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28 janvier 2021 4 28 /01 /janvier /2021 09:16

 

L’épidémie de Covid-19 a révélé au grand jour ce qui n’était que méconnu : le délabrement du service public hospitalier, de tout le service de santé même. Plus largement, elle a aussi mis en relief les conséquences redoutables du capitalisme dans tous les aspects de cette crise sanitaire majeure.

*Michèle Leflon est docteure en médecine

DES MOBILISATIONS CONTRE LA CASSE DES HÔPITAUX

On le voit, des pays à système économique différent de celui que nous subissons ont mieux réussi à passer cette épreuve : Cuba, Chine, Vietnam… L’état du service public hospitalier, soumis depuis des décennies à des mesures de mise en concurrence avec le privé et de réductions des dépenses, un phénomène accentué depuis la loi Bachelot de 2009, est devenu suffisamment critique pour que le peuple réagisse. Les mobilisations ont été massives, comme la manifestation du 14 novembre 2019, voyant l’entrée dans la lutte de médecins et universitaires traditionnellement peu enclins à l’action revendicative. La catastrophe sanitaire en lien avec la première vague de Covid a été limitée, uniquement parce que les personnels hospitaliers se sont organisés, en dépit de leur administration, désemparée. Et il s’agit là d’une leçon de l’épidémie : l’organisation du travail par les salariés eux-mêmes est la plus efficace.

 

La question des masques à elle seule pose plusieurs problématiques : la question de l’imprévoyance de l’État. La catastrophe sanitaire en lien avec la première vague de Covid a été limitée, uniquement parce que les personnels hospitaliers se sont organisés, en dépit de leur administration, désemparée.

Le gouvernement, lui, n’a pas compris la leçon, puisque le projet de loi sur la prolongation de l’état d’urgence sanitaire l’autorise à prendre une ordonnance pour que les établissements hospitaliers puissent déroger aux règles s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes, exécutifs ou instances représentatives du personnel. Le manque de moyens de l’hôpital public, des EHPAD tout autant, est tellement voyant que le gouvernement a dû organiser sa grand-messe du Ségur de la santé (dont le seul résultat concret a été de bien maigres augmentations de salaires) et communiquer autour de la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale, pour la perte d’autonomie – une décision d’autant plus déplorable qu’il faudrait surtout des moyens nouveaux dans le cadre de l’assurance maladie, seule capable d’assurer une prise en charge globale de la perte d’autonomie. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 continue dans le pur effet de communication, sans moyens concrets, en transférant à la Caisse nationale de la santé et de l’autonomie (CNSA), chargée de la gestion de cette cinquième branche,des moyens nouveaux, pris à l’Assurance maladie, mais aussi des charges nouvelles, tout en préparant ainsi le démantèlement de la Sécurité sociale.

UN RÉVÉLATEUR DES EFFETS DU CAPITALISME GLOBALISÉ

C’est plus globalement que la Covid a révélé l’état désastreux du système de santé, que ce soit la prévention, les soins primaires, la fourniture de médicaments et dispositifs médicaux ou la recherche. L’absence de masques au début de l’épidémie, par non-renouvellement au titre des économies, est connue de tous, de même que les pénuries médicamenteuses, le manque de matériel de protection ou de respirateurs.

La question des masques à elle seule pose plusieurs problématiques : la question de l’imprévoyance de l’État, la question de l’arrêt de la fabrication en France pour se tourner vers des marchés chinois et aussi celle de la duplicité des actions et discours gouvernementaux. Il y a eu les longues hésitations sur les recommandations de masques « tout public ». Il y a eu incapacité ou non-volonté pour ne pas avouer le faible niveau des réserves, à utiliser rapidement les 117 millions de masques en réserve.À lire les déclarations de Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, et de Christophe Lannelongue, directeur de l’ARS Grand Est au début de l’épidémie, à la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la gestion de l’épidémie, on ne comprend pas comment la demande de l’ARS Grand-Est de livraison de 5 millions de masques (moins d’un vingtième des réserves totales! ) n’ait pas pu être honorée. Mais le résultat est là, avec de multiples contaminations de soignants contribuant à la diffusion de l’épidémie. Comme l’État, certaines directions d’hôpitaux ont généré elles-mêmes des pénuries en rationnant les personnels, pour garder leurs stocks. Les masques sont aussi emblématiques d’une politique de prévention ne faisant pas appel à l’intelligence populaire, au civisme, lui préférant la contrainte. La différence entre les masques FFP2 qui protègent ceux qui le portent et les autres dont le seul but est d’éviter de contaminer d’autres personnes a disparu des médias. Le masque chirurgical est pourtant conçu, par définition, non pour protéger le soignant, mais pour éviter la contamination de la plaie opératoire.

