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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 07:23

Dans Le Monde Diplomatique n°716 de novembre 2013, on peut trouver un dossier excellent et accablant sur le fonctionnement de la multinationale du commerce en ligne "Amazon", le cours de Pierre Bourdieu sur le peintre Manet, un très bon article sur le retour à l'offensive diplomatique de la Russie, et bien d'autres analyses qui nous rendent le monde plus intelligible. Il y a aussi et surtout cet éditorial du précieux Serge Halimi qui nous rappelle qu'au-delà d'un gouvernement PS qui mène une politique droitière, en matière d'immigration comme ailleurs, il reste une UMP dont les propositions empruntent de plus en plus au corpus de l'extrême-droite et des ultra-libéraux et réactionnaires américains du Tea Party et du Parti Républicain.

Le caractère indispensable de cet éditorial a été confirmé cette semaine par l'annonce d'un nouvel évènement horrible dû à l'inégalité, à la pauvreté d'une grande partie des populations africaines, et aux politiques inhumaines de lutte contre l'immigration: 53 enfants, 33 femmes et 7 hommes ont péri dans le Sahara, morts de soif dans le désert après la panne des deux voitures qui les convoyaient alors qu'ils fuyaient la ville minière d'Arlit au Niger, chassés par la famine et les mauvaises récoltes, pour tenter de rejoindre dans un premier temps le Sud Algérien.

Le calvaire des migrants témoigne avant tout de la barbarie d'un monde que le sens de l'humanité exige de vouloir changer.

 

 

 

Lampedusa - par Serge Halimi

 

Il y a trente ans, fuir le système politique oppressif de leur pays valait aux candidats à l'exil les louanges des pays riches et de la presse. On estimait alors que les réfugiés avaient "choisi la liberté", c'est à dire l'Occident. Un musée honore ainsi à Berlin la mémoire des cent trente-six fugitifs ayant péri entre 1961 et 1989 en essayant de franchir le mur qui coupait la ville en deux.

Les centaines de milliers de Syriens, de Somaliens, d'Erythréens qui, en ce moment, "choisissent la liberté"  ne sont pas accueillis avec la même ferveur. A Lampedusa, une grue a été requise, le 12 octobre dernier, pour charger sur un navire de guerre les dépouilles de près de trois cent d'entre eux. Le mur de Berlin de ces boat people fut la mer; la Sicile leur cimetière. La nationalité italienne leur a été concédée à titre posthume.

Leur décès semble avoir inspiré des responsables politiques européens. Le 15 octobre dernier, M. Brice Hortefeux, ancien ministre de l'intérieur français, estima par exemple que les naufragés de Lampedusa obligeaient à répondre "à une première urgence: faire en sorte que les politiques sociales de nos pays soient moins attractives"  (RTL, 15 octobre 2013). Et il s'en prit aux prodigalités qui attirent, selon lui, les réfugiés vers les côtes du Vieux Continent: "L'aide médicale d'Etat permet à des personnes qui sont venues sur le territoire sans respecter nos règles (d'être soignées gratuitement), alors que, pour les Français, il peut y avoir jusqu'à 50 euros de franchise." 

Il ne lui restait plus qu'à conclure: "La perspective de bénéficier d'une politique sociale attractive est un élement moteur. On n'a plus les moyens de faire cela". On ne sait si M.Hortefeux imagine aussi que c'est appâtés par les aides sociales pakistanaises qu'un million six cent mille Afghans ont trouvé refuge dans ce pays. Ou que c'est pour profiter des largesses d'un royaume dont la richesse par habitant est sept fois inférieure à celle de la France que plus de cinq cent mille réfugiés syriens ont déjà obtenu l'asile en Jordanie.

L'Occident se prévalait il y a trente ans de sa prospérité, de ses libertés comme d'un bélier idéologique contre les systèmes qu'il combattait. Certains de ses dirigeants ultilisent dorénavant la détresse des migrants pour précipiter le démantèlement de tous les systèmes de protection sociale. Peu importe à de tels manipulateurs de malheur que l'écrasante majorité des réfugiés de la planète soient presque toujours accueillis par des pays à peine moins misérables qu'eux.

Quand l'Union Européenne ne somme pas ces Etats, déjà proches du point de rupture, de "faire cesser le business indigne des embarcations de fortune" (tweet de Mme Malmström, commissaire européenne aux affaires intérieures, mettant en cause la Libye et la Tunisie le 11 octobre 2013), elle leur enjoint de devenir son glacis, de protéger des indésirables en les traquant ou en les détenant dans des camps. Le plus sordide est que tout cela n'aura qu'un temps. Car, un jour, le Vieux Continent fera de nouveau appel aux jeunes immigrés pour endiguer son déclin démographique. Alors les discours s'inverseront, les murs tomberont, les mers s'ouvriront...     

 

 

   

   

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