Alors que l’Assemblée entame la lecture du projet de loi de Gérald Darmanin, la députée communiste Elsa Faucillon, cheffe de file GDR sur le sujet, entend mener la « bataille culturelle » durant les débats. Avec une attention particulière sur la régularisation des travailleurs sans papiers.
10/12/2023. L'Humanité
Le projet de loi sur l’immigration arrive en seconde lecture à l’Assemblée. Que pensez-vous du texte après son passage au Sénat ?
Le projet de loi initial était très clairement déséquilibré et allait compliquer les conditions de vie des étrangers présents sur notre territoire. Son passage au Sénat l’a considérablement durci, et les débats ont été marqués par des propos abjects et xénophobes. La droite dite républicaine a emboîté le pas à nombre de thèses et de propositions de l’extrême droite. Les sénateurs Renaissance les ont validés à travers leur vote.
Lors de l’examen en commission des Lois à l’Assemblée, nous avons essayé de nettoyer le texte voté au Sénat. Nous avons obtenu le retrait de la suppression de l’AME (aide médicale d’État – NDLR) et du conditionnement à cinq ans de présence sur le territoire pour le versement des APL et des allocations familiales. Mais il reste beaucoup de choses : je pense au durcissement du regroupement familial ou encore aux quotas, même transformés en objectifs chiffrés.
Avec notre groupe, mais aussi avec les députés de gauche, nous refusons que l’Assemblée nationale puisse être la caisse de résonance de propos xénophobes. La majorité relative a été pour le moins silencieuse face à ce déferlement. Même si elle a semblé adoucir ce qu’a fait le Sénat, en réalité, elle en valide les thèses.
C’est vrai de la « submersion migratoire », mais aussi de celle, infondée et dangereuse, de « l’appel d’air », voire de la théorie du « grand remplacement ». Des charognards tentent d’exploiter des faits divers, certes graves, pour tenter d’imposer la guerre civile. Nous devons tenir et exprimer frontalement notre opposition, mener la bataille politique et culturelle.
Quel est l’objectif de la majorité et de la droite ?
La majorité sénatoriale a tourné le dos à toute ambition d’inclusion républicaine pour les personnes venant d’ailleurs. Ce sont des pans entiers de l’échiquier politique qui décrochent et renoncent à ce qui a fait notre histoire, mais aussi l’État de droit. Chez les macronistes, le soutien à Gérald Darmanin est assez fort, même s’il se manifeste par une forme de silence. L’aile dite de gauche de la Macronie s’est rapidement rangée derrière le rapporteur et le ministre.
Sur les trente dernières années, les lois sur l’immigration vont toutes dans le même sens. Chaque président de la République a voulu se montrer plus ferme que les autres. C’est une stratégie électorale selon laquelle la course avec l’extrême droite serait profitable. Or, on sait qu’elle ne fonctionne pas, et qu’elle se retourne toujours contre celui qui l’adopte. Ces lois empilées viennent compliquer les droits des étrangers, alourdir leur parcours administratif. Elles fabriquent des sans-papiers qui restent sur le territoire et dans la pauvreté.
La gauche semble pourtant inaudible. Au-delà des questions humaines sur la question de l’accueil, comment allez-vous mener cette bataille ?
Sur la question de l’immigration, on a peut-être trop déserté cette bataille culturelle. Pour de bonnes et de mauvaises raisons. Ce n’est pas la préoccupation principale des Français, qui se soucient davantage du niveau des salaires, du logement, etc. Mais si on ne mène pas cette bataille, l’offensive réactionnaire gagne du terrain.
Nos voix doivent permettre de faire entendre un autre récit sur l’immigration, la ramener à une proportion rationnelle. Il faut dire la réalité, qui sont ces personnes qui arrivent dans notre pays, qui aspirent à s’intégrer, à scolariser leurs enfants. Quand on leur accorde l’hospitalité, les choses se passent bien.
Le droit au travail le plus tôt possible, y compris pour les demandeurs d’asile, c’est le plus sûr moyen d’une insertion rapide. La régularisation des sans-papiers, c’est une garantie pour toutes et tous. Nous souhaitons au moins obtenir celle des travailleurs.
C’est une mesure de justice pour tous ceux qui exercent des métiers utiles à la société, et dont les patrons se servent pour imposer des conditions de travail qui sortent de tout cadre légal. De ce fait, ces régularisations sont aussi une mesure de protection de l’ensemble des travailleurs de ce pays.
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