La majorité sénatoriale de droite et les macronistes se sont entendus pour écarter la motion référendaire défendue par la gauche vendredi matin. Olivier Dussopt a argué de la « légitimité du parlement » pour s’y opposer, oubliant au passage que plus de 70 % des Français rejettent le projet de l’exécutif.
71 % des Français sont opposés au projet de réforme de retraite et même 73 % se disent défavorables à sa principale disposition (le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans), selon le dernier sondage YouGov. Soit six points de plus qu’en janvier. Mais le gouvernement comme la majorité de droite du Sénat n’en démordent pas et sont décidés à imposer aux Français leur mantra commun du « travailler plus ». Vendredi matin, ils ont donc écarté de concert la proposition de référendum défendue par la gauche à l’ouverture des travaux au Palais du Luxembourg. La motion présentée par le socialiste Patrick Kanner, au nom des trois groupes de gauche signataires, a été obtenue 93 voix pour et 251 contre.
Le ministre du Travail s’est retranché derrière la légitimité« de la »démocratie représentative et du Parlement« et derrière les »dispositions techniques« de la réforme pour s’opposer à un référendum et sa »question binaire« . Le tout en se défendant de vouloir passer en force via le recours à un projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (PLFRSS) qui, avec l’article 47-1 de la Constitution, permet de contraindre le temps de débat et même en dernier lieu de légiférer par ordonnances.
Si Olivier Dussopt s’est perdu en contradictions ces dernières semaines sur les mesures de maigres »compensations« imaginées par l’exécutif (sur les carrières longues et plus encore sur la pension à 1200 euros), le cœur du projet – 2 ans de travail supplémentaires - n’en est pourtant pas moins clair. Patrick Kanner a ainsi dénoncé le retour, 42 ans plus tard après la retraite à 60 ans, »sur ces conquêtes sociales toujours pour les mêmes motifs, l’argent, la rentabilité, quoi qu’il en coûte sur le plan social"
"La colère et le ressentiment sont là. Il est temps que vous sortiez de votre bulle pour entendre celles et ceux qui exigent le retrait de ce texte« , a également enjoint, la présidente communiste du groupe CRCE, Éliane Assassi. Quant au véhicule législatif choisi par l’exécutif : »C’est inédit (…). J’ai parlé hier de piraterie parlementaire. Je persiste et signe. Ces lois de financement au sein de notre Constitution ne sont pas faites pour mettre en place une réforme de grande ampleur de notre régime des retraites« , a dénoncé le sénateur socialiste. "Une dérive autocratique d’un exécutif hors sol, assiégé dans sa tour d’ivoire" , a renchéri l’écologiste Guillaume Gontard.
Nous appelons au retrait de la réforme. Mais faute de retrait, nous vous offrons une autre voie avec cette motion référendaire (…) présentez le texte aux Français. Ils sont dans la rue. Ils aimeraient aller aux urnes« , a, de son côté, ajouté Patrick Kanner tentant de jouer sur la fibre gaulliste des sénateurs de droite : "Faites trancher cette question fondamentale par un référendum comme le permet la Constitution imaginée par le général de Gaulle."
Pas de quoi émouvoir les rangs de la majorité. À l’instar de la rapporteure centriste de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau, qui a qualifié la motion référendaire »de cour circuit« . "Pourquoi élire des députés et des sénateurs, si toutes les questions peuvent être tranchées par les Français ?" , a-t-elle fait mine d’interroger, ignorant à son tour le rejet très largement majoritaire de la réforme parmi les Français.
Face au rapporteur LR du texte René-Paul Savary qui s’opposait au référendum au nom de la défense des »améliorations« apportées par le Sénat, l’élue communiste Laurence Cohen est montée au créneau pour dénoncer la philosophie de la surcote pour les mères de famille défendue par la droite. "Nous sommes scandalisés par les propositions de M. Retailleau (le président du groupe LR, N.D.L.R.). S’appuyant sur une idéologie familiariste, nationaliste, d’une époque que je n’ose rappeler. Non, M. Retailleau, les femmes ne peuvent avoir comme seule solution, afin de travailler jusqu’à un âge indéterminé, de faire plus d’enfants" , a-t-elle fustigé tout en dénonçant à nouveau un »coup de force institutionnel"
Après le rejet de la motion dans la matinée, les sénateurs doivent passer à la lecture des articles à partir de 17 heures ce vendredi. Ils examineront d’abord l’article liminaire sur la trajectoire financière, puis s’attaqueront à l’article 1 qui prévoit la suppression de cinq régimes spéciaux que le patron du groupe LR, Bruno Retailleau, souhaite accélérer. Il présentera à cette fin un amendement à l’article 7 contre la »clause du grand-père« (celle-ci permet de n’appliquer la mesure qu’aux nouveaux embauchés). Une disposition à laquelle le groupe Union centriste comme l’exécutif sont réticents car elle pourrait aviver la contestation. "Pourquoi pas" , avait d’abord glissé Olivier Dussopt avant de fermer la porte à l’amendement Retailleau : "Revenir sur la clause du grand-père n’est pas ce que souhaite le gouvernement. Nous avons dit depuis le début que nous souhaitons respecter le contrat social" , a-t-il déclaré sur RTL jeudi.
Les débats se poursuivront durant tout le week-end au Sénat qui a jusqu’au 12 mars pour examiner le texte.
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