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18 juin 2022 6 18 /06 /juin /2022 16:17

 

Alors que les prix à la consommation ont augmenté de 5,2 % sur douze mois en juin 2021 et mai 2022, dont 27,8 % pour l’énergie, la vague de chaleur de cette semaine est susceptible d’accroître la spéculation sur les produits agricoles. Il serait pourtant possible d’échapper aux spéculateurs en contractualisant des volumes production soumis à un cahier des charges avec un prix garanti. Voilà de quoi étoffer la feuille de route de Marc Fesneau, le nouveau « ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire ».

En raison des conséquences de la guerre en Ukraine, mais aussi de la sécheresse et de la chaleur sévissant sur la France, la presse écrite et audiovisuelle multiplie les commentaires sur le recul du pouvoir d’achat des ménages face aux hausses spéculatives des prix des produits de première nécessité, à commencer par le pain, les pâtes alimentaires et l’huile. Les mêmes médias annonçaient récemment que les industriels bourguignons qui produisent la moutarde de Dijon voyaient le prix de la graine s’envoler, évoquant même un risque pénurie mondiale cette année. On ne rappelait guère, en revanche, que la production de graines de moutarde en Bourgogne est passée de 12.000 tonnes annuelles en 2016 à 4.000 tonnes en 2021 alors que les besoins annuels de l’industrie locale sont estimés à 16.000 tonnes par an.

Cette division par trois de la production régionale résulte de l’accord de libre-échange signé entre la Commission européenne et le Canada, puis approuvé par les 27 pays membres de l’Union européenne, dont la France. Connu sous le sigle CETA, cet accord est entré en vigueur en 2016. À partir de cette date, les industriels français produisant de la moutarde ont augmenté les importations de graines en provenance du Canada au détriment de la production régionale qui coûtait un peu plus cher.

Selon, Fabrice Genin, qui produit de la graine de moutarde à Marsannay-le-Bois, « la filière française n’a pas droit aux insecticides utilisés au Canada » pour protéger cette plante contre les ravageurs, ce qui diminue les rendements en Bourgogne et fait subir aux producteurs une distorsion de concurrence au profit des producteurs canadiens. À cause d’aléas climatiques, la production de graines de moutarde au Canada est passée de 135.000 tonnes en 2020 à 99.000 tonnes en 2021, ce qui s’est traduit par un quasi-doublement de son prix en un an. La production canadienne pour 2022 est encore attendue en baisse de 28 % cet été tandis que les prix continuent d’augmenter.

Le sarrasin entre libre-échange et contractualisation

Ces dernières semaines, plusieurs médias ont également braqué les projecteurs sur un risque de pénurie de sarrasin. Bien que ses galettes bretonnes de blé noir aient de plus en plus de succès auprès des consommateurs, la Bretagne ne produit plus que 3.000 tonnes de graines de sarrasin par an alors qu’elle en utilise 11.000 tonnes. 70 % du sarrasin utilisé en France est importé. Il peut provenir du Canada, de Chine et des pays d’Europe de l’est, sans véritable traçabilité. Il existe pourtant une indication géographique protégée (IGP) depuis 2010 pour un sarrasin breton répondant à un cahier des charges. Les utilisateurs le paient autour de 700€ la tonne contre 450 à 550€ pour le sarrasin importé. L’association « Blé Noir Tradition Bretagne » s’est ainsi créée pour tenter de répondre aux besoins. Sous ce logo, 1.400 producteurs sont habilités à produire du blé noir sur l’ensemble de la Bretagne.

Au XIXème siècle, la France a cultivé annuellement jusqu’à 700.000 hectares de sarrasin contre 30.000 actuellement. En Bretagne et au-delà, dans les zones d’élevage de vaches laitières comme de bovins de boucherie, il serait possible de contractualiser des productions annuelles de sarrasin. Celle culture dont le semis s’effectue au printemps peut servir de « tête d’assolement », à savoir de première culture, quand on laboure une prairie temporaire pendant trois ou quatre ans avant d’y ressemer de l’herbe. Il serait donc possible de passer des contrats gagnant-gagnant avec les éleveurs avec un prix rémunérateur pour cette graine de la famille des « polygonacées » que l’on récolte à la fin de l’été. Entre-temps, elle fleurit, ce qui donne aux abeilles de quoi butiner.

De la lentille verte du Puy au coco de Paimpol

Outre le sarrasin des contrats de production pour des graines riches en protéines comme la lentille, le pois chiche, le haricot sec et les fèves devront être mises en place dans les prochaines années pour renforcer notre souveraineté alimentaire en réduisant notre dépendance aux importations. Alors que la réduction de la consommation annuelle de viande par habitant doit aussi intervenir pour freiner le réchauffement climatique, se fixer un objectif annuel de consommation de 7 à 8 kilos de légumes secs par an et par habitant contre moins de 2 kilos actuellement doit aussi déboucher sur une production croissante de protéines végétales. Le pois chiche donne de bons rendements sur nos terres à blé. Les lentilles produites en France le sont souvent sous signe de qualité, qu’il s’agisse de celle du Berry, de la blonde de Saint-Flour et la verte du Puy. Il en va de même pour les haricots secs de nos garbures et autres cassoulets avec le haricot tarbais et le lingot de Castelnaudary. Au sud, on a aussi le coco de Pamiers et à l’ouest celui de Paimpol, sans oublier les « mogettes », nom donné aux haricots blancs du côté de la Vendée.

Inciter les consommateurs à manger des légumes secs deux à trois fois par semaine et contractualiser la production dans leurs zones de culture traditionnelle aurait de double avantage de renforcer notre souveraineté alimentaire et de réduire le bilan carbone de notre assiette. Cela se fait dans d’autres productions parmi lesquels le lait à comté produit par 1.400 paysans dans les départements du Jura et du Doubs pour l’essentiel. La contractualisation fonctionne aussi depuis longtemps entre Bonduelle, spécialiste des légumes en conserve, et les maraîchers de plusieurs régions qui lui fournissent des produits de qualité, dont les petits pois et les haricots verts, dans le respect d’un cahier des charges avec un prix fixé chaque année avant la mise en culture.

Voilà de quoi inspirer Marc Fesneau, le nouveau ministre de l’agriculture, s’il parvient à conserver son siège de député dimanche soir.

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