Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 juillet 2019 2 09 /07 /juillet /2019 08:23
Tina Modotti

Tina Modotti

COMMUNIST'ART: Tina Modotti (1896-1942): photographe et agent communiste cosmopolite au destin extraordinaire
Tina Modotti photographiée nue sur la plage - par Edward Weston

Tina Modotti photographiée nue sur la plage - par Edward Weston

Sombrero mexicain avec marteau et faucille - Tina Modotti (1927)

Sombrero mexicain avec marteau et faucille - Tina Modotti (1927)

Bandelier, corn, guitar (1927) - Tina Modotti

Bandelier, corn, guitar (1927) - Tina Modotti

Tina Modotti - Mujer con Bandera (1928)

Tina Modotti - Mujer con Bandera (1928)

Tina Modotti -  Calla Lily (1925)

Tina Modotti - Calla Lily (1925)

1926

1926

Frida Kahlo fumant, par Tina Modotti

Frida Kahlo fumant, par Tina Modotti

"Aujourd'hui reconnue comme une photographe capitale de l'art d'avant-guerre, Tina Modotti passa sa vie à la pointe des mouvements les plus avancés en art et en politique dans la première moitié du XXe siècle. Femme profondément moderne, fumant la pipe et parmi l'une des premières à porter des salopettes en jean, Modotti se moquait des conventions, dans ses relations personnelles ou professionnelles", ainsi s'ouvre la monographie consacrée à Tina Modotti, photographe, par Margaret Hooks (édition Könemann).

Tina Modotti, fut une femme libre, une sacrée beauté, une artiste et une militante au destin extraordinaire.

Elle est née à Udine, dans le Nord de l'Italie, en 1896.

Margaret Hooks rapporte que  "son père, Giuseppe Modotti, la promenait sur ses épaules le 1er mai, pour aller entendre les chants et discours politiques de ses camarades ouvriers. Quelques années plus tard, cherchant à améliorer ses conditions de vie et celles de sa famille, il émigra en Amérique. Son départ plongea la famille dans une pauvreté que Tina ne devait jamais oublier. A 14 ans à peine, elle devint la seule pourvoyeuse de revenus de la famille, travaillant de longues et pénibles heures dans une usine de soie locale. 

Quelques temps après, comme sa situation s'améliorait, Giuseppe fit venir sa femme et ses enfants à San Francisco".

Tina débarque à San Francisco en 1913. Elle trouve rapidement un emploi comme couturière dans le prestigieux magasin I. Magnin. Mais ses employeurs remarquent vite sa beauté romanesque et elle est bientôt employée comme mannequin présentant les dernières collections du magasin.

Elle se fait remarquer par le peintre Roubaix de Abrie Richey qui décide de l'épouser. Un an plus tard, elle abandonne sa carrière de mannequin pour jouer dans le théâtre italien local, participant à des opérettes de qualité médiocre. Malgré tout, son talent d'actrice la fait remarquer par un chasseur de talents de l'industrie hollywoodienne du film muet en pleine évolution. 

Tina Modotti arrive ainsi à Los Angeles fin 1918 et obtint les rôles principaux de deux longs métrages mélodramatiques: "The Tiger's Coat" et "I Can Explain". 

 A Los Angeles, Modotti fréquente le milieu des artistes, des anarchistes, des jeunes hommes qui ont échappé à leurs obligations militaires pendant la première guerre mondiale, tous fascinés par l'art moderne et l'amour libre, le mysticisme oriental et la révolution mexicaine.

C'est grâce à ce nouveau groupe d'amis que Modotti rencontre le célèbre photographe américain Edward Weston, alors marié et père de quatre garçons. La liaison entretenue par Modotti et Weston conduit Robo, le mari de Modotti, à se retirer temporairement au Mexique où il mourut subitement et tragiquement de la variole, deux jours après que Modotti l'ait rejoint. Elle resta à Mexico pour superviser une exposition des travaux de Robo, de Weston, et d'autres photographes américains, mais son séjour fut brutalement interrompu par la nouvelle de la maladie, puis de la mort de son père.   

"Cette double perte, commente Margaret Hooks, et la relation qui s'intensifiait entre elle et Waston suscitèrent une nouvelle prise de conscience chez Modotti. Elle ne pouvait plus se satisfaire des rôles stéréotypés que lui offrait Hollywood, ni de son rôle de modèle devant les objectifs de Weston". Elle commença à travailler à la photographie avec Weston et son ami Hagemayer. Son oncle Pietro Modotti était déjà photographe à Udine.

