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31 janvier 2012 2 31 /01 /janvier /2012 20:00

La France, comme la plupart des pays européens, plonge dans la dictature ultra-libérale.

Dictature, oui, le mot n'est pas excessif. Interrogé en direct sur huit chaînes de télévision - ah, les vertus de la concurrence pour garantir le pluralisme de l'information et l'existence de contre-pouvoirs face à l'exécutif.... - Nicolas Sarkozy a annoncé un nouveau train de réformes s'attaquant au pouvoir d'achat des plus modestes et au caractère protecteur du droit du travail dont certaines parmi les plus importantes feront l'objet d'une législation gouvernementale et ne seront même pas examinées et débattues au Parlement.

"Jamais nous avons assisté à un tel piétinement du débat démocratique et de l'expression du suffrage universel" écrit avec raison Patrick Le Hyaric dans son édito dans L'Humanité du mardi 31 janvier 2012.

L'ennemi déclaré de la droite, c'est tantôt l'endettement public, tantôt le coût du travail qui affecte la compétitivité de nos entreprises, mais le mouton qu'elle voudrait tondre jusqu'à lui entailler les chairs, c'est le peuple, qu'elle a tout fait pour paralyser en nourrissant la peur de l'effondrement économique en cas de hausse des déficits après avoir créé chez lui la peur de l'invasion étrangère, des jeunes, des pauvres, de l'insécurité.

Nicolas Sarkozy a donc feint de faire vivre le dialogue social et de respecter les pseudo « partenaires sociaux » en leur laissant le soin de négocier au niveau des entreprises- et non des branches professionnelles- pour trouver dans les deux mois la voie d'accords compétitivité-emploi où il s'agirait en toute simplicité de trouver des modalités acceptables de part et d'autres pour briser l'étau des 35h, des dispositions légales touchant le chômage technique, l'annualisation du travail, la flexibilité, les salaires. « Privés d'accords nationaux et de références sur le temps de travail, les salariés seraient libre de construire les armes du patronat en combinant eux-mêmes leurs salaires et leur temps de travail sans avoir le choix d'en contester la logique de répartition des profits entre le capital et le travail, l'investissement dans l'emploi et la réindustrialisation ou la fuite en avant spéculative », commentait le journaliste de L'Humanité, Dominique Biègles, le lundi 30 janvier.

Côté Le Télégramme, notre quotidien régional local, on en redemande et on fait le service après-vente du chef de l'Etat qui n'a pas eu assez d'oreilles attentives et bienveillantes dimanche. Hubert Coudurier félicite Sarkozy d'"affronter les syndicats pour réduire les coûts salariaux de l'entreprise" à l'instar de Gerhard Schröder en Allemagne. Il le remercie aussi pour son bilan "qui n'a rien de déshonorant" mais qui n'est pas non plus reluisant, du fait d'une "période épouvantable": les fameuses circonstances extérieures cataclysmiques... La faute aux conditions météo, donc, si la France compte, depuis 2007, 500 milliards d'euros de dettes en plus, 350.000 emplois industriels en moins, un millions de chômeurs et de pauvres en plus, une protection sociale et des services publics exsangues. Henry Lauret dans le même journal ne craint pas de transformer Sarkozy en Lénine de la lutte anti-crise tout en reconnaissant qu'il puise davantage ses sources d'inspiration chez les ultra-libéraux allemands que chez les bolcheviks: "A 80 jours de l'élection présidentielle, la compétitivité et la croissance obsèdent le président de la république. Le modèle allemand lui inspire de jouer de la hausse de 1,6 points du taux standard de la TVA pour supprimer les cotisations de la branche famille sur les salaires jusqu'à plus de deux fois le SMIC. Une sorte de révolution d'octobre puisque la mesure ne serait de toute façon pas applicable avant l'automne".  

Comme bien sûr il ne saurait y avoir beaucoup d'accords entre, d'un côté, un patronat qui veut casser les protections du droit du travail et, de l'autre côté, des salariés et des syndicats sachant bien qu'elles sont plus que jamais nécessaires, et comme l'idée même de laisser faire le dialogue social patronat-syndicat est une gageure étant donné l'iniquité du rapport de force, ce sera finalement le gouvernement, en toute illégitimité, sans recourir au Parlement, qui tranchera pour enterrer définitivement les 35 heures et toute une batterie d'autres garanties salariales. L'objectif assumé est donc de s'aligner sur le modèle allemand, ses 8% de chômeurs (chiffre sous-estimée du fait d'astuces comptables), ces travailleuirs flexibles et précarisés, ayant vu leurs salaires, surtout dans le secteur des services, diminuer de manière drastique depuis les années 1990, son espérance de vie en baisse...

