Contribution de Pierre Laurent à cette étape de la préparation de notre Congrès,
à partir de son intervention au Conseil national des 9 et 10 février 2018
Nous entrons dans une phase d’accélération de la préparation de la base commune de discussion. Nous adopterons le projet de base commune dans maintenant trois mois et demi au Conseil national de début juin. Je souhaite donner mon avis à cette étape sur plusieurs points qui me paraissent importants.
1. Sur la méthode de notre discussion
Je ne pense pas que nous élaborerons une base commune de qualité à partir d’un rapport de forces entre des conclusions déjà pré-établies par les uns ou par les autres. Nous avons besoin d’un travail approfondi dans un processus général qui passe par le travail des chantiers, par la production d'idées et de solutions nouvelles, par le débat des communistes et aussi par l'expression de l’opinion des dirigeantes et dirigeants de différentes générations.
Chacun doit pouvoir prendre sa place à égalité dans ce débat, quelles qu'aient été son histoire dans le Parti communiste et ses prises de position dans la dernière période. Pour moi, il s'agit d'un principe fondamental d'égalité entre tous les communistes, qui s'applique aux dirigeants du Parti comme à tous les communistes.
Il faut que chacun entre dans le débat, en publiant des textes, des contributions, en s'engageant.
Les publications ou contributions de tel ou tel chantier, au même titre que les contributions collectives ou individuelles, comme les comptes-rendus de réunions sont donc absolument nécessaires. Ils sont autant de points d'étapes dans notre réflexion. Tout est utile si rien n’est figé ou cristallisé. Notre réflexion doit rester en mouvement pour progresser ensemble jusqu’à nos choix définitifs.
2. Sur la redéfinition de notre démarche stratégique
Je pense que nous avons besoin d’une redéfinition d’ensemble de notre démarche stratégique. Elle passe par une remise à plat des enjeux nouveaux de la situation politique. Elle passe par une réévaluation d'ensemble de nos choix et de leurs mises en pratique, donc par un bilan critique. Elle doit permettre à partir de là d’élaborer des solutions stratégiques nouvelles.
Sincèrement, je crois que personne parmi nous ne pense qu'il faut continuer comme avant. Et nous pourrions nous donner crédit de cela entre nous.
A l'inverse, ne considérons pas la « table rase » - on tire un trait sur tout ce qui a été fait - comme une solution qui ferait disparaître les problèmes comme par magie.
Je ne réduis pas en ce qui me concerne le débat stratégique absolument nécessaire que nous devons avoir à la seule évaluation de notre bilan, réduite trop souvent à celui de nos expériences d'alliances, notamment électorales.
Et je ne partage pas l'avis selon lequel, finalement, la seule question qui nous serait posée serait celle de l'effacement du Parti, même si, comme chacun ici, je considère la reprise de l’initiative politique de notre Parti comme essentielle.
Nous avons tous l’ambition de faire entrer le Parti communiste dans un nouveau siècle de son histoire. Notre parti a cent ans. Il y a eu dans notre histoire des bouleversements et des permanences, au premier rang desquelles ce que nous cherchons depuis Marx, dépasser le système capitaliste.
Aujourd'hui, tout nous invite à réévaluer cette question : dans le monde tel qu'il est aujourd'hui, dans la situation politique telle qu'elle est, qu'est-ce qu'une stratégie de transformation de la société ? De dépassement de la société capitaliste, dans la France d'aujourd'hui, au coeur de l'Union européenne et du capitalisme mondialisé ?
Pour moi, retrouver le fil d’une démarche stratégique de longue portée, c'est d'abord cela.
Dans la contribution publiée par le groupe de travail « stratégie », nous affirmons une première idée : le dépassement du système capitaliste est à l'ordre du jour, il connaît une vraie actualité historique.
La solution de facilité est de tomber d’accord sur cette affirmation entre nous sans en débattre, sans en apprécier les réelles conséquences. Pourquoi pensons-nous ainsi? A partir de quel levier jugeons-nous imaginable de transformer cette affirmation en une réalité politique alors que tous les rapports de forces politiques, à l'échelle de la France, de l'Europe et du monde, semblent nous dire le contraire ? Alors, sur quoi espérons-nous nous appuyer dans les consciences et dans les réalités concrètes pour modifier les rapports de force politiques et idéologiques? Sur quels types de contradictions du système faisons-nous reposer une telle affirmation ? Y réfléchir conduit à mes yeux à d’importantes conclusions en matière stratégique et de pratiques politiques.
