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21 juin 2022 2 21 /06 /juin /2022 06:19
Jean-Louis Trintignant disait aussi parlant du communisme !
- "Tu as raison, nous ne sommes pas prêts à être communistes. Pas encore, c'est trop tôt ! ..."
Il précisait :
"Je pense que le communisme, c'est ça ! Il était impensable que cette doctrine puisse triompher, mais s'il avait existé la moindre chance de réussite, ça aurait été tellement plus beau que toutes les autres idées politiques et économiques. C'est pour cela que j'ai pensé communiste. Cette idée me plaisait parce qu'elle représentait la solution, et même si je doutais qu'elle fût réalisable maintenant, elle valait la peine d'être défendue."
Cinéma - Jean-Louis Trintignant, la mort d'un immense acteur: Marie-Josée Sirach et Michaël Mélinard dans L'Humanité, 18 et 19 juin 2022
Disparition. Le charme discret de Jean-Louis Trintignant

L’acteur est mort vendredi à l’âge de 91 ans. Retour sur la carrière cinématographique et théâtrale aussi dense qu’improbable d’un homme libre, insaisissable et fascinant.

Publié le Dimanche 19 Juin 2022

Il émanait de Jean-Louis Trintignant un charme incroyable. Il était d’une beauté fascinante, troublante. Ses yeux semblaient scruter loin derrière la caméra et son sourire, à la fois séducteur et carnassier, ne laissait personne indifférent. Il n’a jamais joué les stars, préférant la discrétion et l’humilité aux paillettes. Son jeu était sobre, élégant, laissant entrevoir cette part de mystère qui ne l’a jamais quitté. Sa voix, sensuelle, veloutée, pouvait être soyeuse ou dure et cassante. Pilote de course, il courut les rallyes de Monte-Carlo et les 24 Heures du Mans, dans la vie comme au cinéma.

Et Dieu créa la femme le propulse sur le devant de la scène

La carrière de Jean-Louis Trintignant est à son image : inattendue, discrète et flamboyante. Il a marqué à jamais plusieurs générations de spectateurs, que ce soit dans des rôles de jeune premier ou certains, plus sombres et inquiétants. Il est étonnamment passé à côté de la nouvelle vague et s’est permis le luxe de refuser des films tels Apocalypse Now, de Coppola, The Servant, de Joseph Losey, Rencontres du 3e  type, de Spielberg, Casanova, de Fellini ou encore César et Rosalie, de Claude Sautet. Combien de fois n’a-t-il pas annoncé son retrait du cinéma pour mieux se consacrer au théâtre et à la poésie, aux poètes qu’il avait découverts très tôt dans sa jeunesse gardoise ? Mais il y revenait, toujours, parfois après de longues parenthèses.

Coup de foudre, passion amoureuse et incandescente

Jean-Louis Trintignant est mort et l’on se souvient du visage encore enfantin de ce « gamin » qui épouse envers et contre tous Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme. Roger Vadim, le réalisateur, a 28 ans ; Bardot 22 et Trintignant 26. Vadim filme comme vit la jeunesse d’alors, spontanément, joyeusement, tragiquement. Et si le film fit scandale auprès de toutes les grenouilles de bénitier et autres gardiens de la morale, il propulsa sur le devant de la scène deux jeunes acteurs alors presque inconnus devenus, lors du tournage, amants dans la vraie vie.

Jean-Louis Trintignant est alors rattrapé par la guerre, celle qui ne disait pas son nom, la guerre d’Algérie. Il refuse de partir se battre contre le peuple algérien. Il est alors envoyé en Allemagne, où l’armée lui fera payer cher son refus. Retour à la vie, retour au théâtre, un peu ; au cinéma beaucoup, où il enchaîne film sur film : les Liaisons dangereuses (1960), de Roger Vadim, Pleins feux sur l’assassin (1961), de Franju, le Fanfaron (1962), de Dino Risi aux côtés de Vittorio Gassman, le Combat dans l’île (1962), d’Alain Cavalier ; joue un poète improbable dans Merveilleuse Angélique (1965), de Bernard Borderie, rencontre pour la première fois Costa-Gavras dans Compartiment tueurs (1965).

1966… Sous la caméra tourbillonnante de Claude Lelouch, Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée vont incarner à jamais le coup de foudre, la passion amoureuse et incandescente aux rythmes fous d’allers-retours en voiture ou en train entre Paris et Deauville sous des pluies battantes. Un homme et une femme, malgré quelques critiques moqueuses, va marquer plusieurs générations de spectateurs en France et partout dans le monde, raflera la palme d’or à Cannes et se verra auréolé de deux oscars. Bon sang ! Qu’ils sont beaux tous les deux, qu’on a aimé ce happy end comme il n’en existe qu’au cinéma…

