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31 août 2020 1 31 /08 /août /2020 05:33
Violences racistes et fascistes, suprématisme blanc, extrême-droitisation du Parti Républicain: L'Humanité au coeur de l'Amérique de Trump
Vendredi, 28 Août, 2020
États-Unis. À Kenosha, l’extrême-droite désormais à découvert
 
 
Le meurtre de deux manifestants antiracistes par un jeune milicien blanc de 17 ans plonge la petite ville du Wisconsin – et peut-être le pays – dans un état de tension inédit, renforcé par la rhétorique de « la loi et de l’ordre » de Donald Trump. Mais l’Amérique antiraciste n’abdique pas et poursuit sa mobilisation.
 

Les deux vidéos ont désormais fait le tour des réseaux sociaux et sans doute du monde entier. La première montre un policier tirer à sept reprises dans le dos de Jacob Blake, un Africain-Américain de 29 ans. À bord de la voiture dans laquelle la victime voulait entrer, se trouvaient trois de ses enfants âgés de 8, 5 et 3 ans. La seconde intervient quelques jours plus tard, dans la même ville de Kenosha (Wisconsin) où, chaque soir, en dépit du couvre-feu, se déroulent des manifestations pacifiques et où, en marge de celles-ci, la colère conduit à des saccages et incendies volontaires. On y voit Kyle Rittenhouse, 17 ans, arme automatique en bandoulière, mains en l’air, passer tranquillement devant les forces de police sans que celles-ci n’interviennent, alors que le milicien d’extrême droite vient de tuer deux manifestants antiracistes.

Kenosha marque sans doute une nouvelle étape dans l’état de tension d’un pays violent et injuste, scindé en deux blocs : pour la première fois, des manifestants antiracistes ont été tués par un milicien d’extrême droite. La polarisation du pays – cette grande divergence politique, idéologique et sociétale entamée il y a quarante ans et accélérée par le trumpisme – est devenue physique et meurtrière. C’est un précédent. L’Histoire dira si ce drame est « isolé » ou annonciateur, si le spectre de la « guerre civile » (nom donné à ce que nous appelons en France, la « guerre de Sécession ») ressurgit.

En tout cas, certains le souhaitent et… y travaillent. Ils s’appellent les boogaloo boys, portent des chemises hawaïennes qui les rendent visibles et se préparent à une guerre civile afin d’empêcher le gouvernement de les priver de leurs droits, notamment celui de porter une arme. Ils constituent une frange de la mouvance des milices d’extrême-droite, dont la diversité ne masque pas l’objectif commun : la suprématie blanche.

Depuis le début du puissant mouvement de protestation après le meurtre de George Floyd, le 25 mai, ces miliciens de tout acabit ont marqué leur présence en marge des manifestations. « Quand vous avez tous ces éléments – un moment politique chargé, beaucoup de désinformation et des groupes lourdement armés –, c’est juste une question de temps avant que quelque chose de dangereux ne survienne », explique au Washington Post Lindsay Schubiner, directrice d’études de l’ONG Western States Center. Cela est donc survenu à Kenosha, que la nébuleuse milicienne a vu comme un terrain de répétition générale. Kyle Rittenhouse est venu d’Antioch – Illinois –, à trente minutes de là, avec son arme chargée. Il a abattu deux hommes – de 26 et 36 ans – et en a blessé un troisième. Les enquêteurs ont découvert sur les réseaux sociaux ses affinités pour les armes, les forces de police et… Donald Trump.

Il ne faut pas attendre de ce dernier qu’il prenne quelque distance que ce soit avec l’auteur de ce double meurtre. Le président sortant s’en tiendra certainement à sa stratégie encore et toujours déroulée lors de la convention qui s’est terminée hier (lire p. 3) : accabler les démocrates de tous les maux, appeler à la « loi et l’ordre » afin de galvaniser sa base, dont ces groupes d’extrême droite constituent une partie essentielle, comme le souligne Mark Potok (lire entretien p. 4). « L’un des avertissements les plus pessimistes à propos de la présidence Trump devient une réalité. Les milices d’extrême droite sortent de l’ombre et se positionnent aux côtés de la police et parfois de responsables du parti républicain pour contrer les manifestations contre les brutalités de la police raciste », alerte le site de gauche AlterNet.

