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21 avril 2021 3 21 /04 /avril /2021 06:14
Hommage à Roland Weyl, communiste, doyen des avocats de France, décédé à 102 ans
Roland Weyl avait une maison dans le secteur de Plougasnou. Il est venu faire une intervention pour le PCF Morlaix le 29 octobre 2014 sur le thème « Communiste plus que jamais ». qui a été très appréciée sur ses activités d'avocat international, engagé dans la lutte contre le colonialisme, l'apartheid, pour l'égalité des droits et des peuples.
 
Roland Weyl : l'engagement révolutionnaire, pour la justice, la Paix et l'émancipation humaine (Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, Député du Nord)
Notre camarade Roland Weyl vient de nous quitter à l'âge de 102 ans.
Issu d'une grande famille de juriste et Doyen du Barreau de Paris, Roland fut d'abord un grand avocat après avoir prêté serment à la veille de la Seconde guerre mondiale sans pouvoir exercer durant les années d'Occupation, pendant lesquelles il s'engagea dans la Résistance.
Après la Libération, convaincu que le Parti communiste était le « seul outil d'action pour un changement de société », il y prit sa carte directement au siège du PCF. Mais Roland voulait faire bien plus de son engagement communiste qu'un bulletin d'adhésion. Pour lui,« il ne suffit pas d'avoir signé un bulletin d'adhésion pour devenir communiste. L'adhésion est un choix, c'est par l'enseignement combiné que fournissent l'expérience tirée des luttes et l'approfondissement théorique des motivations et des critères d'orientations qu'on apprend à être le communiste qu'on a voulu être ».
C'est aussi pour cela qu'il décida de politiser son activité professionnelle.
Parce qu'il considérait que le droit devait servir la Justice et protéger les peuples et les individus des répressions des puissances de l'argent et des Etats impérialistes.
Il décida alors d'adhérer à l'Association Internationale des Juristes démocrates dès sa fondation en 1946 – dont il était aujourd'hui le premier vice-Président.
Roland fut aussi un défenseur des mineurs dans le Nord-Pas de Calais, victimes de la répression après les grandes grèves de 1947. Il plaida aussi pour défendre les militants et journalistes communistes, réprimés pour leur activité militante contre la guerre d'Indochine, et compta parmi les courageux avocats qui assumèrent d'aller défendre les patriotes algériens, de l'autre côté de la Méditerranée.
Roland Weyl a aussi beaucoup apporté dans ses activités au sein du PCF, comme militant à Paris ou à la section de Créteil, qu'il rejoint en 1988 avec son épouse Monique, autant que comme « militant d'entreprises » puisqu'il contribua à faire vivre la cellule du PCF du Palais de Justice de Paris. Il contribua parallèlement au rayonnement de l'activité intellectuelle du PCF en devenant éditeur de la Revue de droit contemporain de 1954 à 1991, comme en participant aux activités du Centre d'études et de recherches marxistes, des comités de rédaction de Nouvelle Critique, de France nouvelle et de L'Information municipale.
Pas de justice sans égalité, pas de Justice sans Paix. C'est aussi au nom de ces principes que Roland s'était engagé avec le Secours Populaire, comme avec le Mouvement de la Paix, dont il fut membre du Conseil national, en menant une bataille résolue pour le respect de la Charte des Nations Unies. Et Roland, pour qui la paix ne se concevait que dans la justice, fut un ardent militant du respect des droits du peuple palestinien à vivre libres, dans un Etat respecté par tous.
Le Parti communiste perd une de ses grandes figures.
Je veux dire à ses enfants, France, Danielle et Frédérick, notre profonde reconnaissance pour l'engagement de Roland, pour son parcours au service de la justice, pour son courage et sa clairvoyance politique.
Je leur adresse mes plus sincères condoléances et veux leur témoigner la fierté des communistes d'avoir été des combats de Roland.
Fabien Roussel
Secrétaire national du PCF
Député du Nord
 