En juillet 1923, Modotti retourna au Mexique, cette fois avec Weston, son fils Chandler et un accord aux termes duquel Weston lui apprendrait la photographie en échange de son aide au studio. Le Mexique post-révolutionnaire était en pleine effervescence sociale et culturelle et leurs maisons de Mexico devinrent des lieux de réunions célèbres où se retrouvaient écrivains, artistes radicaux tels que Diego Rivero, Anita Brenner ou Jean Charlot. Le samedi soir, des fêtes tumultueuses étaient l'occasion de se travestir, de fomenter des révolutions et d'échanger des idées sur l'art.

Instruite par Weston, Tina Modotti explora les possibilités d'un art photographique avant-gardiste et volontiers formaliste. 

Mais plus son séjour à Mexico se prolongeait, plus elle éprouvait la nécessité de s'engager socialement dans son art, pour représenter le peuple en prise avec la réforme agraire et les injustices sociales.

Au coeur de la révolution culturelle mexicaine se trouvaient les fresquistes monumentaux toujours en concurrence pour trouver un espace mural apte à recevoir leurs somptueuses et immenses peintures. Son amitié avec ces peintres, en particulier avec Diego Rivera pour qui elle posa à de nombreuses reprises, fit de Modotti la photographe la plus recherchée pour ce type de travaux. Elle fut influencée par les idées communistes de ces peintres muralistes.

La rupture avec Weston eut lieu en novembre 1926. Après le départ de Weston, Modotti entra dans sa période la plus productive en tant que photographe. La demeure de Modotti était devenue un foyer d'activité pour les exilés d'Amérique Latine dont elle soutenait activement les luttes de libérations nationales. C'était aussi un lieu de rendez-vous pour des artistes mexicains comme Rufino Tamayo, le photographe Manuel Alvarez Bravo et la jeune Frida Kahlo. En 1928, elle partagea pendant plusieurs mois la vie d'un jeune révolutionnaire cubain en exil, Julio Antonio Mella, qui fut abattu devant elle par des opposants politiques dans une sombre rue de Mexico.

En dépit du caractère clairement politique de cet assassinat, le gouvernement mexicain se servit du procès contre les communistes, essayant de démontrer leur supposée immoralité en impliquant Modotti dans un "crime passionnel". "L'enquête qui s'ensuivit, raconte Margaret Hooks, prit la tournure d'une véritable inquisition sur la vie sexuelle de Tina Modotti. Sa maison fut retournée par la police et les études de nus que Weston avait fait d'elle saisies comme preuve de son immoralité, ce qui causa un tort irréparable à sa réputation et à sa carrière".

Modotti finit par être acquittée, mais l'assassinat de Mella et l'épreuve du procès provoquèrent chez elle une violente réaction qui trouva à s'exprimer dans l'engagement social. Elle s'engagea à fond dans le photojournalisme dans le journal communiste mexicain  de Mella, El Machete?   

Au début 1930, un attentat dirigé contre le président du Mexique et une vague de répression consécutive sur les membres du PCM eurent pour conséquence l'arrestation de Modotti. Elle retrouva Vittorio Vidali, agent soviétique, italien comme elle, qu'elle avait rencontré à Mexico en 1927 et tous deux gagnèrent l'Europe. Vidali tenta de convaincre Modotti de la suivre à Moscou mais elle souhaitait s'installer à Berlin. Là, elle fut en contact avec le Bauhaus. Déçue par l'Allemagne, elle rejoignit Vidali à Moscou six mois plus tard. Et de là, décida de se consacrer entièrement à la lutte pour le communisme et contre le fascisme en travaillant pour le Secours Rouge International. Utilisant plusieurs identités différentes, elle pénétra dans des pays sous régimes fascistes pour y assister les familles des prisonniers politiques. En 1936, Modotti et Vidali étaient en Espagne dès le début de la guerre civile, participant à la défense de Madrid sous les noms de "Commandante Carlos" et de "Maria". Tina Modotti joua alors un rôle important dans l'organisation de l'aide internationale à la cause républicaine.

Après la défaite des républicains en 1939, elle rentra à contrecoeur au Mexique sous une identité d'emprunt - Dr. Carmen Sanchez - elle évita les amis des amis des années 20, préférant la compagnie des réfugiés politiques en provenance de pays sous contrôle fasciste.

Vers la fin de 1941, elle reprit peu à peu contact avec certains de ses anciens amis, comme le fresquiste Clemente Orozco. Le 6 janvier 1942, rentrant d'un dîner chez un ami, l'architecte du Bauhaus Hannes Meyer, elle mourut de ce qu'on présuma être une crise cardiaque sur le siège arrière d'un taxi de Mexico.        

