou coopératives, conformes à son idée, conformes à son esprit, et s'il n'avait graduellement réalisé, par une série d'efforts et d'institutions, sa marche collectiviste et commencé l'apprentissage de la question sociale ».

Pour Jaurès, il est ridicule comme le font une partie des socialistes et des membres de la CGT accrochés à une posture révolutionnaire misant sur l'exaspération des tensions de classe et le refus du compromis, de dédaigner les réformes sociales partielles obtenues grâce à des accords parlementaires avec des républicains non socialistes, telles les lois sur les accidents de travail, les retraites ouvrières, ou l'impôt sur le revenu: en émancipant concrètement mais partiellement les ouvriers, elles ne les feront pas accepter l'ordre inégalitaire dominant mais elles les rendront au contraire plus conscients de leurs pouvoirs et plus combattifs. « Je n'ai jamais dit, poursuit Jaurès dans son Discours de Toulouse du 17 octobre 1908, nous n'avons jamais dit que chacune de ces réformes suffise à abolir, à détruire l'exploitation capitaliste. Nous disons, nous maintenons qu'elles ajoutent à la force de sécurité et de bien-être, d'organisation, de combat, de revendication de la classe ouvrière... ».

Un autre sujet d'opposition entre Jaurès et Guesde était la place qu'ils entendaient chacun assigner à la défense des valeurs démocratiques et républicaines (droits de l'homme, libertés individuelles, combat pour la laïcité de l'Etat et de l'école) dans le combat des socialistes. Pour Jaurès, le socialisme était un universalisme et le garant non seulement d'un combat social mais aussi d'un projet moral. Guesde, tout en abhorrant l'antisémitisme et en croyant Dreyfus innocent, pensait qu'il ne fallait pas disperser l'énergie des socialistes en se battant au côté de la grande bourgeoisie radicale et dreyfusarde pour faire reconnaître l'innocence de Dreyfus, lutter contre l'arbitraire de l'armée ou le pouvoir de l'Eglise. Jaurès considérait lui que la classe ouvrière, ayant « charge de civilisation », n'avait pas seulement pour mission de préparer son propre avènement dans un combat strictement ouvriériste orienté seulement vers des questions économiques et sociales mais de défendre ce qu'il y a de bon dans la civilisation léguée par la bourgeoisie (règles et libertés démocratiques, règles de justice et droits du justiciable, tradition laïque) afin d'émanciper tous les hommes et de construire une société de liberté, de justice et de raison. Voilà comment Jaurès justifiait dans un article de La Petite République sa volonté d'impliquer les socialistes dans le combat pour Dreyfus en décembre 1897:

 

« Il semblerait que le prolétariat dût se désintéresser des évènements qui se développent. Mais il n'en est rien. Car d'abord, la classe ouvrière n'a pas seulement pour mission de préparer son propre avènement et un ordre social plus juste. Elle doit encore, en attendant l'heure inévitable de la Révolution sociale, sauvegarder tout ce qu'il y a de bon et de noble dans le patrimoine humain. Or, le plus bel effort de la civilisation humaine a été d'assurer à tous les accusés quels qu'ils soient, si vils, si méprisables qu'on les suppose, les garanties nécessaires. Quand l'arbitraire du juge monte, l'humanité baisse...C'est la classe ouvrière maintenant qui a charge de civilisation ».

 

En juin 1898, alors qu'il est battu aux élections législatives sans doute du fait de ses positions pro-dreyfusardes non partagées par une parti de l'électorat de gauche influencé par les positions anti-dreyfusardes du rédacteur en chef de La Dépêche, radical, Jaurès tente de s'investir davantage dans l'organisation interne des socialistes et d'imposer aux leaders historiques des différentes sectes socialistes l'unité. C'est le fameux meeting de Tivoli-Vaux-Hall qui se solde par un échec. Les « vieilles » organisations acceptent de coordonner leurs actions devant le péril anti-républicain, mais non de fusionner. Selon l'historienne communiste et spécialiste de Jaurès disparue il y a quelques années, Madeleine Rebérioux, Jaurès aurait voulu créer « un parti mixte sur le modèle belge, un parti ou les syndicats et les coopératives seraient admis comme des groupes politiques: ainsi serait assurée la présence de la chaleur ouvrière et déjoué le risque politicien ». Mais à la veille de 1900, la CGT s'est déjà détourné des sectes socialistes et du socialisme parlementaire dont la sociologie est déjà peu ouvrière et s'apprête « à explorer une autre voie, celle du syndicalisme révolutionnaire » (M. Rebérioux, Jaurès, la parole et l'acte. Découvertes Gallimard, p.73).

 

2)La réalisation sous la contrainte de la seconde Internationale de l'unité socialiste en 1905.

 

a) Premières années du XXème siècle: les socialistes attirent 10% de l'électorat en France mais sont profondément divisés.

Dans la période 1900-1903, les conflits entre socialistes autour de la question du combat pour la république, de la participation ministérielle et du soutien aux gouvernements radicaux sont très rudes. En octobre 1900 à l'hippodrome de Lille, en aparté du débat entre Jules Guesde et Jaurès sur « Les deux méthodes », en cinglant polémiste Paul Lafargue traite Jaurès de « bateleur de foire » et ironise en disant que « tous les ouvriers auront la poule au pot quand il aura son portefeuille » de ministre. Le camp réformiste et républicain de la mouvance socialiste dirigé par Jaurès est très divisé en 1900-1901 car la politique de Waldeck-Rousseau et de Millerand est loin d'être satisfaisante socialement tandis qu'en face, Guesde et Vaillant unissent leurs forces dans un Parti socialiste de France, unité révolutionnaire (PDSF), dont le lancement le 3 novembre 1901 est soutenu par la venue de la brillante passionaria Rosa Luxemburg.

A l'été 1901, Jaurès est victime d'une campagne de presse et de meetings très violente menée contre lui par des socialistes révolutionnaires d'inspiration communarde et des radicaux anti-cléricaux sous prétexte qu'il a accepté que sa fille Madeleine fasse sa première communion. Mais, aux élections d'avril 1902, Jaurès retrouve, après sa défaite aux législatives de 1898 qui lui a permis d'écrire sa monumentale Histoire socialiste de la révolution française, son siège de député. Guesde est battu à Roubaix.

Pour la première fois, les candidats socialistes, malgré leur désunion, ont séduit plus de 10% des votants et comptent 47 députés (dont 36 « ministériels » réformistes). Les radicaux et radicaux-socialistes, alliés aux socialistes « ministériels » et au centre, sont les grands vainqueurs.

 

 

b) Des combats parlementaires exemplaires des socialistes.

 

De 1902 à 1904, Jaurès et ses partisans socialistes « ministérialistes » soutiennent les lois sur les associations, la suppression de l'enseignement des congrégations religieuses, et promeuvent une grande loi sur la séparation de l'Eglise et l'Etat en modérant même les outrances anti-cléricales de certains radicaux. En revanche, sur la question coloniale, la législation sociale dont les terribles grèves de textile à Lille et Armentières à l'automne 1903 ont montré les insuffisances, l'alliance avec la Russie du tsar qui augmente les risques de guerre européenne, l'allongement du service militaire, Jaurès bataille contre les radicaux.

 

c) le diktat de la seconde Internationale pour réaliser l'unité socialiste dans la condamnation du réformisme parlementaire et de la stratégie de collaboration de classe.  

 

Au Congrès de la seconde Internationale à Dresde en septembre 1903, les tendances révisionnistes du socialisme incarnées notamment par Bernstein avaient été violemment rejetées, celles-ci tendant, selon les termes de la déclaration finale, « à changer la tactique éprouvée et glorieuse basée sur la lutte de classe et remplacer la conquête du pouvoir politique de haute lutte contre la bourgeoisie par une politique de concessions à l'ordre établi ».

Le congrès d'Amsterdam organisé l'année suivante en août 1904 confortait également la stratégie guesdiste de refus du soutien actif au gouvernement radical et de la collaboration de classe pour la promotion des valeurs républicaines.

A Amsterdam, Jaurès a soutenu dans un discours flamboyant et érudit étayé de nombreux exemples historiques que les socialistes étaient fidèles à une tradition révolutionnaire bien française, celle de Babeuf, Blanqui, Louis Blanc, des communards, dont ils étaient les héritiers tout autant et même plus que du marxisme allemand quand ils défendaient « au nom même des intérêts de classe le régime républicain et la liberté républicaine ». Face à un Jaurès excédé par les formules théoriques intransigeantes contre toute forme de compromis avec la République bourgeoise d'une social-démocratie allemande sans expérience d'action sur la société car elle composait avec un pouvoir autoritaire ne lui laissant que le refuge de la posture de contestation radicale, Jules Guesde va se faire l'avocat d'une différence de nature radicale entre la révolution bourgeoise de 1789 et 1793 qui a fait naître les idéaux républicains et la révolution socialiste, déterminée en sa nécessité non par la force d'un idéalisme philanthropique et égalitariste parcourant l'histoire, mais par l'évolution mécanique des rapports de production économique. « Votre erreur est fondamentale, dit-il à Jaurès à Amsterdam. Vous rattachez le socialisme à la République et à la Révolution française. Nous, nous disons que le socialisme est le résultat de phénomènes purement économiques, et cette conception essentielle est en opposition irréductible avec la vôtre. Vous faites de la République le chapitre premier ou la préface du socialisme. Si cela était vrai pour la France, ce serait vrai pour tous les autres pays... » (cité par Jean-Pierre Rioux dans sa biographie de Jaurès, p.184).

 

Tout en recommandant, influencée par la numériquement très forte social-démocratie allemande de Bebel et Liebknecht (plus conciliant avec Jaurès), aux socialistes français de renoncer à leur tactique de participation ministérielle et de front républicain, la IIème Internationale exigeait aussi des socialistes à Amsterdam qu'ils se regroupent dans un grand parti unifié.

L'unité des socialistes avait été l'ambition passionnée de Jaurès depuis 1893 mais c'est finalement indépendamment de ses efforts, au moment où il est le plus violemment chahuté par les socialistes partisans d'une posture révolutionnaire de stricte lutte des classes, qu'elle va voir le jour.  

 

3) les débuts de la Section Française de l'Internationale Ouvrière (SFIO) née le 24 avril 1905.

 

a) D'abord désavoué et exclu de la direction politique du parti , Jaurès conquiert peu un peu un leadership incontesté par sa capacité à harmoniser les contraires.

 

Jaurès, vaincu, est évincé de la nouvelle Commission administrative permanente (CAP) qu'animeront Guesde et Vaillant.

Le journal qu'il a lancé le 18 avril 1904, L'Humanité, trop peu prolétarien par son exigence et son ouverture aux combats républicains et aux auteurs intellectuels bourgeois, cède la place au journal Le Socialiste comme organe officiel et unique du parti. Les socialistes de droite les plus engagés dans la co-gestion du pays avec les radicaux, Millerand, Viviani, Briand, Paul-Boncour, Painlevé, quittent la SFIO naissante, qui réussit tout de même à garder 51 députés aux législatives de 1906. Lors de ce congrès du Globe en 1905, les orientations jauressistes paraissent battues sur toute la ligne: plus de syndicats, plus de coopératives dans les sections unifiées, refus du « ministérialisme ».

Toutefois, à partir de 1905, la capacité de Jaurès à saisir les nouveaux mouvements d'opinion, son charisme, son art de la synthèse et son souci d'unifier les socialistes derrière des combats qu'ils peuvent mener efficacement vont faire du tribun le leader incontournable de la SFIO.

 

b) Le congrès de Toulouse en 1908 et le parti de « l'évolution révolutionnaire ».

 

Le congrès de Toulouse d'octobre 1908 marque l'apogée de l'influence jaurésienne sur le parti.

