
*Jean-Claude Cheinet est géographe et ancien adjoint au maire de Martigues
Les cosmonautes vous le diront, confirmant le poète : « La Terre est bleue comme une orange », une couleur due notamment à la masse des océans. Ce dossier aborde un sujet immense et complexe, sans prétendre être exhaustif pour autant. Il le fait modestement, par quelques unes de ses facettes : incidences du dérèglement climatique, activités humaines à l’heure de la mondialisation, évolution des milieux, irruption d’espèces invasives et protection du milieu avec des parcs marins…
Les océans enregistrent le réchauffement, l’amortissent mais se dilatent. Leur niveau augmente aussi par la fonte des glaciers terrestres, et cela se mesure. La majorité de la population du globe vit non loin des côtes, tire de la mer des ressources essentielles et l’utilise pour commercer, aussi aborderons-nous la pêche et les conditions d’une pratique durable ainsi que la construction navale, la plaisance, les hydroliennes et l’offshore.
Mais à travers les routes maritimes, nouvelles pour celles qui profitent du réchauffement de l’océan Arctique, ainsi qu’à travers les choix de l’Union européenne en matière de pêches, nous verrons quelques-uns des enjeux politiques et stratégiques qui se jouent dans les espaces maritimes. Nous avons réservé pour plus tard des thèmes comme les pollutions marines plastiques, marées noires ou macrodéchets, ou comme la conchyliculture ou les erreurs d’aménagements côtiers… de même pour la question des métiers maritimes : marins, armateurs, aconiers, dockers, qui dans leur unité et leurs diversités expriment l’originalité des « gens de mer ». En l’état, sans chercher à être évidemment une encyclopédie de la mer, ce dossier croise les points de vue de chercheurs reconnus et de militants agissant sur le terrain, dans le concret des luttes qui s’y mènent. Cette diversité des expériences et des approches lui donne sa richesse, passant du global au local et inversement.
Pour en revenir à une échelle nationale, la France a un linéaire côtier considérable de plusieurs milliers de kilomètres ; en tenant compte des territoires d’outre-mer, notre pays a des espaces économiques exclusifs parmi les plus importants de la planète. Cela nous confère une responsabilité particulière et demande une politique de la mer ambitieuse, à la mesure du rôle passé de notre pays comme du fait que nous sommes présents sur les cinq continents. Or force est de constater à travers les articles qui suivent que ces atouts ne sont pas valorisés : malgré la présence de quelques armements phares, notre marine s’efface, les industries de construction navale qui la soutiennent sont fragiles et peu soutenues, la filière pêche est dans le flou consécutivement au Brexit. Hormis un immobilier de bord de mer, fragile du fait de la hausse du niveau des mers et de l’érosion, peu de choses sont faites dans la perspective d’un développement durable du littoral.
Quant à se préparer et à s’adapter à la hausse prévisible du niveau des mers et aux investissements considérables que cela nécessitera, notre société, dont les décideurs sont guidés par la recherche du profit immédiat, n’y pense guère ! Il est vraiment temps d’élaborer une vraie politique de la mer avec la population côtière notamment. Un autre poète écrivit « Homme libre, toujours tu chériras la mer ». Il ne suffit pas d’aimer pour agir, valoriser, protéger et gérer de façon durable les deux tiers de la surface de la Terre; pour ce faire, tenons compte de ce monde particulier.