C'est en pleine conscience de la situation catastrophique de nos betteraviers que les députés communistes se sont opposés à la réintroduction des noénicotinoïdes. Ils l'ont fait en portant des propositions pour sortir de cette impasse et éviter une nouvelle campagne de dénigrement de nos agriculteurs.
Ce retour en arrière n'est pas une réponse acceptable. Il occulte la dangerosité de cette catégorie de pesticides au caractère cancérogène probable, qui contribue également à l'effondrement des populations d'insectes et notamment des abeilles. Il ouvre la porte à d'autres régressions, à d'autres dérogations dans d'autres secteurs, masque les difficultés et la misère de la recherche publique et montre que l'Etat n'a aucun scrupule à sacrifier la sécurité des populations et du cadre de vie.
Suite à de très nombreuses mobilisations, l'interdiction des néonicotinoïdes avait été actée lors du vote de la loi biodiversité en 2016, défendue à l'époque par la secrétaire d'État Barbara Pompili, aujourd'hui Ministre de l'Ecologie, opportunément absente du débat au Palais-Bourbon.
En fait, ce gouvernement mène une politique d'effets d'annonce dans le but de verdir sa politique pour réaliser ensuite l'inverse. Au lieu de dynamiser la recherche publique pour mettre au point un produit de remplacement et de nouvelles pratiques agricoles, il a laissé le temps passer et les agriculteurs devant le parasite.
La réalité, c'est que les betteraviers sont confrontés aux règles de la concurrence libéral mondialisée. Cette réalité exige des réponses politiques et un accompagnement de l'Etat à la hauteur des enjeux, en instaurant notamment un régime public d'assurance et de gestion des risques en agriculture.
Ne laissons pas faire cette nouvelle capitulation au détriment des hommes et de la planète. Oui, ne touchons pas à l'essentiel !
Dans un contexte de changement climatique, et pour gérer durablement les milieux marins et les ressources halieutiques, faut-il parier sur une intensification grâce à la pêche industrielle ou sur une pêche artisanale de proximité ?
*Daniel Pauly est professeur à l’université de Colombie-Britannique, Vancouver, Canada.
La pêche est une activité très ancienne. Il existe une abondante documentation attestant cette activité depuis les débuts de l’homme moderne, par exemple il y a plus de 100 000 ans sur la côte érythréenne actuelle, et sur celle du Congo il y a 90000 ans. Nous avons de nombreux documents sur la pêche en mer depuis l’Antiquité et sur la pêche médiévale européenne. Le christianisme a de fait encouragé la pêche en interdisant la consommation de viandes pendant le carême et d’autres fêtes religieuses.
UNE PÊCHE INDUSTRIELLE
Alors que la pêche de type européen (par exemple basque) s’est développée jusqu’en Amérique peut-être même avant sa « découverte » en 1492, c’est l’apparition de la pêche industrielle utilisant massivement les carburants fossiles qui a progressivement fait de la pêche une activité planétaire en expansion constante, telle qu’on la connaît aujourd’hui. Les premiers chalutiers à vapeur, utilisant du charbon, sillonnèrent les côtes anglaises dès les années 1880, vite suivis par les chalutiers français et ceux des autres pays industrialisés. Bien que non performants selon nos critères actuels, ces navires « monstrueux » étaient de loin supérieurs aux embarcations à rames ou à voiles de cette époque, et ils ne firent qu’une bouchée des réserves de poissons côtiers. Des photos de l’époque attestent les quantités considérables et la taille des poissons alors capturés. En une décennie, pour maintenir l’importance de leurs prises, ces chalutiers furent obligés d’élargir leurs zones d’activité en Atlantique Nord, en Islande et au-delà. La Première Guerre mondiale fournit un répit à la ressource halieutique en Atlantique Nord, mais après la fin des hostilités, avec le retour des bateaux et d’hommes jeunes, la tendance antérieure reprit. La côte est d’Amérique du Nord (c’est à dire des États-Unis et du Canada) et les côtes d’un Japon nouvellement industrialisé ont connu un développement identique. Les efforts fournis dans l’entre-deux-guerres pour contrôler la croissance des flottes de ces gros navires de pêche échouèrent ; en revanche, la mobilisation des hommes et des navires durant la Seconde Guerre mondiale profita aux stocks de poissons. Au cours des deux décennies suivantes, la création des Nations unies et d’un système d’organisations spécialisées (dont la FAO) ont fourni un espace de discussions rationnelles pour l’organisation de la pêche, qui à l’époque était complètement internationalisée. Certains pays voulaient maintenir le vieux concept de « liberté des mers » ; d’autres, en particulier ceux d’Amérique latine, commencèrent à réclamer de grands espaces maritimes désignés comme mers nationales, véritables ancêtres du concept de zone économique exclusive (ZEE). Certains pays ont adopté des positions intermédiaires, en particulier les États-Unis, qui utilisaient le concept très pratique de prise maximale équilibrée pour revendiquer simultanément l’accès aux stocks de thons « sous-exploités » dans le Pacifique centre-oriental et refuser au Japon l’accès aux eaux riches en saumons de l’Alaska, « surexploitées » selon eux.
ZONES DE PÊCHE ET GESTION DE LA RESSOURCE
En Europe, une théorie de la pêche est apparue. Elle met en avant l’exploitation rationnelle des stocks, selon des prélèvements en quantité optimale ; ainsi, la taille des mailles des filets a été définie et on a tenu compte des fluctuations naturelles des stocks ; mais elle n’a pas réussi à limiter la pression croissante sur la ressource. En Afrique et en Asie, où bon nombre de pays étaient alors des colonies européennes, des efforts furent entrepris pour introduire le chalutage et d’autres formes industrialisées de pêche, mais hormis quelques rares pays, dont la Thaïlande, ils n’ont pas réussi à mettre en place un développement autonome. La période suivante, à partir du milieu des années 1960, a vu une augmentation phénoménale des prises, principalement liée à l’extension des zones géographiques de pêche; mais on a aussi observé des effondrements massifs des populations de poissons, souvent attribués à des conditions environnementales, mais dans lesquels une pêche excessive a joué dans la plupart des cas un rôle majeur.
