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9 mars 2021 2 09 /03 /mars /2021 17:00
6 mars: Quimper - photos de l'hommage du PCF à Nathalie Lemel - Discours d'Yvonne Rainero
6 mars: Quimper - photos de l'hommage du PCF à Nathalie Lemel - Discours d'Yvonne Rainero
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A l'occasion de la Journée Internationale des droits des Femmes & de la commémoration des 150 ans de la Commune de Paris, le PCF Quimper a rendu un bel hommage à Nathalie Le Mel, pionnière bretonne dans les luttes féministes et sociales, ce samedi 6 mars.

Photos et commentaire Roberte Saint-Jalmes et Sandrine Dupuis

 

Lire aussi:

À Quimper, hommes et femmes rendent hommage à une pionnière du féminisme - Le Télégramme, 6 mars 2021

La quimpéroise Nathalie Lemel, féministe de la première heure: un hommage lui est rendu à Quimper par le PCF le 6 mars à 14h30 (Le Télégramme, 5 mars 2021)

 

Hommage à Nathalie Le Mel – samedi 6 mars 2021

 

Nous sommes réunis ici pour rendre hommage à une pionnière bretonne des luttes sociales et féministes, Nathalie Le Mel, que les communistes ont choisi de mettre à l’honneur à l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes et des 150 ans de la Commune de Paris dont elle fut une figure importante.

Une femme en avance sur son temps.

Songeons que Nathalie Le Mel avait 85 ans quand eut lieu en 1911 la 1ère journée internationale des femmes, décidée l’année précédente par le congrès des femmes socialistes, sur proposition de Clara Zetkin, féministe et révolutionnaire allemande mise en scène par Aragon dans son roman Les Cloches de Bâle.

 

Nathalie Le Mel, née Duval le 26 août 1826 à Brest, était la fille d’un ouvrier corroyeur du port, sa mère tenait un modeste débit de boissons place Médisance, non loin de la Penfeld.

Elle put accéder à un certain niveau d’instruction, la lecture sera importante dans sa vie.

Elle eut à connaître les grèves des ouvriers du port, et aussi le triste sort des insurgés de 1848, détenus sur les pontons de Brest.

Mariée à 19 ans avec Adolphe Le Mel, elle part en 1849 avec lui et leur premier enfant pour Quimper. Ils y vivent jusqu’en 1861, tenant une librairie et un atelier de reliure rue Kéréon puis rue Saint-François, et ont 2 autres enfants.

Elle choquait les bien-pensants par ses idées et ses allures n’étaient pas du goût de tout le monde, à en croire les rapports de police.

 

Ayant fait faillite, Nathalie et Adolphe Le Mel quittent Quimper pour Paris en 1861.

Elle y exerce son métier de relieuse chez un relieur d’art et se heurte à la dure condition des ouvrières.

Elle se sépare de son mari qui appréciait peu qu’elle continue à s’occuper de politique, et dès lors elle éleva seule leurs 3 enfants.

En 1864, le délit de coalition est abrogé, la grève n’est plus interdite mais reste très encadrée, les syndicats ne seront légalisés que 20 ans plus tard.

Cette même année, elle s’engage dans les luttes des ouvriers relieurs parisiens et est élue à leur comité de grève, une première pour une femme. Elle y côtoie Eugène Varlin, futur dirigeant de la Commune. Elle met en avant la revendication de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, qui gagnaient à peu près le double pour le même travail.

Et cette lutte est gagnante, y compris sur l’égalité des salaires.

Comme Eugène Varlin, elle adhère à l’Internationale qui vient de se créer à Londres.

En 1866, Nathalie est la seule femme membre de la commission administrative de la « Société d’épargne et de crédit mutuel des ouvriers relieurs » qui leur tient lieu de chambre syndicale, ceux-ci étant toujours interdits.

Eugène Varlin et Nathalie Le Mel créent cette même année une coopérative d’alimentation « La Ménagère ».

Puis ils ouvrent en 1868 un premier restaurant ouvrier coopératif « La Marmite » dont le but est de « fournir au prix de revient, à tous les sociétaires, une nourriture saine et abondante à consommer sur place ou à emporter ». C’est aussi un lieu d’éducation populaire, on y trouve des livres, des journaux, on écoute des chanteurs, on échange des idées. Trois autres restaurants suivront sous ce nom. Ils permirent de nourrir plusieurs centaines d’ouvriers pauvres, de chômeurs, avec leurs familles et particulièrement pendant la terrible famine de 1870 lors du siège de Paris par les troupes prussiennes.

