Notre série "Les visages de Quimper". Alaaeddin Sallal, ancien journaliste syrien torturé, est installé à Kermoysan. Il a obtenu l'asile politique et apprend le français.
Dans son appartement lumineux qui domine l'Odet depuis Kermoysan, Alaaeddin Sallal arbore un large sourire. Pas de satisfaction. Juste le bonheur de vivre, enfin, un peu plus en paix. Lorsqu'il est arrivé en avril, cet ancien journaliste-caméraman syrien ne se doutait pas qu'il s'intégrerait aussi vite en France. Nous l'avions rencontré en juin, alors qu'il prenait des cours de français avec de nombreux autres étrangers, à la Maison pour tous de Penhars.
Alaaeddin s'y rend toujours deux fois par semaine. Convaincu, à juste titre, que son intégration et sa recherche d'emploi passent avant tout par la maîtrise de la langue. S'il s'exprime dans un français encore entravé, il a fait de sacrés progrès. Dans son salon aux murs blancs décorés d'un drapeau breton et d'une grande photo, il accueille autour d'un café très serré. « À la turque ! », sourit-il en versant le breuvage chaud, entre deux bouffées de sa clope électronique.
Accueilli sept mois dans une famille fouesnantaise, Alaaeddin a tout de suite cherché à se mêler à la population locale en jouant au foot. La famille l'aide dans ses démarches administratives, en particulier pour bénéficier de la couverture maladie universelle, la CMU. « Les associations Habitat et humanité, et Familles de France, m'ont permis d'avoir cet appartement », explique-t-il. Le jeune Syrien a emménagé le 16 novembre à Quimper. Il tape dans le ballon rond au club de Cuzon.
Les contacts avec ses parents, ses quatre soeurs et ses deux frères en Syrie restent très compliqués : « On arrive un peu à échanger par messageries instantanées : mon téléphone et Internet sont toujours surveillés... »
Né à Idlib, au Nord-Ouest du pays le 1er janvier 1988, il a six ans quand sa famille déménage à Damas. Il tient d'abord un magasin d'informatique à Bayt Sahem. En 2011, il participe à des manifestations d'opposition au régime de Bachar el-Assad, envoie photos et vidéos à des chaînes de télé. Sa boutique est fermée et son matériel informatique confisqué par les forces de sécurité du régime.
Après avoir été kidnappé, séquestré et torturé, il devient reporter pour Al Jazeera, Al Arabiya et Al Hadath. En juillet 2014, il est arrêté par des membres d'Al Nosra, filiale d'Al Qaïda. On l'emmène en banlieue d'Alep pendant trois jours. Côtes cassées. Daech le considère comme un traître et promet 4 millions de livres syriennes (600 000 €) à qui le livrerait. Alaaeddin doit fuir. Fin août 2015, il se réfugie en Turquie. Le journaliste change plusieurs fois de villes, mais continue à travailler avec des journaux en ligne et des radios pour « dénoncer la situation ». Le 12 avril, il arrive à Paris.
Aujourd'hui, le trentenaire pose un regard encore plus triste sur son pays meurtri. « Bachar el-Assad est très dangereux », glisse-t-il, laconique. Le 20 septembre, Alaaeddin a obtenu l'asile politique pour dix ans. Il espère que sa compagne, avocate à Damas, puisse un jour le rejoindre. « On veut se marier. Même si la situation s'arrange un jour en Syrie, je n'y retournerai qu'en visite. Maintenant, ma vie est ici. »
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