Par exemple les anchois péruviens, dont le premier effondrement survint en 1972, le hareng norvégien et le hareng de l’Atlantique ; le pire des cas fut l’effondrement, en 1992, des stocks des zones canadiennes de pêche de la morue du Nord. Certains stocks qui s’étaient effondrés ne furent volontairement plus exploités afin de permettre leur reconstitution – ce fut le cas du hareng norvégien – tandis que d’autres espèces ont continué à être surexploitées, comme la morue du Nord. La principale réponse de la filière pêche en tant que système mondial a été de s’agrandir : les pays européens ont commencé à pêcher autour de l’Afrique et le long des côtes canadiennes, où ils ont dévasté les populations de morue de Terre-Neuve et du Labrador. Au milieu des années 1980, la Chine a rejoint ce groupe, et elle domine maintenant les pêcheries mondiales. Cette expansion sans reconstitution des stocks dans les eaux de presque tous les pays industrialisés (États- Unis et Norvège sont parmi les rares exceptions) a eu pour effet dans un premier temps d’augmenter le volume global des prises. Mais depuis le milieu des années 1990 les prises mondiales diminuent parce que les nouveaux stocks découverts sont exploités à un rythme qui excède le renouvellement global du fait de l’effondrement des stocks traditionnels. La convention de l’ONU sur l’exploitation de la mer, adoptée en 1982 et ratifiée en 1994, a cependant et paradoxalement permis l’extension des flottes de pêche des pays industrialisés, car ils ont pu acheter des droits de pêche dans les ZEE de 200 miles que cette convention avait réservés à tel ou tel pays. Cela a théoriquement donné à ces pays un droit de contrôle sur les lieux de pêche des flottes hauturières. Pourtant ces contrôles ont été limités en efficacité par le déséquilibre entre, d’une part, pays riches (dont la Chine et l’Espagne) ayant obtenu l’accès à ces zones de pêche et, d’autre part, pays côtiers du tiers monde africain ou petits États insulaires du Pacifique. Récemment, devant le déclin de la ressource, la pêche industrielle, en particulier hauturière, est devenue toujours plus dépendante des subventions gouvernementales : environ 35 milliards de dollars par an pour une valeur globale d’environ 140 milliards (prix départ bateau), soit 25 % de la valeur globale des prises. À cela il faut ajouter les revenus financiers des armateurs grâce à la pêche clandestine, illégale, et aux salaires dérisoires des milliers de personnels maltraités et travaillant dans des conditions inhumaines.
LA PÊCHE ARTISANALE
Étant donnée la situation morose de la grande pêche industrielle au niveau mondial, comment espérer que la pêche devienne durable ? En fait, la description ci-dessus a omis un secteur très important : la pêche artisanale, celle de subsistance et celle de loisir, qui diffèrent profondément de la grande pêche industrielle. La pêche artisanale n’intervient que localement, et ses prises sont majoritairement destinées à la consommation locale des populations, à la différence de la pêche industrielle qui ravitaille les marchés internationaux et dont 25 % des prises sont destinées à la consommation animale. La pêche artisanale est aussi plus sélective que la pêche industrielle, car elle se sert souvent de pièges et autres moyens fixes dont l’utilisation repose sur la connaissance approfondie des mœurs des espèces de poissons, ce qui aboutit littéralement à ce que les poissons s’attrapent d’eux-mêmes. De plus, la pêche artisanale peut à la fois fournir des protéines animales et des micronutriments aux marchés locaux dans les zones rurales où la population en a le plus besoin. Pour une grande partie, la pêche artisanale concurrence la pêche industrielle dans la mesure où elle exploite les mêmes stocks côtiers que les senneurs et chalutiers étrangers, par exemple en Afrique occidentale et en Asie. Pourtant, dans la plupart des pays, les gouvernements ne prêtent que peu d’attention à cette pêche, et la majorité des pays membres de la FAO n’évaluent pas leurs prises dans les statistiques et ne reconnaissent même pas leur existence. En fait, la prise en compte totale de la pêche artisanale, de celle de subsistance, de la pêche clandestine illégale et des rejets à la mer ajoute 50 % aux prises en mer déclarées par les États de la FAO. La pêche de subsistance, quant à elle, c’est-à-dire celle de poissons et d’invertébrés (souvent pratiquée par des femmes) pour la consommation familiale et conviviale, a des prises bien moindres que celles de la pêche artisanale, mais contribue à la sécurité alimentaire de bon nombre de pays en voie de développement, notamment dans le Pacifique Sud. À l’exception d’un petit nombre de pays en voie de développement, les données concernant les prises de la pêche de subsistance ne sont pas transmises à la FAO. Il en est de même pour les prises de la pêche de loisir, qui pourtant constituent une part significative des prises dans certains pays, comme les Bahamas. De fait, au large des côtes d’Afrique de l’Ouest, du Maroc à la Namibie, le secteur de la pêche de loisir en croissance rapide devient même une source importante de commerce et d’échanges : chaque poisson attrapé par des pêcheurs « amateurs » vaut 7 fois sa valeur dans une structure commerciale. Ces pêches côtières sont cependant limitées actuellement par la concurrence que leur impose la pêche industrielle des senneurs et chalutiers qui opèrent au plus près des côtes ainsi que par le faible niveau des aides reçues de gouvernements qui les ignorent le plus souvent. Cette négligence à l’égard de la petite pêche s’explique par le fait qu’elle sert de soupape, de « décharge sociale », pour paysans sans terres et autres groupes marginalisés. Or cette mise à l’écart peut conduire à de réels problèmes de développement et à des destructions des habitats et de la ressource.
POUR UN ACCÈS ÉQUITABLE AUX RESSOURCES HALIEUTIQUES MARINES
À quoi ressemblerait une pêche maritime durable ? Ce qui vient fréquemment à l’esprit quand on pense pêche, c’est qu’il faut pêcher en haute mer pour exploiter le thon et autres grands poissons pélagiques, et qu’il est donc nécessaire de maintenir la pêche industrielle puisque la pêche artisanale ne peut se pratiquer au-delà de la limite des 200 miles de la ZEE. En fait, le thon et autres grands poissons de haute mer entreprennent de longues migrations qui les conduisent près des zones côtières de divers pays. Comme ils tendent à être globalement surexploités, la haute mer pourrait être utilisée comme zone de repeuplement et les ZEE comme zones de pêche, ce qui permettrait in fine des prises plus importantes. Ainsi, l’interdiction de toute pêche en haute mer permettrait la suppression de toutes les activités de pêche douteuses, mal contrôlées, et on aurait vraisemblablement une augmentation globale des prises.
De plus, limiter l’exploitation des thons et autres variétés de grands pélagiques aux ZEE conduirait à plus d’équité entre les pays côtiers du monde, car à présent seuls quelques pays spécialement équipés en flottes hauturières lourdement subventionnées (Japon, France, Espagne,…) raflent la mise sur les ressources halieutiques. En outre, la réduction drastique de la pêche industrielle, et donc aussi du chalutage destructeur des habitats, peut s’obtenir par la réduction des subventions dont elle jouit actuellement. En revanche, une mise en avant de la pêche artisanale pourrait s’appuyer sur un accès privilégié aux ressources côtières. En somme, dans bon nombre de pays, une pêche artisanale bien encadrée pourrait au moins partiellement remplacer la pêche industrielle, avec laquelle elle est actuellement en concurrence. Cela conduirait à ceci qu’une plus grande partie des prises globales soit consommée directement par les populations, au lieu d’être rejetée ou transformée en farines animales. Cela conduirait aussi à ce que ce stock côtier auquel ils auraient un accès privilégié soit exploité par des pêcheurs ayant intérêt à le préserver et à le gérer en harmonie avec d’autres secteurs, par exemple l’écotourisme.