Déjà depuis la création de L'Humanité en 1904, qui était au départ perçu comme le journal de la frange réformiste et républicaine, voire bourgeoise, des socialistes, le journal de Jaurès s'est ouvert de plus en plus à la diversité des tendances du mouvement socialiste, en laissant une tribune aux syndicalistes-révolutionnaires de la CGT, aux mutualistes et coopérateurs post-proudhoniens, et même à des guesdistes tels que Paul Lafargue. Parallèlement, Jaurès s'était rapproché de l'extrême-gauche des socialistes et de l'anarcho-syndicalisme en défendant lors de ses procès l'instituteur iconoclaste, anti-militariste et anti-patriote Gustave Hervé, tout en précisant qu'il ne partageait pas les outrances idéologiques du directeur du brûlot hebdomadaire La guerre sociale. 

Le tribun socialiste avait aussi refusé de récuser la Charte d'Amiens que la CGT adoptait en 1906 pour assurer son indépendance par rapport au parti socialiste marxiste par rapport aux choix de ses buts et de ses stratégies contrairement à la majorité guesdiste qui privilégiait la position de surplomb du Parti par rapport au syndicat. Or, la CGT était devenue une sorte de second parti socialiste, comptant bien plus de militants, en compétition avec une SFIO trop peu ouvrière.

Jean-Pierre Rioux, dans son Jean Jaurès (p.190), raconte les trois journées du congrès de Toulouse: « les « droitiers » ont raillé les insurrectionnels. Lafargue a soutenu sans rire que le repos du dimanche et le droit à la retraite ne changerait rien au rapport de classe: « Est-ce que la loi Grammont interdisant au charretier de frapper ses chevaux a eu pour résultat de diminuer le pouvoir du maître sur son cheval? »... Vaillant a déploré les stériles luttes de tendances et s'est rapproché de Jaurès, mais, Lagardelle, frais débarqué du syndicalisme révolutionnaire, a vanté au contraire le Grand Soir et ses nouveaux « blanquistes » si impatients ». Et voilà que la voix de Jaurès se fait entendre proposant sa « réforme totale » et son « évolution révolutionnaire » comme horizon de l'action socialiste unitaire. Il s'agit de rester ferme sur l'ambition socialiste, la suppression de la propriété capitaliste, le « travail souverain devenu maître de tous les moyens de production et d'échange », de ne pas s'interdire de prendre le pouvoir et de le conserver provisoirement par la force pour organiser politiquement la révolution sociale une fois que les ouvriers y seront prêts grâce à un effort d'éducation et d'organisation. Il même temps, il ne faudra pas pour autant renier le développement ici et maintenant de coopératives, d'associations ouvrières de toutes sortes, et pas non plus déprécier l'engagement dans l'action parlementaire si elle peut instaurer déjà des fragments de société socialiste (comme avec les retraites basées sur des cotisations mutualisés ou l'impôt progressif sur le revenu finançant de vastes services publics) et améliorer les conditions de vie des travailleurs et, en leur permettant de dépasser le souci de la subsistance et de la sécurité professionnelle, les rendre plus exigeants: « Ce que j'ai dit, affirme Jaurès dans son discours de Toulouse du 18 octobre 1908, c'est que chaque réforme, une fois réalisée, donnait à la classe ouvrière plus de force pour en revendiquer et en réaliser d'autres, et que chaque réforme, une fois réalisée, ébranlait des intérêts nouveaux, suscitait des questions nouvelles et obligeait par la même les pouvoirs publics, sous la pression du prolétariat toujours en éveil, à adopter des réformes nouvelles ».

 Dès lors, comment ne pas voir que les coopératives de production qui protègent les producteurs contre les appétits des marchands, l'action parlementaire et syndicale pour les hausses de salaire, l'augmentation du temps libre, la mise en place d'une première forme d'assurance sociale avec des caisses de solidarité pour faire face à la vieillesse, à l'accident de travail, à la maladie, rendent le prolétariat « plus heureux, plus libre, par conséquent plus exigeant et plus capable d'accomplir l'entière révolution de propriété, terme de l'effort socialiste »?

Jaurès est vivement applaudi et sa motion est adoptée à l'unanimité moins une voix par les délégués socialistes. La motion finale indique que le Parti socialiste « rappelle sans cesse au prolétariat, par sa propagande, qu'il ne trouvera le salut et l'entière libération que dans le régime collectiviste ou communiste; il porte cette propagande dans tous les milieux pour susciter partout l'esprit de revendication et de combat. Il amène la classe ouvrière à un effort quotidien, à une action continue pour améliorer ses conditions de vie, de travail et de lutte, pour conquérir des garanties nouvelles, de nouveaux moyens d'action, précisément parce qu'elle n'est pas arrêtée dans sa revendication incessante par le droit, périmé à ses yeux, de la propriété capitaliste et bourgeoise ». Une formule non dépourvue d'ambiguïtés et de désillusions futures résume tout: « Parce que le Parti socialiste est un parti essentiellement révolutionnaire, il est le parti le plus réellement réformiste ».

Le « réformisme révolutionnaire » de Jaurès, distinct du marxisme orthodoxe des socialistes allemands comme du révisionnisme de Berstein qui abandonne l'idéal révolutionnaire et la lutte des classes au profit d'un idéal technocratique de gestion de l'Etat social, « paraît compatible avec la forte intégration, ressentie par Jaurès comme par la majorité des militants, du socialisme français dans la République, elle-même héritière de 1789, et qui doit être défendue contre les forces du passé et leurs entreprises autoritaires ou retrogrades » (Pierre Lévêque, opus cité. p.314).

 

Ismaël Dupont.

 

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31 mars 2011 4 31 /03 /mars /2011 19:28

 

Sans véritable surprise mais avec colère, nous avons appris cette semaine que l'application locale de la politique sarkozyste de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et de fragilisation du service public d'éducation se traduirait l'année prochaine par la planification de la suppression d'un poste d'enseignant à l'école Jean Jaurès. La droite a bien évidemment attendu que soient passées les élections cantonales pour annoncer des cartes scolaires désastreuses (prévoyant la suppression de 40 postes à l'école élémentaire dans le Finistère à la rentrée 2011) qui sont la conséquence de saignées budgétaires détériorant les conditions d'enseignement et remettant en question l'égalité des chances.

Mettre en difficulté les instituteurs de l'école Jean Jaurès est d'autant plus injuste qu'ils ont fait des gros efforts cette année pour accueillir dans les meilleures conditions les élèves de l'école Corentin Caër en réfection et qu'ils enseignent chaque année à des enfants qui, n'étant pas issus de milieux favorisés, ont d'autant plus besoin d'effectifs en classe suffisamment légers pour permettre des apprentissages différenciés.

Pourquoi serait-il scandaleux qu'une société riche comme la France assure dans une école des effectifs de 23 élèves par classe en moyenne? Comment comprendre que l'éducation nationale s'accommode de la suppression du droit effectif à la scolarisation en maternelle à partir de 2 ans, alors qu'il est prouvé qu'elle favorise la réussite scolaire des enfants issus de milieux peu dotés culturellement et socialement? Ou alors qu'elle tolère des effectifs de 35 enfants en petite section, comme cela semble devoir advenir à l'école Jean Jaurès l'an prochain? La section communiste du pays de Morlaix soutient les enseignants, les parents, et les personnels de l'école Jean Jaurès dans leur combat contre cette aberration et affirme sa solidarité avec les instituteurs grévistes du lundi 4 avril.

Elle soutient également le combat des parents d'élève et des enseignants de de l'école Robert Desnos de Pleyber-Christ contre la suppression de poste annoncée qui va surcharger les classes de maternelle.

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31 mars 2011 4 31 /03 /mars /2011 15:58

Enfin des raisons de se rejouir et d'espérer!

 

Gustave Massiah est économiste et urbaniste. C'est l'un des animateurs du mouvement alter-mondialiste en France. Dans ces propos reccueillis par Denis Sieffert et Jennifer Austruy dans le Politis n°1145, il montre dans un regard unifiant et synthétique en quoi les révolutions arabes s'inscrivent dans une nouvelle phase de la délocanisation et ont des causes économiques et sociales, et non pas seulement politiques (le ras le bol du manque de liberté d'une jeunesse éduquée) ou technologiques (les facilités de communication et d'information par delà propagande et censure qu'offre internet). Gustave Massiah s'interroge aussi sur les revendications et les prolongements possibles de ces insurrections populaires.

 

Politis: Quel regard portez-vous sur les révolutions arabes? 

 

Gustave Massiah: Ces évènements sont en rupture avec le passé et ouvrent de nouveaux possibles. La dimension nationale est déterminante, mais le fait qu'il y ait six ou sept révolutions ou insurrections -encore que le terme juste serait Intifida- montre qu'il existe également une dimension régionale et mondiale.

La dimension mondiale vient des plans de sortie de crise mis en place par les régimes dominants, qui ont généré une certaine exaspération sociale. Le niveau de vie des couches populaires, les inégalités sociales de plus en plus criantes et l'augmentation du prix des denrées alimentaires expliquent cette exaspération.

Les insurrections mettent en avant trois questions: la question sociale, la question des libertés et celle de l'indépendance. Les clans familiaux au pouvoir dans le monde arabe depuis des décennies se sont construits sur un système de rente et de corruption. Cet état de fait a entraîné récemment le refus massif du peuple de se soumettre à des oligarchies, mais a aussi créé des divisions au sein des classes dirigeantes. L'exemple le plus intéressant, c'est l'évolution du comportement des armées. Ces régimes autoritaires ont été mis en place par l'armée, mais, une fois au pouvoir, ils ont essayé de s'autonomiser et ont créé leurs propres milices. Cela permet de comprendre pourquoi, à un certain moment, l'armée a choisi de se démarquer du clan au pouvoir. Ce qui a été très clair en Tunisie et en Egypte.

Ensuite, il y a l'évolution des couches populaires. La précarisation a renforcé leur unité. Et il y a le développement de la question culturelle. Comme disait Aimé Césaire, "avant tout grand changement du monde, il y a un préalable culturel".

Dans pratiquement tous les pays du Sud, on a vu exploser le taux de scolarisation, modifiant profondément le fond culturel des couches populaires. Ce fort taux de scolarisation s'est traduit d'un côté par l'exode des cerveaux, qui ont toutefois conservé des liens avec leur société et l'ont alimentée avec toute une série d'idées et de connaissances. De l'autre côté, on a vu apparaître un phénomène massif de chômeurs diplômés. Ces derniers se sont saisis des nouveaux outils, des nouvelles cultures et des nouvelles formes de rapport entre liberté individuelle, ouverture sur le monde et nouvelles formes de fonctionnement collectif et social. Ces organisations ne sont plus celles des partis traditionnels, mais elles restent compatibles avec les anciennes structures du mouvement social, notamment le syndicalisme, comme on a pu le voir en Tunisie et en Egypte. On voit alors apparaître une réorganisation culturelle des couches populaires et de nouvelles formes de lutte des classes.

 

Politis: Que doivent faire les pays du Nord pour aider ce processus?

 

Gustave Massiah: Le grand écrivain camerounais Mongo Beti disait: "Que la France défende ses intérêts en Afrique, c'est normal, mais si la France veut aider les Africains, qu'elle les laisse tranquilles". L'idée qu'on peut aider est une idée fausse. Aujourd'hui, ce qui est déterminant dans les rapports mondiaux, c'est le refus de la recolinisation matérialisée par le contrôle des matières premières et la question de l'accaparement des terres.

D'ailleurs, ces insurrections populaires ont bien montré le rejet de régimes adoubés par l'Occident. L'Europe et les Etats-Unis avaient assigné à ces régimes quatre tâches: garantir l'accès aux matières premières (surtout énergétique), garantir les alliances militaires, comme avec Israël, contenir l'islamisme et maîtriser les flux migratoires. Ce ne sont jamais des objectifs qui vont dans le sens des intérêts des peuples du Sud.

 

Politis: Mais, tout de même, une autre politique est possible pour les pays du Nord, qui ne soit pas simplement cette gestion à courte vue des intérêts...

 

Gustave Massiah: Une autre orientation est possible dès maintenant en effet: celle de l'accès aux droits pour tous. Il faut organiser la production et les échanges autour de l'accès aux droits, et donc remettre la politique au centre de l'économie. On peut aller en ce sens d'abord en redéfinissant ce que sont les droits fondamentaux.