  

Dans "Le livre de Nella", publié en 2019 chez Skol Vreizh, l'histoire de sa mère et de sa famille italienne communiste, Bérénice Manac'h raconte la rencontre de son oncle maternel Angelo avec Tina Modotti en 1936 à Moscou:
 
"Angelo, qui a un peu plus de 16 ans, travaille d'abord pendant quelques mois au service de presse et de propagande du MOPR où il fait la connaissance de la grande artiste frioulane Tina Modotti. Celle-ci a définitivement abandonné la photographie pour se consacrer à son activité de révolutionnaire. Ils dînent ou déjeunent plusieurs fois ensemble au restaurant de l'hôtel Lux ou ailleurs, parfois en compagnie de son compagnon, le révolutionnaire Vittorio Vidali, le futur commandant Carlos Contreras de la guerre d'Espagne. Angelo traduit en français et dactylographie avec deux doigts des textes pour eux. Il est chargé des statistiques sur les brutalités policières envers les ouvriers dans les pays capitalistes. Il parlera de Tina comme d'une femme "un peu spéciale", fascinante, donnant envie de parler de choses sérieuses, que tout le monde aimait bien. Dans notre famille, on racontait qu'Angelo avait dû être un peu amoureux d'elle, qui était de 20 ans son aînée.... Tina est souvent absente de Moscou pour de mystérieuses missions à l'étranger. Un jour, comme Angelo lui rend visite dans la chambre qu'elle partage avec Vidali à l'hôtel Soyouznaïa de la rue Tverskaïa, elle lui fait admirer le magnifique appareil Leica qu'elle vient d'acheter à Berlin. Le garçon s'émerveille devant le premier 24 x 36 qu'il ait jamais vu, avec posemètre intégré. Tina lui tend l'appareil et lui demande de la photographier avec son compagnon. Quelques jours plus tard, elle lui confie le Leica pour une durée indéterminée. Angelo le gardera pendant plus de trois ans. C'est à lui que l'on doit les très rares clichés que l'on connaisse de Tina Modotti à l'époque de son séjour à Moscou, qui sont sans doute les dernières photos d'elle qui existent. Tina ne lui redemandera l'appareil qu'en 1936 lorsqu'elle quittera l'URSS pour s'engager dans les Brigades Internationales avec Vidali, devenant alors la "camarade Maria". Mais, comme le dira poétiquement Pablo Neruda dans ses mémoires, "elle avait jeté son appareil photographique dans la Moskova et s'était juré à elle-même de consacrer sa vie aux tâches les plus humbles du parti communiste". (Le livre de Nella, Bérénice Manac'h, Skol Vreizh, 2019, 22€, , p.47-48)

  Lire aussi dans la rubrique "Communist'Art" du Chiffon Rouge:

Communist'Art: Charlotte Delbo

COMMUNIST'ART: Mahmoud Darwich, le poète national palestinien, voix universelle de l'amour et de la nostalgie (1941-2008)

COMMUNIST'ART: Paul Eluard - par Hector Calchas

COMMUNIST'ART: Frida Kahlo - par Hector Calchas

COMMUNIST'ART: Louis Aragon par Hector Calchas

COMMUNIST’ART - Erik Satie

COMMUNIST'Art: Fernand Léger

COMMUNIST'ART - Jacques Prévert, par Hector Calchas

COMMUNIST'ART: Elio Petri, le cinéaste renégat - par Andréa Lauro

COMMUNIST'ART: Mario Monicelli, cinéaste italien, auteur de Les camarades (1963)

Communist'Art: Soy Cuba - Un film de Michail Kalatozov, une émotion visuelle incroyable qui laisse enchantés et déconcertés - la chronique cinéma d'Andréa Lauro

 

Tina Modotti dans le film muet "The Tiger's Coat" (1920)

Tina Modotti dans le film muet "The Tiger's Coat" (1920)

Tina Modotti et Edward Winston

Tina Modotti et Edward Winston

Tina Modotti portrait d'Edward Weston (1924)

Tina Modotti portrait d'Edward Weston (1924)

Modotti par Edward Weston

Modotti par Edward Weston

Tina Modotti Edward Weston (1924)

Tina Modotti Edward Weston (1924)

Tina Modotti et Frida Kahlo

Tina Modotti et Frida Kahlo

Enfant mexicain, Tina Modotti

Enfant mexicain, Tina Modotti

Tina Modotti, femme de Tehantepec (1929)

Tina Modotti, femme de Tehantepec (1929)

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011