Il en va d'une deuxième affirmation : la possibilité de ces temps nouveaux n’adviendra, ou n’adviendra pas, car il n’y aucun automatisme logique en la matière, que dans les luttes de classes concrètes avec leurs contradictions, dans les pratiques et les expérimentations sociales qui cherchent à anticiper une nouvelle manière de développer la société.
Notre stratégie n’est donc pas un programme, même s’il en faut évidemment un et que nous avons beaucoup de très bonnes propositions. C’est une stratégie de mise en mouvement permanente de toutes celles et ceux qui ont intérêt au changement, d’appropriation par le plus grand nombre des objectifs de transformation. Notre stratégie s'ancre dans ces luttes, dans ces pratiques, en les nourrissant d’une visée de transformation au fond.
Notre combat est celui qui permet, en toutes circonstances, au mouvement réel de la société de pousser le plus loin possible ses potentialités transformatrices. Pour moi, cela est un parti-pris stratégique.
L'idée de processus est dès lors essentielle. Dans notre vision du communisme, je pense que l'idée de processus de lutte de classes, pour le dépassement continu du système capitaliste, est plus forte que l'idée de contre-système. Certes, notre pensons contre le système, pour anticiper une autre logique, mais notre communisme n’est pas un prêt-à-porter . « L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes ».
Ces débats, et leurs conséquences pratiques, méritent, je pense, d'être discutés entre communistes.
Evidemment, le travail d'identification des batailles potentiellement transformatrices est donc à nouveau à entreprendre, compte tenu des conditions renouvelées de l’exploitation dans la mondialisation, et des aspirations nouvelles montantes.
Prenons trois exemples. Il y en a d’autres évidemment.
L'écologie : posons-nous la question de savoir pourquoi cet enjeu majeur a grandi dans la société pour l’essentiel à côté du Parti communiste. Nous avons beaucoup à faire pour réconcilier les enjeux écologiques et les luttes anti-capitalistes au XXIème siècle. De nombreux communistes et élus communistes agissent et innovent dans ce domaine mais notre Parti s'en sert peu. Les assises que nous tiendrons les 3 et 4 mai doivent nous faire entrer dans une nouvelle époque en la matière.
Le service public : l’affrontement sur cette question est vraiment l’affrontement entre deux logiques de société.
La lutte des Ehpad pose par exemple une question majeure à la société : celle de la prise en charge des personnes en situation de perte d'autonomie. Les Français, les personnels, la majorité de notre société répondent par une demande d’égalité, de dignité, de service public.
Ce n'est pas dans tous les pays du monde que, quand surgit un besoin social, la société répond égalité et service public !Est-on capable d'investir vraiment la lutte des Ehpad dans la durée, pas seulement d'aller dans les manifs mais de l'investir à grande échelle pour poser, avec le mouvement, la question d'un nouveau service public et de son financement à l’échelle d'une nouvelle branche de la Sécurité sociale. Sommes-nous capables, à partir d'une lutte concrète comme celle là, de porter les ambitions de société à ce niveau là, celle d’une société d’humanité que nous nommons communisme.
Dernier exemple, l’antiracisme : saisissons-nous aujourd’hui la portée renouvelée du combat antiraciste ? La société française change dans son rapport au monde, dans la manière dont elle se conçoit comme lieu de métissage dans le monde. Les questions identitaires et culturelles provoquent de violentes remontées liées à notre histoire coloniale. Et pourtant s’invente en même temps une nouvelle France, un nouveau rapport de la France au monde. Et tout cela dans un monde en crise qui divise et oppose ? Sommes-nous au niveau ?
Souvent dans le Parti, la critique est venue sur notre difficulté à mener des campagnes, à leur donner du sens, sans que l’on sache pourquoi on les décidait, puis on les abandonnait…
Cette critique est par exemple venue sur la campagne contre le coût du capital.
