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8 novembre 2019 5 08 /11 /novembre /2019 09:23

 

Ce 7 novembre, la Française des jeux rentre en Bourse, ouverture d’une nouvelle vague de privatisation. Henri Sterdyniak, coordinateur des économistes atterrés, décrypte la dangerosité de cette décision et la volonté de l’Etat de laisser la main aux grands groupes.

 

Y-a-t-il un réel intérêt économique pour le gouvernement à ces privatisations ?

Henri Sterdyniak : D’un point de vue purement économique, ces privatisations relèvent d’une stupidité complète. Il s’agit de vendre pour 15 milliards d’euros d’actions, si on fait le total entre la Française des jeux (FDJ), Engie et Aéroport de Paris. Ces titres pour l’instant rapportent 1 milliard par an à l’Etat, soit un placement à 6 % de rentabilité. Alors que de ces 15 milliards que va récupérer l’Etat, 5 seront destinés à rembourser la dette publique dont le taux d’intérêt est nul. Et 10 milliards d’euros seront placés à 2,5 % - donc bien moins que les 6 % - dans un fonds destiné à financer « des innovations de ruptures ». Bref, ce projet n’a aucun sens.

Et puis l’innovation de rupture, on ne sait pas trop ce que c’est. A en croire le gouvernement ce sont des applications qui permettent de gérer le contenu de son frigidaire avec son téléphone. Alors que cela pourrait être des mesures fortes pour avancer dans la transition écologique, le grand enjeu contemporain. L’exécutif privilégie les startups et des innovations qui ne sont pas socialement nécessaires.

 

Pour  la privatisation de la Française des Jeux, le gouvernement, dans sa communication, vise un actionnariat populaire. Qui va réellement y gagner ?

Henri Sterdyniak : Populaire ne veut jamais rien dire en matière de finances. L’Etat s’adresse à des classes moyennes et supérieures. Le problème est le prix de vente de ces actions. Comme 50 % de la Française des jeux est vendu pour un milliard, ce sera de toutes façons une mauvaise affaire pour l’Etat. Pour céder ces actions, le gouvernement est obligé de les brader, pour attirer les gens et pour que l’opération apparaisse comme une forme de plébiscite de sa politique. Ces 50 % de la FDJ valent plus certainement 1,5 à 2 milliards d’euros. Ces titres seront d’ailleurs certainement préemptés par des investisseurs institutionnels et des fonds de pension étrangers. Le gouvernement fait avant tout une opération politique.

Quant à la valeur de l’action à terme, est-ce qu’elle va monter puis s’effondrer dans un an ? C’est le jeu de la bourse. Il y a des gagnants et des perdants. Le problème dans le cas de la Française des jeux, est que cette entreprise dépend énormément de la législation. Elle est assise sur un monopole qui peut disparaitre, avec le développement des jeux sur Internet. Et l’Etat doit aussi faire attention à ce que les jeux ne servent pas à blanchir de l’argent sale ni à développer des addictions. Tout cela pèse sur les possibilités de développement de l’entreprise.

 

Les privatisations ne deviennent-elles pas de plus en plus problématiques ?

Henri Sterdyniak : Toutes les  privatisations sont désormais très problématiques. ADP est au cœur de l’aménagement du territoire, de la politique énergétique et du développement, ou non, de l’aéronautique. Engie est évidemment cruciale sur les enjeux énergétiques. Quant à la FDJ, jusqu’à présent, il s’agissait de contrôler le développement des jeux, ne pas en créer des trop addictifs ou centrés sur les jeunes. Ce pourquoi les gouvernements précédents avaient renoncé à privatiser ces entreprises.

 

 

Peut-on encore dire qu’il y a une stratégie de l’Etat actionnaire ?

Henri Sterdyniak : L’Etat a renoncé à avoir une stratégie dans beaucoup de domaines, pour laisser le champ libre aux grands groupes privés. Vinci par exemple va se retrouver en situation de décider de notre politique d’aménagement du territoire, car  l’entreprise possédera les aéroports, les autoroutes, et pourra décider de la construction des centres commerciaux et des nouvelles routes. Il y a une symbiose entre ces groupes et les services de l’Etat. Les ingénieurs des Ponts et Chaussées passent du ministère de l’Equipement à Bouygues et Vinci. Ce sera pareil pour l’énergie, avec Total et Engie qui feront pression pour finir de démanteler EDF et mettre la main sur les activités de distribution d’énergie qui sont les plus rentables. 
L’autre point tragique dans cette histoire est la trahison des élites. Des hauts fonctionnaires, qui ont fait l’ENA, Polytechnique, sont placés à la tête d’activités publiques… Puis leur grande préoccupation est ensuite de les privatiser pour se verser des salaires et retraites chapeau beaucoup plus importantes. Derrière ces privatisations, il faut donc aussi y voir une pression de la technocratie, une trahison de la haute fonction publique. 
La priorité de l’Etat est d’aider les grands groupes à s’insérer dans l’économie globalisée. Pour cela il faut se désengager, donc privatiser, montrer que les entreprises sont libérées des intérêts publics, et en même temps prouver qu’elles sont libres de distribuer tous les dividendes qu’elles le veulent, car c’est ainsi qu’on attire les fonds de pension étrangers.  Le gouvernement veut prouver qu’il favorise les intérêts financiers, s’engage à ne pas intervenir et vend ses actions à bas prix. 

Ce qui s’est passé à l’aéroport de Toulouse le montre bien. L’Etat tient sa parole : il laisse faire l’actionnaire Chinois ce que bon lui semble, et prendre tous les dividendes qu’il souhaite.

Entretien réalisé par Pierric Marissal

 

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