***
 
"Ma tristesse, que je tiens à partager avec vous, se mêle à un immense respect pour l’infatigable parcours militant qui fut celui de Roland, tout au long de ses 102 années de vie. C’est tout une page de l’histoire du mouvement communiste et progressiste en France au 20e siècle qui se tourne certes, mais sur laquelle nous continuerons de nous appuyer dans nos combats du quotidien.
Il est impossible de résumer en quelques lignes les actions de Roland, de la Résistance à la défense des mineurs en 1948, de l’action anticoloniale à celle pour l’émancipation de tous les peuples. Intellectuel, avocat, Doyen de l’ordre des avocats de Paris, Roland fut avant tout un militant qui consacra toutes ses forces et toutes ses immenses compétences à la défense des opprimés, à la lutte contre toutes les injustices. Il a su faire avec votre mère, Monique du droit une arme de lutte pour les salariés et des militants pourchassés, ainsi que pour les droits des peuples : nous n’oublierons pas sa lutte, leur lutte pour le respect de la Chartes des Nations Unies et du droit humanitaire par les États en conflit, pas plus que nous n’oublierons qu’il fit partie de la trentaine d’avocats parisiens qui prirent part au « pont aérien » organisé par le Secours populaire pour aller défendre en Algérie les indépendantistes réprimés. Toutes actions qu’il prolongea par celle, inlassable, pour les droits du peuple palestinien.
Juriste éminent, Roland était aussi un homme de cœur, qu’il exprima dans de nombreuses associations comme le secours populaire ou le mouvement de la paix, et en fondant lui même l’association « droits et solidarité » avec Monique. Ses nombreux ouvrages témoignent de ces engagements sans faille, tout au long de nombreuses décennies. Adhérent de notre parti de 1946 jusqu’à son dernier souffle, participant jusqu’au bout à tous ses débats, il a contribué à faire du parti communiste un outil irremplaçable pour la transformation sociale. Il a façonné durablement le mouvement progressiste en France.
Son apport est inestimable et nous sommes fiers de l’avoir compté parmi nous. Au moment de son adhésion notre parti lui apparut, je le cite, comme le « seul outil d’action pour un changement de société ». La moindre des justices à rendre à Roland est de dire qu’il y a fortement contribué. Roland c'était pour moi un homme attachant et sensible, d'une grande culture qui menait tous ses combats par la force de la conviction parce que militant communiste".
Pierre Laurent, président du Conseil national du PCF
Sénateur de Paris
 
***
ROLAND WEYL, UNE VIE AU SERVICE DES AUTRES
"Nous avons appris la disparition de Roland Weyl, l'immense avocat, le résistant, le militant communiste de toujours et l'acteur historique du Mouvement de la paix français. Il s’est éteint à l’âge de 102 ans et fut l'avocat de toutes les causes humaines, notamment au service des militants politiques, syndicaux, anti-colonialistes. Il était l'homme incarné de l'engagement révolutionnaire et de la justice, de la paix et de l'émancipation.
Inscrit au barreau de Paris dès 1939, interdit d'exercice pendant l'Occupation, il était doyen de l'ordre des avocats de Paris depuis 2010. Parmi ses grands livres, je me permets de citer "Révolution et perspectives du droit : de la société de classes à la société sans classes", publié en 1974, qui fut une lecture marquante dans ma jeunesse.
Nous n'oublierons pas sa bienveillance de camarade, sa chaleur, sa compétence pour aider au bien commun. Profonde tristesse. Et fierté d'être de ses combats... "
Jean-Emmanuel Ducoin
 
Roland Weyl vient de s'éteindre à 102 ans. Doyen des avocats de France, il était communiste, juif, résistant.
 
 
MAITRON: https://maitron.fr/spip.php?article178687, notice WEYL Roland [WEYL Roland, Léonce] par Vanessa Codaccioni
 