C’est une critique justifiée dans laquelle je prends ma part. Le moment est venu de mieux travailler à identifier les combats stratégiques qui identifient notre vision, au-delà de toutes les échéances électorales et politiques.
Cela conduit nécessairement à réévaluer le rôle de l'initiative communiste, de la nature de cette initiative.
Dans une société qui est en train de se bouleverser, elle ne peut être uniquement la mise en œuvre de consignes nationales. Elle doit s’ancrer dans les luttes concrètes réelles
Le travail national du Parti doit aider en toutes circonstances à la prise d'initiatives communistes ancrées sur le terrain, qui portent l'ambition de combats communs de transformation.
Et le terrain, c’est nécessairement aujourd’hui à toutes les échelles du local au mondial.
Nous devons réévaluer dans ce cadre l’importance des élus, qui sont plongés au coeur de ces enjeux concrets de luttes. Ce qui est intéressant ce sont les expériences politiques qu'ils mettent en œuvre, car elles prennent en pleine face la vérité des rapports de force, dans les institutions et aussi dans la société.
La réflexion sur leurs expérimentations politiques ou sur les capacités à faire « bouger les lignes » du réel est une matière de réflexion passionnante pour tout le Parti communiste.
Nous ne voulons pas un discours purement velléitaire, nous voulons une stratégie de transformation concrète qui ne renvoie pas l'idéal à plus tard.
Au fond, ce que nous devons travailler, c’est la dialectique entre le mouvement réel de la société et l’initiative communiste. Et non l’une et l’autre de ces questions de manière indépendante.
Notre identification dans la société à des grands mouvements transformateurs doit être plus forte que nos alliances . Et dans les alliances, nous devons pousser toujours le plus loin possible la démarche d’intervention populaire.
Je souhaite que notre débat stratégique ne passe pas « à l'as » ces questions essentielles en s'en tenant tout de suite aux seules questions d'alliances.
3. Sur nos réflexions à propos du bilan et des futures constructions politiques
D’abord une remarque : avons-nous conscience de la manière dont le calendrier électoral et donc le débat politique ont été bouleversés en 40 ans ? La vie politique est désormais rythmée à tout moment, dans toutes les échéances, par le quinquennat, donc par le couple présidentielle/législatives, et en vérité par la seule présidentielle. La disparition d’échéances législatives découplées de la présidentielle, qui permettaient l'affirmation des positions communistes, même quand nous avions deux ans avant ou deux ans plus tard un candidat commun, soulève des problèmes que nous n'avons pas résolus. Notre rapport à ce nouveau rythme politique doit être repensé au Congrès.
La présidentialisation exacerbée du régime pose de nouvelle manière la question démocratique. Elle est pour moi plus que jamais centrale et n’est pas assez discutée entre nous, autrement que pour dénoncer l’autoritarisme du pouvoir.
Notre identité doit être démocratique. La question démocratique est fondamentalement la question de la mise en mouvement populaire.
Si nous discutons nos expériences passées, je pense que nous devrions reparler de 2005, car en 2005 nous avons fait autrement que dans d'autres échéances électorales.
Au cœur du succès de 2005, il y a l’immense débat citoyen levé dans le pays. Les Français étaient -ils aptes ou non à se mêler de ce débat ? Nous y avons cru et cela a fait toute la différence.
Les dirigeants du pays disaient « avec un texte pareil, c’est impossible ». Avec Patrick Le Hyaric, lorsque nous avons publié l'intégralité du texte dans l'Humanité, tout le monde nous riait au nez : un texte illisible par le commun des mortels !
Ensuite, nous avons publié des « traductions » successives pour éclairer les enjeux. Et la publication de ce texte illisible a été un succès de librairie inédit.
Le levier démocratique, élément majeur et fondamental de la victoire de 2005, est sans cesse sous-estimé dans nos pratiques politiques à mon avis.
Je pourrais développer cette idée, mais elle change aussi, si on y réfléchit bien, la place et le rôle du Parti, comme animateur des luttes et de ce débat démocratique, tout autant que comme force de propositions et d'analyse de la situation.
Je crois que les réflexions sur le bilan des années passées doivent être croisées à ces débats stratégiques car, selon la conception que nous avons de notre démarche stratégique, nous ne porterons pas le même regard sur le bilan.