Transférer de manière autoritaire, sans débat et prise de décision au Parlement, le financement de la protection sociale des cotisations patronales à la TVA, relevée d'1,6 points pour atteindre un taux normal de 21,2% vise, dans une politique de l'offre, à faire peser le poids des allégements fiscaux pour l'entreprise à tous les citoyens. Avec quelles conséquences sur la consommation? Les entreprises françaises ne sont pas tournées prioritairement comme les entreprises allemandes vers l'exportation: si la consommation des français est déprimée, c'est toute l'activité économique et les recettes fiscales qui s'en trouvent réduites. L'objectif de Sarkozy est peut-être cependant moins le redressement économique que la prolongation de la casse des mécanismes du droit social et des solidarités au profit des intérêts du capital et des plus riches, et surtout la mise en œuvre d'une stratégie du choc pour assurer sa réélection aujourd'hui très compromise.

L'idée est d'imposer en toute urgence des « réformes structurelles » impopulaires mais présentées comme nécessaires pour redresser l'économie et les comptes de la France de manière à incarner la figure du « président courage » n'hésitant pas à faire les sacrifices qui s'imposent dans la tempête mais peut-être plus encore de façon à laisser croire aux français qu'il n'y a pas d'alternative possible, puisque le candidat de droite n'a d'autre choix que de compromettre sa réélection en prenant ces mesures fatalement impopulaires.

Comme le signalait un journaliste du journal Le Monde en fin de semaine dernière, Sarkozy utilise là une tactique de Gerard Schröder qui n'avait pas hésité à mettre un coup d'accélérateur à son entreprise de démolition de l'état social en fin de mandat alors qu'il était très impopulaire et que sa réélection était très compromise, et qui, ce faisant, s'était imposé en homme d'action énergique tentant d'appliquer les seules mesures possibles pour redresser le pays. Le résultat électoral du SPD avait été de ce fait bien moins catastrophique que prévu. Modèle allemand, disions-nous...

La taxe Tobin et la hausse de 2% de la CSG sur les revenus du patrimoine à côté sont une bien maigre concession au rejet majoritaire en France de la domination du capitalisme financier.

Comme l'écrit dans un communiqué daté du 30 janvier l'association ATTAC qui avait pourtant fait de cette taxe Tobin un combat emblématique à sa fondation: «  Nicolas Sarkozy a tranché: avec la hausse prévue de la TVA, les patrons verront leurs coûts salariaux diminuer de 13 milliards d'euros. En revanche la fameuse taxe Tobin à la française ne rapporterait qu'1 milliard d'euros. Même en y ajoutant la hausse de la CSG sur les revenus du capital (qui devrait rapporter moins de 2 milliards), le compte n'est pas bon pour la justice fiscale. En effet, qui va payer la TVA? Pour l'essentiel, les consommateurs... La TVA « sociale » réduira donc la consommation et aggravera la récession dans laquelle la France est engagée depuis quelques mois. C'est la première raison pour la rejeter. La deuxième tient à son injustice: en augmentant la TVA, on réduit encore la progressivité du système fiscal. Car la TVA pèse plus lourdement sur les ménages populaires, qui consomment tout leur revenu, que sur les ménages aisés qui en épargnent une bonne partie. Cette stratégie de TVA « sociale » s'inscrit dans la logique de dumping social et fiscal caractéristique de l'Union européenne et de la mondialisation néolibérale: or c'est précisément la course vers le bas des coûts salariaux qui entraîne l'Europe et son modèle social vers le gouffre. La hausse de la TVA, déjà pratiquée en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Italie, n'est qu'un volet des plans d'austérité qui sont en train d'enfoncer l'Europe dans la récession.» 

 

Merkel a bien senti en Sarkozy son allié pour conduire en Europe la guerre des classes au service du capitalisme financier: c'est pourquoi elle a déjà promis d'assister à un de ses meetings de campagne alors qu'il n'est pas encore candidat officiellement. Il paraît que la date et le lieu en sont déjà fixés.