Il faut donner la priorité aux marchés intérieurs et réintroduire l'autonomie face au marché mondial. En favorisant les services publics.

Il ne s'agit pas de revenir à la grande opposition public/privé au sens Etat versus grand capital, mais plutôt d'explorer d'autres voies de socialisation, de contrôle citoyen et d'intervention publique sociale et collective. Sur cette question de l'accès aux droits, il peut y avoir une alliance assez large entre une partie des bourgeoisies nationales, étatiques, et les mouvements populaires. C'est d'ailleurs un peu ce qui se passe aujourd'hui dans les pays émergents.

L'accès aux droits n'est pas la sortie du capitalisme, mais ça n'empêche pas de poursuivre le débat modernisation ou dépassement du capitalisme. Jaurès disait: "Le socialisme, c'est d'abord les rapports sociaux".

 

Politis: Comment voyez-vous le développement de ces révolutions?

 

Gustave Massiah: Actuellement, elles ne sont pas en mesure de définir un programme... C'est bien entendu une transition... Je pense qu'on peut comparer ces révoltes à ce qui s'est passé en Amérique latine, il y a trente ou trente-cinq ans. Il y avait aussi des dictatures, et des mouvements populaires extrêmement puissants pour faire tomber ces dictatures. Cela s'est traduit par des nouveaux régimes un peu plus démocratiques. Les bourgeoisies nationales ont en général fini par prendre le contrôle, et elles ont mis en place des systèmes avec un peu de redistribution et beaucoup plus de croissance. Et les Etats-Unis se sont adaptés. Ils ont réussi à avoir des démocraties "sous contrôle"... On pourrait dire: ce n'est qu'une révolution bourgeoise, mais si on regarde l'Amérique latine aujourd'hui, ces démocratisations ont permis l'émergence de nouveaux mouvements sociaux. Ces mouvements se sont traduits par des régimes politiques différents selon les pays, mais il y a eu un mouvement de transformation sociale extrêmement large. Et, pour moi, c'est un peu ce qui se passe dans l'ensemble des pays du Maghreb. Cette évolution sera longue. On ne parle pas de 3 ou 4 ans, mais plutôt des 30 prochaines années.

Je pense que la double crise du néolibéralisme et du capitalisme ouvre une nouvelle phase de la décolonisation.  La première caractérisée par l'indépendance des Etats, dans les années 1960, a été cassée par le néolibéralisme en 1980, après le deuxième choc pétrolier. C'est le G8 qui a organisé la crise de la dette avec les programmes d'ajustement structurel, mettant ainsi en crise la décolonisation. Et maintenant nous sortons de cette crise et entrons dans une nouvelle phase de décolonisation qui n'est pas complètement définie. Elle passe par l'apparition des pays émergents sur la scène géopolitique: ils comptent désormais politiquement et culturellement....Elle porte non pas l'idée de l'indépendance des Etats, mais l'idée plus profonde de l'autodétermination des peuples.           

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 07:45

 

Les élections cantonales ont marqué la défaite de la droite et de Sarkozy : les Françaises et les Français ne veulent plus de Nicolas Sarkozy et de ses amis de la finance au pouvoir, pas plus à la tête du pays que dans les départements. L'UMP n'obtient que 18,6% des suffrages exprimés au second tour et a été éliminé de nombreux cantons dès le premier tour. Il perd sa majorité dans les Pyrénées Altantiques, dans le Jura, à la Réunion, à Mayotte.  

 

Ces élections ont été marqué aussi un nouveau progrès du Front de gauche et du PCF [9% au niveau national mais près de 11% si l’on s’en tient uniquement aux cantons où nous étions présent]. Le Front de Gauche (PCF et Parti de Gauche) obtient ainsi 118 mandats de conseillers généraux en France. Sur l'ensemble des cantons au 2ème tour (y compris les cantons où il n'était pas qualifié), il réalise un score de 4,9% loin devant les 1,9% d'Europe Ecologie Les Verts qui ont eu bien moins de candidats qualifiés au second tour.  Toutefois, il est difficile de se contenter de cette situation, quand on voit que c'est essentiellement le PS à nouveau qui produit à lui seul l'essentiel des conseillers généraux de gauche, du fait du mode de scrutin très défavorable aux "petits" partis, tels que le PCF et le Parti de Gauche, Europe Ecologie Les Verts ou le Modem, que les médias (radios, télivivision, presse écrite dans une moindre mesure) ont d'ailleurs scandaleusement ignorés après les premier et second tours au profit de la création artificielle de trois forces politiquement significatives: le PS, supposé représenté à lui seul toute la gauche, l'UMP et le Front National. 

On peut aussi se féliciter du fait que le PCF soit en mesure de garder la majorité dans deux départements, le Val de Marne et l'Allier, où les socialistes s'étaient pourtant alliés aux Verts pour lui reprendre la majorité dans les conseils généraux.

Au niveau régional, nous avons la déception de perdre de justesse dans le canton de Guéméné sur Scorff (où C. Perron pour le FG a fait 48% contre le candidat UMP alors que les résultats du premier tour, avec un bon report des voix écologistes et PS, auraient dû lui donner une avance confortable) et de perdre à Lanester où le candidat du Front de Gauche fait tout de même 30% contre un divers gauche au second tour. Toutefois, comme c'est une sortante qui a été élue dans ce dernier canton, nous pouvons apprécier comme une avancée significative le résultat du Front de Gauche et sa présence au second tour.       

 

Dans le Finistère, les progrès sont sensibles: 9,33% dans les 25 cantons où nous étions présents avec 12 241 voix. Dans 4 cantons simplement, les frais de campagne des candidats du PCF-Front de Gauche ne seront pas remboursés, contre une vingtaine en 2004. A Rosporden, Marcel Tilly a même qualifié au second tour le Front de Gauche, y réalisant 32,6% contre le candidat du PS. 

Dans le canton de Saint Thégonnec, même s'ils sont derrière les candidats socialistes (71%) et Europe Ecologie Les Verts (18%), Daniel Ravasio et Maryse Berthou réalisent un bon score au premier tour de 9,90 % des voix, obtenant plus de voix malgré le fort taux d'abstention que toutes les élections précédentes. A Lanmeur, Jeremy Lainé pour le Front de Gauche, bien qu'arrivant en 4ème position, réalise un très bon score de 14%. Dans le canton de Saint Pol de Léon, malgré une campagne collective intense et les bénéfices attendus de la  dynamique nationale du Front de Gauche, nous faisons, Yvette le Bars et moi, un score assez décevant de 4,42%, sensiblement identique à celui de René Le Bars en 2004 qui obtenait tout de même beaucoup plus de voix avec un niveau de participation plus élevé. On peut l'expliquer par la tradition conservatrice du canton peu propice aux communistes, par la popularité de Jacques Edern (agriculteur divers gauche soutenu par le PS) élu par surprise contre la droite en 2004, par le désir des électeurs de gauche d'empêcher à tout prix que le canton repasse à droite, lui qui l'avait toujours été depuis l'après-guerre, par le fait que je n'étais guère connu au niveau local, et par l'accident nucléaire au Japon qui nous a peut-être empêché d'atteindre les 5% en donnant une prime au candidat écologiste qui n'a pourtant pas fait campagne quant à lui.        

 

Pour revenir à une approche globale de cette élection, le score réalisé par le Front national, en progrès de trois points par rapport aux cantonales de 2004 et présent dans 400 cantons au second tour dans une élection qui traditionnellement, lui réussit peu, du fait de la médiocrité de ses candidats et de ses forces militantes sur le plan local, confirme le danger d'une montée de l'extrême droite qui doit être pris au sérieux par les forces de gauche. Elle est le résultat d'une banalisation des idées xénophobes par la majorité présidentielle et de l'honteuse promotion médiatique dont Marine le Pen a bénéficié ces derniers mois pour accréditer sa soi-disante conversion sociale. La télécratie et le pouvoir Sarkozy, par stratégie probablement, semblent de manière plus ou moins volontaire faire progresser Marine Le Pen, qui serait un adversaire idéal de Sarkozy au second tour des présidentielles et dont les thématiques de prédilection ont le mérite de détourner l'attention des français de la domination oligarchique de la finance internationale sur les peuples et des dégâts sociaux du capitalisme mondialisé.    

Le niveau historiquement bas de la participation (45% environ) traduit aussi la défiance des millions d'électeurs à l'égard d'une vie politique dans laquelle ils ne se reconnaissent plus. Le décalage entre les urgences populaires face aux dégâts de la crise capitaliste et la nature et le niveau des réponses apportées devient insupportable. L'abstention en est la sanction retentissante. Elle doit interroger toutes les forces politiques.

 

 Ismaël Dupont (complétant un premier rapport d'entre deux tours réalisé par Daniel Ravasio).

 

 

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 07:37

SIVOM 2   SIVOM

 

Le vendredi 25 mars en fin d'après-midi, devant de nombreux citoyens venus leur rappeler la volonté de la population et le sens de l'intérêt général, huit élus de droite siégeant au SIVOM pour suivre les mots d'ordre d'Agnès Le Brun et Gilbert Plassard,  président du Sivom de 1995 à 2008, ont décidé de faire la sourde oreille à la colère de beaucoup de morlaisiens et de saint-martinais devant le mauvais entretien des réseaux par Véolia depuis 1991, le prix élevé de l'eau et les détournements d'argent possibles que laissent présumer des bilans financiers déficitaires 18 années sur 20 précédentes. Bilans annuels peu lisibles pour les élus et vraisemblement mensongers puisque Véolia, sous la pression, se déclare capable aujourd'hui de réduire le coût de la gestion de l'eau pour la collectivité de 50% environ là où elle prétendait ne pas équilibrer ses comptes avec un prix de l'eau nettement supérieur. 
Les communistes du pays de Morlaix ont pris toute leur part dans les activités du collectif Eau publique Morlaix-StMartin et notamment dans l'organisation de cette votation citoyenne à laquelle ont participé plus de 1100 morlaisiens et saint-martinois, en se prononçant à 99% pour le retour de la gestion de l'eau en régie publique.  Nous sommes  indignés de constater qu'au nom d'a priori idéologiques en faveur d'une plus grande efficacité de la gestion des activités d'intérêt général par l'entreprise privée et le secteur marchand, d'un manque possible d'indépendance par rapport à Véolia, cette multinationale de l'eau qui a démontré sa capacité corruptrice par le passé, et d'une culture de la délégation de pouvoir, on ne tient pas compte de la voix des citoyens quand elle s'exprime aussi fortement.

SIVOM 3   SIVOM 4


Les élus du Sivom qui ont voté pour la reconduction de la délégation de service public ont refusé le débat et n'ont opposé aucun argument de fond à ceux du collectif eau publique et des élus de gauche de Saint Martin en dehors du rappel de leur légitimité d'élus et des meilleures prestations proposées par les opérateurs privées lors de l'appel d'offre, prétendument plus compétitives qu'un retour en régie publique, pourtant beaucoup plus avantageux pour la collectivité que le contrat actuel avec Véolia. Nous pensons que cet écrasement des prix annoncés par les opérateurs privés pour éviter le retour en régie publique sera de courte durée, de nouveaux avenants au contrat pouvant changer la donne dans quelques mois, et il est de toute façon difficilement compatible avec un bon entretien des réseaux pour une distribution et un assainissement de l'eau de qualité, puisqu'il s'accompagnerait d'une réduction drastique de la masse salariale et d'un maintien des exigences de rentabilité des actionnaires.

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 09:08

Le 17 mars, la réunion des élus de Morlaix et Saint Martin des Champs a permis de clarifier un peu la situation par rapport au renouvellement de contrat pour la gestion de l'assainissement et de la distribution de l'eau à Morlaix et Saint Martin des Champs:

 

- Le PS et l'ensemble des élus de gauche ont demandé le report de la date de décision, inititialement prévue le 25 mars lors du comité syndical du SIVOM.