LES CONSÉQUENCES DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
Les océans se réchauffent. Faut-il en être content ? S’ils n’avaient pas absorbé plus de 90 % de la chaleur en excès due à l’intensification de l’effet de serre, lui-même dû à nos émissions de CO2, méthane et autres gaz à effet de serre, l’atmosphère terrestre aurait déjà cessé de permettre la vie. Toutefois, nous pouvons déjà constater les effets du réchauffement des océans sur les poissons et autres espèces animales ainsi que, donc, sur la pêche : ce constat est sombre. Ce réchauffement provoque la migration des poissons et autres invertébrés vers les zones polaires pour fuir l’élévation des températures de leurs habitats traditionnels. Leur taille se réduit aussi du fait de leurs besoins en oxygène que des océans plus chauds et désoxygénés ne fournissent qu’en moindre quantité tandis que l’acidité croissante des océans leur provoque du stress. Cela va entraîner la raréfaction de nombreuses espèces locales de poissons, jusqu’à extinction de certaines d’entre elles. Jusqu’à récemment, seuls les États- Unis avaient une législation sur la gestion et la conservation des ressources halieutiques : le Magnuson- Steven Act (1976), qui prévoyait la reconstitution en dix ans de tous les stocks halieutiques à un niveau permettant une exploitation durable et profitable ; cette loi a été mise en oeuvre avec succès. Le Parlement européen a voté il y a quelques années des règles similaires en vue de reconstituer les stocks épuisés ; cette législation a été complétée par la limitation de méthodes de pêche destructrices, telles que le chalutage. Si la législation européenne était sérieusement respectée, ce qui n’est pas actuellement le cas, nous pourrions mettre la pêche sur une trajectoire durable. Cependant, sans réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre, nous ne pourrons pas avoir de pêche durable en Europe ni ailleurs.
Dans le cadre du Village des Solidarités de la Fête de l’Humanité 2020, la journaliste d’investigation et réalisatrice Marie-Monique Robin est venue débattre des liens entre santé et environnement. En démontrant que tout est connecté, elle alerte sur l’urgence de la situation, et dévoile également les contours de son futur livre et documentaire sur le sujet.
En cette année 2020, la pandémie du coronavirus a perturbé les marchés agricoles, réduit les ventes et fait chuter les cours. Parallèlement, la sécheresse qui dure en France depuis le printemps a réduit les rendements céréaliers et fourragers, ce qui augmente le prix de revient de chaque litre de lait comme de chaque kilo de viande. Mais, comme l’offre mondiale de produits alimentaires dépasse en volume la demande solvable, les prix demeurent anormalement bas au départ de la ferme pour les céréales, le lait et la viande. Voilà ce qu’il conviendrait de corriger dans le cadre de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) à venir si on veut tirer les leçons de la pandémie en cours et agir aussi pour réduire le bilan carbone de l’agriculture dans l’Union européenne.
Nous évoquions hier, le contenu du communiqué publié par le ministre de l’Agriculture, suite à la rencontre de Coblence le 1 er septembre avec ses collègues des autres pays membres de l’Union européenne. Julien Denormandie exprimait notamment le souci de voir se développer en Europe la culture des protéines végétales comme le soja, ce qui suppose un soutien plus prononcé en faveur de ces cultures au niveau communautaire. Cela permettrait aussi de réduire le bilan carbone de l’agriculture en réduisant, au fil des ans les importations de graines et de tourteaux de soja dont l’Europe importe chaque année 34 millions de tonnes pour nourrir le bétail, tandis que le blé français est de plus en plus difficile à exporter vers les pays tiers en raison d’un taux de protéines inférieur à ceux des blés de Russie et d’Ukraine. Au-delà des aliments du bétail, l’Europe agricole peut et doit aussi produire plus de protéines végétales pour la consommation humaine en augmentant les superficies consacrées aux légumes secs de la lentille, le pois chiche et les haricots secs.
L’agriculture des Pays Bas leader mondial en émissions de CO2
Quand on regarde comment évoluent les exportations de produits agricoles en Europe, on découvre que les Pays Bas ont dégagé en 2019 un excédent agricole de 13,7 milliards d’euros contre seulement 4,2 milliards pour la France, laquelle n’arrive qu’au cinquième rang. Sur une superficie 11 fois plus faible que la France, les Pays Bas produisent beaucoup de lait de viandes bovines, porcines et de volailles, de légumes de serre. Pour nourrir les élevages, cela passe par des importations massives de céréales et de tourteaux. À ce titre les Pays Bas sont la nation européenne qui, indirectement, participe le plus à la déforestation de l’Amazonie. Dès lors, c’est aussi le pays européen dont le bilan carbone est le plus élevé pour chaque litre de lait et chaque kilo de viande produits sur son sol.
Tous pays confondus, l’Union européenne aurait dégagé un excédent agricole de 33,7 milliards d’euros en 2019, contre 28 milliards en 2018. Mais cet excédent provient surtout des exportations de produits laitiers et de viande porcine, ce qui renvoie aux importations d’aliments du bétail, à commencer par les tourteaux de soja. La Chine est la principale destination des viandes porcines européennes et elles se sont beaucoup accrues depuis deux ans car la peste porcine africaine a fait reculer considérablement la production chinoise.
Un prix du lait en forte baisse depuis la fin des quotas
Nous voyons aussi qu’il ne suffit pas d’exporter beaucoup de produits agricoles vers des pays lointains pour permettre aux producteurs de dégager un revenu décent de leur travail. Quand ils vendent du lait de vache, les éleveurs doivent se contenter du prix que leur propose l’entreprise de collecte. Selon l’analyse de Benoît Rouyer, de l’Interprofession laitière, publiée dans « La France Agricole » de cette semaine, « au mois de juin, le prix de base du lait de vache conventionnel s’élève à 322 € les 1 000 litres, soit 10 € de moins sur un an ». Mais c’est surtout 50 € de moins qu’en 2013, avant dernière année de la régulation de la production européenne que permettaient les quotas par pays. Ils avaient été mis en place en 1984 et ont été supprimés en 2015 par les pays membres de l’Union sur proposition de la Commission dans le but déclaré d’accroître les exportations vers les pays tiers.
Dans le secteur des bovins allaitants, la France détient le plus gros troupeau d’Europe avec quelque 3,8 millions de mères dans des races prestigieuses comme la charolaise, la limousine, la blonde d’Aquitaine, la salers et l’Aubrac. Mais les éleveurs souffrent comme jamais. Le prix du kilo vif des broutards vendus au moment du sevrage aux alentours de 8 à 9 mois pour être engraissé en Italie ou ailleurs était de 3,20 € le 31 août à Cholet contre 3,42 € un an plus tôt. En production laitière comme en production de viande bovine, la sécheresse qui dure depuis la fin de printemps dans les zones d’élevage dans la majeure partie du pays, et plus encore dans le grand Massif Central, augmente sensiblement et durablement les coûts de production.
Dans ce domaine, la situation ne devrait pas s’améliorer. Si la filière laitière européenne, tous produits et tous pays confondus ont dégagé et excédent de 22 milliards d’euros, suivi par la filière porcine avec 10 milliards, il apparaît que ce n’est pas le cas pour la filière bovine et celle de la volaille. En volailles justement la chute des ventes de foie gras et des magrets de canard suite à la fermeture prolongée suivie d’une reprise incertaine dans les restaurants s’est traduite par un recul de 20,8 % des mises en place de canards gras dans les élevages français pour les quatre premiers mois de l’année.