Le site journalistique The Trace, spécialisé sur les questions d’armes à feu, se montre encore plus précis : « Désormais, dans une poignée d’États avec une tradition d’extrême droite, des sections de groupe comme les Oath Keepers et les Three Percenters émergent comme des acteurs politiques directs, fournissant le service d’ordre des élus pro-Trump et des organisations républicaines. Dans un cas, un de ces miliciens était même le collaborateur d’un élu. »

Si la trumpisation du parti républicain, avec sa nouvelle garde prétorienne, est l’une des facettes de la polarisation galopante, quel est son équivalent « progressiste » ? Dans un article publié dans Vanity Fair, Ta-Nehisi Coates le discerne dans l’émergence, « pour la première fois dans l’histoire américaine (…), d’une majorité antiraciste légitime (…) qui peut donner naissance à un monde au-delà de l’idolâtrie des pères fondateurs, où nous pouvons chercher non pas seulement à défaire le président sortant, mais aussi à sortir sa philosophie entière de l’humanité ». Trop optimiste, l’écrivain et journaliste réputé pour son magnifique livre, Une colère noire ?

L’action historique des joueurs de l’équipe de basket de Milwaukee (lire encadré) donne du crédit à son hypothèse d’un « grand feu » naissant. Le « mouvement » né après le meurtre de George Floyd franchit lui aussi un cap, et il pourrait emprunter les mots de Letetra Widman, la sœur de Jacob Blake : « Je ne suis pas triste, je ne suis pas désolée, je suis en colère et je suis fatiguée (…) Je ne veux pas de votre pitié, je veux le changement ! »

Christophe Deroubaix

Un boycott des sportifs sans précédent

Aux États-Unis, le monde sportif a démarré un mouvement sans précédent de boycott des compétitions, en réaction à l’affaire Jacob Blake. Enclenché par l’équipe de basket-ball des Milwaukee Bucks, qui a boycotté un match et contraint l’Association nationale de basket (NBA) à reporter plusieurs autres rencontres, mercredi, le mouvement s’est propagé à grande vitesse. « Nous demandons le changement. On en a marre », a déclaré la superstar des Los Angeles Lakers, LeBron James.  La joueuse de tennis japonaise Naomi Osaka, dont le père est d’origine haïtienne, a quant à elle refusé de disputer la demi-finale du tournoi de Cincinnati, dont les organisateurs ont reporté d’un jour tous les matchs prévus ce jeudi 27 août.  Des matchs de football américain et de baseball ont également été repoussés pour les mêmes raisons.

Vendredi, 28 Août, 2020
La trumpisation achevée du Grand Old Party

La convention du parti républicain a consacré la prise de pouvoir du président nationaliste et de son idéologie. Il n’y a plus ni débats, ni d’opposants dans le parti fondé par Abraham Lincoln, juste un chef  : Donald Trump. (MAJ 28/08 à 9h45)

 

«Ce n’est plus le parti républicain, c’est un culte à Trump. » La féroce critique ne provient pas d’un opposant démocrate ou d’un éditorial de journal « liberal » que Trump aime tant à attaquer, mais de l’essayiste Bill Kristol, fils d’Irving Kristol, considéré comme le fondateur du mouvement néoconservateur. La formule est cinglante mais elle se révèle… fausse. Si les quatre jours de la convention républicaine ont bel et bien tourné au « culte à Trump », il s’agit toujours du « parti républicain ». « Les conservateurs ont enfanté un monstre : c’est Trump. C’est leur Frankenstein. Ils ne se sont d’abord pas reconnus dans cet enfant illégitime, puis ils s’y sont ralliés car Trump a gagné », analyse l’historien Romain Huret, directeur de recherches à l’EHESS. « Cette évolution remonte aux années 1960 et à la capture du parti républicain par Barry Goldwater (candidat battu à plate couture lors de l’élection présidentielle de 1964 par Lyndon Johnson et considéré comme le père de la révolution conservatrice – NDLR). Trump est la version la plus extrême, la plus aboutie de l’aile droite », ajoute-t-il.
La « trumpisation » du GOP (Grand Old Party, son surnom) s’est achevée entre vidéos enregistrées et harangues devant une salle de conférence vide. Les voix dissonantes n’ont pas été invitées. Elles n’y tenaient pas plus que cela. « Ne pas être publiquement loyal à Trump peut se payer cher : disqualification sur Twitter, campagne négative en circonscription, insultes, etc. », indique Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l’Iris. Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, toute la famille Trump est passée derrière le pupitre, des enfants aux beaux-enfants en passant par l’épouse. « Du reste, le parti ne publie pas de plateforme (programme) différente de celle de 2016, ce qui est exceptionnel. C’est aussi un indicateur que le parti est uni derrière Trump et n’engage pas de débats internes », poursuit la spécialiste.