Quand nous disons : « que visions-nous ? », il faut procéder à l'évaluation de nos expériences à partir des objectifs que nous pensions atteindre. C'est à dire que visions-nous à ce moment là ? Qu'a-t-on obtenu ou pas ?
Dans la période 2009-2012, dans la foulée du congrès de 2008, où nous nous posons la question non pas du seul Front de Gauche, mais des fronts de luttes, nous continuons en fait de chercher la réponse politique au vote de 2005: depuis la victoire du « non », comment transformer le potentiel de majorité qui s’est alors exprimé ?
Nous inventons une réponse nouvelle à une situation que le PS n’est plus en mesure d’assumer durablement, puisque la majorité du PS, bien que la majorité des électeurs socialistes a voté « non », continue de soutenir des politiques libérales, il nous faut alors construire autrement.
Ce que l'on va initier dès lors aura des effets jusqu'en 2017.
Nous ne devons pas lire le score de Mélenchon en 2017 uniquement comme sa victoire, sans comprendre que le score de 2012, puis celui de 2017, sont une continuation de ce que l'on initie à ce moment là.
Le problème que nous avons rencontré, c'est qu'au cœur de ce processus, deux lignes se sont affirmées: la nôtre, qui visait à remplacer cette gauche dominée par le social-libéralisme par une gauche nouvelle toujours à vocation majoritaire et sur une position de classe, et une autre logique visant à remplacer tout court la gauche par un autre type de courant politique qui empruntait en partie au populisme. Cette seconde vision a totalement épousé la présidentialisation que nous combattions , perdant de vue l’ambition majoritaire au profit de l’objectif de qualification au second tour. L’envie de se débarrasser du PS était telle dans le pays que cette seconde vision l’a emporté sur le besoin de construire, laissant aujourd’hui la gauche en piteux état.
Les problèmes rencontrés restent donc devant nous :
1) comment affronter la présidentialisation de la vie politique ?
2) comment reconstruire un projet de gauche à vocation majoritaire ?
3) comment disputer le terrain à ces nouveaux courants populistes qui ne sont d’ailleurs pas propres à la France mais présents dans toute l’Europe ?
Ce n'est donc pas seulement l'affirmation de notre présence qui est en cause (même si cela fait partie du problème, notamment dans l'élection présidentielle), mais c'est aussi la nature et la qualité de cette présence.
Je pense que nous devons repenser nos constructions politiques en intégrant ces enjeux nouveaux, en articulant mieux le temps long de nos perspectives de dépassement du capitalisme, toutes les luttes immédiates qui mettent en jeu ces logiques, et le temps court du quinquennat et des échéances qui le scandent. C'est maintenant un horizon dans lequel tout se structure avec les problèmes nouveaux que cela soulève.
Pour affronter les constructions politiques nouvelles, nous devons aussi discuter des forces politiques avec lesquelles nous ambitionnons de travailler.
Pas nécessairement parce que des alliances immédiates seront possibles avec toutes, mais pour identifier ces forces afin de savoir si, oui ou non, nous envisageons des coopérations possibles avec elles.
Aujourd’hui, je crois que parmi ces forces, il y a FI, même si nous n’en partageons pas la démarche, d’autres anciens alliés du Front de gauche, comme Ensemble, aujourd’hui divisé, ou République et socialisme, mais aussi Génération-S , le MRC, des forces d'extrême gauche, des forces écologistes, et des forces issues de l'écroulement du PS, car rien ne permet aujourd’hui de dire clairement où se situera le PS à l’issue de son congrès.
Pas plus aujourd’hui qu’en 2008, je ne crois à l’idée d’une force unique de la gauche, ou d’un mouvement unique, en l’occurrence France insoumise. Nous devons promouvoir une coopération politique dans le pluralisme de ces forces.
Aujourd'hui, ce n'est pas forcément une idée gagnée parmi tous ceux qui veulent une perspective de transformation sociale.
Quand le PS dominait, tous ceux qui voulaient une perspective de transformation sociale pouvaient s'entendre sur des formes d'union qui leur permettaient d'incarner cette transformation sans être le PS.