Le pire peut arriver avec la réforme de la PAC
Avec la mondialisation des échanges, les prix agricoles peuvent doubler en quelques semaines en cas de risque de pénurie au regard de la demande solvable en volume. Mais il suffit que l’offre mondiale dépasse la demande de quelques points en blé, le maïs, le soja, viande bovine ou porcine pour que les prix de vente ne couvrent pas les coûts de production. C’est ce qui se passe en ce moment pour le blé tandis que les perspectives de récolte pour le maïs donnent actuellement la même indication. Voilà aussi pourquoi la prochaine réforme d la Politique agricole commune (PAC) devrait être fondée sur la recherche d’une production européenne plus autonome. Ce qui, dans un pays comme la France, doit se traduire par moins de blé en superficie et davantage de protéines végétales. Ce qui suppose aussi des aides européennes mieux ciblées pour atteindre cet objectif.
Mais quand on voit les contradictions entre « Le pacte de vert pour l’Europe » et « la stratégie « De la ferme à a table » les deux textes publiés par la Commission, on peut craindre le pire dans ce domaine. D’autant plus que le premier texte est porté par le néerlandais Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission !
Le premier ministre a eu beau assurer que le plan de relance est « d’abord destiné au climat et à la biodiversité », son volet dédié à la transition écologique déçoit, voire inquiète.
Trente milliards d’euros sur deux ans, soit près du double des investissements usuellement consacrés par la France à l’écologie : le volet verdissement du plan présenté ce jeudi avait tout pour séduire. Il échoue cependant à convaincre et encore plus à satisfaire, tant par le flou de son contenu et le creux de ses garanties que par le contexte général dans lequel il s’inscrit. Décryptage en trois points.
Un chèque en blanc aux industriels
Conditionner les soutiens accordés aux entreprises à des contraintes environnementales concrètes : c’était le point phare sur lequel le gouvernement était attendu. Ciblée singulièrement, la baisse des impôts de production accordée par le plan de relance à l’industrie, pour un montant total de 20 milliards d’euros sur deux ans. Beaucoup revendiquaient qu’en contrepartie soient établies des obligations fermes, par exemple en matière de réduction de gaz à effet de serre à court terme, compatibles avec la réduction de 40 % des émissions de CO2 d’ici dix ans. Ni Jean Castex, ni Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, n’ont effleuré le sujet. Le hiatus n’est pas neuf. Voté fin juillet et prévoyant de mobiliser 43,5 milliards d’euros en faveur des secteurs sinistrés, « le troisième projet de loi de finances rectificative(PLF3) ne conditionne ces aides qu’à de très faibles engagements écologiques », rappelle Nicolas Berghmans, chercheur à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). « Ils se résument à des mesures de reporting », poursuit le chercheur, soit l’obligation faite aux plus grosses entreprises de publier leur stratégie climatique sans aucune contrainte de mise en œuvre.
Une transition en faux-semblant
Les 30 milliards d’euros dédiés au verdissement ne font pas tout : il reste les autres 70 milliards prévus par le plan de relance, dont le ciblage reste flou. « Pas un euro de plus ne devrait aller à des secteurs nocifs pour l’environnement », insiste Samuel Leré, de la Fondation Nicolas-Hulot, qu’il s’agisse d’infrastructures routières ou autres. Or, sur ce point non plus, le plan gouvernemental ne dit ni ne garantit rien. Cette omission inquiète d’autant plus que l’actualité ne va pas en démontrant la bonne volonté de l’État en matière de désinvestissement des secteurs polluant. Ce 2 septembre encore, le Monde révélait que la banque BPI France s’apprête à soutenir Total pour un projet gazier dans l’Arctique russe, alors même que le plan de relance abonde celle-ci de 2,5 milliards d’euros pour en faire celle « du climat ».
Les investissements prévus dans le cadre du volet vert eux-mêmes ne récoltent pas tous d’éloges. Hydrogène vert ou agriculture de précision : beaucoup ciblent des technologies contestées. « Investir dans de fausses solutions au nom du “verdissement”, comme le nucléaire, l’avion vert ou les SUV électriques, relève de l’anachronisme », résume Clément Sénéchal, de Greenpeace.
Une enveloppe gonflée mais encore bien légère
Quinze milliards d’euros par an : le chiffre a beau être le plus gros que la France ait jamais aligné pour la transition, il laisse sur leur faim beaucoup d’environnementalistes. « Certes, il correspond aux besoins estimés pour engager l’économie sur la voie de la neutralité carbone, reprend Samuel Leré, encore faut-il qu’il soit reconduit au-delà des deux prochaines années, comme le préconisent ceux qui l’ont calculé. » Ramenée secteur par secteur, l’enveloppe sonne creux. Si le développement de l’hydrogène vert devrait bénéficier à lui seul de 9 milliards d’euros, la rénovation thermique des bâtiments, pourtant admise comme cruciale, n’en récoltera que 7 milliards, le ferroviaire à peine 6 milliards (lire précédemment), l’économie circulaire 2 milliards. L’agriculture, elle, ne bénéficiera, aide alimentaire comprise, que de 1,2 milliard d’euros.
Tandis que des restrictions sont imposées désormais dans quelque 75 départements métropolitains concernant l’usage de l’eau, les conséquences de la sécheresse sont encore plus difficiles à gérer au quotidien dans les exploitations agricoles. Depuis des semaines plus rien ne pousse dans les prairies et la récolte céréalière est en baisse de 20 % en 2020 par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. Notons enfin que l’Ile-de-France est la région la moins soumise aux restrictions d’eau bien qu’étant la plus peuplée du pays. Elle doit cette situation aux grands barrages qui stockent de l’eau en Champagne et dans le Morvan en hiver pour soutenir le débit de la Seine en été.
Dans « l’Humanité » de ce jeudi 13 août, un dossier de trois pages informe sur le risque de pénurie d’eau potable au robinet dans l’immense majorité des départements métropolitains. Cela est d’abord imputable un déficit de pluviométrie qui s’aggrave au fil des ans, en lien avec le changement climatique en cours. Disposer de l’eau potable est vital pour chaque individu. Assurer sa souveraineté alimentaire l’est aussi pour un pays agricole comme la France. Or, la sécheresse de cette année 2020 après celle de l’an dernier soumet les paysans à des doubles peines à répétition. Le manque d’eau diminue le rendement fourrager des prairies tout comme les rendements des céréales, des fruits et des légumes. À titre d’exemple, le rendement des petits pois pour les boîtes de conserve est inférieur de 30 % par rapport à la moyenne annuelle en 2020. Ce légume « tendre et fragile, cultivé en saison et en plein champ, ne supporte pas les conditions climatiques toujours plus imprévisibles et extrêmes » faites savoir l’association nationale des producteurs.
