Le 11 décembre 1964, en pleine guerre froide, le commandant de la révolution cubaine dénonce à la tribune des Nations unies l’interventionnisme des puissances occidentales, frein à toute « coexistence pacifique des peuples ».
Vêtu de son treillis vert olive, Ernesto Guevara est à la tribune de l’Assemblée des Nations unies. Ce 11 décembre 1964, le palais de verre de New York tremble. Rarement un dirigeant s’est livré dans cette enceinte à un tel réquisitoire contre l’impérialisme des puissances occidentales, particulièrement des États-Unis qui ensanglante l’Amérique latine, le Congo de feu Patrice Lumumba, le Vietnam, etc.
Le commandant de la révolution cubaine en sait quelque chose. Depuis l’avènement de la révolution en 1959, Cuba, autrefois bordel de la mafia et des États-Unis, est la cible d’attaques de la Maison-Blanche, comme l’illustre l’invasion de la baie des Cochons, en 1961, par des mercenaires entraînés par la CIA. Depuis, le pays est soumis à un terrible blocus toujours en vigueur. En 1962 encore, la Grande Île a été le point névralgique de la guerre froide avec la crise des missiles.
Dans son adresse à l’ONU, en porte-voix des pays non alignés, le Che dénonce « la bande de chacals et de hyènes » que « la civilisation occidentale dissimule derrière sa façade somptueuse ». Et de plaider pour la libération des peuples, seule condition d’une véritable coexistence pacifique.
Extrait du discours
La dernière heure du colonialisme a maintenant sonné, et des millions d’habitants d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine se lèvent à la recherche d’une nouvelle vie et imposent leur strict droit à l’autodétermination et au développement indépendant de leur nation. (…)
Notre pays est un des points constants de friction, un des lieux où les principes qui fondent les droits des petits pays à leur souveraineté sont mis à l’épreuve jour après jour, minute après minute, et, en même temps, il est une des tranchées de la liberté du monde située à petite distance de l’impérialisme nord-américain.
De tous les problèmes brûlants qu’il faut traiter dans cette Assemblée, un de ceux qui ont pour nous une signification particulière (…) est celui de la coexistence pacifique entre États de régimes économico-sociaux différents. Le monde a fait de grands progrès dans ce domaine, mais l’impérialisme – surtout l’impérialisme nord-américain – a prétendu faire croire que la coexistence pacifique était réservée à l’usage exclusif des grandes puissances de la Terre. (…) La coexistence pacifique doit s’exercer entre tous les États, indépendamment de leur taille, des rapports historiques antérieurs qui les ont liés et des problèmes qui se sont posés parmi certains d’entre eux à une époque donnée (…).
Nous considérons qu’une conférence dont l’objectif serait la destruction totale des armes thermonucléaires, avec pour première mesure l’interdiction totale des essais, est nécessaire. Dans le même temps doit être clairement établie l’obligation pour tous les pays de respecter les frontières actuelles des autres États, de n’exercer aucune action agressive même menée avec des armes conventionnelles.
En unissant notre voix à celle de tous les pays du monde qui demandent le désarmement général et total, (…) nous croyons nécessaire que l’intégrité territoriale des nations doit être respectée et que le bras armé de l’impérialisme doit être arrêté car, pour n’utiliser que les armes conventionnelles, il n’en reste pas moins dangereux. (…)
Nous déclarons une fois de plus que les vices coloniaux qui empêchent le développement des peuples ne s’expriment pas seulement dans des rapports de type politique : la fameuse détérioration des termes de l’échange n’est autre que le résultat de l’échange inégal entre pays producteurs de matières premières et pays industriels qui dominent les marchés. (…)
Tant que les peuples économiquement dépendants ne se libéreront pas des marchés capitalistes pour imposer, fermement unis aux pays socialistes, nos rapports entre exploiteurs et exploités, il n’y aura pas de développement économique solide ; on reculera, et dans certains cas, les pays faibles retomberont sous la domination politique des impérialistes et des colonialistes. (…)
Nous ne pouvons nier notre sympathie envers les peuples qui luttent pour leur libération et nous devons remplir l’obligation de notre gouvernement et de notre peuple en exprimant catégoriquement devant le monde que nous soutenons moralement les peuples qui, n’importe où dans le monde, luttent pour que les droits de pleine souveraineté proclamés dans la Charte des Nations unies deviennent une réalité. »
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