"Roland Weyl est né en 1919 à Paris dans une famille de juristes où l’on portait la robe depuis trois générations. Si sa mère, Suzanne Lévy de Souza, était la fille de commerçants, son arrière grand-père était huissier, son grand-père juge de paix et son père, André Weyl, avocat depuis 1908. Ce fut avec lui que, très jeune, il monta pour la première fois les marches du Palais de Justice et qu’il se familiarisa avec le métier d’avocat. Hormis les « bagarres » avec les « fascistes » au lycée, les fêtes pour célébrer la victoire du Front populaire en 1936 ou la participation deux ans plus tard à une réunion organisée par les Jeunes Radicaux qui ne le convainquit pas, Roland Weyl se politisa peu durant sa jeunesse et se consacra à ses études. Docteur en droit, il prêta serment le 12 juillet 1939 mais, en raison de sa judéité, ne put exercer avant 1945. Sous l’Occupation, sa famille se réfugia en Auvergne et Roland Weyl, qui ne souhaitait pas résister au sein du mouvement communiste, s’engagea en revanche sous un faux nom d’abord au sein du réseau Combat dont il se désengagea en 1943 en raison de « l’attitude diviseuse, anticommuniste et suspecte de certains de ses membres » selon ses dires, puis dès 1944 au sein du Mouvement des Auberges de Jeunesses de Lyon qui, entre autres activités résistantes, hébergeait des enfants juifs. Toujours à cette date, il se rapprocha des FTP et intégra le groupe franc de Riom où, sous les ordres du « lieutenant J. Thomas », il mena des enquêtes à Vichy dans le cadre de la future épuration.
Aussi, après la Libération, le Parti communiste lui apparut comme le « seul outil d’action pour un changement de société ». Il adhéra ainsi au PCF en janvier 1946 et, comme tous les militants du Parti, multiplia les adhésions dans des organisations dites « satellites ». Il fut ainsi très rapidement membre du Secours populaire, dont il intégra le bureau national dès 1950, du Mouvement national judiciaire et de l’association France-Tchécoslovaquie. Il devint également membre du bureau de Peuple et Culture qui prônait l’éducation populaire, du comité de Travail et Culture, et devient secrétaire général de Santé-Loisir-Culture qui entendait répandre la culture dans les sanas et organiser les loisirs culturels des tuberculeux. Tout en prenant des responsabilités dans le Parti (bureau de section du XVIIIe arrondissement de 1947 à 1950 ; comité de section de Paris 1er de 1950 à 1952), Roland Weyl milita à la cellule Hajje du Palais de Justice, au sein de laquelle il côtoyait de nombreux avocats engagés, comme le socialiste Pierre Stibbe et surtout Marcel Willard, figure-type de l’avocat militant communiste dont il suivait les cours sur « la défense politique ».
Dans un contexte de radicalisation de la répression anticommuniste qu’attestait la gestion étatique des grandes grèves des mineurs de 1947-1947, et comme la cinquantaine de jeunes avocats qui adhérèrent au parti après la Libération, il dut dès lors apprendre à devenir un « avocat révolutionnaire » et à politiser ses pratiques professionnelles. « Tout à apprendre, écrit-il dans ses mémoires, car l’enseignement de Marcel Willard est une véritable rupture avec ce que la faculté, la profession, et, plus généralement, l’ordre bourgeois peuvent enseigner ». Cette défense politique, consistant en la défense d’une cause dans les prétoires, Roland Weyl la mit en œuvre dans tous les cas judiciaires qui lui furent confiés à partir de cette date. Dès 1948, il participa à l’organisation collective de la défense des mineurs inculpés et plaida à Béthune, Douai, Arras ou encore à Alès. En décembre 1948, lors de l’un de ses aller-retour entre Paris et Béthune, il rencontra Monique Picard, elle aussi avocate, avec laquelle il se maria l’année suivante et eut trois enfants dont deux seront aussi avocats. Puis au moment des « pics de répression » de la guerre d’Indochine, il plaida dans de nombreuses affaires de distribution de tracts qui impliquaient des membres de l’UJRF ou dans des affaires de propagande où étaient impliqués des journalistes et des organes de presse du