Mais, aujourd'hui, avec un PS qui s'écroule, certains peuvent penser qu'il ne faut qu'une seule force pour construire cette perspective de changement. La logique présidentialisée peut pousser à cela.
Nous devons ne pas craindre discuter cette idée avec les gens qui nous entourent, les syndicalistes que nous côtoyons, tous les acteurs et actrices du mouvement social.
Mon avis personnel est qu'il ne faut pas aller vers une force unique parce que le mouvement populaire a besoin de la singularité d'un Parti communiste ; parce que les forces de transformation sont plurielles, et cette culture politique plurielle devient un atout s'il y a de la coopération et de la démocratie.
J'ajoute aussi que je ne suis pas favorable à la confusion entre les partis et le mouvement syndical ou social. Je suis pour défendre des coopérations adaptées respectueuses du rôle de chacun, utiles aux travailleurs de notre pays.
Le débat doit se poursuivre dans le Parti sur ces enjeux pour énoncer des principes clairs lors du Congrès.
4. Sur les échéances électorales à venir
Sur les municipales, je pense qu'il faut aller vers une démarche extrêmement ouverte, centrée sur la construction populaire, et pensant les alliances nécessaires au service de ces constructions citoyennes.
Pourquoi ? Parce que l’enjeu même de l’existence des communes, de leurs pouvoirs, d’une démocratie décentralisée, des services publics locaux est sur la table. Ensuite, parce qu’il va y avoir une reconstruction politique majeure et d'ensemble, avec énormément de gens, plusieurs dizaines de milliers d’élus et des millions de citoyens sans repères politiques traditionnels.
Nous ne pouvons donc pas traiter majoritairement ce problème, notamment dans des dizaines de milliers de communes en France, par la seule question des alliances.
Nous devons d'abord la traiter à partir de la question des pratiques, par le rassemblement populaire. Cela passe, par exemple, dans toute une série de communes par identifier sans tarder le ou les communistes ou les personnalités qui peuvent animer le plus large rassemblement, ceux et celles qui dans leur village, leur commune, seraient le plus à même d’unir les énergies disponibles.
Il faut donc une démarche résolument ouverte qui n'enferme pas les constructions politiques dans des schémas d'alliances préétablies, quels qu'ils soient.
Sur les élections européennes, nous allons devoir déjouer l’étau binaire dans lequel Macron veut enfermer le débat, visant à opposer sa grande coalition pro-libérale, qu’il présentera comme la seule pro-européenne, à toutes les autres listes repeintes en adversaires de l’Europe.
Ils vont donc essayer de refaire le coup de 2005, que nous avions déjoué.
Il faut que nous soyons capables d'être présents dans ce débat politique avec une autre option, car sans affronter l’enjeu de la transformation de l’Europe, comment affronter le changement dans notre propre pays.
Je pense que d'ici le CN de fin mars , nous devons travailler à l'affirmation d'une ligne de combat clair sur cette question européenne. Cela fait partie des enjeux de transformation que nous devons investir en étant clairement identifiables sur une série d'objectifs et en proposant la construction d'une liste, rassemblant toutes les forces désireuses avec nous d’affronter le défi du changement des rapports de force en Eruope et au Parlement européen.
5. Sur les transformations de notre parti
Le débat sur faut-il un Parti communiste ou pas est, pour moi, tranché.
Le Parti a envie de se poser la question, non pas de « est-ce qu'il faut un Parti communiste ou non », mais « comment relancer le Parti communiste ? Comment doit-il être ? Comment l'adapter, le changer ?
Ce n'est pas seulement une question de discours, c'est aussi une question de conception d'organisation. Je pense que nous avons des structures qui ne sont plus efficaces pour travailler, compte-tenu de nos objectifs, de nos moyens actuels, de la manière dont vit la société et de la vitesse à laquelle vont les choses.
Il nous faut une organisation territoriale qui soit une colonne vertébrale avec des structures de proximité toujours plus efficaces sur les chantiers de transformation.
Je pense aussi qu’il faut plus de mise en commun et un travail dans les luttes plus précis et plus efficace. Je discutais hier avec la commission Santé. Nous menons la bataille sur l'hôpital. Je crois que vouloir mener cette bataille en se disant qu'il y a une commission avec 30-35 communistes qui se réunissent et élaborent des propositions, nos 25 parlementaires qui ne demandent qu'à agir en complémentarité, et puis ensuite il y a les fédérations qui mettent en œuvre les luttes, cela ne suffit pas par rapport à nos objectifs stratégiques, et à notre ambition : gagner !