 

-Les élus de l'opposition de gauche (Idées et PS) à Morlaix et les élus de la majorité de gauche de Saint Martin semblent prêts à voter contre la délégation de service public même si l'offre d'au moins un des opérateurs privés sollicités pour l'appel d'offre (Véolia), en raison notamment de prévisions de "compressions" dans les "charges salariales" et donc de réduction de personnels, sont évaluées comme étant moins chères pour la collectivité (usagers et contribuables) que le coût d'un retour en régie publique.  

 

- Gilbert Plassart (élu de gauche à Saint Martin et ancien président du Sivom) développe des arguments contre la régie publique qui laissent à penser qu'il souhaite le renouvellement du contrat à un opérateur privé. Or, si lui ou le président du SIvom, Guilcher, vote contre le retour en régie publique et que tous les élus de droite font cause commune pour le privé, la délégation de service public sera renouvelée pour 8 ou 12 ans.  

 

- Des représentants du collectif eau publique Morlaix- Saint Martin des champs doivent rencontrer ce mercredi 22 mars Agnès Le Brun pour rappeler les arguments en faveur de la régie publique et les risques politiques d'un renouvellement de contrat avec le privé (enquête sur Véolia Ouest, division approfondie avec les élus de Saint Martin, désapprobation de la population).

 

Pourtant, il y a eu 1116 votants à la votation citoyenne des 18 et 19 mars 2011 et 1098 habitants de Saint Martin et Morlaix se sont prononcés pour la régie publique (2 sans opinion, 7 contre, 9 nuls), ce qui représente un fort élan de mobilisation contre la reconduction d'un contrat avec un opérateur privé et traduit le mécontentement de bon nombre d'habitants de Morlaix et Saint Martin des Champs par rapport à la gestion de Véolia.

Il faut donc être nombreux le 25 mars au Comité Syndical du SIVOM à 17 h30 à l'ancien lycée de Kernegues pour faire pression sur le comité syndical: amenez vos amis, voisins, plus nous serons nombreux, plus nous affirmerons notre volonté de changement!  

 

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20 mars 2011 7 20 /03 /mars /2011 11:26

Il y avait une quinzaine de personnes mercredi 16 mars à MAJ à 20 h30 pour participer au débat du Front de Gauche sur la situation actuelle et l'avenir souhaitable de notre démocratie.

 

Après une introduction à la réunion publique par Daniel Ravasio, Ismaël Dupont a présenté pendant trente minutes environ une réflexion sur les fondements et les origines historiques de l'idée démocratique puis Alain Rebours a commenté et argumenté pendant une trentaine de minutes également les propositions provisoires du Front de Gauche en matière de rénovation des institutions françaises à l'échéance 2012:

  • Mettre en place une assemblée constituante travaillant en parallèle d'un Parlement s'occupant des affaires courantes. Cette assemblée constituante aurait la charge de préparer une nouvelle constitution qui serait ratifiée par référendum. Nous souhaiterions que cette constitution commence par exposer dans un texte à valeur juridique contraignante quels sont les droits et les libertés individuelles fondamentaux du citoyen, y compris les droits sociaux (santé, logement, culture, éducation, travail, revenu garanti).
  • Affirmer l'existence d'une citoyenneté de résidence pour rompre avec l'alignement insidieux vers une culture du droit du sang à l'allemande, ou l'idée qu'on le pourrait être plus ou moins français, ou que l'on pourrait être destitué de sa nationalité si on a des origines étrangères et si l'on n'a pas « mérité » d'être français. Habiter en France, y payer ses impôts, devrait donner un droit de vote et d'éligibilité.
  • Réorganiser la séparation des pouvoirs:

- En redonnant sa place de conception des lois et de contrôle de l'exécutif au Parlement.

- En élisant les députés au suffrage universel direct sur des scrutins de liste à la proportionnelle.

- En faisant du gouvernement une simple émanation de la chambre des députés.

- En peut soit supprimer purement et simplement le Sénat, soit le remplacer par une sorte de chambre consultative du type « Conseil économique et social » composée de représentants du monde associatif et syndical.

- Donner au peuple le pouvoir de proposer des lois si des textes conçus par les citoyens obtiennent suffisamment d'adhésion.

- Tout en conservant le conseil constitutionnel, faire en sorte qu'il soit une émanation des différents corps de la société et non qu'il soit composé des candidats des principaux dirigeants politiques dont il doit justement contrôler la constitutionnalité des réformes et des mises en cause judiciaires.

- Soit on garde un Président de la République élu sur un autre mode de scrutin avec un pouvoir symbolique de gardien des institutions, soit l'on supprime purement et simplement le poste.

- Il faut rendre l'autorité judiciaire réellement indépendante, en augmentant le nombre de juges d'instruction, en améliorant leur formation, en leur permettant de travailler en équipes et surtout en assurant leur indépendance par rapport au Parquet contrôlé par le pouvoir exécutif.

- Garantir l'indépendance des médias pour faire en sorte, par exemple, qu'un Lagardère qui vend des armes à la France et fait pression sur elle pour qu'elle conclut des traités commerciaux avec d'autres États, ne contrôle plus à travers le groupe Hachette ¼ de la presse en France. Nécessité de lois contre la concentration des groupes médiatiques au main de quelques magnats de la finance dans une situation de demandeur et de faiseur de roi vis à vis du monde politique. Nécessité de renforcer le service public de l'information et de garantir une indépendance effective vis à vis du pouvoir.

  • Garantir un droit de pétition pouvant déboucher sur des référendums d'initiative populaire.
  • Au niveau local, tendre vers des formes de démocratie participative ou d'auto-gestion: à Bobigny par exemple, ¼ du budget est géré en Assemblée Citoyenne, notamment pour ce qui touche les travaux de voirie, et cela marche.
  • Démocratiser la vie économique et financière qui ne saurait être dissociée de la sphère strictement politique de la Cité. Remettre en cause l'argument massue de la propriété privée pour promouvoir une émancipation concrète des salariés et mettre l'entreprise au service de l'intérêt général et non au service des actionnaires. Une entreprise est faite de capital fixe mais aussi de capital variable, les salariés.

Intervention des participants à la réunion publique:

 

Alain David: Les gens considèrent que ce type de réflexion, c'est quelque chose qui les dépasse: « on n'a qu'à laisser cela aux gens qui savent ». Au moment du conflit sur les retraites, le seul argument du gouvernement était celui de la légitimité du président de la République, de la majorité parlementaire et du gouvernement issus des urnes en 2007. Or, quand je relis la constitution de la Vème République, je lis: « La souveraineté nationale appartient au peuple qui peut l'exercer à travers ses représentants ou par référendum. Aucune section du peuple ne peut prétendre la confisquer... ». La question que l'on peut se poser, c'est: est-ce que les représentants sont représentatifs? Seraient-ils représentatifs de la diversité sociale? Combien de salariés à l'Assemblée Nationale qui ne compte que 0,5% d'ouvriers? Est-ce que la diversité politique est assurée? Non, on marche à grand pas vers le bipartisme, toute tendance que la réforme des collectivités territoriales renforce et que le PS ne combat pas résolument, c'est le moins qu'on puisse dire. Il y a des arguments souvent invoqués contre un scrutin de liste à la proportionnelle pour les législatives: « on ne pourra pas voter pour des représentants que l'on connaît dans notre circonscription, cela servira les apparatchiks... On ne pourra pas même choisir ses représentants. Cela augmentera l'influence du Front National ». Mais est-ce qu'un élu du peuple est là simplement pour s'occuper simplement des intérêts d'un canton, d'une circonscription? Ce qu'il faut dire, c'est que la proportionnelle apporte une solution au problème de mixité.

A l'évidence, la légitimité du peuple est de droit, l'autre, celle de ses représentants, n'est que déléguée. Qu'est-ce qui se passe quand les choix ne coïncident pas? Il semble que pour beaucoup de socialistes et la droite, dans le débat sur la ratification du traité de Lisbonne reprenant les dispositions et les déclarations de principe rejetés par les français avec le Traité constitutionnel européen en 2005 ou dans l'application du réforme des retraites désapprouvée par 70% des français, c'est la légitimité des représentants qui prime.

Il faudrait que nous proposions un recours fréquent au référendum d'initiative populaire pour voter des lois conçus par les Parlements français ou européens, mais aussi pour proposer de nouveaux textes, de nouvelles orientations. Il faudrait instaurer l'obligation pour les élus de rendre des comptes. Il faut surtout en finir avec la confiscation du pouvoir par Sarkozy et sa clique mais aussi par une oligarchie, tant la porosité entre les milieux politiques et les milieux d'affaires est grande. S'il y a nécessité pour le peuple de retrouver sa souveraineté, cela passe d'abord et avant tout par l'encouragement à la réflexion des citoyens, c'est à dire par une information et une formation de qualité.

La démocratie, ce n'est pas que le monde politique, c'est aussi l'entreprise, la culture: c'est dans ces sphères aussi qu'il faut faire primer l'intérêt général et l'accès à l'auto-détermination des citoyens.

Il faut enfin en finir avec la culture de la délégation de pouvoir, cultivée souvent au nom d'une méfiance vis à vis de la surveillance des citoyens et de l'efficacité.

Yves Abramovicz: Dans l'intervention d'Ismaël, je regrette qu'il n'y ait pas eu de référence à des justifications philosophiques plus modernes de l'idée démocratique, car la Grèce antique, cela nous fait remonter un peu loin... Est-ce qu'avant de parler de démocratie, on ne pourrait pas d'ailleurs parler de la République, et de ses valeurs fondamentales que l'on peut voir rappelées aux frontons des mairies, sauf à Morlaix: liberté, égalité, fraternité. Il faut aussi poser le problème de la laïcité: il est nécessaire de revenir à une école vraiment libre (c'est à dire laïque) et accessible à tous. Ceux qui comme Sarkozy font référence à un gène chrétien ou à une histoire chrétienne structurant l'identité française nous paraisse aller vers une pente qui est tout sauf démocratique. La France n'est pas né de l'Eglise: la nation est née de son acte de naissance démocratique pendant la révolution, et elle est d'abord réuni par un projet plus que par un héritage. Toutes les religions et les lieux de culte doivent être traités avec la même indifférence par l'État. On assiste aujourd'hui à une remise en cause inacceptable du droit du sol: quand on demande à des gens en vue ayant des parents ou des grands-parents d'origine étrangère de prouver leur nationalité, tout le monde s'indigne, mais des citoyens ordinaires se font harceler par les préfectures à la suite des lois anti-immigration dans l'indifférence générale. La démocratie implique aussi un meilleur partage des richesses, le rétablissement des services publics qui ne doivent pas être gérés comme cela se produit beaucoup maintenant suivant les principes de gestion capitaliste, avec un but de rentabilité. Il faut aussi établir des moyens de contrôle du respect des mandats des élus. Pourquoi ne pas introduire l'obligation pour un élu d'avoir des comptes-rendus de mandats réguliers pour les électeurs? Dans le temps, on voyait ainsi des assemblées publiques sous les préaux d'école où les élus locaux avisaient la population de leurs actions de représentants du peuple et demandaient un renouvellement de confiance. Il faut aussi mettre en place des gardes-fou pour éviter les conflits d'intérêt: on peut douter de l'honnêteté d'un ministre de la santé issu de l'industrie pharmaceutique...

Daniel Ravasio: Je voudrais insister, en me basant sur mon expérience à la FSU, sur la difficulté d'accomplir le travail syndical aujourd'hui: les documents sont remis de manière tardive, on ne nous laisse pas le temps nécessaire pour bien les analyser (par exemple, pour éplucher les lignes d'un texte de conseil d'administration). Il faut aussi se poser la question des capacités concrètes des citoyens pour exercer leurs droits démocratiques.