PCF. En 1952 par exemple, il devint l’avocat de Georges Morand, directeur de la publication du Ralliement depuis 1946 et député de Maine-et-Loire, et Pierre Dessite, journaliste, tous deux accusés « d’injures » et de « diffamations » pour avoir dénoncé un verdict prononcé contre un membre du parti. Lors de leur procès, qui se déroula en janvier devant le tribunal de grande instance d’Anger, il mena une véritable défense politique typique des stratégies communiste de politisation de la répression : il déclama une longue plaidoirie politique entièrement axée sur la liberté d’opinion et sur le devoir d’information et de critique des journalistes, dénonça le procès d’intention et « d’hérésie » fait au PCF et, pour souligner l’absence d’indépendance de la magistrature, lut quelques passages de L’État et la Révolution (Lénine), de Matérialisme historique et matérialisme dialectique (Staline) ou encore de La Défense accuse (Marcel Willard) sur « le contenu de classe du banc des prévenus dans le procès politique ».
Prolongeant cet engagement militant pendant la guerre d’Algérie, Roland Weyl fit partie de la trentaine d’avocats parisiens qui prirent part au « pont aérien » organisé par le Secours populaire pour aller défendre en Algérie les indépendantistes réprimés. Il y défendit notamment un jeune homme accusé du meurtre d’une jeune fille de son village et condamné à mort. Pour lui éviter la guillotine, Roland Weyl rencontra alors le général de Gaulle pour lui demander la grâce et l’obtint. Dans un contexte où le PCF luttait également contre le réarmement allemand, Roland Weyl devint aussi à cette date l’un des avocats de « l’affaire Speidel », du nom des inculpations qui touchent de jeunes communistes ayant refusé de servir sous les ordres du général allemand Hans Speidel, nommé en avril 1957 à la tête de l’OTAN. Devant la large mobilisation en faveur des militants, son client Victor Beauvois, comme les autres inculpés, obtint un non-lieu.
Parallèlement, Roland Weyl était très actif dans les activités intellectuelles du PCF puisqu’il devient éditeur de la Revue de droit contemporain de 1954 à 1991, intégra le bureau du Centre d’études et de recherches marxistes et devient également membre du comité de rédaction de la revue Nouvelle Critique, de France nouvelle et de L’Information municipale. Mais c’est surtout son engagement pour la paix et la solidarité internationale qui dominèrent dans l’engagement de l’avocat militant. Membre du Mouvement de la paix dont il intégra le conseil national, Roland Weyl s’engagea activement dès cette période au sein de l’Association internationale des juristes démocrates pour laquelle il assista à de nombreux procès, comme en 1959 où il fut observateur du procès d’un dirigeant communiste au Portugal, ou, plus récemment, lorsqu’il fut chargé par l’association d’une mission d’information au Tribunal Pénal International pour le Rwanda à Arusha (Tanzanie) du 15 au 19 février 2010. Parallèlement à cet activisme dans les prétoires, Roland Weyl écrivit de nombreux ouvrages, dont la plupart co-signés avec sa femme. Hormis son autobiographie militante, Une robe pour un combat. Souvenirs et réflexions d’un avocat engagé, publié en 1989 et préfacée par elle, citons : La Justice et les hommes en 1961 ; La Part du droit dans la réalité et dans l’action en 1968 ; Divorce, libéralisme ou liberté en 1975 ; Démocratie, pouvoir du peuple en 1996 ; Se libérer de Maastricht pour une Europe des Peuples en 1999 ou encore Nous, peuples de Nations unies. Sortir le droit international du placard en 2008.
Dans les années 2000, Roland Weyl continua son engagement en donnant de multiples conférences ou en intervenant dans la presse pour défendre de nombreuses causes comme la solidarité avec le peuple palestinien, le respect de la Chartes des Nations Unies et du droit humanitaire par les États en conflit, ou encore l’instauration d’une VIe République. Vice-président de l’AIJF et doyen du barreau de Paris, il se rendait toujours à son cabinet, repris par ses enfants, rue du temple, à Paris."
POUR CITER CET ARTICLE :
 