120 films au total, dont deux réalisations

On n’a jamais su très bien comment Trintignant choisissait ses films : était-ce le réalisateur, le scénario, le personnage, le hasard qui le séduisaient ? Il y a des affinités électives, avec Costa-Gavras, Alain Robbe-Grillet, Jacques Deray, Christian de Chalonge, Pierre Granier-Deferre, Jacques Audiard ; des affinités affectives, Claude Lelouch, Nadine Trintignant ; des « one shots », Alain Cavalier, Claude Chabrol, Éric Rohmer, François Truffaut, André Téchiné, Patrice Chéreau, Robert Enrico, Krzysztof Kieslowski ; sa période italienne, Valerio Zurlini, Sergio Corbucci, Giuseppe Patroni Griffi, Ettore Scola, Luigi Comencini, Bernardo Bertolucci… 120 films ou plus au total, dont deux qu’il a réalisés, Une journée bien remplie, en 1973, avec Jacques Dufilho, et le Maître-nageur, en 1979, à l’humour noir aussi grinçant que le premier. Enfin, deux films magistraux de l’Autrichien Michael Haneke, Amour en 2012 et Happy End en 2017, et des retrouvailles, cinquante ans après Un homme et une femme, avec Lelouch et Anouk Aimée dans les Plus Belles Années d’une vie, en 2021…

En parallèle de sa carrière cinématographique, Jean-Louis Trintignant a mené une carrière théâtrale. Celle-ci avait débuté bien avant le cinéma, au tout début des années 1950, années essentielles de formation. Il fréquente les cours de Charles Dullin puis de Tania Balachova, à Paris, avant de rejoindre Jean Dasté, l’un des pionniers de la décentralisation, à la Comédie de Saint-Étienne. À Avignon, Trintignant jouera La guerre de Troie n’aura pas lieu, dans la cour d’Honneur, mise en scène par le patron, Jean Vilar. Mais aussi sous la direction de Claude Régy, de Sacha Pitoëff, de Bernard Murat, de Claude Santelli, de Pierre Valde, d’Antoine Bourseiller… Jusqu’à se recentrer sur des lectures, celles des poètes, Aragon et sa Valse des adieux, celle du Journal de Jules Renard, de ses « trois poètes libertaires préférés », Jacques Prévert, Robert Desnos et Boris Vian, accompagné par l’accordéon de Daniel Mille sur des compositions d’Astor Piazzolla.

La mort de Marie l’avait brisé

Au crépuscule de sa vie, il n’avait pas renoncé. Lui qui avait voulu mourir tant de fois, anéanti par la mort de sa première fille, Pauline, puis celle de Marie dans d’atroces circonstances, malgré le cancer qui le rongeait, il avait su puiser au fond de son âme, toujours libertaire, indisciplinée et mélancolique, la force, le courage de retourner sur des plateaux de cinéma et de remonter sur les planches. La mort de Marie l’avait brisé. Ensemble, ils s’étaient aventurés dans la poésie d’Apollinaire, lisant, riant, pleurant à deux voix les Poèmes à Lou. Une admiration réciproque les liait, un amour infini tissait entre eux un voile protecteur invisible. Sa mort l’a plongé dans les ténèbres. Il s’est tu. Longtemps. Et puis est remonté sur scène, pour dire Prévert, Desnos et Vian. On a encore en mémoire le poème de Prévert : « Dans ma maison tu viendras… » Dans sa maison, celle de ses amis poètes, de ses filles, Trintignant s’en est désormais allé.

Jean-Louis Trintignant, l’acteur qui aimait les poètes 

Disparu le 17 juin à l’âge de 91 ans, le comédien a joué dans plus de 120 films et dans de nombreuses pièces. C’est l’une des grandes voix du cinéma français qui s’éteint.

Publié le
Samedi 18 Juin 2022

Jean-Louis Trintignant est mort deux fois. Une première en août 2003, lorsque sa fille Marie, périt en Lituanie sous les coups de son compagnon Bertrand Cantat. Une seconde, le matin du 17 juin à 91 ans, « paisiblement, de vieillesse, chez lui, dans le Gard, entouré de ses proches » selon un communiqué transmis par son épouse Marianne Hoepfner Trintignant. On peut accoler à Jean-Louis Trintignant une foule de superlatifs ou de clichés sans jamais parvenir à vraiment saisir son importance sur les scènes théâtrales et cinématographiques de France mais aussi d’Europe. Alors allons-y. Monstre sacré, mythe, géant, Trintignant c’est un peu de cela mais pas seulement, une sorte de vedette qui n’assume pas complètement, un timide oubliant ses complexes devant une caméra ou sur un plateau de théâtre. Jean-Louis Trintignant, c’est d’abord une voix unique, singulière, reconnaissable avec des intonations un peu désinvolte, à la fois douce et semblant parfois revenue d’outre-tombe. C’est aussi une belle gueule de jeune premier, puis d’homme mûr irradiant l’écran puis, avec les ridules de l’âge avançant, un visage et un regard expressifs, magnifiés par Michael Haneke dans Amour, œuvre capitale couronnant d’une Palme d’or, son retour inespéré sur grand écran. Une manière de boucler la boucle cinématographique entamée 60 ans plus tôt. Et si le comédien a refait quelques apparitions au cinéma par la suite – dans Happy End du même Haneke et dans le troisième volet d’un Homme et une femme avec Lelouch- cet Amour apparaît testamentaire.