Je pense que nous devrions, et nous en sommes capables, faire de nos commissions, des têtes de réseaux de plusieurs milliers de personnes organisées dans le pays, de communistes mais aussi de tous ceux qui peuvent travailler sur ces questions là pour aller au bout de cette bataille.
C'est comme cela que je réponds aux camarades qui disent : « oui, mais il faut en choisir quelques unes de ces batailles, car il y en a trop ».
Sauf que la vie, elle, ne fonctionne absolument pas comme cela. Si on avait discuté entre nous il y a six mois, jamais nous n'aurions mis les Ehpad dans la liste.
Donc, nous avons à restructurer des réseaux de batailles efficaces qui forment des militants « professionnels de la question », des gens capables de décortiquer n'importe quel sujet, d'être au quotidien auprès de ceux qui se battent, des gens qui apportent des propositions, qui connaissent sur le bout des doigts cette bataille et qui sont capables de diffuser de la culture politique, des propositions, etc.
Je suis pour une évolution de cette nature qui combine mieux les deux dimensions de notre organisation : territoriale et thématique.
Et toutes nos structures ont besoin d’être résolument ouvertes à la société, à tous ceux qui veulent agir avec nous parce que le combat mené est aussi le leur.
Aujourd'hui, les réseaux numériques nous permettent de mieux les mettre en lien, d'en faire une force et nous ne nous en saisissons pas.
Cette force là, nous la mobilisons localement, mais nous n'en faisons jamais une force nationale. Ou alors, il faut attendre une échéance électorale nationale pour qu'elle se manifeste d'une manière ou d'une autre.
Nous avons réuni 400 personnes dans cette salle à l'occasion des Rencontres Niemeyer sur la question de la bataille de la Métropole, il y a 3 semaines. Il y avait dans la salle beaucoup de communistes et aussi un grand nombre de personnes qui sont des urbanistes, des acteurs de la ville, des gens qui sont très actifs dans le même domaine et travaillent en réseau avec les communistes dans leurs villes.
Mais quand on change d'échelle, ces gens-là n'ont plus de relation structurée avec le Parti communiste aujourd'hui, ou des relations très faibles.
Je pense qu'il nous faut donc changer d'échelle pour mettre en réseau des personnes différentes, construire et travailler ensemble les perspectives de luttes à partir de diagnostics partagés.
Dernier mot, je pense qu'il nous faut aussi franchir une étape dans notre conception de la diversité dans le Parti.
La question de la diversité dans le Parti a été un gros débat, à juste titre, pour que soient reconnues la diversité, les opinions, la liberté de parole, etc.
Aujourd'hui, c'est un acquis du Parti.
Il n'y a plus aucune entrave à cette liberté de parole, à cette diversité d'opinion.
Mais la conception de la diversité du Parti – celle qui a été la nôtre à une époque - qui visait à faire cohabiter en quelque sorte des sensibilités plus ou moins organisées est dépassée.
Je crois qu'il y a une demande dans le Parti de dépasser cela, non pas pour revenir en arrière sur la diversité, ce que personne n'acceptera, mais au contraire pour cultiver cette liberté de parole, cette liberté de débat politique à tous les niveaux du Parti, y compris et surtout dans sa dimension individuelle.
Ce qui est à rechercher en revanche, c’est un nouveau modèle de centralité, où sont repensées la mise en commun, le partage d’expériences, le travail de direction, l'unité, la solidarité dans notre travail d'organisation.
Ces questions sont devant nous et, sur la direction, je pense que le débat sur les noms viendra une fois que nous aurons franchi l'étape de la base commune.
Avant de parler de noms, comme certains nous y invitent déjà, discutons, débattons d'abord de la conception du rôle du Parti, de l'animation, du rôle des directions, de leur conception, de la manière dont elles sont composées. Il y a des critères à discuter à ce sujet, qui nous permettraient certainement d'avancer plus efficacement quand on en viendra au débat sur les noms.