Ismaël Dupont: On peut aussi rappeler que de plus en plus on criminalise le mouvement social et les syndicalistes, en les gardant à vue quand ils participent à des grèves dures, des séquestrations provisoires de patrons ou de cadres, et en les obligeant à s'astreindre à un fichage génétique sous peine de prison en cas de refus. Pour ce qui est de l'opposition un peu brutale de mon introduction entre une démocratie grecque faisant la part belle à la revendication d'égalité sociale et au partage du pouvoir par tous les citoyens, indépendamment des considérations de naissance, de statu social, de niveau d'éducation, face à une démocratie parlementaire et bourgeoise garantissant la liberté de l'individu plus que l'égalité et la souveraineté du peuple, elle aurait mérité d'être dépassée mais je n'ai pas voulu faire traîner trop en longueur l'exposé. Il y a bien un philosophe moderne qui justifie la démocratie radicale, le refus de la délégation de la souveraineté et l'égalité sociale comme condition de la prise en compte d'un bien commun et de l'esprit civique, c'est Rousseau...

Thomas: C'est juste, on a des lois qui nous « permettent de... » mais en réalité il existe un système qui rend difficile ou impossible l'exercice de ces droits. Cette capacité à jouir de ses droits reconnus est souvent retirée au travers de petites manipulations. Exemples que je connais bien: exemple du rachat des points retraite: une loi a été votée en 1962 du temps de de Gaulle mais son décret d'application n'est intervenu qu'en 1992. En revanche, pour retirer la double imposition des français travaillant à l'étranger, Giscard d'Estaing a fait beaucoup plus vite, car la disposition touchait de très près les intérêts des milieux d'affaires. En réalité, disposer d'une loi basée sur des principes justes n'est pas suffisant si son imprécision empêche son application concrète.

Alain David:  On peut aussi parler de la création d'une véritable caste politique dans le pays. Depuis leur sortie de l'université, des jeunes militants se préparent à être dirigeants politiques, en prenant d'abord des responsabilités dans des organisations de jeunesse, puis en se professionnalisant et étant missionnés dans un cabinet ministériel, en tant qu'attaché parlementaire ou chargé de mission pour un conseil général ou régional... Cela donne des élus vivant dans un environnement fermé, déconnectés des réalités économiques du travail et des préoccupations de « monsieur tout le monde ».

Alain Rebours : Il faut réformer le statut de l'élu pour résoudre la question de la représentation de la diversité (femmes, salariés, catégories populaires, français d'origine étrangère...). Il faut interdire le cumul des mandats, voire prôner l'existence d'un mandat électif unique. Il faut casser l'ENA qui produit la pensée unique et les relations incestueuses des responsables politiques et des patrons de grande administration et des grandes entreprises. Dans le fonctionnement interne des partis politiques, il faut rendre possible le contrôle des élus par les militants et le droit de tendance comme cela se fait à la FSU aujourd'hui, à la FEN hier, c'est à dire le droit de s'organiser à l'intérieur d'un parti de manière indépendante par rapport à la direction.

Thomas: Je voudrais vous faire partager une citation que j'ai relevé et qui me semble adapter à ce que l'on a pu dire sur le climat xénophobe et l'absence de projet social de notre démocratie actuellement: « La démocratie est en danger quand les gens se rassemblent parce qu'ils se ressemblent et non parce qu'ils se complètent ».

Yves  Abromovicz: Il faut supprimer la fonction de président de la République. A quoi sert-il? La mascarade du présidentialisme nous serait ainsi épargnée. On ne voterait plus à la tête du client et on pourrait peut-être réconcilier le citoyen avec les élections...

Ismaël Dupont: S'agissant de la question de la revendication d'un Parlement élu à la proportionnelle intégrale, on peut se demander, même si l'objectif paraît tout à fait légitime du point de vue de la représentation de la diversité d'opinions des électeurs, si cela ne nourrirait pas l'instabilité parlementaire, les manœuvres politiciennes empêchant la mise en œuvre des plans de réformes sur la durée et une influence disproportionnée des petits partis pouvant faire basculer des majorités politiques comme cela se passe en Israël avec les partis religieux ou de droite sioniste ou comme cela se passait sous la IV ème République?

Alain Rebours: Il faut se méfier de ne pas reprendre à notre compte la légende noire d'une IVème République impuissance, instable et corrompue par l'opportunisme parlementaire, nourrie par le gaullisme après 1958. En réalité, la IVème République a été capable de grandes réalisations de la même manière que sans exécutif fort, avec une représentation fidèle de la diversité politique, les institutions de la IIIème République ont pu faire face aux débuts de la première guerre mondiale avec une relative efficacité. Par ailleurs, nous aurions un débat à mener sur le jacobinisme d'une certaine gauche, sur le rapport que l'État doit avoir aux spécificités culturelles. Rappelons que ce sont des gens de gauche qui ont empêché l'intégration de Diwan dans le service public d'éducation. Faut-il considérer que la République doit être forcément assimilatrice, homogénéisante, basée sur le culte de l'unité?

 

A la fin de la réunion, un rendez-vous est pris pour mai ou juin pour une nouvelle réunion-débat du Front de Gauche pour un programme partagé et populaire pour 2012 sur la question de l'énergie.

 

Merci à tous les participants de cette réunion publique !  

PS: Compte-rendu (forcément incomplet) réalisé par Ismaël.  

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15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 09:00

Pour introduire au débat du 16 mars 2011 sur le thème: quelle démocratie?

 

En 1852, Auguste Blanqui écrivait que « démocrate » était un mot « sans définition »: « Qu'est-ce qu'un démocrate, je vous prie? C'est un mot vague, banal, sans acception précise, un mot en caoutchouc ».

 

L'indétermination du signifiant « démocratique », cette polysémie du mot associée à sa valorisation spontanée fait qu'il s'accorde avec toutes les instrumentalisations idéologiques. Comme la lutte politique commence par un combat pour l'appropriation et la juste définition des mots mobilisateurs, il nous reviendra de préciser en quoi on ne peut dissocier l'attachement à la démocratie de l'aspiration à l'égalité.  

 

Hier, les communistes opposaient la démocratie réelle des démocraties populaires où le travailleur était prétendument souverain et l'individu et le citoyen en vérité écrasé par le parti-guide et la bureaucratie d'Etat à la démocratie formelle du parlementarisme et des droits de l'homme bourgeois, accordant des libertés et une égalité de papier, dissociés d'une émancipation concrètes dans la vie civile et le travail.

Aujourd'hui, on justifie des guerres impérialistes par l'exportation de la démocratie et des droits de l'individu, on transforme la démocratie participative en outil de marketing électoral pour une gauche à court d'idées, on impose l'affaiblissement de la souveraineté des Etats-nations, la dérégulation économique et la liberté du marché qui durcissent les inégalités au nom du renforcement et de la consolidation de la démocratie en Europe, et on passe outre la décision des peuples danois, français, hollandais, irlandais de ne pas avaliser les traités européens qui les dessaisissent de leur souveraineté en les faisant passer pour des imbéciles obscurantistes ayant cédé aux sirènes de la démagogie, du populisme flattant leurs bas instincts nationalistes et anti-démocratiques: votes de défiance qui traduiraient non des choix éclairés mais des pulsions contestatrices, et au final, malgré tout, un échec de la pédagogie des élites politiques et médiatiques éclairées par les experts économiques aux verdicts indiscutables.

 

On est aujourd'hui confronté à un paradoxe, qui n'est peut-être qu'apparent, celui d'une extrême valorisation de la démocratie, mais d'une démocratie sans le peuple et contre le peuple, ou du moins contre ses aspirations possibles à l'auto-détermination et à l'égalité sociale.

 

Et ce paradoxe d'une sacralisation de l'idée de démocratie se creuse quand on observe, dans les pays occidentaux, la puissance du discrédit dont sont l'objet les représentants politiques et les institutions, discrédit qui se traduit par le vote extrémiste et l'abstention, par la versatilité des choix et la dépolitisation, tout comme par un grand scepticisme de ceux qui accomplissent leur devoir civique sans croire que l'issue de l'élection changera grand chose à leur vie quotidienne, soit parce que les partis majoritaires ont renoncé à l'idée de changer structurellement la société pour la rendre plus juste, soit parce que le volontarisme politique est confronté à une impuissance nouvelle liée à la libre circulation des capitaux et aux stratégies de délocalisation et de dumping social des multinationales ou au transfert de souveraineté à des institutions transnationales plus ou moins démocratiques.

 

Cette crise de la démocratie représentative peut-elle simplement être conjurée en instaurant de nouvelles règles institutionnelles rendant le monde politique moins fermé sociologiquement, moins attaché à la conservation de ses privilèges, et moins poreux aux sirènes de l'affairisme (par exemple: limitation du pouvoir de l'exécutif, accentuation du contrôle de la justice sur celui-ci, scrutins de liste à la proportionnelle permettant l'élection de plus de femmes, de jeunes, de représentants issus des classes populaires, réforme de la formation scolaire des cadres politiques et administratifs, mandat unique ou non cumul des mandats...)? Implique t-elle de rapprocher les instances de décision du citoyen en allant vers plus de démocratie locale, de décentralisation et de démocratie participative? Faut-il multiplier les référendums d'initiative populaire pour que les individus se ressaisisse des questions politiques et fassent pleinement leur travail de citoyens ?

 

Ou faut-il croire au contraire que le combat est perdu d'avance, du fait du comportement moyen de l'individu des sociétés démocratiques et capitalistes avancées?

Pour certains contempteurs de la modernité, l'accès au confort matériel et la relative égalisation des conditions, en même temps que la nouvelle division du travail et les contraintes de mobilité que le phénomène urbain et les mutations de l'économie ont généré, auraient dissout les vieilles solidarités et fait émerger la monade individualiste des masses anonymes, l'individu-consommateur indifférent à la vie publique et à l'intérêt général.

Homo democraticus que beaucoup d'essayistes, sociologues, philosophes critiques de l'Etat-Providence et de la modernité démocratique nous décrivent, dans le sillage des anticipations de Tocqueville, des analyses de Hannah Arendt, comme un être indifférent à son voisin et à la vie publique, tournant autour de lui-même et de ses petits plaisirs, ne pensant pas au-delà du cercle étroit de sa famille, ne songeant à la politique que quand des réformes ou des phénomènes sociaux affectent ses intérêts matériels et catégoriels immédiats, ne cherchant pas à défendre les libertés publiques et une vision de l'intérêt général mais se contentant d'être dans un rapport instrumental de consommation (de protection sociale, de services publics, d'assurance contre l'imprévu) à la puissance publique de l'Etat.

Cet homme démocratique oublieux des durs combats du passé nécessaires à la conquête de ses droits politiques et de ses libertés individuelles, trop gâté et préoccupé essentiellement par ses petits plaisirs abêtissants, décérébré par la civilisation du loisir, les mass médias, la société de consommation serait une forme de "dernier homme" (pour reprendre une notion introduite par Nietzsche)  incapable de donner une consistance aux institutions démocratiques et de se méfier des démagogues dangereux qui flattent ses bas instincts anti-fiscaux ou égalitaristes, xénophobes et sécuritaires, serait incapable de préserver la démocratie si des élites plus responsables et conscientes des dangers qui la guettent ne la préservaient, du point de vue de ces intellectuels (Dominique Schnapper, Finkielkraut...).

On pourrait aller plus loin même et dire avec l'essayiste sceptique américain d'origine allemande Walter Lippmann que, structurellement, il est impossible que des électeurs puissent s'intéreresser à suffisamment de champs du savoir pour faire le tour des problèmes techniques qu'a à résoudre le politique. Le peuple est fondamentalement aveugle et doit être guidé par des experts et des politiciens professionnels instruits car il est hautement improbable que « la somme des ignorances individuelles puisse produire une force continue capable de diriger les affaires publiques ». Il faudrait donc « remettre le public à sa place », au sens de le rappeler à son devoir de modestie et de le remettre dans les gradins, car la gestion d'un Etat, d'une économie, est une affaire sérieuse qui n'est pas à la portée du profane, et l'homme de la rue n'est d'ailleurs pas fondamentalement un animal politique, qui manifeste un intérêt spontané pour les questions sociales quand elles n'ont pas d'incidence directe sur sa vie quotidienne.

