Djamila Boupacha dessinée par Picasso illustrant le livre publiée par Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi en 1962 sur la militante FLN. L’artiste peintre espagnol Pablo Ruiz Picasso, a réalisé un dessin la veille du cessez-le-feu (mars 1962), pour sauver de la guillotine Djamila Boupacha. Anti-franquiste, l’artiste s’est intéressé à la révolution algérienne dès son déclenchement en 1954, et tenta de montrer et de dénoncer les souffrances de la femme algérienne sous le colonialisme, à travers une quinzaine de toiles et de lithographies. Cette série s’achève avec l’œuvre (un portrait) sur Djamila Boupacha, dont le dessin réalisé au fusain, paraît à la une des Lettres françaises du 8 février 1962 et en ouverture du plaidoyer de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi
Djamila Boupacha est née le 9 février 1938 à Saint-Eugène (quartier de Bologhine à Alger), fille d’Abdelaziz Boupacha et de Zoubida Amarouche. Elle s’engage très jeune, à 15 ans, en politique en rejoignant l'UDMA de Ferhat Abbas, puis le FLN en 1955. Elle porte pendant la guerre d'Algérie le nom de guerre de Khelida.
Elle fut arrêtée le 10 février 1960 en compagnie de son père, de son frère, sa sœur Nafissa et de son beau-frère Abdellih Ahmed. Elle fut accusée d'avoir déposé une bombe - désamorcée par les démineurs de l'armée - à la Brasserie des Facultés le 27 septembre 1959 à Alger.
Emprisonnée clandestinement (officiellement, elle ne fut pendant un mois incarcérée nulle part), elle fut violée et subit pendant plus d'un mois de nombreux sévices, infligés par des membres de l'armée française :
"On lui fixa des électrodes au bout des seins avec du Scotch, puis on les appliqua aux jambes, à l'aine, au sexe, sur le visage. Des coups de poing et des brûlures de cigarettes alternaient avec la torture électrique. Ensuite on suspendit Djamila par un bâton au-dessus d'une baignoire et on l'immergea à plusieurs reprises".
Son frère réussit à prévenir l'avocate Gisèle Halimi qui décida de prendre son cas en charge en mars 1960. Leur première rencontre se tint à la prison Barberousse le 17 mai 1960. Relatant les tortures auxquelles elle avait été soumise, Djamila Boupacha finit par décrire comment les militaires l'avaient violée.
Un témoin dont on connaît le nom et l'adresse l'a vue à Hussein-Dey évanouie, sanglante, traiînée par ses geôliers.
Anna Musso écrivait ce bel article dans L'Humanité: "La Robe irrespectueuse"
« Je ne sers plus à rien, je suis à jeter… »
"Quand Gisèle Halimi (née en Tunisie en 1927 à La Goulette d'un père berbère et d'une mère juive) reçoit ce cri de douleur de Djamila Boupacha, son sang ne fait qu’un tour. À vingt-et-un ans, cette militante du FLN est torturée et violée par les paras français jour et nuit depuis un mois. Gisèle, avocate de trente-deux ans au Barreau de Paris, prend l’avion direction Alger. « Elle avait encore les seins brûlés, pleins de trous de cigarettes, des côtes cassées… » Gisèle rentre à l’hôtel pour préparer son procès du lendemain. Mais, le soir même, la police vient l’arrêter et l’expulser. Dès son retour à Paris, elle mobilise les politiques et les intellectuels. Elle rencontre Simone de Beauvoir le 24 mai 1960 pour lui demander de relater la torture de Djamila dans Le Monde. Et elle crée dans la foulée le Comité de défense pour Djamila. Grâce à leur action, Djamila est transférée en prison en France jusqu’à la signature des accords d’Évian. Gisèle Halimi n’en est pas à son premier procès pour défendre les indépendantistes algériens. « La découverte du système des tortures fut le grand choc de ma vie. » Six ans plus tôt, à vingt-sept ans seulement, elle plaide pour les Algériens arrêtés après la « Toussaint sanglante ». Puis, en 1958, elle est avocate au procès du massacre d’El Halia dans lequel 44 Algériens sont encore injustement accusés d’avoir massacré des Européens. Avec son confrère Léo Matarasso, ils sont surnommés « les avocats des tueurs » par les Occidentaux. Mais, grâce à eux, preuve est apportée que les aveux ont été extorqués sous la torture. Condamnée trois fois à mort par l’OAS, emprisonnée durant un mois à Alger, il en faut plus à Gisèle Halimi pour rendre les armes. Après l’affaire Djamila, elle devient une fervente militante des femmes en France."