 

Hier, au Conseil Européen, cette gouvernance Merkozy s'est traduit par l'approbation, sauf par la Grande-Bretagne et la République Tchèque, du mécanisme européen de stabilité et d'un nouveau traité européen qui impose la règle d'or et des sanctions quasi automatiques pour les Etats présentant des bilans comptables en déficit tout en recommandant des réformes structurelles comparables à celles qu'exigeait le FMI pour les pays d'Amérique du SUD et d'Afrique afin d'accroître la compétitivité de l'économie sur le dos des dispositifs de solidarité et des services publics. Le texte sur lequel les chefs d'Etat se sont entendus est en pleine cohérence avec les dernières réformes qu'a annoncé Sarkozy puisqu'il vise à tailler dans "les coûts du travail non salariaux", c'est à dire dans les charges sociales et autres prélèvements sociaux. "La sortie de la crise passerait par le dumping social, commente le journaliste de l'Huma ce 31 janvier. Qu'importe si cette politique a failli. L'Organisation Internationale du Travail (OIT) relevait la semaine dernière que la moidération salariale en Allemagne a contribué à contracter la demande intérieure dans toute l'UE. L'OIT y voit l'une des causes de la crise. Généralisée à toute la zone euro, cette politique produirait des effets dévastateurs".

 

Ce nouveau traité européen accompagne la création d'un fonds de garantie européen de 500 milliards d'euros encore mieux doté que le FMI: garantie contre les défauts des Etats, avec l'argent des contribuables, au profit des banques et des fonds d'investissement...

Ce traité limitera à 0,5% du PIB le déficit structurel des Etats, et imposera que ces objectifs dont la non satisfaction entraînera des sanctions financières automatiques, lourdes et immédiates soient inscrits dans les législations de chaque Etat membre. Bien évidemment, aucun Etat européen n'a probablement l'intention de laisser à sa population le soin d'adopter ou non ce traité qui remet en cause la souveraineté politique des citoyens. Ceux ne pourront plus, en fonction de leurs objectifs majoritaires du moment traduits dans les élections, maîtriser vraiment leurs dépenses et leurs recettes publiques.

Ce carcan d'austérité imposée interdirait potentiellement (mais il n'a qu'une réalité de papier comme les critères de Maastricht allègrement ransgressées en 2008 pour venir en aide aux banques, et nous le briserons si on nous en donne l'occasion) toute politique de relance par la hausse des salaires, la dépense publique au service de l'emploi et des solidarités. L'Allemagne fait même pression, pensant évidemment en premier lieu à la Grèce, pour qu'on crée "un commissaire budgétaire européen" pouvant suspendre en cas d'endettement excessif la compétence des parlements et des gouvernements sur la définition de leurs budgets et les mettre ainsi sous tutelle.   

 

La réaction de Pierre Laurent, secrétaire national du PCF et président de la Gauche Européenne, a été très forte face à ce nouveau traité honteux imposé sans légitimité démocratique:

 

"Ce traité, c'est le débarquement assuré de la « Troïka », le pillage des biens communs et la casse des droits sociaux, dans tous les pays de l'Union.

Avec le transfert du pouvoir budgétaire des parlements nationaux vers la commission, ils remettent en cause les souverainetés populaires, et ils le font sans débat ni consultation des citoyens. C'est une attaque sans précédent des droits politiques élémentaires des peuples européens, un changement de régime vers la dictature des marchés.

Pour avoir une vision claire de l'Europe qu'ils préparent, voyons ce qu'il se passe en Grèce, qu'Angela Merkel veut mettre officiellement sous tutelle; ou en France, où Nicolas Sarkozy vient d'annoncer un 3ème plan d'austérité augmentant les impôts indirects et cassant les conventions collectives sur le temps de travail pour financer de nouveaux cadeaux au patronat.

Au final, c'est l'autodestruction de l'Union Européenne qui est en cours. L'UE ne peut se construire contre les peuples et dans la suspicion permanente entre les États membres. Jamais les institutions européenne n'auront la légitimité qu'elles revendiquent en prenant des décisions autoritaires et néfastes pour les peuples. Jamais l'idée d'union ne sera préservée si un État peut demander la mise sous tutelle d'un autre. Il n'y aura pas d'Union dans la division et la mise en concurrence des peuples.