Coûts de production en hausse pour le lait et la viande
Nous savons par ailleurs que les prairies ne produisent plus d’herbe depuis des semaines et que les éleveurs en sont à acheter de la paille de d’autres fourrages pour nourrir le bétail dès à présent, comme en prévision de l’hiver. Le maïs destiné à l’ensilage dans les zones d’élevage est en train de griller sur pied. Il ne donnera souvent que de faibles rendements, faiblement nutritifs de surcroît. Toutes les conditions sont donc réunies pour que le prix de revient de chaque litre de lait et de chaque kilo de viande d’animaux herbivores soit en augmentation sensible. Cette hausse des coûts de production durera au moins jusqu’au milieu du printemps 2021. À condition que le climat du début de printemps soit favorable à la poussée de l’herbe dans les prés.
Il faut avoir ces éléments en tête au moment de prendre connaissance de la décision annoncée hier par Julien Denormandie, le quatrième homme à occuper la fonction de ministre l’Agriculture. Ses prédécesseurs dans la fonction furent par ordre d’arrivée Jacques Mézard, Stéphane Travert, et Didier Guillaume, tous récompensés pour avoir appelé à voter Macron lors de la présidentielle de 2017, puis débarqués à la faveur d’un remaniement ministériel.
Toujours pas d’annonce de calamités agricoles
Le communiqué du nouveau ministre débute par ces phrases : « La poursuite de la sécheresse en ce début du mois d’août a continué à dégrader les ressources fourragères disponibles pour les troupeaux dans plusieurs départements. Le ministre de l’Agriculture et de l‘Alimentation, Julien Denormandie, permet à de nouveaux départements de bénéficier de dérogations sur les jachères et les cultures dérobées, c’est-à-dire intercalées entre deux cultures principales annuelles ». Le communique du ministère précise que 15 nouveaux départements ont le droit de déroger aux jachères et que 29 peuvent retarder la mise en place des cultures dérobées.
Mais de quoi s’agit-il au juste ? En principe, les jachères sont des parcelles dont on ne récolte pas les fourrages dans le but de favoriser la biodiversité. Les fleurs restent à la disposition des abeilles et les graines nourrissent les oiseaux et certains rongeurs. Mais comme les fermes manquent cruellement de fourrages, on les autorise cette année à récolter tardivement ceux des jachères qui ont déjà perdu l’essentiel de leur valeur nutritive après avoir séché sur pied. Pour avoir un foin de bonne valeur nutritive, il faut faucher l’herbe quand elle est encore verte et la faire sécher trois ou quatre jours sur le pré. La décision ministérielle arrive donc bien trop tard. C’est ce que relève la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) qui estime que « les pouvoirs publics français doivent immédiatement mettre en œuvre le régime des calamités agricoles ainsi que toute aide qui évitera une décapitalisation du cheptel français, faute de trésorerie pour acheter des fourrages nécessaires au bien-être des animaux présents sur les exploitations »
Avec une liste supplémentaire de 29, ce sont désormais 54 départements dans lesquels les céréaliers n’ont pas l’obligation de semer une culture dérobée après avoir récolté le colza, le blé ou l’orge qu’ils viennent de moissonner. L’utilité d’une culture dérobée, comme la moutarde ou le trèfle, est de verdir la parcelle. Cela permet de capter du carbone et d’avoir plus tard des débris de végétaux qui serviront de fertilisants pour une nouvelle culture annuelle. Mais tant que la terre est trop sèche pour permettre aux graines de germer, rien de sert de semer une culture dérobée, d’où la décision de reporter au 1 er septembre l’obligation d’implanter ces cultures. Quelqu’un de sensé a probablement expliqué cela au ministre de l’Agriculture qui en a tenu compte.
Quand les grands lacs protègent doublement les Franciliens
Les restrictions d’accès à l’eau potable concernent désormais 75 départements métropolitains. La région la moins concernée demeure l’Ile-de-France, alors qu’elle concentre sur son territoire la plus grande densité de population avec près de 12 millions d’habitants sur sept départements. Seules quelques villes du Val-de-Marne sont incitées à la prudence car elles sont en partie alimentées par le débit en baisse sensible du Réveillon, un affluent de la Yerres. Pour le reste, l’Ile-de-France bénéficie, pour moins de 45 % de sa consommation, d’eaux de nappes souterraines débordant sur d’autres régions. Pour plus de 55 %, il s’agit d’eau directement prélevée dans la Seine et dans la Marne en amont de Paris par les unités de traitement imbriquées dans le tissu urbain qui nous fournissent l’eau du robinet. Ce traitement est rendu possible en été parce que le débit de la Seine est soutenu en permanence et à plus de 60 % par les eaux stockées en amont derrière les grands barrages dont le lac de Pannecière dans le Morvan sur le cours de l’Yonne, par celles du lac d’Orient et du Der Chantecoq en Champagne sur l’Aube et la Marne.
Ces ouvrages ont été édifiés voilà plus de 60 ans et ils évitent aux Franciliens de subir des inondations quand les pluies sont trop abondantes. Ils leur permettent aussi d’avoir de l’eau potable au robinet quand d’autres régions en manquent cruellement. Leur existence nous montre aussi que le plus sûr moyen de lutter contre les conséquences du réchauffement climatique n’est pas de refuser toute modification du milieu naturel, alors que certains voudraient mettre la nature sous cloque en se réclamant de l’écologie.
*Jean-Claude Cheinet est géographe et ancien adjoint au maire de Martigues
Les cosmonautes vous le diront, confirmant le poète : « La Terre est bleue comme une orange », une couleur due notamment à la masse des océans. Ce dossier aborde un sujet immense et complexe, sans prétendre être exhaustif pour autant. Il le fait modestement, par quelques unes de ses facettes : incidences du dérèglement climatique, activités humaines à l’heure de la mondialisation, évolution des milieux, irruption d’espèces invasives et protection du milieu avec des parcs marins…
Les océans enregistrent le réchauffement, l’amortissent mais se dilatent. Leur niveau augmente aussi par la fonte des glaciers terrestres, et cela se mesure. La majorité de la population du globe vit non loin des côtes, tire de la mer des ressources essentielles et l’utilise pour commercer, aussi aborderons-nous la pêche et les conditions d’une pratique durable ainsi que la construction navale, la plaisance, les hydroliennes et l’offshore.
Mais à travers les routes maritimes, nouvelles pour celles qui profitent du réchauffement de l’océan Arctique, ainsi qu’à travers les choix de l’Union européenne en matière de pêches, nous verrons quelques-uns des enjeux politiques et stratégiques qui se jouent dans les espaces maritimes. Nous avons réservé pour plus tard des thèmes comme les pollutions marines plastiques, marées noires ou macrodéchets, ou comme la conchyliculture ou les erreurs d’aménagements côtiers… de même pour la question des métiers maritimes : marins, armateurs, aconiers, dockers, qui dans leur unité et leurs diversités expriment l’originalité des « gens de mer ». En l’état, sans chercher à être évidemment une encyclopédie de la mer, ce dossier croise les points de vue de chercheurs reconnus et de militants agissant sur le terrain, dans le concret des luttes qui s’y mènent. Cette diversité des expériences et des approches lui donne sa richesse, passant du global au local et inversement.
