Combattant des Brigades internationales en Espagne et figure de premier plan de la Résistance, cet ouvrier métallo communiste et syndicaliste devenu colonel, commandant des FFI de l’Île-de-France, symbolise toute une génération combattant le joug fasciste.
Des brigades d’Espagne à celles des maquis. La figure de Henri Rol-Tanguy est à l’unisson de celles de ses milliers de camarades qui, au feu de leur jeunesse, allièrent une conscience rare des enjeux de leur époque à une décision d’action peu commune. Parmi eux, il fut néanmoins l’un des premiers par cette élection tacite qui, dans la Résistance, distribuaient les rôles dans le drame vécu, en dépit de l’âge souvent. La valeur n’attend pas le nombre des années, déclare Don Rodrigue dans le Cid de Corneille. Rol, le pseudonyme qu’Henri Tanguy choisit en mémoire de Théophile Rol, compagnon de combat fauché par les balles de Franco et de ses alliés fascistes pendant la prise de la Sierra de Cavalls en Catalogne, en septembre 1938, fusionne avec son nom. Le chemin de Théophile Rol, jeune capitaine du bataillon Commune de Paris, de la brigade la Marseillaise, ne le conduisit pas en propre devant Valence et Madrid pour l’abattement du règne du « Caudillo par la grâce de Dieu » et le relèvement de la République en Espagne. Mais, tel le Cid des légendes, accolé au nom de Tanguy, lui-même blessé d’une balle dans la poitrine en juin 1938 sur le front de l’Èbre, à Paris, pour celui de la République en France et sa libération du joug nazi, fasciste et collaborationniste. Car tel est le nom de Rol-Tanguy, évocation d’un homme, d’une amitié et d’une génération et, lui qui mourut le 8 septembre 2002 à Paris, d’un idéal antifasciste, républicain et communiste toujours actuel.
En 1935, il est licencié pour fait de grève
Né en 1908 à Morlaix, d’un père marinier et d’une mère blanchisseuse, Henri Rol-Tanguy devient ouvrier métallurgiste à l’âge de quatorze ans. Arrivé en région parisienne, il embauche chez Talbot puis chez Renault où il entre, en 1925, comme tôlier en carrosserie. Il se syndique à la CGTU et adhère aux Jeunesses communistes. Sa participation aux grèves de mai 1926 dans les usines de Louis Renault lui vaut son premier licenciement. Passionné de cyclisme, il participe à diverses courses sur les pistes du Vélodrome d’Hiver, du Parc des Princes et du Stade Buffalo. Pour ne s’être pas inscrit à temps sur les listes de recensement, le jeune ouvrier sportif se retrouve cependant à Oran, en 1929, comme soldat première classe par mesure disciplinaire. Il en sortira avec une formation de mitrailleur, de mécanicien, de télémétreur et d’armurier. En septembre 1930, de retour à Paris, il retrouve le chemin de l’usine. Chez Nessi à Montrouge et chez Breguet, rue Didot, d’où il est licencié pour fait de grève en 1935. Désormais « marqué à l’encre rouge », portes des usines fermées, Henri-Rol-Tanguy devient secrétaire du syndicat des travailleurs de la métallurgie CGT de la région parisienne en octobre 1936 et anime la campagne de solidarité avec les républicains espagnols. L’année suivante, il s’engage en Espagne dans les rangs des Brigades internationales. Il est bientôt nommé responsable de la Main-d’œuvre immigrée (MOI), avec grade de capitaine. Le 15 avril 1938, alors que les troupes franquistes marchent vers la Méditerranée, il est nommé commissaire politique du bataillon la Marseillaise et participe à la bataille de l’Èbre avant de revenir en France. Ils étaient 15 000 à avoir rejoint les Brigades internationales depuis la France, 8 000 Français, 7 000 étrangers. En avril 1939, Henri-Rol-Tanguy épouse sa marraine de guerre en Espagne, Cécile Le Bihan, secrétaire au syndicat des métaux CGT, avec qui il aura quatre enfants. Mais les retrouvailles du printemps 1939 sont de courte durée. Le soldat Tanguy reçoit son ordre de mobilisation en août. Il sera des combats de 1940, cité à l’ordre de son régiment, avant de recevoir son avis de démobilisation. Fait compagnon de la Libération le 18 juin 1945 par le général de Gaulle, devenu militaire d’active avec le grade de lieutenant-colonel, Henri-Rol-Tanguy sera affecté au cabinet militaire du ministre de la Défense nationale en avril 1947 avant d’occuper différentes fonctions dans l’armée. Il prend sa retraite en 1962. Président de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance et de l’Amicale des anciens volontaires français en Espagne républicaine, il sera membre du Comité central du PCF de 1962 à 1987. Il repose à Monteaux, dans le Loir-et-Cher.
1941, l’occupant recourt à la torture comme arme de guerre totale
Au lendemain du 18 juin 1940, c’est le colonel Rol-Tanguy qui s’esquisse encore cependant dans l’armée des ombres naissante. Son épouse, Cécile Rol-Tanguy, participe à la réunion au cours de laquelle est décidée l’organisation de comités populaires à Paris. Il est chargé pour sa part d’organiser les militants communistes dans le sud de la capitale et de sa banlieue et contribue à créer l’organisation spéciale du PCF, l’OS et future FTPF. Le 5 octobre, Rol entre dans la clandestinité. En mars 1941, il est nommé responsable de Paris rive gauche et de la banlieue sud. En août 1941, avec Raymond Losserand et Gaston Carré, il est chargé de constituer des groupes armés en région parisienne. La répression allemande fait rage avec ses exécutions et son recours à la torture comme armes de guerre totale. Rol est muté dans l’ouest, en Anjou et en Poitou, pour prendre part au commandement des FTP. Après différentes missions, il revient à Paris en mars 1943. Avec Joseph Epstein, il assure notamment la publication du journal clandestin Franc-Tireur parisien. Il est muté en septembre au Comité d’action contre la déportation. Au mois d’octobre, il est désigné comme représentant des FTP à l’état-major des Forces françaises de l’intérieur pour les 14 départements de la région parisienne avant d’être nommé chef militaire régional le 1er juin 1944. Le 19 août, c’est en tant que colonel qu’il adressera l’appel à l’insurrection générale de Paris au nom des FFI depuis son PC de Montrouge. Et c’est lui qui en coordonnera l’action jusqu’à la réception, avec le général Leclerc, en tant que commandant des Forces françaises de Paris, de la capitulation de von Choltitz le 25 août 1944. En accord avec son état-major, il a été un acteur essentiel de l’échec de la trêve et c’est lui qui envoie le commandant Cocteau auprès de l’armée américaine, acte décisif de la bataille de Paris, pour faire accepter la marche de la 2e DB du général Leclerc sur Paris. Henri Rol-Tanguy poursuivra les combats dans la première armée du général de Lattre de Tassigny jusqu’à la capitulation allemande.