Née à Brest en 1826, morte en 1921 dans un hospice d’Ivry-sur-Seine, Nathalie Lemel a vécu à Quimper entre 1849 et 1861, où elle a tenu une librairie et un atelier de reliure rue Kéréon et rue Saint-François. (DR) - Le Télégramme, 5 mars 2021
Le Télégramme, 5 mars 2021
La Quimpéroise Nathalie Lemel, féministe de la première heure
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, et du 150e anniversaire de la Commune de Paris de 1871, le PCF organise un hommage à Nathalie Lemel, qui vécut à Quimper de 1849 à 1861. Retour sur l’histoire de cette communarde, féministe de la première heure.
À Quimper, Nathalie Lemel a le droit à une petite allée à son nom, dans la zone de Cuzon, même si elle n’est pas passée à la postérité, contrairement à son amie Louise Michel. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes et de la commémoration des 150 ans de la Commune de Paris dont elle fut une image marquante, le PCF a choisi de mettre à l’honneur cette pionnière bretonne des luttes sociales et féministes. « Les combats émancipateurs de Nathalie Lemel sont d’une grande modernité », note la conseillère municipale communiste Yvonne Rainero.
Ils fuient la misère à Quimper pour Paris
Fille de bistrotiers républicains brestois, la demoiselle Duval épouse, à 18 ans, un collègue relieur, Adolphe Lemel. En 1849, la famille quitte Brest pour s’installer à Quimper et ouvre un atelier de reliure et une librairie, rue Kéréon, puis rue Saint-François. Le couple aura trois enfants. « Fuyant la misère, ils déménagent en 1861 pour Paris, où l’Empereur Napoléon III règne dix ans après son coup d’État », écrit Serge Rogers dans un article du Télégramme. « Alors que son mari est au chômage et sombre dans l’alcoolisme, Nathalie Lemel, qui travaille en tant qu’ouvrière relieuse, s’engage dans les luttes sociales. Opposée à la politique du Second Empire, elle se fait rapidement remarquer par son exaltation et son combat pour le droit des femmes et la parité des salaires hommes/femmes », explique l’historien Jacques Arnol lors d’une conférence. En 1865, Nathalie Lemel adhère avec ses camarades à la première Internationale ouvrière. « Elle est même élue déléguée syndicale, ce qui, à l’époque, pour une femme, est une première », note l’historien.
« Des combats d’une grande modernité »
En 1868, elle quitte le domicile conjugal. « Le 11 avril 1871, Nathalie Lemel met en place l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins à donner aux blessés et, avec une centaine de citoyennes, elle nourrit, soigne et dirige la construction et la défense de la barricade de la place Pigalle », poursuit Serge Rogers. Elle est arrêtée le 21 juin 1871 alors que la révolte s’est terminée dans un bain de sang.
« Dès leur séjour quimpérois, Nathalie Lemel a manifesté une personnalité anticonformiste. Cela pourrait lui venir de sa mère, Catherine Hardy, qui semblait avoir, elle aussi, une forte personnalité. Restée veuve, celle-ci se remarie avec un second maître au port marchand de Brest, à près de 65 ans. Et son mari en a 47. Pour une femme, à l’époque, se remarier à 65 ans était très rare. Et encore plus rarissime de se remarier avec un homme de 18 ans son cadet ! C’était faire preuve d’une rare indépendance d’esprit. La première féministe de la famille était vraisemblablement la mère de Nathalie Lemel », estime l’historien Serge Duigou. Et de rappeler que, lors de son procès, en 1872, un gendarme témoigne que Nathalie Lemel était « exaltée, avec des allures d’indépendance qui n’étaient pas goûtées à Quimper », ce qui la faisait passer pour une femme de mœurs légères. « Il faut dire que les voisins immédiats du couple, rue Kéréon, étaient de prospères commerçants soucieux de respectabilité et de paix sociale », indique-t-il.
À l’âge de 46 ans, elle est condamnée à la déportation à vie en Nouvelle-Calédonie. Amnistiée en 1879, Nathalie Lemel regagne la métropole, où elle travaille au journal « L’Intransigeant » en tant que plieuse, tout en continuant de défendre ses convictions. Elle décède à l’âge de 94 ans, dans la plus extrême pauvreté. En 2016, elle est réhabilitée par l’Assemblée nationale avec l’ensemble des victimes de la répression de la Commune de Paris.
Pratique
Le PCF appelle à un rassemblement, ce samedi 6 mars, en hommage à Nathalie Lemel, à 14 h 30, place Saint-Corentin.
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