La population de Paris tient bon malgré ses souffrances, mais le gouvernement Thiers signe une convention d’armistice qui livre une partie de la ville à l’occupation prussienne et veut désarmer les Parisiens.

Ce qui déclenche l’insurrection le 18 mars 1871.

Dès les première heures de la Commune en mars 1871, Nathalie Le Mel est sur tous les fronts : clubs de femmes, réquisition des ateliers abandonnés par les patrons, égalité salariale, laïcisation des écoles et des hôpitaux...

 

C’est la Commune de 1871 qui a établi l’enseignement laïque, gratuit et obligatoire pour les filles comme pour les garçons, et l’égalité des salaires entre institutrices et instituteurs.

La Commune, c’est aussi l’enseignement professionnel pour les filles et les garçons, la création de crèches, des droits égaux pour les enfants « naturels » et « légitimes », le droit à une pension alimentaire en cas de séparation, la gratuité des fournitures scolaires, la réquisition des logements vacants pour les sans-domicile, la reconnaissance de la citoyenneté pour les étrangers...

C’est la proclamation de la séparation de l’Église et de l’État, associée au respect des consciences, la laïcité...

C’est une politique de santé publique, avec une campagne de vaccination gratuite des enfants contre la variole, une pièce d’argent étant remise aux parents pour les inciter à vacciner leurs enfants.

C’est une politique culturelle ambitieuse, avec le soutien, la participation d’artistes, d’écrivains...

Courbet au sommet de sa gloire devient délégué aux Beaux-Arts, les Versaillais le lui firent payer chèrement.

L’une des premières décisions de la Commune de Paris en mars 1871 fut de rouvrir tous les musées. Cela peut nous faire rêver, nous qui sommes ici devant notre musée des Beaux-Arts fermé !

Vallès, Jean-Baptiste Clément, Eugène Pottier, le futur auteur des paroles de l’Internationale, s’engagent pour la Commune.

Verlaine, Rimbaud, dont on ne sait s’il a été effectivement présent à Paris, lui dédient des poèmes.

Victor Hugo est plus hésitant, mais il se dressera contre la répression et donnera l’asile aux proscrits, il sera l’un des principaux artisans de la loi d’amnistie.

 

Dans cette utopie sociale et démocratique, les femmes prirent toute leur place, même si elle ne siégeaient pas au comité central de la Commune, le suffrage dit « universel » mais réservé aux hommes ne datait que de 1848 et avait été très encadré par Napoléon III, et la question de l’éligibilité et du droit de vote des femmes ne fut posée en France que bien plus tard.

Pourtant les femmes ont inspiré bien des décisions de la Commune, notamment au plan social, familial, mais pas seulement, Nathalie Le Mel siégeait par exemple à la commission du travail.

Et pour peser plus encore elles se sont donné une organisation.

En avril 1871, Nathalie Le Mel et Elizabeth Dmitrieff, l’aristocrate russe amie de Marx, créent « l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés », elles en prennent la direction et en signent les proclamations, Nathalie étant toujours la première signataire et Elizabeth la dernière.

 

Nathalie Le Mel, Élizabeth Dmitriev, Louise Michel, jouèrent un rôle de premier plan dans la Commune de 1871.

D’autres femmes d’exception y participèrent aussi, sans être sur le devant de la scène.

Telle Sofia Kovalevskaïa, jeune Russe de 20 ans, d’une famille amie de Dostoïevski, venue avec sa sœur apporter son soutien aux Communards, et qui échappa, elle, à la répression. Elle étudia les mathématiques à Berlin en suivant des cours particuliers, car elle ne pouvait être admise sur les bancs de l’Université, et fut ensuite la 1ère femme titulaire d’une chaire de mathématiques.

 

Mais le mois de mai s’avance, et la pression des troupes versaillaises se fait plus forte.

Nathalie Le Mel avec l’Union des femmes appelle à la résistance.