Au nom du Parti de la gauche européenne, je rejette cet accord international et nous mènerons campagne dans tous les pays de l'Union pour qu'il ne soit pas ratifié".

 

J'étais à Paris ce week-end pour assister au lancement national de la campagne législative des communistes au sein du Front de Gauche le samedi 28 janvier.

Il y a été rappelé que notre objectif prioritaire était de battre Sarkozy et l'UMP et de créer en France une majorité de gauche avec une orientation clairement à gauche. La présidentielle doit être convertie en un référendum pour ou contre l'austérité, comme l'a indiqué avec force notre candidat Jean-Luc Mélenchon. Patrick Le Hyaric a rappelé que l'austérité n'est pas d'abord une réponse à la crise mais une politique préméditée qui nous plonge dans la crise pour renforcer la mainmise de la finance sur la vie sociale et économique. Jean-Luc Mélenchon aussi, qui est intervenu en début d'après-midi à notre rencontre nationale des candidats communistes aux législatives et des responsables de section à La Plaine Saint Denis, s'est félicité que François Hollande regarde moins désormais (grâce à notre poids grandissant ou à la droitisation de Bayrou, devenu une nouvelle alternative pour la droite et les privilégiés?) vers Bayrou et le centre, qu'il acceptele principe d'un appel à voter en faveur du Front de Gauche s'il n'est pas présent au second tour des présidentielles, et prétende même que son objectif n'est plus simplement de "donner du sens à la rigueur" mais de "maîtriser" la finance ou d'en faire "l'adversaire principal".  

Personne n'est dupe chez nous de cette inflexion rhétorique d'inspiration miterrandienne mais elle traduit sur un mode électoraliste la prise de conscience de l'efficacité de la campagne du Front de Gauche sur le terrain et du caractère incontournable des attentes des citoyens pour une vraie alternative au néo-libéralisme. Jean-Luc Mélenchon parie sur la force d'entraînement de certains mots qui deviennent dominants dans le débat public grâce au dynamisme de notre campagne. Pierre Laurent a lui réaffirmé sa satisfaction que prenne corps son désir de voir à l'oeuvre une conception du Front de Gauche ouverte, rassembleuse, accueillante pour chacun tel qu'il est, à condition de se retrouver dans cette gauche de combat et d'invention sur les ruines de la social-démocratie.

Grâce à notre campagne de terrain et au travail de Jean-Luc Mélenchon, la gauche, que les médias dominants avait voulu évincer du paysage, est de retour. Le Front de Gauche, selon Pierre Laurent, doit continuer à grandir en devenant une affaire populaire, une force citoyenne qui dépasse le cartel d'organisations. On observe déjà un phénomène significatif de réengagement de nombreux syndicalistes qui s'étaient tenus à distance du débat politique. En effet, nous sommes dans un mouvement de transformation très profond dans le pays et, depuis 2008, il y a une prise de conscience de la nocivité du capitalisme financiarisé et de la nécessité d'inventer autre chose que le mode de développement capitaliste. Le Front de Gauche a vocation à construire le mouvement majoritaire de réinvention de la gauche pour un dépassement de ce capitalisme financier. La fécondité de notre démarche, selon notre secrétaire national, a été de ne pas s'enfermer dans un nouveau parti aux frontières étanches, mais d'avoir gardé le jeu ouvert afin de mettre en mouvement dans une structure souple de multiples forces sociales, tous les gens qui veulent se mobiliser sur des objectifs clairs de transformation du système.

