1920-2020: 100 ans d'engagements communistes en Finistère:
92/Angéline Dollet dit "Yvette", née Yvinec
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Résistance et répression des communistes brestois de 1939 à 1943 (à partir des souvenirs et des enquêtes d'Eugène Kerbaul, résistant communiste)
Angéline Yvinec, dit Yvette dans la résistance, est née à Plounéour-Menez le 20 mars 1918.
Elle dira à des collégiens de Plounéour-Menez travaillant sur le concours de la résistance et de la déportation en 2003: "Je suis d'abord une enfant de la guerre puisque née en 1918. J'ai été marquée par la guerre. Mon père nous parlait souvent des tranchées. Au bourg de Plounéour-Menez, on chantait La Marseillaise. On allait régulièrement au Monument aux Morts. Je suis fière de l'école laïque: pour moi, c'était sacré. C'est en moi. Mon patriotisme vient de là. Aujourd'hui encore, dès que j'entends la Marseillaise, je pleure. Mon drapeau bleu blanc rouge, je l'ai toujours chez moi".
Angéline Dollet était une adolescente studieuse, première de sa classe, mais aussi au catéchisme. Les parents d'Angéline, originaires de Commana, ont eu six filles et trois garçons, tous nés à Plounéour Menez. Le plus jeune fils, Albert, deviendra un résistant important du Finistère. Après son certificat d'étude, Angéline travaille comme ouvrière agricole avant de quitter les Montagnes d'Arrée pour rejoindre Paris en 1935 pour trouver du travail. Elle devient employée dans un restaurant. En 1936, elle est consacrée "Reine des Bretons émancipés de Paris". La même année elle rencontre Maurice Dollet, magasinier, né le 4 septembre 1916 à Beuvry, dans le Pas-de-Calais. Il adhère au PCF avec Angéline en 1937 et sera secrétaire de cellule dans le 20e arrondissement jusqu'en 1939.
Elle adhère au PCF dans le 18e arrondissement de Paris en 1937. Son frère, Albert Yvinec, ouvrier à l'arsenal, syndicaliste CGT, avait adhéré en 1936 à Brest.
Angéline et Maurice se marient à Plounéour-Menez le 4 novembre 1939 lors d'une permission de trois jours de Maurice qui avait réservé la surprise de son arrivée à Angéline. C'était la première fois qu'il mettait les pieds à Plounéour-Menez, lui, le militant parisien originaire du Pas-de-Calais. Angéline était rentrée chez ses parents où elle était en convalescence suite à une occlusion intestinale.
Prisonnier de guerre, Maurice s'évade au cours du trajet vers l'Allemagne et prend contact avec le PCF clandestin. Propagandiste résistant, il diffuse la propagande du Parti, du Front National de Libération de la France. Arrêté dans une rafle en 1943, il est condamné à deux mois de prison pour une fausse carte d'identité. Il a été violemment battu par les policiers français qui l'ont interrogé et en gardera toute sa vie des séquelles à travers des maux de tête récurrents.
Libéré, il gagne la Bretagne, d'abord à Callac où il est versé dans les F.T.P, puis au maquis F.T.P de Plouigneau. Muté au PCF Brest, il devient membre du triangle de direction de l'organisation communiste clandestine brestoise en 1944.
Angéline, elle, est donc revenue en Bretagne au début de l'occupation allemande. Elle rentre dans la Résistance par l'intermédiaire de Jean-Baptiste Sissou, dit Albert, de Plounéour-Menez, à la fin 1941. "Notre première véritable action fut d'accueillir un évadé de la prison de Voves (Eure-et-Loire), un dénommé Marcel, originaire du Nord. On l'a hébergé un moment".
Elle prend contact à Brest avec le PCF clandestin dans la préparation d'une évasion de résistants détenus à la prison allemande de Pontaniou. Elle organise avec Yves Le Faou (ouvrier à l'arsenal de Brest, délégué à la CGT, ancien socialiste devenu communiste sous l'occupation, responsable du secours populaire clandestin à Brest en même temps que d'un groupe résistant communiste à l'arsenal, il deviendra responsable de l'appareil technique des FTP pour les huit départements de l'ouest sous le pseudonyme de Gérard Le Hir), la solidarité avec les résistante et résistants incarcérés à Rennes à qui ils parviennent à faire passer des colis du Secours Populaire clandestin. Ils organisent la collecte des denrées expédiées auprès des commerçants brestois patriotes et solidaires. L'argent du Secours Populaire pour les familles de résistants vient aussi des payes des résistants eux-mêmes.