Le renoncement à l’élaboration d’un programme actualisé en dit long sur la vampirisation du vieux parti par le milliardaire. Pour autant, ce programme existe bien, mais il est, selon David Frum, ancien conseiller de W. Bush et républicain en rupture de ban, « trop effrayant pour être rendu public ». Les choix et propos des orateurs, ainsi que les mises en scène ont dessiné le projet trumpiste entre darwinisme social, nationalisme, dérégulation (sociale et environnementale) et nativisme assumé (« Le parti républicain tient un meeting du Klan », a tweeté l’élue socialiste de Pittsburgh, Summer Lee). « C’est un conservatisme sans filtre, sans garde-fous », résume Romain Huret. À titre d’exemple : en rupture avec la coutume, et sans doute en violation des règles administratives américaines, Mike Pompeo, le chef de la diplomatie, s’est immiscé dans le débat électoral en diffusant une vidéo de soutien à Donald Trump enregistrée depuis Jérusalem. Un signal on ne peut plus clair envoyé aux électeurs évangéliques blancs, noyau dur de la base républicaine. « Le seul but de la convention de Donald Trump était de parler aux spectateurs de Fox News », constate David Frum. Lors de son discours d’acceptation, jeudi soir devant un millier de personnes, l’immense majorité sans masques, il a accusé les démocrates de vouloir livrer les villes aux «anarchistes» de «démolir les banlieues», bref rien de moins que de détruire le fameux «American way of life». Solidifier sa base en la chauffant à blanc : Donald Trump ne déroge pas à la règle de 2016, mais en l’appliquant dans un climat de tension supérieure, il contribue à l’exacerber un peu plus.

Vendredi, 28 Août, 2020
« La droite radicale a infiltré le courant politique dominant »

Les milices armées, composées de suprémacistes et de nationalistes blancs sont de plus en plus présentes, explique Mark Potok. À Kenosha, elles ont tué. Entretien.
Mark Potok

 

Mark Potok

Chercheur au Centre for Analysis of the Radical Right

Êtes-vous surpris par ce qui s’est passé à Kenosha ?

Mark Potok Non ! Depuis plusieurs années, en remontant au moins aux troubles civils à Ferguson, dans le Missouri, en 2014, des groupes extrémistes armés, d’extrême droite, se livrent à des actes de violence contre les Noirs et menacent les manifestants. Cela s’est produit maintes et maintes fois, et encore très récemment à Portland, un autre point chaud de protestation contre la violence policière.

Comment décririez-vous ces milices et leurs membres ?

Mark Potok Parmi les groupes d’extrême droite engagés dans cette « protection » armée des biens contre les manifestants de Black Lives Matter (BLM) figurent les Gardiens du serment (Oath Keepers) et les Fiers Garçons (Proud Boys), qui manifestent en étant lourdement armés. Nous savons qu’un homme blanc nommé Josh Binninger a déclaré aux journalistes qu’il avait utilisé une page Facebook pour organiser un groupe d’environ 200 personnes qui sont allées à Kenosha mardi soir. Il semble que le tireur ne faisait pas partie de ce groupe. Mais, si vous regardez la page Facebook de Binninger, vous verrez un certain nombre de messages d’extrême droite, y compris celui qu’il a posté il y a six jours qui représente une femme avec une pancarte disant : « Cessez de financer Hollywood, Arrêtez d’idolâtrer les pédophiles. » Clairement Binninger adhère à la théorie du complot QAnon (1), que le FBI a décrite comme une source potentielle de terrorisme intérieur. Trump a déclaré que ceux qui croient au QAnon sont des patriotes « qui aiment notre pays ».