En jouant de la contravention, de l’interdiction plus que de l’éducation pour développer le civisme, le gouvernement est contre-productif : on a vu la foule se presser dans les grandes surfaces ou les cafés la veille du second confinement. Tout ce qui n’est pas interdit serait bon ! Peut-être conscient de leurs immenses fragilités, le gouvernement ne s’est pas appuyé sur les soins de ville, sur tous ces professionnels au contact de la population… à moins que ce ne soit pure incompétence ministérielle. Les retards à leur fournir des masques ont été majeurs : nos dirigeants en ont profité pour tenter de mettre en œuvre leur politique de développement de la téléconsultation, certes utile dans certains cas, mais contribuant, en dehors de tout accompagnement, à l’aggravation des inégalités de prise en charge. Dans certains territoires, les professionnels se sont organisés,comme le témoignage cité à l’atelier du soin, organisé en septembre par de nombreuses organisations : en Haute-Vienne, avec l’aide des élus locaux, ils ont créé un centre de dépistage pour patients présentant les symptômes de la Covid. L’ARS n’est intervenue que tardivement, pour réclamer le nom d’un responsable. Là aussi, on le voit, seule une organisation démocratique du travail en commun est efficace. L’état des soins primaires est connu : manque de médecins généralistes dans la plupart des territoires, avec une très inégale répartition, ne laissant pas le temps au nécessaire travail en réseau avec les autres professionnels de santé et du social, d’autant que le statut libéral est antagonique du travail collectif.

La création par Marisol Touraine de communautés professionnelles de territoires (CPTS) est une bonne idée,et d’ailleurs les centres de santé y participent, mais elles ne fonctionnent que là où les professionnels eux-mêmes s’y impliquent fortement sans injonctions contradictoires. Elles ne sauraient remplacer un vrai service public de soins primaires autour des centres de santé.

Manque de services publics, casse de l’industrie : la crise sanitaire a révélé au grand jour un fait certain :les délocalisations appauvrissent notre pays. Le manque de médicaments, d’équipements de protection,de respirateurs a traduit concrètement les conséquences des politiques de recherche du profit avant tout. L’incapacité à restaurer rapidement les capacités de production dans notre pays témoigne de la perte d’expérience collective : un appauvrissement et matériel et intellectuel..

LA RECHERCHE, ELLE AUSSI FRAGILISÉE PAR LE SYSTÈME

Des chercheurs avaient alerté en2015 sur la nécessité de poursuivre les recherches sur les coronavirus. Mais dans notre pays capitaliste mieux vaut dépenser 6 milliards en crédit d’impôt recherche sans contrôle que de financer de la recherche publique. Après l’épidémie de SRAS en 2003, l’Union européenne avait lancé des programmes de recherche sur les coronavirus, mais dès 2006 l’intérêt était tombé. Le choix fait de favoriser la recherche privée et la rentabilité immédiate se confirme malheureusement dans le projet de loi de programmation de la recherche. Ces choix, en oubliant la recherche fondamentale, en oubliant ce qui ne conduit pas à des innovations rentables, ont des conséquences dramatiques pour la santé. N’oublions pas le peu de recherche sur le paludisme ou la dengue. Ils ont aussi des conséquences idéologiques redoutables. Comment savoir si l’intérêt des profits des laboratoires pharmaceutiques ne prime pas sur la sécurité des médicaments? Le scandale du Mediator a marqué les esprits. Tout cela conduit une bonne partie de la population à une mise en cause globale des scientifiques, de la science même, la rendant sensible aux thèses complotistes.

L’absence complète de démocratie d’instances comme la Haute Autorité de santé (HAS), dont la direction – nommée majoritairement par le président de la République et le gouvernement – décide des experts retenus, contribue à ces remises en cause, tout comme le contrôle de la plupart des grands médias par le capital financier. Cela aboutit à des polémiques comme celle sur la chloroquine. Des recherches en laboratoire avaient démontré l’intérêt de cette molécule. Mais, comme contre la dengue où elle a été essayée aussi, elle est inefficace en clinique. L’abondance des polémiques n’a pas facilité les études scientifiques, à tel point qu’il vaut sans doute mieux se référer à celles menées en Chine, dans un contexte différent de l’Occident. Ainsi, c’est non seulement par la casse du système public, en particulier de santé, du tissu industriel que le capitalisme pèse sur cette épidémie, mais c’est aussi idéologiquement. Et d’ailleurs, le mauvais état du service hospitalier a fait oublier que le mieux était de ne pas être malade : il ne s’agit pas de régler la densité de nos interrelations sociales sur le pourcentage d’occupations des lits de réanimation mais bien d’inventer une forme de distanciation physique (et non sociale) évitant les contaminations, de développer une campagne massive et efficace de tests, permettant l’isolement des seuls contaminés,en attendant le vaccin ou l’éradication spontanée de la maladie.

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