Pour en revenir à une échelle nationale, la France a un linéaire côtier considérable de plusieurs milliers de kilomètres ; en tenant compte des territoires d’outre-mer, notre pays a des espaces économiques exclusifs parmi les plus importants de la planète. Cela nous confère une responsabilité particulière et demande une politique de la mer ambitieuse, à la mesure du rôle passé de notre pays comme du fait que nous sommes présents sur les cinq continents. Or force est de constater à travers les articles qui suivent que ces atouts ne sont pas valorisés : malgré la présence de quelques armements phares, notre marine s’efface, les industries de construction navale qui la soutiennent sont fragiles et peu soutenues, la filière pêche est dans le flou consécutivement au Brexit. Hormis un immobilier de bord de mer, fragile du fait de la hausse du niveau des mers et de l’érosion, peu de choses sont faites dans la perspective d’un développement durable du littoral.
Quant à se préparer et à s’adapter à la hausse prévisible du niveau des mers et aux investissements considérables que cela nécessitera, notre société, dont les décideurs sont guidés par la recherche du profit immédiat, n’y pense guère ! Il est vraiment temps d’élaborer une vraie politique de la mer avec la population côtière notamment. Un autre poète écrivit « Homme libre, toujours tu chériras la mer ». Il ne suffit pas d’aimer pour agir, valoriser, protéger et gérer de façon durable les deux tiers de la surface de la Terre; pour ce faire, tenons compte de ce monde particulier.
En Saône et Loire, berceau de la race bovine charolaise, les prairies ressemblent à des paillassons et les ruisseaux sont à sec dans un nombre croissant de cantons ruraux. Il s’agit de la quatrième sécheresse estivale en six ans. Au point qu’il devient difficile d’installer des jeunes alors que la moyenne d’âge des éleveurs est de 53 ans. Alors que la pandémie du coronavirus nous alerte aussi sur l’importance de la souveraineté alimentaire, le pouvoir politique semble totalement indifférent face aux difficultés de la profession agricole qui s’aggravent dans la plupart des régions.
La météo nous annonce des journées de grande chaleur, tandis que plus de 60 départements de la France métropolitaine sont déjà soumis à des restrictions d’eau. Nous avons, dans plusieurs articles récents, fait état des conséquences de la sécheresse printanière pour l’élevage et la production céréalière. Une fin d’automne 2019 trop pluvieuse pour réussir les semis d’hiver, suivie d’un printemps trop sec en de nombreuses régions, a débouché sur une récolte de blé et d’orge inférieure de 20 % à la moyenne des cinq années précédentes. Mais, depuis déjà plusieurs semaines, c’est l’élevage à l’herbe qui devient de plus en plus coûteux pour les paysans. Les prairies ressemblent désormais à des paillassons et cette situation va durer. Le prix des fourrages qu’il faut acheter pour compenser le manque d’herbe est en hausse sensible, ce qui augmente aussi le prix de revient de chaque litre de lait et de chaque kilo de viande dans l’immense majorité des fermes.
Quatre années de sécheresse sur six en Saône-et-Loire
Dans le département de la Saône-et-Loire, berceau de la race bovine charolaise, la sécheresse de cet été succède à celle de l’été dernier, laquelle succédait à celle de 2018, tandis que celle de 2015 avait également été sévère. Quand on traverse ce département en train ou en voiture, les vaches de couleur crème et leurs veaux font partie du paysage. Elles paissent sur des prairies naturelles souvent pentues avec des haies arborées. Qualifiées de « zones intermédiaires » dans le langage des agronomes, ces terres herbagères sont difficilement convertibles pour produire des céréales, faute de disposer d’une fertilité suffisante pour avoir des rendements couvrant les coûts de production. Voilà pourquoi, l’élevage des bovins allaitants est l’activité la plus appropriée. Mais, malgré le maintien en France de la prime annuelle à la vache allaitante payée par le budget agricole de l’Europe, tirer un revenu de l’élevage de bovins allaitants devient de plus en plus difficile. Les sécheresses récurrentes y sont pour beaucoup. Surtout quand les prix des animaux sont orientés à la baisse. Sur le marché de Châteaumeillant le 20 juillet dernier, les « broutards » vendus à des engraisseurs étrangers cotaient 2,66 € le kilo vif, contre 2,75 € un an plus tôt et 2,95 € en juillet 2018.
Jusqu’à 30 000 € de dépense en fourrages cette année
L’Agence France Presse (AFP) donnait la semaine dernière la parole aux éleveurs de Saône-et-Loire. Installé sur la commune de Trivy, Jean-Michel Rosier faisait le constat suivant : « Avant c’était exceptionnel. Maintenant on a des sécheresses tous les ans. Encore un peu et on va devenir comme le Sahel. Une charolaise, normalement ça broute l’herbe verte dix mois sur douze. Mais maintenant, on doit leur donner du fourrage dix mois sur douze ». Selon Christian Béjard, président de la FDSEA en Saône-et-Loire, le surcoût en fourrage pour 2020 par rapport à une année normale sera entre 15 000 et 30 000 € par exploitation. Une telle dépense peut priver de nombreux éleveurs du moindre revenu, sauf à « décapitaliser ». Cette pratique consistera à vendre cette année, pour la boucherie, des vaches que l’on aurait préféré garder pour faire naître un autre veau l’an prochain. Ce processus est déjà en cours. En quatre ans, le cheptel de vaches allaitantes du département est passé de 230 000 têtes à 200 000 seulement.
Du coup, installer des jeunes devient difficile alors que la moyenne d’âge des éleveurs de charolaises est de 53 ans en Saône-et-Loire, selon Christian Decerle, président de la Chambre d’agriculture du département. Lui se fait du souci pour la relève et affirme que de plus en plus d’éleveurs se posent des questions sur l’avenir de leur profession. Ce qui se passe en Saône-et-Loire vaut aussi pour d’autres départements de la Bourgogne-Franche-Comté. Mais c’est également le cas sur des nombreuses zones d’élevage dans les grandes régions Auvergne Rhône-Alpes, Nouvelle Aquitaine, dans une partie de l’Occitanie et même des Pays de la Loire. Les deux principales causes des difficultés de l’élevage allaitant dans ces régions sont le changement climatique et les accords de libre-échange que l’Europe négocie avec des pays tiers.
Agir pour préserver notre souveraineté alimentaire
Alors que les sécheresses augmentent les coûts de production chez nous, les contingents d’importation de viandes bovines dédouanées en provenance de pays tiers mettent une pression permanente sur les cours en France, ce qui ne cesse de réduire le revenu des éleveurs français. Malgré cela, la Commission européenne serait proche de conclure deux accords de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle Zélande. Avec, là encore, des contingents d’importations accrus de viande bovine et de viande ovine à droits nuls. Ces négociations se déroulent avec l’accord des pays membres de l’Union européenne dont la France.
