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8 octobre 2020 4 08 /10 /octobre /2020 07:18

 

 

La pêche et l’aquaculture constituent des secteurs économiques d’une ampleur relativement modeste, et pourtant essentiels sur le littoral. Notre pays possède un grand linéaire côtier… et pourtant nous sommes importateurs de produits de la pêche.

*Michel Le Scouarnec est ancien maire de Auray, ancien sénateur.

La pêche française est très variée : pêche maritime sur des navires embarqués, mais aussi pêche à pied. La pêche maritime repose sur un peu plus de 7000 navires, dont 4500 en métropole et 2500 dans les outre-mer. Notre flotte est essentiellement artisanale : on compte moins de 1 000 navires de plus de 12 m et moins de 200 navires de pêche industrielle de plus de 25 m. On compte près de 16000 marins, dont près d’un tiers en Bretagne, mais les emplois en mer génèrent d’autres emplois à terre. À Lorient, par exemple, il faut ainsi multiplier par trois le nombre de marins pour avoir le total des emplois générés par la pêche. Notre flotte de pêche débarque chaque année 550000 t de poissons, crustacés et coquillages, générant un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros. Ces chiffres incluent les thoniers senneurs tropicaux, qui assurent à eux seuls 150 millions de chiffre d’affaires.

L’aquaculture constitue l’autre volet de l’exploitation de la mer. La France est le deuxième producteur aquacole européen, avec 160 000 t et presque 550 millions de chiffre d’affaires pour la conchyliculture, et 40 000 t et 125 millions de chiffre d’affaires pour la pisciculture ; 3 000 entreprises pourvoient plus de 8 500 emplois (en équivalents temps plein). La production d’huîtres domine l’aqua - culture française, notre pays assurant 85 % de la production européenne. Pourtant nous sommes très déficitaires en produits de la mer. Nos importations représentent entre 80 et 85 % de notre consommation, essentiellement saumon, crevettes et cabillaud. Il en résulte un déficit commercial de 4,5 milliards d’euros. Pour le réduire, on peut mettre en place une nouvelle dynamique des filières pêche et aquaculture, pour mieux profiter de notre façade maritime de 7 200 km de côtes, tant en métropole qu’outre-mer.

Le faible développement de l’aquaculture marine, en dehors des productions traditionnelles d’huîtres et de moules, est au demeurant incompréhensible, alors que partout dans le monde, et en particulier en Asie, c’est l’aquaculture qui a permis de répondre à la demande croissante de produits alimentaires venant de la mer.

La conjoncture est plutôt positive aujourd’hui pour les pêcheurs et aquaculteurs : les prix du poisson, à la différence de ceux de la viande, se maintiennent à des niveaux élevés. De surcroît, les faibles cours du pétrole donnent une bouffée d’oxygène aux navires de pêche, gros consommateurs de carburant. La période actuelle permet donc de relancer une dynamique d’investissements et de progrès dans la pêche et de favoriser l’essor de l’aquaculture marine, au point mort depuis de nombreuses années.

Le comité interministériel de la mer d’octobre 2015 a plaidé en ce sens, prévoyant de simplifier les dispositions relatives aux autorisations de pêche. Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) est doté de 588 millions d’euros, auxquels s’ajoutent les aides régionales, soit, en tout, près de 800 millions d’aides publiques sur sept ans pour la pêche et l’aqua - culture; la modernisation de la pêche doit en être le but et doit être menée dans le strict respect des exigences sanitaires et environnementales. 

Au port de La Rochelle, des marins-pêcheurs débarquant leur pêche. Une partie est chargée dans un camion, l’autre partie sera vendue sur place à la criée.

POUR UNE GESTION DURABLE DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

La ressource dépend, outre la lutte contre les pollutions océaniques, de la façon dont on l’exploite. En matière de pêche, la politique commune de la pêche (PCP) met en oeuvre une gestion équilibrée et strictement contrôlée. Des progrès techniques sont attendus pour adapter les filets aux nouvelles réglementations européennes. Ceux-ci éviteraient la capture des poissons qui ne « font pas la taille ». Les deux derniers rapports de l’Union européenne indiquent que certains stocks sont en voie de reconstitution, même si les poissons se déplacent.

Un accord a été trouvé sur les totaux admissibles de captures (TAC) des espèces d’eau profonde pour 2019 et 2020. Ce compromis tient compte des enjeux de durabilité propres à ces espèces, tout en préservant les intérêts de la flotte française, en particulier face au défi de l’obligation de débarquement généralisée en 2019. Pour les stocks principalement pêchés par les navires français, la diminution du TAC de dorade rose n’a été limitée que de 10 % et sera complétée par des mesures nationales en vue de protéger les juvéniles. Les TAC de sabre noir et de grenadier de roche ont diminué respectivement de 5 % et 18 % en 2019 et seront stables en 2020. Aujourd’hui encore plus qu’hier, il faut répondre aux attentes fortes des citoyens européens en matière de qualité et de sécurité de leur alimentation ainsi que de préservation des ressources naturelles. En matière d’aquaculture, aucun développement n’est possible sans maîtrise et de la qualité des eaux et des pollutions côtières, car cette activité est très sensible aux variations du milieu naturel. L’assainissement des effluents sur le littoral doit donc être renforcé.