https://maitron.fr/spip.php?article178687, notice WEYL Roland [WEYL Roland, Léonce] par Vanessa Codaccioni, version mise en ligne le 24 avril 2016, dernière modification le 16 septembre 2017.
SOURCE : Roland Weyl, Une robe pour un combat. Souvenirs et réflexions d’un avocat engagé, Paris, Messidor Éditions sociales, 1989, 185 p.
SOURCES : Arch. du PCF dossier « Roland Weyl ». — État civil, Paris (VIIIe arr.). — Vanessa Codaccioni, Punir les opposants. PCF et procès politiques (1947-1962), Paris, CNRS Éditions, 2013, 423 p.

JUSTICE. ROLAND WEYL, CENT ANS DE COMBATS… ET ÇA CONTINUE ! - L'Humanité, Alexandre Fache,

JUSTICE. ROLAND WEYL, CENT ANS DE COMBATS… ET ÇA CONTINUE !
Vendredi, 22 Mars, 2019

L’avocat communiste a fêté cette semaine ses 100 ans et 80 ans de robe. Des mineurs grévistes de 1948 aux exclus du droit au logement, ils sont nombreux à lui devoir beaucoup.

Il faut avoir croisé le regard vert de Roland Weyl, en train de raconter un calembour, pour savoir ce que sont des yeux pétillants. Devenu centenaire lundi dernier, car sa mère avait eu « le bon goût de (le) livrer – et de se délivrer – un 18 mars, jour anniversaire de la Commune de Paris », l’avocat a profité des honneurs qui lui ont été rendus – trop discrètement sans doute – au Palais de justice, mardi, ou à la mairie du 3e arrondissement de Paris, mercredi, pour en raconter quelques-uns, revenant sur ses 100 ans de vie. « J’ai l’impression en vous parlant de prononcer mon éloge funèbre. Au moins, comme ça, je l’aurai entendu ! » a-t-il confié, le sourire aux lèvres, devant ses amis, militants, élus, syndicalistes, membres du Secours populaire, du Mouvement de la paix ou de l’Association internationale des juristes démocrates, venus lui rendre hommage.

De fait, il faut avoir un sacré sens de la synthèse pour résumer la trajectoire unique de ce petit bout d’homme, aux costumes bien mis et à la repartie cinglante, né dans une famille plutôt bourgeoise de juristes, qui le destinait incontestablement à porter la robe. « Mon père était avocat, peut-être parce que son père était juge de paix, sans doute parce que le sien était huissier. Mais s’il était huissier, c’est parce que son grand-père était serrurier en Alsace. Donc, si je suis avocat, c’est parce que j’avais un aïeul serrurier ! » s’amuse encore Roland Weyl. Cet environnement l’assignait moins à l’engagement communiste, qu’il embrassa pourtant en 1947, après avoir vu, pendant la guerre, la pièce tomber toujours du bon côté. « J’ai eu beaucoup de veine : juste avant le conflit, une tuberculose m’a valu d’être réformé. En 1943, en Auvergne, des gendarmes reçoivent l’ordre de m’envoyer au STO. Ils ont la gentillesse de me prévenir, et j’ai pu leur échapper. En 1944, les miliciens de Paul Touvier m’arrêtent, mais, juste à ce moment, il y a une percée anglaise en Normandie, ils prennent peur et me libèrent ! »

Entre-temps, le jeune homme a fait de la résistance « en amateur ». Dans le réseau Combat (gaulliste) plutôt qu’au Front national (communiste), jusqu’à ce que le premier le charge… de « repérer les communistes ». « Je leur ai transmis une démission motivée », raconte-t-il. Dans le Mouvement des auberges de jeunesse, à Lyon, il découvre l’internationalisme, qui, mâtiné du sentiment patriotique inculqué par son père, allait fonder son adhésion prochaine au PCF. Sur son premier bulletin, cet esprit libre prend toutefois la peine d’inscrire : « À condition de pouvoir démissionner si je le désire ! »

Une insatiable volonté d’aller toujours de l’avant

Ce militantisme, nourri par l’enseignement du célèbre avocat communiste Marcel Willard, n’allait pas faciliter la carrière de Roland Weyl. Mardi soir, c’est dans la bibliothèque de l’ordre des avocats, au Palais de justice, là même où sont organisés les concours d’éloquence de l’institution, que le jeune centenaire a raconté comment il avait été systématiquement écarté de la finale desdits concours, en 1947, 1948 et 1949, parce que communiste. « Cela a ulcéré une jeune femme que je croisais alors dans les couloirs du Palais. C’était Monique Picard. Quelques semaines plus tard, nous étions mariés. Et l’histoire a duré soixante ans. »