 

Notre thèse à nous serait plutôt que c'est le sentiment de la perte de puissance transformatrice de la volonté politique citoyenne - liée à l'homogénéité idéologique des aspirants au pouvoir exécutif, à la puissance de l'instrumentalisation et de la neutralisation des pouvoirs politiques démocratiques par les puissances financières, et l'affranchissement de la politique « de toute promesse d'émancipation sociale, de tout horizon d'attente eschatologique » (Jacques Rancière, Aux bords du politique)  qui nourrit la démission citoyenne et le désintérêt pour la politique. C'est d'abord parce que le peuple a le sentiment justifié que son pouvoir ne s'exerce plus guère qu'il se désintéresse de la politique. Les élections libres sont devenus un cirque sans enjeu fait de marketing et de ciblage publicitaire plus que d'affrontements idéologiques et de débats d'idées. Les candidats sont présentés dans un emballage conçu par des experts en publicité plus habitués à promouvoir des marques que des principes politiques... Les médias détenus par les grands groupes financiers occultent les vrais enjeux sociaux des élections et les non-dits de candidats de partis de gouvernement qui acceptent la domination de la finance et s'en font les chargés d'affaire aussi bien dans leur politique intérieure qu'étrangère quand ils parviennent au pouvoir.

 

Comme l'écrit Jacques Rancière dans La Haine de la démocratie: « Nous vivons dans des Etats de droit oligarchiques, c'est à dire dans des Etats où le pouvoir de l'oligarchie est limité par la double reconnaissance de la souveraineté populaire et des libertés individuelles ». Un peu plus loin: "On prend habituellement l'existence d'un système représentatif comme critère pertinent de démocratie. Mais ce système est lui-même un compromis instable, une résultante de deux contraires. Il tend vers la démocratie dans la mesure où il se rapproche du pouvoir de n'importe qui. De ce point de vue, on peut énumérer les règles définissant le minimum permettant à un système représentatif de se déclarer démocratique: mandats électoraux courts, non cumulables; monopoles des représentants du peuple sur l'élaboration des lois...contrôle de l'ingérence des puissances économiques dans les processus électoraux".  

 

Le triomphe de l'idée démocratique, amputée de sa dimension subversive d'égalitarisme, a servi d'arme de guerre au libéralisme contre les idéaux d'émancipation sociale, et coïncide avec le déclin de la réalité démocratique.

 

Dans le courant des années 70-80, avec la mode de la pensée anti-totalitaire succédant à celle de l'anti-capitalisme et de l'anti-impérialisme, le discours dominant dans le champ intellectuel et médiatique a commencé à célébrer la démocratie comme une valeur absolue, atemporelle, indiscutable, l'alpha et l'omega du souhaitable politique, le dernier stade du progrès historique. Mais ce nouveau totem, cette idole devant lequel on a sacrifié avec bonne conscience les espérances révolutionnaires, les idéaux d'émancipation, et l'ambition de changer structurellement la société pour installer une démocratie sociale en complément de la démocratie politique, ce n'est qu'une idée historiquement située de la démocratie: la démocratie parlementaire ou représentative, défendue comme rempart de la liberté individuelle et de la liberté du marché contre les excès de la souveraineté du peuple et de son aspiration possible à l'égalité.

 

cf. Daniel Bensaïd dans un très bel article tiré du recueil Démocratie, dans quel état? publié aux éditions La Fabrique: « vers le milieu des années 1970, la scène mondiale commença à pivoter. Les protagonistes de la guerre froide- capitalisme contre communisme, impérialisme contre libération nationale – s'effaçaient devant une nouvelle affiche annonçant à grand tapage le combat du siècle entre Démocratie et Totalitarisme. Comme sous la Restauration monarchique, la démocratie sans phrases était censée donner un semblant de légitimité à la bassesse d'un interminable Thermidor. Pourtant aujourd'hui comme hier, les libéraux victorieux gardaient une secrète méfiance envers le spectre de la souveraineté populaire qui s'agite sous la surface du formalisme démocratique » (p.27).

 

Comme l'exprime l'intellectuelle de la gauche critique américaine Kristin Ross dans un article « Démocratie à vendre » (inclus dans ce même recueil Démocratie, dans quel Etat?: « on ne saurait surestimer l'énorme avantage que les États occidentaux ont réussi à pousser en présentant la « démocratie » comme une force faisant contrepoids au « communisme ». Ainsi, ils ont pris le contrôle entier du mot, effaçant toute trace de la valeur émancipatrice dont il était jadis chargé. La démocratie est devenue une idéologie de classe légitimant des systèmes qui permettent à un très petit nombre d'individus de gouverner – et de gouverner pour ainsi dire sans le peuple...Et imposer l'idée que le marché est un préalable évident à la démocratie et que la démocratie appelle inexorablement le marché constitue une victoire retentissante » (p.118).

 

En même temps qu'ils célèbrent comme la fin de l'histoire, le meilleur des mondes possibles ou le moindre mal (par rapport au maximalisme révolutionnaire conduisant semble t-il naturellement au goulag, au totalitarisme et aux bains de sang) la démocratie moderne des droits de l'homme et des libertés individuelles, de la liberté d'expression, du multipartisme et de l'alternance des représentants politiques, ces même intellectuels libéraux ou conservateurs vouent, comme l'a bien vu le grand philosophe français Jacques Rancière une forme de haine à la société démocratique produite par l'égalisation partielle des conditions, entendent encadrer et contrôler la souveraineté du peuple dont ils se méfient, et manifestent une véritable angoisse vis à vis du mouvement spontané des masses pouvant bousculer l'ordre hiérarchique établi.

 

"La haine de la démocratie peut se résumer en une thèse simple: il n'y a qu'une seule bonne démocratie, c'est celle qui reprime la catastrophe de la civilisation démocratique" (Jacques Rancière, La Haine de la démocratie). Pour exemple, le rapport de cette Commission Trilatérale composé par Michel Crozier, Samuel P. Hundington, Jogi Watanaki, qui a donné sa feuille de route au néo-libéralisme brutal des années 80: pour eux, la démocratie signifie l'accroissement irrésistible des demandes qui fait pression sur les gouvernements, elle entraîne le déclin de l'autorité et rend les individus rétifs à la discipline et aux sacrifices requis par l'intérêt commun". Dès lors, on qualifiera du terme devenu injurieux de "populiste" toute politique qui vise à satisfaire les revendications populaires et on louera le courage et l'esprit de responsabilité des hommes politiques qui écoutent ceux qui savent, les experts économiques, plutôt que les citoyens, et qui réduisent de ce fait les garanties sociales de la population pour accroître la compétitivité des entreprises et réduire les impôts.  

 

Cette haine de la démocratie a plusieurs symptômes et prend plusieurs formes:        a) Chez les intellectuels d'État libéraux de la Fondation Saint Simon dans les années 90: survalorisation, à l'encontre du débat idéologique contradictoire, de la nécessité du conseil technique et scientifique aux représentants pu peuple, du pouvoir des experts capables, contrairement aux citoyens peu lucides et ignorants, de trouver des moyens pour mettre en œuvre efficacement des fins à travers une connaissance des lois de l'économie... Survalorisation aussi des corps intermédiaires de la société civile (syndicats, médias, partis, églises, associations...) qui peuvent discipliner et éclairer les revendications populaires et faire de la pédagogie auprès du peuple pour lui expliquer les dures nécessités de l'action politique responsable en période de mondialisation. Idéal d'un silence des passions politiques, des conflits idéologiques, au profit d'un pragmatisme technicien à finalité purement utilitariste -augmenter la croissance, la prospérité économique nationale, diminuer le chômage- commandant des réformes dont la nécessité devrait s'imposer à tous.                 b) Idée que la démocratie politique, le droit du peuple à élire ses représentants, se justifie essentiellement comme moyen de les contrôler pour qu'ils ne remettent pas en cause les libertés individuelles. Les droits de chacun doivent l'emporter sur le pouvoir de tous.     c) Ou alors, idée qu'elle se justifie au nom de la paix civile comme moyen de régler pacifiquement des conflits liées à la contradiction des intérêts et des opinions de groupe sociaux. Cf. pour Raymond Aron, dans une perspective pragmatique, la démocratie n'est jamais que « l'organisation de la concurrence pacifique en vue de l'exercice du pouvoir » qui présuppose des « libertés politiques » sans lesquelles « cette concurrence est faussée ». Toutefois, cet attachement à la démocratie comme moyen de paix civile est contradictoire avec tout attachement religieux à un absolu politique, toute ambition de changer la société à marche forcée pour la rendre plus juste, dans la mesure où ces attitudes politiques maximalistes supposent la neutralisation des adversaires politiques et sociaux, la suppression du multipartisme et de l'alternance politique, la suspension des libertés publiques. Être démocrate, cela suppose une certaine forme de résignation au moindre mal de la domination provisoire d'opinions politiques qui nous semblent erronées et contraires à l'intérêt général. La démocratie s'accorderait mieux avec le scepticisme (les solutions que je préconise ne sont pas forcément les meilleures et des nécessités absolues, même si j'ai tendance à le croire du fait de mon histoire, de mon éducation de mon point de vue particulier sur les choses) et avec le relativisme (tolérance liée à l'absence de croyance en une vérité absolue en matière politique: il n'y a que des opinions), voire à l'indifférentisme politique qu'avec le dogmatisme et l'attachement fanatique à la réalisation rapide d'idéaux de transformation sociale perçus comme moyen de salut pour l'humanité. d) Toute ambition révolutionnaire visant à obtenir une émancipation complète du peuple sur le court terme serait vouée à justifier la confiscation du pouvoir par une minorité et la violence contre les récalcitrants, au nom du Bien, et comme la nature humaine est ainsi faite que le pouvoir absolu corrompt absolument et rend fou, une idéologie qui justifierait au nom d'idéaux de libération ultime un pouvoir absolu provisoire d'un État ou d'un parti sur la société conduirait, comme l'ont montré l'exemple du moment jacobin de la Révolution Française de 1793-1794, des révolutions communistes russes, chinoises, vietnamiennes, cambodgiennes, à des dictatures venant progressivement à se considérer comme leurs propres fins.     e)Parallèlement, chez beaucoup de philosophes, sociologues, essayistes (Finkielkraut, Jean-Claude Milner, Dominique Schnaper...), on observe une critique des principes mêmes de la démocratie et de l'individu produit par la société démocratique, critique héritée de Platon et de Tocqueville qui est une critique à peine voilée de la civilisation démocratique entendue en termes sociologiques comme impliquant l'égalité sociale. La civilisation égalitariste de l'âge démocratique dégraderait les vertus humaines.

Or la démocratie, dans son sens originel, c'est le pouvoir du demos, du peuple, pour le peuple, le peuple au sens du peuple sociologique: le commun, le vulgaire, les classes moyennes et populaires... soit le pouvoir du citoyen qui n'a aucun titre à gouverner...

 

Ainsi, Demokratia veut dire le pouvoir du peuple en un double sens: a) du peuple en tant qu'entité politique, communauté organisée de manière conventionnelle pour faire les lois, dire le droit b) le peuple en tant que réalité sociale, le grand nombre des classes populaires et moyennes, opposé aux vieilles familles aristocratiques et aux riches. D'emblée donc, la démocratie acquiert une double signification d''égalité politique et d'orientation vers l'égalité sociale. Politique dans la mesure où elle implique l'égale capacité de tous les citoyens à produire la loi et à gouverner la cité, comme l'absence de commandement d'un homme éminent ou d'une élite. Sociale, dans la mesure où c'est la plèbe, pour utiliser un mot latin, le bas peuple, qui prend le pouvoir dans la démocratie, pouvant ainsi l'utiliser selon les intérêts du plus grand nombre. L'installation de la démocratie a coïncidé avec un moment de la lutte des classes, les « démocrates » étant d'abord les défenseurs du parti populaire.

 

L'essence égalitaire de la démocratie, telle qu'elle est revélée par sa naissance...

 

Chacun sait aussi que la démocratie naît dans la Grèce antique, et en particulier à Athènes au VI ème av. JC. Depuis le VIII ème siècle, les Grecs s'étaient organisés en cités autonomes au travers de rassemblement de villages s'organisant à partir de mêmes lieux de décision et de délibération commune, la loi n'étant plus considérée comme l'expression d'une tradition sacrée, de la volonté d'un homme situé au-dessus des autres ou de la volonté divine, mais le produit d'une décision collective révisable visant l'intérêt général.