L’aquaculture doit aussi avoir une reconnaissance juridique plus forte; elle était attendue pour donner une définition plus précise de l’aquaculture et renforcer la portée des schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine, créés par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 mais qui n’ont jusqu’à présent produit aucun effet. Il s’agit aussi de renforcer l’arsenal juridique à disposition des pouvoirs publics pour faire respecter un niveau élevé de qualité des eaux conchylicoles. Ces propositions en matière de pêche et d’aquaculture font d’ailleurs consensus parmi les professionnels. 

DES NAVIRES ET DES HOMMES 

Le renouvellement des navires est encouragé dans le secteur de la pêche maritime avec l’élargissement de la définition de la pêche artisanale, et la meilleure gestion de la ressource est favorisée par l’attribution de pouvoirs disciplinaires accrus aux organisations de producteurs. En matière de discipline, il faudra réfléchir à l’élargissement des pouvoirs des gardes jurés pour lutter contre la pêche illégale et les pratiques illicites, en appui des services de l’État.

À côté du renouvellement des navires, nécessaire du fait d’une moyenne d’âge d’environ 25 ans (l’âge moyen des marins est de 41 ans), la proposition de loi encourage l’arrivée de nouveaux dirigeants dans les organisations professionnelles en limitant à 65 ans l’âge des élus au sein des comités de pêche maritime et des élevages marins. Reste la question du casier judiciaire des patrons pêcheurs, qui crée des difficultés à certains marins pour embarquer sur les navires. Le statut des dirigeants de coopératives maritimes et des élus au sein des comités de pêche doit être consolidé, car ces activités sont très prenantes et mal valorisées. En matière de pêche, il faut également que le confort et les performances des bateaux s’améliorent pour rendre le métier attractif.

Les ports de l’Atlantique (Lorient, Boulogne, Le Guilvinec) sont bien plus importants que ceux de Méditerranée (Sète, Marseille). La diversification de l’activité doit y être favorisée, et les professionnels fondent beaucoup d’espoirs sur le développement du pescatourisme. La pêche à pied emploie environ 1500 professionnels. Son importance a souvent été sous-estimée; la mise en place d’un fonds de mutualisation pour faire face à des événements climatiques ou sanitaires, fonds qui serait financé en partie par les crédits européens du FEAMP, est à envisager.

Enfin, l’information du consommateur sur l’origine des produits de la mer servis en restauration est un élément de nature à mettre en confiance et à favoriser la demande. Enfin, il faut insister sur le fait que la présence des flottes de pêche dans les différentes eaux du globe a un fort aspect géostratégique, au même titre que celle des flottes de commerce sur telle ou telle route, ou encore des flottes militaires. Il faut donc inclure les navires de pêche dans la flotte pour toute réflexion stratégique. 

LES ZONES DE PÊCHE APRÈS LE BREXIT  

Depuis le Brexit, les craintes sont fortes pour l’avenir… Une grande partie des pêcheurs français et européens vont dans les eaux britanniques. L’enjeu principal, en particulier pour les pêcheurs français, est l’accès aux zones Ouest, Écosse et Nord Irlande. La pêche française réalise seulement 19 %, en valeur, de ses prises dans les eaux britanniques, loin derrière la Belgique (50 %) et les Pays-Bas (34 %), mais en volume des captures la proportion grimpe à 50 % pour les pêcheurs bretons et à 75 % pour ceux des Hauts-de-France. Les volumes capturés dans les eaux britanniques sont vendus en Europe; le Royaume-Uni ne possède pas une flottille suffisante pour pêcher les stocks disponibles ni écouler ses produits.

Parcs à huîtres (Cancale). La production ostréicole domine l’aquaculture française.

Nous risquons une crise très grave si la Grande-Bretagne venait à nous interdire l’accès à son espace maritime; les conséquences ne sont pas évaluées avec précision pour le moment. Jusqu’à ce jour, Britanniques et Français jouaient gagnant-gagnant; demain, si nos pêcheurs sont écartés des zonages actuels autorisés, les conséquences seraient très lourdes. Et qu’en sera-t-il du débarquement de la pêche britannique dans nos ports pour sa transformation? Rien n’est réglé pour l’heure. Nous sommes actuellement dans une période de transition qui devrait permettre de déboucher sur un accord. Des négociations vont s’ouvrir fin février. Elles comporteront un dossier prioritaire: celui de la pêche. En cas de Brexit dur, donc en cas d’interdiction totale des trois zones de pêche britanniques, le risque serait considérable de voir de très nombreux navires venir pêcher au sud, dans le golfe de Gascogne, en concurrence avec ceux qui s’y trouvent déjà. Autre souci : la forte baisse des apports extérieurs, notamment venant des Britanniques (50 % des poissons vendus sous contrôle portuaire à Lorient proviennent aujourd’hui du Royaume-Uni). Ainsi, toute la filière serait touchée gravement : pêcheurs, mareyeurs, poissonniers, grande distribution, entreprises de transport… et de tous les ports français. Savoir partager la mer peut nous amener à un accord profitable à tous.