Une histoire faite de multiples combats communs pour la justice sociale et les droits des opprimés. Combat pour défendre les mineurs grévistes de 1948, soumis à la répression acharnée par le pouvoir ; combat pour les militants de la paix en 1951, ceux qui avaient déchargé un train d’armes en partance pour le Vietnam, ou ceux qui avaient appelé à manifester contre Eisenhower, nouveau patron de l’Otan ; combat pour les fils de fusillés qui avaient refusé, en 1957-1958, de servir ce même Otan, dirigé par l’ex-nazi Speidel ; combat enfin pour les militants de l’indépendance algérienne, traqués par les tribunaux militaires… « Nous étions à Alger en juin 1957, quand Henri Alleg et Maurice Audin ont été arrêtés. Je me souviens encore de Josette Audin, qui venait nous voir tous les jours, ou de ce coup de fil passé par le procureur aux parachutistes fachos, qui s’était vu répondre : “mêlez-vous de vos affaires”… »

Plus encore que sa mémoire d’éléphant ou ses talents d’orateur, c’est l’insatiable volonté d’aller de l’avant qui fascine chez Roland Weyl, toujours prompt, par exemple, à défendre la charte des Nations unies, ce texte majeur, violé quotidiennement. « On oublie vite qu’il est centenaire, confirme Élise Taulet, 37 ans, une des avocates du cabinet WTA, où officient aussi Frédéric et France, deux des trois enfants du couple Weyl. Il fait plus de choses que moi, alors que j’ai 63 ans de moins ! La semaine prochaine, il part en mission en Malaisie, le mois suivant en Corée… Et surtout, il met autant d’application sur un grand contentieux international que sur un petit dossier local. » Sa principale bataille, depuis quelques années : celle menée avec plusieurs villes communistes de Seine-Saint-Denis, comme Stains ou Aubervilliers, contre les expulsions locatives. « Il est d’une grande inventivité pour faire triompher le droit contre la loi du plus fort », résume Azzédine Taïbi, le maire (PCF) de Stains, qui se souvient aussi avec délectation de la façon dont il avait défendu la banderole réclamant la libération de Salah Hamouri. « Les juges, qui avaient qualifié Salah de “terroriste franco-palestinien”, n’avaient pas vu que Salah était dans la salle à ce moment-là. Roland Weyl leur a rappelé brillamment ! »

L’infatigable avocat se rend au moins un jour sur deux à son cabinet. En métro. « Il viendrait plus s’il n’y avait pas des travaux à la station de Créteil », raconte sa fille, France. Lui sait ce qu’il doit à cette belle famille, endeuillée par la disparition brutale de Monique, il y a dix ans. « Sans cette vie affective, je serais une espèce de squelette désossé qui continuerait son travail par habitude », assure le fringant centenaire.

Disparition. Roland Weyl, une robe pour mille combats
Mercredi 21 Avril 2021 - L'Humanité

Le grand avocat communiste est décédé mardi matin, à Paris, à l’âge de 102 ans, après une vie foisonnante à défendre les causes justes.

 

Il venait d’avoir 102 années. Toujours actif et alerte jusqu’à ces huit derniers mois. Gagné par la fatigue et la lassitude, Roland Weyl nous a quittés mardi matin. À 100 ans, cela faisait 80 ans qu’il tenait la barre. L’avocat fait partie d’une lignée entière d’hommes et de femmes de loi, sur quatre générations, depuis le grand-père juge de paix jusqu’à ses enfants, avocats. Chez Roland Weyl, la profession se confond avec l’engagement. Il a exercé son métier, aussi assidûment que passionnément. Une vocation et un combat.

Né le 18 mars 1919 à Paris, il finit son droit en 1939, mais, en raison de sa judéité, il ne peut exercer qu’à la Libération. Il commence à militer au mouvement des auberges de jeunesse à Lyon, puis, en 1946, il adhère au PCF, qui lui apparaît alors comme « le seul outil d’action pour un changement de société ». Il rejoint, dès lors, tous azimuts, plusieurs organisations, dont les incontournables Secours populaire français et Mouvement de la paix. La même année, Roland Weyl cofonde l’Association internationale des juristes démocrates (AIJD), dont il est le premier vice-président. Très vite, sa fibre communiste et internationaliste se traduit par des actions en faveur des causes anticoloniales, pour la paix, le désarmement et les droits humains.