Entre le VIIIème siècle et le Vème siècle av. JC, les cités grecques ont principalement été administrées par des oligarchies ou des tyrannies.

L'oligarchie renvoyait au gouvernement d'un conseil fermé de notables (les Eupatrides à Athènes),de riches appartenant souvent à une aristocratie héréditaire et se partageant les magistratures, les fonctions publiques de commandement à caractère politique, religieux ou militaire.

Ces grands propriétaires gouvernaient avec morgue un petit peuple de paysans, d'artisans et de commerçants, ouvriers et manœuvres constituant le démos, le peuple, provisoirement tenu à l'écart de l'agora. Toutefois, le développement rapide des implantations coloniales, des échanges commerciaux, du capitalisme et de l'urbanisation, comme des guerres impériales à partir du VIIIème siècle en Grèce a rendu plus fragile cette domination oligarchique, les tensions entre les classes sociales installant un climat de guerre civile larvée dans les cités (affrontement entre les grandes familles et leurs clientèles, expropriation des petits paysans, paysans promis par leur dette à l'esclavage, exploitation des ouvriers et artisans des villes...), provoquant de nombreuses révolutions.

Ces révolutions ont d'abord accouchés de tyrannies, accaparement du pouvoir par des aventuriers gouvernant par usurpation, ex lex et selon leur bon plaisir en servant leurs alliés et leurs clientèles et en humiliant les vieilles familles, en les expropriant pour redistribuer une partie de leurs richesses au peuple, sur lequel ces tyrans s'appuyaient. Quand les tyrans laissaient en place pour faire illusion les Assemblées des notables, ils les faisaient voter sous la surveillance de porte-gourdins des propositions populaires. « Abaisser l'aristocratie et relever les humbles: tel est le principe général qui guide les tyrans » (Gustave Glotz, La cité grecque, 1928). Moyens de se concilier le peuple: exiger l'augmentation des salaires, lui donner du travail en financement des programmes de grands travaux avec l'argent prélevé sur la fortune des notables, lui promettre du butin en organisant des expéditions militaires financées là encore avec des impôts sur les riches.

La démocratie athénienne, dont on connait précisément l'histoire, s'est organisé en plusieurs temps:

- avec Solon d'abord, en 594 sur une base censitaire (les obligations et les droits des classes, leur participation aux magistratures mais non à l'assemblée et aux tribunaux, étant dépendant du cens ou de l'impôt qu'elles versent en fonction de leurs richesses). 

  • avec Clisthènes après l'épisode de la tyrannie de Pisiscrate en 508/7 – les tyrans et leurs alliés furent proscrits, les citoyens d'Athènes furent classés selon leur domicile et non selon leur classe sociale. Le pays athénien fut divisé en dèmes, petites communes qui avaient chacune leurs assemblée, leurs magistrats, leur administration. Les différents dèmes, indépendamment de leurs proximités géographiques et de leurs intérêts communs, furent repartis en 10 tribus, qui élirent chacune 50 membres de La Boulé, le conseil des 500, lieu de représentation proportionnelle des dèmes, dont le travail était préparé par une commission de 50 élus d'une même tribu, cette commission étant composée à tour de rôle des représentants de plusieurs tribus y siégeant pendant 1/10 ème de l'année. La Boulé, ou conseil des Cinq Cents, préparait des projets qui étaient ensuite soumis à la ratification de l'ensemble des citoyens réunis. Le pouvoir exécutif était assuré par 9 archontes accompagnés d'un secrétaire représentant les 10 tribus athéniennes.

  • Pendant les guerres médiques (opposant les Grecs aux Perses), des retouches furent apportés à la constitution politique d'Athènes, la rendant encore plus démocratique. En 487, on décida de tirer au sort les archontes, un par tribu. En 462, le parti démocratique dirigé par Ephialtès obtint que l'Aréopage, un conseil de notables équivalent à une forme de Sénat qui avaient la garde de la constitution ou des lois fondamentales d'Athènes, pouvait juger des crimes et infractions et exercer un contrôle sur le gouvernement, fut privé de ses prérogatives et réduit à des fonctions religieuses honorifiques. Periclès, lieutenant d'Ephialtès et petit-neveu de Clisthènes, prolongea ses réformes démocratiques par plusieurs innovations fondamentales: il éleva la loi au-dessus des caprices populaires en permettant à n'importe quel citoyen de dénoncer une proposition d'arrêt populaire jugé contraire aux lois fondamentales et de faire poursuivre, et parfois même condamné à mort, son auteur (c'est la pratique du graphè paranomôn, action criminelle en illégalité). Périclès, pour permettre aux citoyens modestes devant travailler pour survivre de remplir pleinement leur rôle souverain à la Boulé, dans les tribunaux ou pour occuper une charge de fonctionnaire après tirage au sort, leur attribua des soldes, ou misthoi. Au IVème siècle, les citoyens eurent droit à des indemnités, non seulement pour rémunérer des services exceptionnels, mais pour se rendre à l'Assemblée plénière des citoyens (l'Ecclésia) et y voter les lois.  

Au terme de toutes ces réformes qui à chaque fois ont coïncidé avec des progrès du parti populaire dans la lutte des classes qu'il mène contre les élites conservatrices, la minorité de citoyens Athéniens, distincte d'une majorité d'esclaves et de métèques d'origine étrangère privés de citoyenneté et soumis à un impôt spécial, se pense comme une société d'égaux, la seule à vivre dans un régime vraiment républicain (où le pouvoir est la « chose publique ») caractérisé par l'isonomia, l'égalité devant la loi, et l'iségoria, le droit égal de parler. Plus aucun titre de noblesse n'a de valeur: on ignore même les noms de famille et tout Athénien accole à son nom personnel le nom de son dème, plus rarement celui de son père s'il est illustre. Même si les hommes politiques influents viennent souvent de grandes familles, y compris dans le parti populaire, l'État ne reconnaît que des individus et non des familles appartenant à des castes différentes. « Les citoyens ont tous les mêmes droits. Ils peuvent entrer à l'Assemblée pour parler, s'ils le veulent, et pour voter; car le système représentatif n'existe pas et eût semblé une restriction oligarchique de l'iségoria. Ils peuvent se porter candidats au Conseil et aux autres fonctions publiques dans des conditions légales: ils sont tour à tour obligés d'obéir et admis à commander. Ils prennent part aux fêtes publiques, aux processions, aux sacrifices, aux jeux, aux représentations théâtrales, sans autre distinction que la préséance accordée aux magistrats » (Gustave Glotz, La Cité Antique, p. 140).

 

 

Pour Platon (philosophe athénien, V-IVème s av. JC) la démocratie, qui correspond à la prise de pouvoir par la majorité des pauvres conduits par des démagogues à prendre des orientations politiques contradictoires en fonction des intérêts de ses derniers aboutit aussi à servir les intérêts de classe et la cupidité du peuple avant toute chose au détriment de l'intérêt général (par exemple en encourageant à la guerre ou à des politiques impérialistes vis à vis des cités voisines, pour donner des indemnités aux citoyens engagés dans les navires de guerre, du travail pour les construire, et des promesses de butin). Le gouvernement démocratique conduit aussi à l'absence de gestion rationnelle de la cité: pour cela, il faudrait que les décisions émanent des plus compétents, des experts formés au sein de l'élite sociale par les philosophes, et non des aventuriers, qui grâce à leur sens de l'intrigue et de leur maîtrise de la démagogie, parviennent à séduire le peuple. Alors qu'une société bien organisée est celle où les statuts et les devoirs sociaux sont bien hiérarchisés, différenciés et complémentaires pour servir l'intérêt de l'ensemble de la société, la démocratie tend à favoriser l'indifférenciation sociale, la prétention des individus à échapper aux obligations traditionnelles liées à leur sexe, leur âge, leur rang social. La démocratie favorise l'esprit d'insoumission et un hédonisme individualiste qui génère de l'anarchie, de la licence généralisée et la corruption des vertus morales du peuple. Pour Platon, dont Tocqueville et les réactionnaires contemporains s'inspireront, le régime populaire crée un type d'homme perverti incapable de s'astreindre à une discipline morale. L'homme démocratique laisse s'établir en lui des désirs multiples et se montre velléitaire, inconstant, incapable de courage et de sens du sacrifice: « il passe chacun de ses jours à complaire au désir qui lui échoit au passage ». Cette avidité débridée et cette perte d'esprit civique et public des individus qui composent la démocratie favorisent l'instabilité des régimes et l'arrivée au pouvoir d'ambitieux qui flattent le peuple de vaines promesses tout en n'ayant pas la connaissance suffisante pour bien le préserver des écueils (invasion étrangère, crise économique, révolution violente...) ou qui cherchent à établir des tyrannies en s'appuyant sur les citoyens les plus modestes. La constitution démocratique, née de l'insurrection violente des pauvres, s'achève naturellement par la spoliation des riches, à moins que ceux-ci parviennent à se défendre en préservant leurs intérêts par la force et en constituant des oligarchies tyranniques. Dans une démocratie, les rôles sont inversés et les gouvernants qui doivent conduire et éclairer tendent à être les gouvernés car pour conserver une influence sur le peuple et des magistratures accordées par élection, ils doivent le flatter, abonder dans le sens de ses erreurs, de ses ignorances et de ses bas instincts qu'il faudrait corriger. Or, selon Platon, « la foule est le critère du pire ». Le nombre, la règle majoritaire, n'ont rien à voir avec la vérité, rien à voir avec les conditions de l'harmonie sociale, puisque les passions l'emportent sur le jugement rationnel chez les hommes qui n'ont pas la distinction naturelle ou l'éducation pour faire un bon exercice de leur raison.

 

Les fondements de la démocratie libérale moderne ne sont pas égalitaristes.  

 

« Si la démocratie prémoderne, républicaine, était fondée sur l'idée d'exercer le pouvoir en commun – le pouvoir du peuple pour le peuple- et était par conséquent centrée sur un principe d'égalité, la promesse de la démocratie moderne a toujours été la liberté. Cette démocratie moderne n'a jamais prôné l'égalité, sauf sur le mode le plus formel, celui de la représentation (le bulletin de vote) ou de l'égalité devant la loi ». (Wendy Brown).

 

La philosophie politique et des théoriciens du droit ont commencé à définir les fondements et les conditions de bon fonctionnement de la démocratie comme système politique entre le XVIIème s et le XXème s.

 

Il revient à Hobbes, philosophe anglais matérialiste du XVIIème s, d'avoir affirmé le premier que la loi civile n'émanait ni de Dieu ni d'une supériorité naturelle d'un homme sur un autre mais d'un accord originel et tacite, d'un pacte ou contrat social à partir desquels les hommes pour échapper aux conséquences dramatiques de leur liberté naturelle, la guerre de tous contre tous, ont décidé de sacrifier leur liberté illimitée à une sécurité et une liberté encadrée protégée par des lois et une force publique. Le champ du politique était donc défini comme l'exercice d'un pouvoir protégeant les individus ayant des opinions et des intérêts différents les uns des autres et leur permettant de vaquer à leurs affaires privés sans avoir à craindre leur voisin. Mais pour Hobbes, pour rendre possible cette quiétude publique et cette liberté individuelle définie négativement comme absence de contrainte, il fallait un pouvoir central s'exerçant de manière absolue, aux prérogatives illimitées.

Face à cette légitimation de l'absolutisme royal par Hobbes, Locke et Montesquieu vont au contraire mettre en avant la nécessité de préserver la liberté de chacun contre les empiètements du pouvoir central. Pour cela, il faut que les dirigeants soient élus afin qu'il soit plus facile de les contrôler et pour éviter qu'ils n'empiètent sur la liberté individuelle. Il faut qu'ils soient révocables et qu'ils respectent une constitution garantissant des libertés individuelles fondamentales (liberté de conscience, d'expression, de presse, de circulation, propriété, libre entreprise...). Il faut que le pouvoir soit divisé et que différents pouvoirs s'équilibrent et se contrôlent entre eux, s'empêchant réciproquement de dériver vers un exercice absolu et arbitraire: indépendance de la justice, Sénat non soumis aux aléas de la vox populi garant des lois fondamentales, contrôle des magistrats par une opinion publique pouvant s'exprimer librement et un Parlement représentant une diversité de partis politiques, fédéralisme et indépendance des collectivités locales empêchant le pouvoir central d'avoir trop d'emprise sur l'individu.