Simone de Beauvoir signa la tribune qui révéla au monde le calvaire de Djamila Boupacha.
À la suite des pressions du comité de soutien qui s'était constitué pour sa défense et par l'entremise de Simone Veil, alors magistrate, le tribunal d'Alger fut dessaisi du dossier au profit de Caen et Djamila Boupacha fut transférée par avion militaire en France métropolitaine pour y être jugée ; on craignait en effet qu'elle ne soit abattue dans sa cellule pour mieux étouffer l'affaire. Elle fut placée en détention à la prison de Fresnes le 21 juillet 1960, puis à celle de Pau. Pour les faits de torture, Gisèle Halimi poursuivit le ministre de la défense Pierre Mesmer ainsi que le général Charles Ailleret, qui commandait alors l'armée française en Algérie, pour forfaiture.
Djamila Boupacha comparut à Caen fin juin 1961, dans un procès au cours duquel elle identifia ses tortionnaires mais au terme duquel elle fut condamnée à mort, le 28 juin. En 1962 elle fut amnistiée en application des accords d'Évian mettant fin à la guerre d’Algérie et libérée le 21 avril 1962. Réfugiée chez Gisèle Halimi, elle fut d'après Le Monde du 3 mai 1962 séquestrée puis transférée à Alger par la Fédération de France du FLN, qui dénonça « l'opération publicitaire tentée à des fins personnelles » par l'avocate Gisèle Halimi. Le FLN ne pouvait accepter de perdre la main sur l'arme symbolique de premier ordre que constituait la jeune militante.
De fait, Djamila Boupacha devint, par son martyre, un enjeu de mémoire pour les nationalistes algériens, une figure iconique de la lutte, destinée à être érigée en mythe fondateur de la nation algérienne à construire. Élevée à ce statut d'icône, elle ne devait pas cependant en sortir : du point de vue des dirigeants nationalistes algériens, la violence perpétrée et/ou subie par les femmes ne pouvait « être utile que sur le mode l'exceptionnalité ». Comme le souligne Christelle Taraud, si l'État algérien devenu indépendant utilisa dans l'immédiat après-guerre Djamila Boupacha comme un symbole « propre à asseoir la légitimité symbolique et politique du régime de parti unique mis en place par le FLN », elle fut progressivement mise de côté et disparut de la scène publique, à l'instar de nombreuses militantes nationalistes ayant joué un rôle déterminant dans la libération de leur pays.
Condamnée à mort le 28 juin 1961, Djamila Boupacha fut amnistiée dans le cadre des accords d'Évian, et finalement libérée le 21 avril 1962.
À la demande de l'avocate, qui souhaitait utiliser l'affaire pour dénoncer les méthodes de l'armée française en Algérie, Simone de Beauvoir rédigea une tribune dans les colonnes du journal Le Monde en date du 2 juin 1960 intitulée « Pour Djamila Boupacha »; le premier ministre Michel Debré fit saisir le journal en Algérie. L'affaire Djamila Boupacha prit une ampleur médiatique et internationale importante lorsque, dans la foulée de la tribune, un Comité pour Djamila Boupacha fut créé en juin 1960, comité présidé par Simone de Beauvoir, et qui comprenait parmi ses membres Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Elsa Triolet, Gabriel Marcel, Geneviève de Gaulle, Aimé Césaire ou encore Germaine Tillion.
Djamila Boupacha est toujours vivante. C'est Djamila Boupacha qui a inspirée Picasso. Il y a eu plusieurs "djamilattes", ce qui veut dire "belles ", dont trois très connue, Djamila Bouazza première condamnée à mort a 20 ans (non exécutée) décédée en 2015 ,Djamila Bouhired (Djamila Bouhired ,défendue par Vergès qu'elle a epousé par la suite) et Djamila Boupacha ( défendue par Gisèle Halimi).
En 2000, Francesca Solleville interprète Djamila composée par Bernard Joyet sur le disque Grand frère petit frère.
En 2012, Bernard Joyet reprend la chanson dans son disque Autodidacte.
On peut voir sur Facebook une interview extrêmement touchante de Djamila Boupacha à France Inter
https://www.facebook.com/nhanifi/videos/359929212858245
commenter cet article …