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Le premier ministre a eu beau assurer que le plan de relance est « d’abord destiné au climat et à la biodiversité », son volet dédié à la transition écologique déçoit, voire inquiète.
Trente milliards d’euros sur deux ans, soit près du double des investissements usuellement consacrés par la France à l’écologie : le volet verdissement du plan présenté ce jeudi avait tout pour séduire. Il échoue cependant à convaincre et encore plus à satisfaire, tant par le flou de son contenu et le creux de ses garanties que par le contexte général dans lequel il s’inscrit. Décryptage en trois points.
Un chèque en blanc aux industriels
Conditionner les soutiens accordés aux entreprises à des contraintes environnementales concrètes : c’était le point phare sur lequel le gouvernement était attendu. Ciblée singulièrement, la baisse des impôts de production accordée par le plan de relance à l’industrie, pour un montant total de 20 milliards d’euros sur deux ans. Beaucoup revendiquaient qu’en contrepartie soient établies des obligations fermes, par exemple en matière de réduction de gaz à effet de serre à court terme, compatibles avec la réduction de 40 % des émissions de CO2 d’ici dix ans. Ni Jean Castex, ni Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, n’ont effleuré le sujet. Le hiatus n’est pas neuf. Voté fin juillet et prévoyant de mobiliser 43,5 milliards d’euros en faveur des secteurs sinistrés, « le troisième projet de loi de finances rectificative(PLF3) ne conditionne ces aides qu’à de très faibles engagements écologiques », rappelle Nicolas Berghmans, chercheur à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). « Ils se résument à des mesures de reporting », poursuit le chercheur, soit l’obligation faite aux plus grosses entreprises de publier leur stratégie climatique sans aucune contrainte de mise en œuvre.
Une transition en faux-semblant
Les 30 milliards d’euros dédiés au verdissement ne font pas tout : il reste les autres 70 milliards prévus par le plan de relance, dont le ciblage reste flou. « Pas un euro de plus ne devrait aller à des secteurs nocifs pour l’environnement », insiste Samuel Leré, de la Fondation Nicolas-Hulot, qu’il s’agisse d’infrastructures routières ou autres. Or, sur ce point non plus, le plan gouvernemental ne dit ni ne garantit rien. Cette omission inquiète d’autant plus que l’actualité ne va pas en démontrant la bonne volonté de l’État en matière de désinvestissement des secteurs polluant. Ce 2 septembre encore, le Monde révélait que la banque BPI France s’apprête à soutenir Total pour un projet gazier dans l’Arctique russe, alors même que le plan de relance abonde celle-ci de 2,5 milliards d’euros pour en faire celle « du climat ».
Les investissements prévus dans le cadre du volet vert eux-mêmes ne récoltent pas tous d’éloges. Hydrogène vert ou agriculture de précision : beaucoup ciblent des technologies contestées. « Investir dans de fausses solutions au nom du “verdissement”, comme le nucléaire, l’avion vert ou les SUV électriques, relève de l’anachronisme », résume Clément Sénéchal, de Greenpeace.
Une enveloppe gonflée mais encore bien légère
Quinze milliards d’euros par an : le chiffre a beau être le plus gros que la France ait jamais aligné pour la transition, il laisse sur leur faim beaucoup d’environnementalistes. « Certes, il correspond aux besoins estimés pour engager l’économie sur la voie de la neutralité carbone, reprend Samuel Leré, encore faut-il qu’il soit reconduit au-delà des deux prochaines années, comme le préconisent ceux qui l’ont calculé. » Ramenée secteur par secteur, l’enveloppe sonne creux. Si le développement de l’hydrogène vert devrait bénéficier à lui seul de 9 milliards d’euros, la rénovation thermique des bâtiments, pourtant admise comme cruciale, n’en récoltera que 7 milliards, le ferroviaire à peine 6 milliards (lire précédemment), l’économie circulaire 2 milliards. L’agriculture, elle, ne bénéficiera, aide alimentaire comprise, que de 1,2 milliard d’euros.
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