Le constat, aujourd'hui, c'est qu'il devient de plus en plus probable que nous battions Sarkozy sur son terrain de prédilection, celui de la sortie de crise. La signification de cette victoire ne serait pas mineure: il s'agirait d'une victoire contre un de ceux qui dirigent le monde capitaliste. Cest pourquoi nous ne devrons pas mégoter selon Pierre Laurent quand la question d'un rassemblement de la gauche se posera afin de battre la droite. Aujourd'hui, une des seules chances pour Sarkozy de garder le pouvoir est de compter sur un bon report de voix et un bon score du côté de l'extrême-droite. Pour empêcher que cette stratégie paye grâce à la mise en avant de thématiques qui renforcent la droite (l'immigration, l'insécurité, méfaits de "l'assistanat"...) en divisant le salariat et en brouillant les repères des classes populaires et moyennes comme la contradiction d'intérêt effective entre le monde du travail et le capital, il faut tenir haut le débat politique, parler hausse des salaires et baisses des dividendes pour les actionnaires, logement, santé, lutte contre la précarité, pouvoirs des travailleurs sur les orientations stratégiques des entreprises. En partant de ces besoins concrètement perçus par les français, il est possible de faire grandir l'exigence de changement dans la population, de montrer les insuffisances du projet de François Hollande et le besoin de donner le plus grand poids politique possible au Front de Gauche.         

  

Que penser du projet présidentiel de François Hollande?

 

A sa une, le vendredi 27 janvier, le journal Le Monde a félicité François Hollande et les concepteurs de son programme présenté le jeudi 26 janvier en parlant d'un « projet à la tonalité churchillienne » qui « porte la marque du réalisme et de la rigueur ». Le grand progressiste qu'était Churchill apprécierait t-il d'être comparé à cet adversaire résolu de la finance qu'est le candidat socialiste (sic)? Peut-être bien, oui, s'il avait pu entendre il y a un an notre futur candidat socialiste le paraphraser en promettant « du sang et des larmes » si la gauche revenait au pouvoir dans un contexte de crise. Nous y sommes presque.  

Mais cette crise est précisément provoquée par la financiarisation de l'économie à l'échelle internationale, les dégâts du libéralisme en Europe, et elle ne saurait jamais que se renforcer si on ne prend aucune mesure énergique pour une autre politique publique du crédit et du contrôle des banques en Europe et pour soutenir l'activité par la relance des salaires et de la dépense publique en tournant le dos aux politiques d'austérité qui aggravent la crise et le niveau d'endettement public partout en Europe. Or, à l'évidence, Hollande et les socialistes ne croient pas qu'il est possible ou souhaitable de faire autrement que d'accompagner en le régulant à la marge ce système capitaliste financiarisé et mondialisé. Ils ne pensent pas non plus certainement qu'il est raisonnable ou opportun de s'attaquer significativement aux profits du capital et des grandes fortunes: pensez à la fuite précipitée de ces philanthropes que sont les investisseurs.... Ségolène Royal ne s'était-elle pas donné pour priorité en 2007 de réconcilier les français avec le monde de l'entreprise, car entre lui et nous, c'était "gagnant-gagnant"?

Dans le projet présidentiel de son ex-mari, on parle d'efforts équitablement partagés, non des moyens politiques réels tangibles d'une reprise de contrôle sur le monde de la finance, d'une marche vers plus d'égalité, non d'une politique résolue pour sortir de la précarité et de l'insécurité sociale des millions de français en rendant le droit du travail à nouveau plus protecteur et en donnant un sérieux coup de pouce à la protection sociale et aux services publics.

 

Il y a dans les 60 propositions de François Hollande quelques mesures qui vont dans le bon sens et qu'on peut saluer. On peut évoquer notamment un plan ambitieux pour le logement, la séparation des activités de dépôt et d'investissement des banques, une banque publique d'investissement gérée de manière décentralisée, et une légère augmentation de 15% de l'impôt sur les bénéfices des banques.  

 

Mais à côté de cela, Hollande ne prévoit pas de recréer les postes supprimés dans les services publics par la droite depuis 10 ans au nom de la RGPP. Ainsi, les 60.000 postes supplémentaires dans l'éducation (qui ne sont pas tous des postes d'enseignants loin s'en faut) concerneront essentiellement le premier degré et seront compensés par des suppressions de postes dans d'autres services publics, alors que chacun d'eux est au bord de l'asphyxie. Les 500.000 places en crèche promises pendant les primaires socialistes sont repoussées aux calendes grecques, quand la croissance et le desendettement public le permettront. Comme il l'avait annoncé, Hollande ne veut pas d'une refonte significative de la réforme Fillon sur les retraites avec un rétablissement de la retraite à 60 ans. Il ne prévoit pas non plus d'abroger la loi Bachelot sur l'hôpital ou de supprimer les franchises et les déremboursements de médicaments pour rendre la santé accessible à tous.