En France, le président de la République a pourtant parlé de souveraineté alimentaire à plusieurs reprises face aux conséquences du coronavirus sur le commerce mondial. De son côté la « Convention citoyenne », mise en place à la demande d’Emmanuel Macron suite à ses débats dans le pays, insiste sur la nécessité de prendre en compte les objectifs de l’accord de Paris sur le climat « dans les négociations commerciales ». Elle demande la « mise en place de sanctions pour les États récalcitrants » et des « clauses environnementales dans les négociations d’accord commerciales »
Mais, alors que les incendies criminels repartent en Amazonie en vue de faire croître l’élevage de bovins et la production de soja pour l’exportation, la France n’a toujours pas dit clairement qu’elle mettra son veto à l’accord de libre-échange signé en juin 2019 entre la Commission européenne et le Mercosur. On voudrait ruiner l’élevage bovin en France que l’on ne s’y prendrait pas autrement.
Le gouvernement a annoncé ce lundi plusieurs mesures réglementaires issues des propositions de la convention citoyenne pour le climat.
«Le gouvernement passe de l’écologie de petits pas à l’écologie de petits riens. » C’est ainsi que Clément Sénéchal, porte-parole de Greenpeace, décrit les mesures réglementaires annoncées, hier, à la sortie du conseil de défense climatique qui s’est tenu à l’Élysée. Des décisions issues des 149 propositions de la convention citoyenne pour le climat, dont 146 avaient été retenues par Emmanuel Macron, et annoncées par la nouvelle ministre de l’Écologie, Barbara Pompili, la ministre déléguée aux Transports, Emmanuelle Wargon, et Bérangère Abba, pour sa première apparition en tant que secrétaire d’État à la Biodiversité après sa nomination, dimanche.
À l’ordre du jour de ce conseil : la maîtrise de la consommation de l’énergie, la lutte contre l’artificialisation des sols et la rénovation énergétique des bâtiments. Sur ce dernier point, aucune mesure suffisamment contraignante n’est jusqu’ici prévue, contrairement aux vœux de la convention citoyenne pour le climat, qui exprimait le besoin de rénover 20 millions de logements ces dix prochaines années.
« L’obligation de rénovation devait être la clé de voûte de cette politique environnementale, et elle est absente de ces mesures. À la place, Barbara Pompili ne fait que réitérer des propositions très peu significatives », observe Clément Sénéchal. En l’occurrence, l’introduction de la notion de « performance énergétique » dans ce qu’on appelle un « logement décent », à compter du 1er janvier 2023. C’est-à-dire qu’au-dessus d’un certain seuil de consommation d’énergie, un locataire pourra exiger de son propriétaire de réaliser des travaux d’isolation. Or, ce seuil a été fixé à 500 kW/h au m2 par an, ce qui « ne correspond même pas à l’étiquette G du diagnostic de performance énergétique », constate le député Matthieu Orphelin. En d’autres termes, les logements correspondant à la pire catégorie énergétique resteraient dans les clous. La mesure ne concernerait donc que 120 000 foyers maximum, « soit entre 1 et 2 % des logements se trouvant en précarité énergétique, et pour un décret qui ne sera pris qu’en 2023, donc après le quinquennat. La fin de la précarité énergétique était pourtant un engagement de campagne d’Emmanuel Macron… », déplore le porte-parole de Greenpeace.
Certaines mesures semblent toutefois aller dans le bon sens, comme l’interdiction des terrasses chauffées – mais seulement après l’hiver prochain pour épargner les restaurateurs, qui ont particulièrement souffert de la crise.
L’objectif annoncé du zéro artificialisation a également été réitéré, afin de limiter la bétonisation des sols. Au cœur de cette question, l’implantation de nouvelles zones commerciales, en périphérie des villes, qui grignotent des terres agricoles. Barbara Pompili demande ainsi aux préfectures de réexaminer ces autorisations, avant qu’un moratoire soit mis en place. Matthieu Orphelin déplore que ce moratoire sur la construction de nouvelles zones « n’intègre pas l’interdiction des nouveaux entrepôts Amazon, alors qu’un emploi créé chez Amazon détruit 2,2 emplois dans les petits commerces… ». La mise en œuvre et les conséquences de ce moratoire restent également floues, alors qu’il a déjà été évoqué des dérogations, comme le droit d’implanter des zones commerciales lorsqu’une région en est dépourvue.
Après ces premières mesures réglementaires, le gouvernement devrait ensuite présenter un projet de loi pour d’autres mesures, en janvier 2021, devant le Parlement. D’ici là, les élus locaux et les citoyens de la convention pour le climat seront consultés, dès mercredi, par Barbara Pompili.
Alors que la crise économique de 2008 avait été suivie par un fort recours aux énergies fossiles, l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA) a dévoilé récemment un « plan de relance durable ». Focalisé sur le secteur de l’énergie, l’objectif de ce plan de long-terme consiste à la fois de permettre une remise sur pied des économies, de créer des emplois en nombre tout en opérant une transition structurelle qui permette de répondre aux enjeux climatiques.
Trois ans pour tout changer de fond en comble : c’est ce que suggère l’IEA dans son plan de relance durable focalisé sur le secteur de l’énergie dès l’année prochaine. Selon elle, l’enjeu est notoire car les décideurs politiques doivent agir dans un court laps de temps pour avoir des impacts durables sur l’économie et sur les infrastructures énergétiques. Ayant comme visée la stimulation des économies, la création de millions de nouveaux emplois à l’échelle mondiale, ce plan de l’IEA vise également la réduction durable des émissions de gaz à effet de serre afin de répondre entre autres aux objectifs des accords de Paris. Mettant l’accent sur six secteurs clés, à savoir l’électricité, les transports, l’industrie, le bâtiment, les carburants et l’innovation, l’IEA propose près de vingt mesures évaluées sous différents aspects.
En tout et pour tout, ce plan de relance nécessiterait de mobiliser seulement 1000 milliards de dollars, soit 0,7% du PIB mondial et pourrait permettre de gagner un peu plus d’un point de croissance par an. Alors qu’elle estime que près de 6 millions d’emplois sont menacés dans le secteur de l’énergie sur les 40 millions actuellement existants à cause de la pandémie, elle affirme que ce sont un peu plus de 9 millions d’emplois par an pendant trois ans qui pourraient être créés grâce aux mesures de son plan. L’objectif affiché ? Permettre une meilleure résilience face à des crises futures et viser une réduction de 4,5 millions de tonnes de dioxyde de carbone atmosphérique d’ici 2023.
Plus que tout, l’IEA insiste sur l’importance de la coopération internationale pour pouvoir mettre en cohérence les actions respectives de chaque pays et rétablir des chaines globales d’approvisionnement en énergie. Pour l’agence, trois orientations clés sont centrales : la focalisation sur la sécurité énergétique ; la révision voire la réaffirmation des engagements pour des transitions vers des énergies propres ; la création de filets de sécurité pour les entreprises et les consommateurs. Elle estime également que des leçons peuvent être véritablement tirées de la dernière crise économique qui a eu lieu en 2008-2009. D’une part, il faut déployer à grande échelle les politiques existantes pleines de succès pour permettre des retours sur le plan économique et en termes de création d’emplois. D’autre part, elle insiste sur l’importance de la recherche et développement, afin d’être prêts sur le plan technologique. Plus largement, elle considère que la formation tout comme la remise à niveau des travailleurs est cruciale pour qu’ils puissent développer des compétences nécessaires au déploiement de projets sur l’énergie.