DÉVELOPPER L’AQUACULTURE 

Depuis la loi de 2010, des schémas pour l’aquaculture doivent être élaborés. Le saumon, par exemple, est l’espèce la plus importée en France. On aurait pu penser et espérer que le développement de l’aquaculture dans notre pays comblerait ce retard et ce déficit considérables, mais, hélas, elle ne démarre pas car sans investissements et sans acteurs. L’Europe n’a sûrement pas été efficace dans ce domaine.

La politique de développement de l’aquaculture doit viser à l’installation de fermes aquacoles en mer, ce qui est conforme aux objectifs des schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine. Or l’aquaculture marine à terre, à proximité du littoral, rencontre des difficultés liées à la loi Littoral, particulièrement dans son application aux « dents creuses » rendues inconstructibles. Enfin, Ifremer doit mener des recherches car nous manquons de chiffres et de certitudes sur les ressources halieutiques existantes. Il nous faudrait un outil vraiment fiable et performant, mais Ifremer manque de moyens, comme le démontre la fermeture du site de La Trinité-sur- Mer (Morbihan). 

ASSURER LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE ET DES HOMMES 

S’il est important d’investir dans de nouveaux bateaux, il est urgent de développer les filières de déconstruction, tant pour la pêche que pour la plaisance, ce qui permettrait de créer beaucoup d’emplois et d’améliorer considérablement les conditions de travail. Et il faut aussi cesser d’entasser les épaves le long de nos côtes, c’est une action de dépollution indispensable.

Le renouvellement des générations est nécessaire à la pérennité de la pêche maritime. Malgré ses atouts, le métier de marin est difficile,mais il offre des possibilités d’évolution de carrière, de simple matelot à patron pêcheur, ou encore mécanicien. L’amélioration de la situation économique des entreprises de pêche a permis de revaloriser les rémunérations des pêcheurs, entre 2000 et 8 000 €. L’âge moyen des marins pêcheurs est de seulement 41 ans, mais l’activité est en partie assurée par des salariés de passage qui n’y font pas carrière, et la filière manque d’environ 800 à 1 000 matelots. La professionnalisation des marins constitue un enjeu fort.

Certains navires sont aussi restés à quai durant l’été 2015 à cause de recrutements insuffisants, notamment pour le segment de la pêche au large, pour des marées de plus d’une semaine… La modernisation des navires peut constituer la réponse en créant un outil de travail plus adapté, plus confortable pour de meilleures conditions de vie à bord. Un brevet de technicien supérieur (BTS) maritime spécifique à la pêche a été lancé en 2014. 

UNE GESTION QUI ASSURE LA PRÉSERVATION DU MILIEU MARIN ET DES ESPÈCES

Plusieurs directives de protection de l’environnement ont été prises par l’Europe. La principale directive environnementale applicable au milieu marin est la directive-cadre Stratégie pour le milieu marin (DCSMM). Adoptée en 2008, elle est le pilier environnemental de la politique maritime intégrée européenne. Elle engage tous les États membres à évaluer et à préserver la qualité de leur milieu marin. Elle vise à atteindre le « bon état écologique » en 2020. « Garantir l’utilisation durable des ressources de pêche » est l’objectif majeur qui renouvelle la cible de l’atteinte de rendement maximal durable (RMD) pour les stocks halieutiques, il se décline en 14 actions de l’Union européenne.

Des initiatives locales permettent d’avancer. Ainsi, à Lorient il y a la volonté de promouvoir une pêche raisonnable en utilisant des engins de pêche sélectifs qui permettent de réduire les rejets des poissons et crustacés qui n’ont pas la taille minimale de capture, en limitant les prises annexes en mer et en valorisant des coproduits à terre (têtes de poisson, arêtes, peaux), en collectant et en traitant les déchets rapportés au port, en réduisant des rejets de CO2 dans l’air par la diminution de la consommation de gazole grâce à la modification des trains de chaluts, en respectant les tailles minimales et les volumes de pêche autorisés par l’Union européenne, en soutenant la construction de nouveaux navires plus efficaces et moins impactants sur l’environnement.

L’économie bleue doit être source de développement durable et représente une richesse exceptionnelle pour peu que le monde en prenne soin.   

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