Quel est leur but ?

Mark Potok Ces hommes blancs représentent une réaction nationaliste blanche contre les manifestants de Black Lives Matter et l’influence croissante des Noirs et d’autres personnes de couleur en Amérique. Ce sont des ethno-nationalistes d’extrême droite qui se sentent menacés par des changements sociaux majeurs en Amérique. Il est à noter qu’ils apparaissent régulièrement dans les villes pour « protéger » les biens et les citoyens censés être menacés par les Noirs ou leurs alliés. Ils ne se présentent absolument jamais pour défendre les Noirs qui sont menacés par les Blancs. Ce sont des gens que notre président raciste essaie d’atteindre quand il avertit que Joe Biden et sa coalition démocrate veulent détruire les banlieues résidentielles.

Peuvent-ils s’immiscer dans le processus électoral ?

Mark Potok Paradoxalement ils peuvent avoir pour effet de désamorcer la critique de droite des manifestations BLM comme violentes. Bien qu’il y ait certainement eu une certaine violence de la part des manifestants de BLM, la véritable tuerie est venue de leurs opposants de droite. Ce dernier double meurtre à Kenosha pourrait enfin ramener ce message aux Américains.

Ces activistes blancs représentent-ils un danger pour les États-Unis ?

Mark Potok La droite radicale est aujourd’hui, et depuis une vingtaine d’années, une grave menace pour la démocratie américaine. Ils ont contribué à amener Donald Trump au pouvoir, qui est une menace existentielle pour la démocratie, l’équité et l’égalité, la décence humaine. Les types de commentaires racistes, nativistes et misogynes qui sont maintenant régulièrement faits par Trump n’auraient pas pu se faire publiquement il y a quelques années sans réaction majeure. Aujourd’hui, grâce à la droite radicale, Trump et nombre d’élus républicains sont considérés comme acceptables par des dizaines de millions d’Américains.

Y a-t-il un lien entre les milices et la police ?

Mark Potok Le mouvement des milices a beaucoup interagi avec certaines organisations chargées de l’application de la loi, même si la majeure partie d’entre elles considèrent les milices comme une véritable menace. Beaucoup de policiers sont membres de Oath Keepers. Un autre grand groupe, la Constitutional Sheriffs and Peace Officers Association, est principalement composé de shérifs et de leurs adjoints.

Quelle pourrait être la réponse politique pour lutter contre ce phénomène ? Joe Biden pourrait-il agir contre eux ?

Mark Potok Il sera très difficile de faire reculer la droite radicale qui a maintenant infiltré si profondément le courant politique dominant en Amérique. Cependant, un raz-de-marée démocrate en novembre, y compris une reprise du Sénat, pourrait inaugurer une nouvelle ère. Dans les années 1920, le Ku Klux Klan rassemblait près de 4 millions. Ce qui a abouti à la loi raciste sur l’immigration de 1924. Dans les années 1930 de nombreux groupes fascisants se sont développés. Cependant, au pire moment de la Grande Dépression, le pays a élu Franklin D. Roosevelt président. Il a institué l’État providence moderne et a combattu du bon côté pendant la Seconde Guerre mondiale. Si les démocrates remportent une victoire majeure en novembre, le pays pourrait enfin se détourner d’une histoire de racisme et d’autres maux sociaux. Biden pourrait en fait conduire le pays dans une direction beaucoup plus ensoleillée, plus optimiste et socialement progressiste.

(1) Théorie du complot d’extrême droite selon laquelle Trump livrerait une guerre secrète contre des élites implantées dans le gouvernement, les milieux financiers et les médias.
Entretien réalisé par Pierre Barbancey
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