Un plan ambitieux avec des mesures concrètes pour le long-terme
L’IEA fait un véritable plaidoyer pour des investissements durables car, d’après elle, cela permettra un soutien et des créations en termes d’emplois, tout en délivrant une énergie abordable et fiable. Plus largement, investir dès maintenant de manière pérenne dans l’énergie serait bénéfique pour le reste de l’économie avec de véritables effets indirects. Mieux encore, cela est incontournable selon l’agence pour garantir une réorientation structurelle de ce secteur, en vue de répondre à des objectifs de long-terme quant au défi climatique, l’accès à l’énergie et la durabilité. La pandémie a mis en exergue la nécessité urgente de soutenir et de créer de l’emploi dans un contexte où l’environnement monétaire fluctue et où les marchés des énergies fossiles sont volatiles. Également, cette même pandémie a développé selon l’IEA une conscience accrue des bienfaits d’une énergie propre et sûre, ainsi que la possibilité de changer durablement les usages et comportements.
Au-delà des enjeux qu’elle brosse, l’agence avance des mesures concrètes. Pour ce qui est de l’électricité, on retrouve l’extension et la modernisation des réseaux énergétiques, afin de basculer vers des infrastructures numériques, des réseaux intelligents ; le développement massif des énergies renouvelables que sont l’éolien et le solaire photovoltaïque ; le maintien des énergies hydrauliques et nucléaires dans le mix énergétique en raison de leurs faibles émissions de gaz à effet de serre ; de réels investissements en R&D pour réduire drastiquement les émissions et pollutions des énergies fossiles comme le charbon et le gaz. Quant aux transports, l’IEA met l’accent sur l’encouragement à l’achat de nouveaux véhicules plus efficaces et sobres ; la promotion des trains à grande vitesse au détriment de l’avion et des véhicules individuels pour assurer un meilleur maillage territorial et une réelle décentralisation ; l’amélioration des infrastructures urbaines afin de réduire la pollution et la congestion, au travers d’une meilleure disponibilité des bornes de rechargement pour les véhicules électriques individuels, du développement des bus électriques et de l’extension de l’espace urbain accordé aux piétons et aux cyclistes.
Ensuite, pour ce qui a trait au bâtiment, filière qui emploie 10% des travailleurs à l’échelle mondiale, la meilleure efficience énergétique des logements sociaux et administratifs, et dans la foulée dans l’industrie, doit être selon l’agence un premier cheval de bataille pour réduire véritablement les factures énergétiques, battre en brèche la précarité énergétique, améliorer la santé et le confort et renforcer la résilience notamment face aux événements climatiques. Toujours sur ce secteur, le déploiement des appareils ménagers connectés doit être plus que jamais mis en avant, pour réduire la consommation énergétique et les coûts d’opération du système électrique, et ce de manière conjointe avec le recyclage efficace d’appareils ménagers comme les réfrigérateurs qui contiennent de puissants gaz à effet de serre. Si on s’intéresse ensuite à l’industrie, il s’agit ici selon l’IEA d’améliorer l’efficience énergétique et l’électrification à l’échelle mondiale et sur cet aspect, les gouvernements peuvent engager une série de mesures fiscales incitatives. Il y a également nécessité à renforcer le recyclage des déchets et de matériaux tels que les plastiques, et repenser en amont le design des produits manufacturés pour limiter les déchets plus efficacement.
Enfin, en ce qui concerne les carburants, l’agence de l’énergie considère qu’il faut améliorer les procédés existants pour réduire les émissions de méthane, puissant gaz à effet de serre, provenant du pétrole et du gaz, et de permettre la reconversion des travailleurs qualifiés de secteur, menacés de licenciements, dans la réduction de telles émissions. Une réforme drastique des subventions aux énergies fossiles est également nécessaire selon l’IEA, ainsi que le soutien et l’extension des biocarburants, secteur à fort potentiel d’emploi de travailleurs peu comme très qualifiés. Pour conclure, l’agence met l’accent sur l’innovation : sans cette dernière, « la transition vers des systèmes énergétiques modernes, propres et résilients seraient mis en jeu » et « les gouvernements ont un rôle majeur à jouer en soutenant l’innovation, notamment dans des domaines que le secteur privé perçoit comme trop risqués ». C’est ainsi que l’IEA insiste sur la nécessité de développer activement les recherches sur les technologies basées sur l’hydrogène, sur les batteries, sur les petits réacteurs nucléaires modulaires et sur la capture, l’utilisation et le stockage du dioxyde de carbone.
Quelles conclusions peut-on tirer de ce plan de relance durable ?
De manière centrale, en promouvant une modernisation importante du secteur de l’énergie pour répondre aux défis économiques, sociaux et écologiques du moment, cette dernière nous montre de manière sous-jacente l’importance de la formation des travailleurs au sens large. En effet, il s’agit d’être en mesure de développer des technologies nouvelles et efficaces et d’être en mesure de les maitriser et de les comprendre, en premier lieu pour les travailleurs impliqués mais aussi pour les utilisateurs et utilisatrices de ces technologies. De tels changements, une telle valorisation de l’innovation nécessite de développer véritablement l’enseignement supérieur pour former des travailleurs qualifiés qui maitrisent une large palette de compétences clés. De fait, cela suppose de rompre avec des décennies de libéralisation de l’enseignement supérieur marquées par le sous-financement chronique, le morcellement des formations et la non-reconnaissance du travail des étudiants.
Plus que jamais, il est nécessaire de financer massivement les universités et laboratoires publics pour stimuler l’émulation et la création, de créer un salaire étudiant dans le cadre d’une sécurité emploi-formation pour reconnaitre le travail intellectuel des étudiants et sécuriser les parcours de formation des salariés. Il s’agit aussi de conditionner réellement les aides publiques au secteur privé dans le domaine de la recherche et du développement, pour garantir la création d’emplois stables et stables et surtout la formation d’un nouveau tissu industriel en France et en Europe. Alors que l’étude économique de l’IEA a été faite conjointement avec le Fonds Monétaire International et accorde un rôle prépondérant au secteur privé et aux marchés dans son plan de relance, c’est bien le renversement des logiques de compétition auquel il faut résolument œuvrer.
La remise en cause des logiques de libéralisation et de mise en concurrence des travailleurs et des territoires depuis des décennies aux échelles européenne et mondiale est cruciale. Sans cela, il est clairement impossible de permettre par exemple un développement véritable d’un pôle efficace de l’énergie, d’un réseau ferroviaire maillant tout le territoire, d’une éducation, d’un enseignement supérieur et d’une recherche libérés des logiques de rendement immédiat qui se font au détriment des objectifs de long-terme que vise le Plan de relance durable de l’Agence Internationale de l’Énergie. Pour répondre aux enjeux clé de notre époque, pour permettre une relance industrielle et écologique, c’est bien du côté du secteur public que les solutions sont à trouver.
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Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste.
Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale.
Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.