En 1951, il est au côté des militants qui avaient déchargé un train d’armes en partance pour le Vietnam. Dès 1957, rapporte l’universitaire Vanessa Codaccioni dans la note qu’elle lui consacre dans le Maitron, il est l’un des avocats de « l’affaire Speidel », du nom des inculpations qui touchent de jeunes communistes, fils de fusillés, ayant refusé de servir sous les ordres du général allemand Hans Speidel, nommé en avril 1957 à la tête de l’Otan. Il obtint un non-lieu. Il fut aussi un ardent défenseur de la cause indépendantiste algérienne. Il prit part, avec une trentaine d’autres avocates et avocats – dont Gisèle Halimi –, au pont aérien avec l’Algérie, organisé par le Secours populaire pour aller défendre les militants algériens opprimés. Il se trouvait à Alger, en juin 1957, au moment de l’arrestation d’Henri Alleg et de l’enlèvement de Maurice Audin. Il en laisse un témoignage poignant dans son livre Mon vécu d’Algérie. Plus récemment, du 15 au 19 février 2010, c’est lui que l’AIJD a choisi pour la représenter dans une mission d’information auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda à Arusha, en Tanzanie.

Infatigable dans sa quête de paix et de justice, ce passeur de savoirs a dirigé la Revue de droit contemporain de 1954 à 1991, il a été l’un des animateurs du Centre d’études de recherches marxistes et du comité de rédaction de la revue Nouvelle critique. Roland Weyl a publié de nombreux ouvrages de référence pour les étudiants et les juristes, la plupart coécrits avec son épouse, Monique Picard-Weyl, rencontrée au barreau en 1948. Après son décès en 2009, au terme de 60 années de vie et de combats communs, Roland Weyl nous confiait lui « survivre difficilement ».

Pourtant, il a continué à aller de l’avant. Fidèle à ses convictions et toujours prompt à défendre avec un talent rare, les exclus du droit au logement, les syndicalistes réprimés, les victimes de violences et d’injustice, la liberté d’expression ou la cause palestinienne. En 2017, il décrochait encore une victoire en faveur du maire de Stains (Seine-Saint-Denis), assigné en justice pour une banderole en soutien au militant palestinien Salah Hamouri. « Il est d’une grande inventivité pour faire triompher le droit contre la loi du plus fort », résumait alors Azzedine Taïbi, l’édile communiste de la ville.

Lorsque nous avions rencontré Roland Weyl à son cabinet parisien, rue du Temple, en juin 2017, pour une interview pour l’Humanité Dimanche, Roland Weyl était en pleine forme. Élégant, pétillant, une mémoire infaillible. Et intarissable d’anecdotes sur son incroyable parcours, et de commentaires éclairants sur l’actualité et l’état du monde. Son esprit de révolte intact. Point de résignation chez lui. « La corruption de la pensée publique, le désarmement citoyen, c’est le commun dénominateur de la destruction de l’essentiel des clés de l’avenir », analysait-il, ajoutant : «Notre boulot est de redonner espoir et de conquérir le pouvoir citoyen » ( l’Humanité Dimanche du 8 juin 2017).

Avec sa disparition, notre journal perd un soutien précieux et indéfectible. Roland Weyl le nourrissait de réflexions et d’analyses pertinentes : « Comment revitaliser la démocratie » ; « La gauche et le monde ont besoin d’idées novatrices » ; « Pourquoi défendre la Charte de l’Onu et le multilatéralisme » etc. De mille manières Roland Weyl s’est attaché à défendre l’Humanité. Lorsqu’elle fut interdite, ou censurée, pendant les guerres d’Algérie ou du Vietnam, en la vendant les dimanches au coin des rues. Tous les jours, Roland Weyl se rendait à son cabinet en métro. Il lisait l’Humanité et laissait son exemplaire sur un siège : « Ça fait partie de la bataille », nous confiait-il, l’œil malicieux.

Roland Weyl sera inhumé la semaine prochaine (1) au cimetière du Père-Lachaise, à Paris, auprès de son épouse Monique. « Avocat communiste engagé pour la paix et la liberté », en guise d’épitaphe.  L’Humanité présente à ses enfants France, Danielle et Frédérick, ses condoléances les plus attristées.

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