Né le 11 décembre 1930, Trintignant commence sa carrière dans les années 1950. Comme Brigitte Bardot, il est révélé dans Et dieu créa la femme de Roger Vadim. . Mari à l’écran, amant à la ville, leur brève idylle fait le bonheur de la presse à scandale. Vadim a du flair puisque les premiers pas au théâtre du jeune homme de 26 ans n’ont pas ému grand monde. Le film est un succès monumental mais c’est surtout Bardot qui en ramasse les lauriers. Service militaire oblige, Trintignant est rattrapé par la guerre d’Algérie. De retour chez Vadim en 1959 dans les Liaisons dangereuses, c’est avec le Fanfaron qu’il explose. Ce n’est pas lui, le fan de course automobile qui incarne le séducteur et conducteur de belles bagnoles mais Vittorio Gassman dans ce chef-d’œuvre de la comédie italienne de Dino Risi. Lui est étudiant en droit, séduit et un peu dépassé par un quadra flamboyant et sans gêne. Puis c’est Costa Gavras une première fois dans Compartiment Tueurs, Lelouch et son chabadabada dans un Homme et une femme (1966) face à Anouk Aimée. Une palme d’or et un Oscar pour Lelouch, le rôle d’une vie pour Anouk Aimée et un peu plus d’éternité pour Trintignant. La belle histoire se poursuit entre cinéma d’auteur et cinéma populaire. Il est dans  Paris Brule-t-il de René Clément, un homme à abattre de Jacques Deray, Les Biches de Chabrol, face à son ex-épouse Stéphane Audran. Il enchaîne les grands rôles. Chez Gavras encore, en juge dans Z, confronté aux autorités dictatoriales. Il ajoute une ligne à son palmarès cannois avec un prix d’interprétation. Puis, c’est Ma nuit chez Maud, quintessence du film rohmerien.

Les années 1970 débutent avec ce qu’il considère comme son plus beau rôle. Il est le Conformiste de Bernardo Bertolucci, un homme faible qui tente de se reconstruire en adhérant au parti fasciste et en se fondant dans la norme. Il s’essaie à la mise en scène en 1973, dirigeant Jacques Dufilho dans un film au titre improbable, Une journée bien remplie, où neuf meurtres insolites sont commis dans une même journée par un seul homme dont ce n’est pas le métier. Les spectateurs le boudent. Il réitère l’expérience en 1979 avec Le maître nageur qui lui non plus ne trouve pas son public. Entre-temps, il a joué pour Granier-Defferre dans le Train, est revenu sur la Seconde Guerre mondiale dans Les violons du bal de Michel Drach, s’est glissé dans la peau du criminel Emile Buisson face à Delon dans Flic Story et a revisité le coup d’État de Pinochet dans Il pleut sur Santiago. Les années 1980 confirment sa place prééminente. Il retrouve Gassman dans le très beau film de Scola La Terrasse. En 1982, il est Duché, le commissaire antisémite du Grand Pardon, film qu’il a accepté, selon la légende, à cause de la ressemblance du réalisateur Alexandre Arcady avec le pilote de formule 1 Jacques Laffite. Il est dans Vivement Dimanche, le dernier film de Truffaut. Il apparaît aussi souvent dans les Lelouch, jusqu’à participer à une suite d’Un homme et une femme, vingt ans après.

Il fraie aussi avec les jeunes cinéastes. Ainsi, il participe aux deux premiers longs métrages de Jacques Audiard, Regarde les hommes tomber et Un héros très discret. Il accompagne aussi les premiers pas d’Enki Bilal au cinéma dans Bunker Palace Hotel et Tykho Moon. En 1998, il annonce sa retraite cinématographique après Ceux qui m’aiment prendront le train de Patrice Chéreau. Le comédien entend se consacrer au théâtre. D’ailleurs, à cette période, il partage la scène avec sa fille pour interpréter les Poèmes à Lou d’Apollinaire. Enchantés par l’expérience, ils la réitèrent avec une pièce de Samuel Benchetrit, Comédie sur un quai de gare. La mort de sa fille le dévaste. Il continue de monter sur scène, mettant sa voix au service des poètes libertaires -Prévert, Vian, Desnos-, accompagné par l’accordéoniste Daniel Mille. Haneke le convainc de revenir au cinéma avec Amour, lui permettant de décrocher un césar (le seul !) du meilleur acteur. Lorsque Haneke reçoit la Palme d’or, il déclare sur la scène : « Et si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ». On va essayer très cher Jean-Louis. Mais que ce sera dur sans toi.

Michaël Melinard

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