Sa notation sociale des entreprises et son système de bonus-malus au niveau des cotisations sociales  pour encourager l'embauche, la hausse des salaires, la limitation des contrats précaires est un outil peu efficace qui ne saurait faire oublier la volonté de ne pas légiférer pour augmenter les salaires et réduire les contrats précaires dans l'entreprise et les services publics. Pour faire embaucher 150.000 jeunes dans le cadre du "contrat de génération", Hollande mise avant tout à nouveau sur les baisses de cotisations patronales. 

Les 29 milliards d'euros de recettes que Hollande espère trouver par  la suppression des niches fiscales ne seront pas simplement pris aux plus riches et les 20 milliards d'économies qu'il espère réaliser de surcroît toucheront aussi la protection sociale et  les services publics qui démocratisent l'accès à des biens fondamentaux (la santé, la justice, l'éducation, la sécurité, la culture...):  il n'est aucunement question dans ce projet d'élever le niveau de protection sociale, le salaire minimum et les pensions.

Sur la réforme des institutions et la prise en compte des enjeux environnementaux, le projet présidentiel de Hollande est loin de prendre en compte la gravité des crises démocratiques et écologiques en cours. Il s'accomode de la perpétuation de la Vème République qui concentre les pouvoirs et les délègue systémiquement au profit d'un bipartisme de fait étouffant pour la démocratie.

Surtout, Hollande assume une politique d'austérité qui place à un rang tout à fait secondaire la nécessité d'un meilleur partage des richesses en faisant croire que les français ont vécu au-dessus de leurs moyens alors qu'on n'a cessé de leur extorquer le produit de leur travail et les droits sociaux qu'ils avaient conquis de haute lutte. L'augmentation à 45% du taux de la dernière tranche de l'impôt sur le revenu aura des effets dérisoires (ne concernant que 0,5% des foyers fiscaux parmi les plus riches: au-delà de 450000 euros par an par couple avec deux enfants, par exemple) et ne suffira pas loin de là à rétablir un impôt réellement redistributif: la fiscalité sur le patrimoine et sur le capital sont pendant ce temps des points aveugles du projet.        

Surtout, on n'a pas vu Hollande réclamer avec force un contrôle démocratique sur une BCE qui pourrait prêter aux Etats pour l'investissement social, écologique, et la relance de l'activité économique. On ne l'a pas entendu dénoncer les mesures de constitutionnalisation de l'austérité et de la baisse du coût du travail du pacte de stabilité et de croissance pour l'euro. De manière générale, l'absence de mise en mouvement de la société et de proposition de réformes structurelles pour reprendre un contrôle démocratique sur les marchés et les banques laisse penser qu'en cas d'aggravation de la crise de la dette, des attaques des spéculateurs et des agences de notation, Hollande agira probablement de la même manière que Papendréou, Zapatero et Socrates: c'est à dire par la capitalation face au diktats anti-démocratiques et réactionnaires du monde de la finance.    

 

En somme, Je vais enfoncer des portes ouvertes en disant que c'est bien avec un pistolet à bouchon que le chevalier Hollande monte, pour épater la galerie, à l'assaut de la citadelle de la finance, et la réalité de son projet consiste bien pluôt à calmer les attentes populaires car monsieur est le candidat du "sérieux", de la "vérité", dont les certificats d'authentification se décernent dans les milieux de l'oligarchie patronale et politique européenne, et non celui de la combativité sociale pour faire reculer les forces de l'argent. Le dernier mot qui résume l'ambition folle de ce programme revient à Michel Sapin: "Le tout, tout de suite, est d'un autre temps", celui d'avant, celui des dinosaures qui pouvaient encore croire que la gauche avait vocation à changer la vie.  

 

Nous ne demandions pas pourtant un "feu d'artifice de promesses" mais des engagements clairs sur des réformes de structures pour sortir de la crise économique, sociale, démocratique, écologique, culturelle, que traverse notre pays comme le reste de l'Europe à cause de plusieures années de politiques néo-libérales au service du capital. Ces engagements, nous ne les trouvons en France, appuyés sur un dynamique de rassemblement, que dans le Programme Populaire et Partagé du Front de Gauche, L'Humain d'abord.     

 

Ismaël Dupont.  

le 31 janvier 2011.  

 

 

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