Du 21 au 28 mai, c’est la semaine sanglante, ses massacres et ses arrestations de masse.

Nathalie Le Mel est encore au front, sur les barricades de la rue Blanche, organisant la résistance contre les troupes versaillaises, soignant les blessés.

Elle sera arrêtée en juin 1871, emprisonnée à Versailles, jugée en 1872 lors d’un procès inique devant un tribunal militaire.

On y avait fait venir le commandant de gendarmerie de Quimper pour témoigner de la mauvaise réputation qu’elle aurait eue dans notre ville, en raison de sa lecture des journaux socialistes et de ses « allures d’indépendance ».

Les propos du capitaine qui prononça le réquisitoire donnent l’ambiance de ce procès :

«  Et voilà où conduisent toutes ces dangereuses utopies, l’émancipation de la femme, prêchée par des docteurs qui ne savaient pas quel pouvoir il leur était donné d’exercer...

N’a-t-on pas, pour tenter ces misérables créatures, fait miroiter à leurs yeux les plus incroyables chimères ? Des femmes magistrats ? Membres du barreau ? Oui, des femmes avocats ? Députés peut-être et que sait-on, des commandants ? Des généraux ? Il est certain qu’on croit rêver en présence de pareilles aberrations. »

Nathalie Le Mel est condamnée à la déportation en Nouvelle-Calédonie, comme Louise Michel, et d’autres femmes de la Commune, qualifiées de « pétroleuses ».

Elle refuse toute mesure de grâce : « Nous ne demandons ni n’acceptons aucune faveur » déclare Nathalie.

Louise Michel et Nathalie Le Mel embarquent ensemble en 1873 à La Rochelle sur la « Virginie » pour un long voyage de 4 mois vers Nouméa, avec d’autres prisonnières, des déportés hommes aussi, comme le journaliste Henri Rochefort.

Louise Michel a dans ses bagages un dictionnaire et une grammaire de breton, ils lui ont sans doute été fournis par Nathalie.

Louise et Nathalie vont partager la même pauvre cabane au bagne.

Contrairement à d’autres déportés, elles seront solidaires des Kanaks auxquels Louise entreprendra d’apprendre à lire avec le soutien de Nathalie quand leurs conditions de détention le leur permettront.

Nathalie Le Mel ne reviendra en France qu’en 1879 lors de l’amnistie.

Elle rentre à Paris malade et pauvre.

Le journaliste Henri Rochefort qui a été leur compagnon de déportation mais avait réussi à s’évader du bagne, donne du travail à Nathalie comme ouvrière plieuse dans le journal l’Intransigeant qu’il a créé.

Elle ne veut plus de ses subsides lorsqu’il prend le parti du général Boulanger, il sombrera par la suite dans l’antisémitisme, rejoignant le camp des antidreyfusards.

Pendant toutes ces années Nathalie Le Mel participe aux commémorations de la Commune, approuve les mouvements socialistes, défend la cause des femmes.

Elle s’oppose à ceux qui voudraient les ramener à la maison sous prétexte de les protéger de l’exploitation capitaliste.

En 1886, lors d’une réunion, elle déclare : « Les femmes ne veulent pas être protégées, elles sauront bien se défendre elles-mêmes. »

Comme ces propos sonnent juste aujourd’hui !

Elle finira sa vie dans la misère et la solitude, aveugle, à l’hospice d’Ivry où elle entre en 1915.

Elle y meurt en mai 1921, c’est le 50 ème anniversaire de la Commune...

 

En ces temps où les inégalités de salaires, d’accès aux droits, sont toujours importantes entre les femmes et les hommes, où la précarité touche tant de femmes, chômeuses, salariées ou retraitées, où les « invisibles », qui ont permis à notre société de tenir malgré la crise sociale et sanitaire, sont souvent des femmes, caissières, aides-soignantes, aides à domicile, personnel d’entretien..., où le besoin de solidarité, de partage est fort, les combats émancipateurs de Nathalie Le Mel sont d’une grande modernité.

Pionnière des luttes sociales et féministes, son combat rejoint ceux d’aujourd’hui contre les inégalités et les discriminations, pour les droits sociaux, contre les violences faites aux femmes, pour la dignité et l’émancipation humaine.

 

Yvonne Rainero, le 6 mars 2021

 

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