 

La question centrale de la démocratie libérale est de trouver les garanties institutionnelles pour préserver la liberté des individus, y compris la liberté des affaires, contre les menaces incarnées par le pouvoir, d'autres d'autres individus ou d'autres forces sociales. Cette démocratie libérale n'est aucunement faite pour permettre au peuple de transformer la société pour la rendre plus égalitaire: elle vise à limiter la souveraineté du peuple au nom d'une conception individualiste du fondement de l'Etat: il n'est là que pour nous protéger les uns des autres.

 

C'est cette pensée politique que l'on trouve à l'origine de la première démocratie du monde, celle des Etats-Unis fondée suite à la guerre d'indépendance contre l'Angleterre en Amérique.

La Révolution Française de 1789 a pour partie aussi été influencée par cette philosophie politique libérale (révolution modérée s'accordant d'une monarchie constitutionnelle et d'une démocratie représentative ayant pour but le respect des droits de l'homme et du citoyen de 1789-1791) et ... pour partie aussi influencée par le républicanisme nostalgique de l'antiquité gréco-romaine de Rousseau et son idéal de démocratie directe et de pleine souveraineté d'un peuple pensé comme naturellement droit et juste dans ses arrêts, à condition de n'avoir pas le jugement troublé par des ambitieux ou des factions aux intérêts particuliers variés. Pour Rousseau, l'homme n'a pas simplement intérêt à être citoyen pour préserver ses droits d'individu privé contre les empiètements de la masse, il se réalise en tant que citoyen utilisant sa raison et laissant de côté ses intérêts privés pour débattre de l'intérêt général avec ses pairs et énoncer la loi.

 

Depuis la mise en place douloureuse, surtout en France, de ces démocraties modernes, qui ont d'abord été censitaires, puis fondées sur le suffrage universel, l'idée semble s'être imposé que la volonté du peuple est le fondement légitime de tout pouvoir, que tous les hommes sont naturellement égaux et doivent être égaux en droits, devant la loi, que la liberté individuelle étant une valeur fondamentale, elle ne doit être contrariée par le pouvoir central de l'État que si elle entrave la liberté d'autrui ou s'adonne à des pratiques jugées inacceptables moralement. Ces trois valeurs consensuelles sont au fondement des institutions démocratiques.

   

Critique marxiste du formalisme de la démocratie représentative libérale, pensée comme démocratie inachevée. 

 

Dans L'Idéologie allemande, en 1845, Marx et Engels font de l'État « la forme par laquelle des individus d'une classe dominante font valoir leurs intérêts communs »... et l'État démocratique ne déroge pas à la règle. « L'Etat est le comité qui gère les affaires courantes de la bourgeoisie » diront Marx et Engels dans le Manifeste communiste en 1848.

Il est la forme à travers laquelle, sans forcément en avoir conscience car elle se dissimule sa politique d' intérêt de classe sous des mots d'ordre grandioses et des idéaux d'émancipation humaine, la bourgeoisie, classe sociale ascendante a pris le pouvoir social à la noblesse, tout en asujetissant le prolétariat à une exploitation sociale brutale mais dissimulée sous l'apparence de la liberté politique et individuelle et de l'égalité de droit

 

Même si Marx, en tant que journaliste aux Nouvelle Gazette Rhénane, défendait la démocratie politique, il critique dès 1844 le culte des droits de l'homme et du suffrage universel dans A propos de la question juive en montrant que ces fondements de la démocratie libérale, dans la mesure où ils affirment la liberté et l'égalité abstraites de l'homme, sans considérer les relations de production et de travail, la production concrète de l'existence et les rapports de classe, ont pour fonction de dissimuler aux hommes concrets la vraie nature de leurs rapports sociaux en leur faisant croire qu'ils sont égaux et souverains.

Politiquement émancipé (par l'instauration du suffrage universel), l'homme n'en participe pas moins à une souveraineté imaginaire; être souverain jouissant des droits de l'homme, il mène une double existence, celle idéale et fictive de citoyen aux droits égaux à ceux des autres et membre de plein droit d'une communauté politique souveraine, et celle, réelle ou concrète, d'individu instrumentalisé ou instrumentalisant son prochain sous le règne brutal de la souveraineté de l'argent et de la propriété privée.

 

Pour résumer, la démocratie politique est un leurre pour Marx sans démocratie sociale, sans suppression de la propriété privée des moyens de production et de la domination de classe: Car la souveraineté du peuple et le pouvoir de tous en tant que citoyens et membres de la communauté politique sont limités dans la démocratie libérale pour les droits de l'homme qui sont les droits de l'individu propriétaire et égoïste. Marx commente l'article 2 de la constitution française de 1793: « Ces droits naturels et imprescriptibles de l'homme sont: l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété ». La liberté est définie non pas en termes politiques (pouvoir de tous sur chacun pour dire le droit), non pas en termes sociaux (pouvoir de satisfaire ses besoins ou ses envies: liberté réelle ou concrète vs. Liberté formelle) mais comme droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ce principe affirme la séparation ultime des hommes qui ne doivent pas s'occuper de leurs voisins, empiéter sur leur pré carré, l'empêcher de vaquer à ses affaires. L'Etat ne se justifie que comme moyen de préserver à tous ces libertés individuelles qui ont pour condition d'exercice la propriété et la sûreté. « La sûreté est la plus haute notion sociale de la société civile, la notion de police d'après laquelle la société tout entière n'existe que pour garantir chacun de ses membres la conservation de sa personne, de ses droits, de ses propriétés... Par la notion de sûreté, la société civile ne s'élève pas au-dessus de son égoïsme. La sûreté, c'est plutôt l'assurance de son égoïsme » (La question juive, 1844).

 

Même avec le suffrage universel,  les classes dominantes qui ont tendance à dominer aussi la scène intellectuelle disposent de moyens idéologiques puissants (livres, médias, religion, philosophie...) pour diffuser les valeurs morales et politiques qui légitiment et perpétuent leur domination, aliénant ainsi les classes exploitées en lui dissimulant la nature réelle de leur situation sociale et de leurs intérêts. Critique qui n' a rien perdu de son actualité...

 

Toutefois, Marx et Engels considèrent aussi que le suffrage universel et la démocratie politique peuvent être des moyens de faire grandir l'exigence de la démocratie sociale, de l'égalité de droits effective, et ils soutiennent l'émergence de partis politiques communistes et leurs participations aux élections.

 

Par ailleurs, s'ils pensent que pour supprimer la propriété privée des moyens de production et l'exploitation capitaliste, on ne pourra faire l'économie d'une révolution, car même si le parti qui sert d'avant-garde au prolétariat arrive au pouvoir démocratiquement, il devra se protéger contre les forces de la réaction (armée, administration, propriétaires...), leur but n'était aucunement d'installer durablement un parti état au pouvoir centralisé et bureaucratique asujetissant tous les individus privés de capacité d'auto-détermination à des missions d'intérêt social, mais de supprimer l'Etat et de créer des sociétés sans police s'auto-gérant sur un mode démocratique.

 

Reste le problème fondamental et redoutable pour les communistes instruits par la triste expérience des destinées des révolutions russes, chinoises, vietnamiennes, cubaines, de la révolution nécessaire à l'avènement de cette société sans pouvoir d'Etat car sans exploitation de classe. Ne faut-il pas penser, avec le George Orwell de La Ferme des animaux que l'homme est ainsi fait qu'il abusera absolument d'un pouvoir absolu qu'il s'arrogerait au nom d'une émancipation rapide du peuple pour continuer à l'opprimer pour son intérêt et celui de sa clientèle par d'autres voies...?

Peut-on rééllement concevoir une révolution qui conserve une forme et un contenu démocratique ou, réciproquement, des institutions démocratiques ouvertes au multipartisme et à l'alternance qui soient animées d'une dynamique de révolution sociale prolongée?   

   

Ismaël Dupont.  

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12 mars 2011 6 12 /03 /mars /2011 13:29

Entretien paru dans les pages "Communistes" de l'Huma entre Gérard Streiff et Jean-Luc Gibelin, membre du Comité exécutif, responsable du secteur Santé/ Protection sociale.

 

Quel est l'enjeu de la dépendance?

JL Gibelin: La perte d'autonomie totale ou partielle renvoie à trois situations distinctes: le grand âge (1,3 million de personnes), handicap (700000 personnes) et invalidité (600000 français), même si une personne peut passer d'une situation à une autre. Elle est traitée principalement de trois manières: prise en charge médicale et médico-sociale, prestation/ indemnisation de compensation et politique d'ordre "sociétal". Il y a trois acteurs principaux: les organismes sociaux, les collectivités locales et leurs services publics, et les acteurs privés (assurentiels et médico-sociaux). Il y a deux modalités de financement: le financement socialisé qui recouvre Sécurité sociale, fiscalités, travail gratuit, le "reste à charge", c'est à dire le financement direct par les familles; et le financement dit contractualisé: mutuelles ou assurances privées individuelles ou collectives.

Les chiffres? 22 milliards d'euros en 2010 seront consacrés à la dépendance, soit 1,1% du PIB qui se répartit: pour la Sécurité sociale, 13,45 milliards, dont 11 milliards pour l'assurance maladie; 6,1 milliards pour les départements qui financent l'APA et certaines aides à domicile; 3 milliards pour les financements gérés par le CNSA, issus de la Contribution sociale autonomie et de la CSG.  

 

Les banques, le MEDEF, et le Président n'aimeraient-ils pas orienter ces sommes vers le privé, l'assurance?

JLG: Absolument. En 2009, 2 millions d'assurés versaient 403 euros de cotisations au titre d'un contrat pour lequel la dépendance est la garantie principale. Il y a eu 127,7 millions de rente versée. La différence, soit 275,4 millions, a alimenté les profits des sociétés d'assurance, un beau magot! Au-delà, la démarche assurantielle est typiquement individuelle alors que nous prônons la solidarité comme réponse.

 

Quelles sont les propositions communistes?

L'enjeu d'une vraie politique publique de la prise en charge de la perte d'autonomie, terme que je préfère à dépendance, est au coeur de nos réponses. Elle doit articuler prévention, dépistage et prise en charge solidaire. La prévention passe par le développement notamment des vertus protectrices de l'activité physique ou intellectuelle, de l'intégration sociale et du rôle social des personnes, d'une alimentation équilibrée. La prévention passe aussi par le remboursement à 100% par l'assurance maladie des dépenses de santé.

La politique publique passe par un développement important des services publics nationaux répondant à la perte d'autonomie et leur réelle et efficace coordination afin de répondre aux nouveaux besoins; nous pensons notamment à tous les aspects d'aides (repas, toilettes, mobilisations...etc) mais aussi aux équipements et aménagements des logements, aux transports, etc. Nous proposons au niveau départemental un pôle public de l'autonomie.

Cette coordination départementale doit permettre une simplification des démarches pour les personnes et les aidants et une meilleure efficacité du service rendu. Au-delà, cette véritable coordination des politiques publiques de l'autonomisation devra être un véritable contrôle démocratique: Etat, collectivités territoriales, organisations syndicales, associations des usagers.

Nous posons le principe le principe d'un financement solidaire dans la Sécurité sociale et d'un financement public. Nos propositions pour l'assurance maladie sont avec le développement de l'emploi, l'augmentation des salaires, une nouvelle politique économique et industrielle. Elles s'accompagnent du principe de modulation de la cotisation visant l'accroissement du taux en fonction des choix d'emplois et de salaires de l'entreprise. Nous portons aussi la cotisation sur les revenus financiers des entreprises, des banques, des assurances.  

Le financement du service public renvoie à une autre conception de l'Europe, de sa monnaie, de la Banque centrale européenne pour développer les services publics.

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