Parfois, les plis des vêtements envoyés contiennent des messages.
Angéline Dollet, "Yvette", effectue aussi des collectes de solidarité pour le Secours Populaire clandestin, sillonnant à pied avec une autre résistante, Virginie Bénard, dite "Jeanne", plusieurs communes: Bourg-Blanc, Portsall, le Conquet.
Angéline effectue des transports de matériels et de propagande en vélo ou à pied, des liaisons avec les F.T.P et dans les maquis à leur création, elle héberge des résistants en mission. Elle sert notamment de convoyeuse entre Brest et les Monts d'Arrée, Trédudon, centre du maquis FTP où se préparaient de nombreuses actions de la résistance communiste. Elle y rencontre Charles Tillon.
Claudie Quillec, la fille de Maurice et d'Angéline, témoigne:
"Maurice et Angéline habitaient à un moment rue Anatole France près du cimetière de Recouvrance. Angéline a failli se faire arrêter en allant porter des colis à la prison de Pontaniou: elle mettait des scies dans des miches de pain. Un 14 juillet, elle s'est présentée habillée de vêtements bleu blanc rouge à la prison".
Elle participe dans les F.T.P à diverses actions comme, en 1943, la préparation des cordons de Bickfort pour l'allumage de la bombe à l'Hôtel Moderne, siège de la Kommandatur, à l'angle des rues Louis Pasteur et Algésiras. Angéline participe à cet attentat avec Virginie Bénard, dite "Jeanne" dans la Résistance.
Plus tard, Angéline guidera au maquis les hommes du Bataillon "Yves Giloux" du côté de Plouigneau. Elle était responsable départementale du Secours populaire clandestin en 1944.
Voici la Citation à l'Ordre du Régiment par le général Allard, commandant la XI e Région Militaire, pour Yvette Dollet (Angéline Yvinec dans la Citation):
"Agent de liaison du Bataillon qui a toujours rempli les missions les plus périlleuses avec le plus grand courage. A assuré la liaison entre son maquis et le PC du Finistère, transportant sur elle des plis secrets et compromettant qui l'obligèrent une fois à franchir l'Aulne à la nage. A permis le succès de nos parachutages".
Son frère Albert Yvinec, après avoir diffusé des tracts clandestins du PCF, des F.T.P, du Front National de Libération de la France, se distinguera lui dans les maquis de Guerlesquin et de la région de Morlaix. Il sera capitaine du bataillon "Yves Giloux" de Morlaix sous le nom de "capitaine Callac" et, à la Libération, il sera commandant de la place à Morlaix, puis adjoint au maire à Brest. En 1950 il était secrétaire de la section syndicale de la Pyrotechnie St Nicolas du Relecq-Kerhuon (Finistère). Le 2 février 1952, il fut licencié de cet établissement pour avoir fait voter une résolution demandant aux ouvriers de l’arsenal de s’opposer au travail pour la guerre d’Indochine, ainsi qu’au chargement de wagons de balles pour le Vietnam. Albert Yvinec fut secrétaire fédéral de la fédération du PCF du Finistère en février 1952, en janvier 1953, membre du bureau fédéral PCF Finistère en mars 1953, secrétaire fédéral en 1954. Membre du comité fédéral en mai 1956, en mai 1957, en juin 1959.
Il meurt en juillet 1980, à 68 ans.
Maurice Dollet, qui devient docker à la libération, en même temps qu'il s'occupe d'un élevage de poulets près de leur baraque de la route de Guilers à Brest, meurt le 25 novembre 1955. Angéline élève seule ses deux filles: Nicole, née en 1949, et Claudie, née en 1951.
Angéline a travaillé quelque temps à la cantine de Kerargaouyat, sur le quartier Saint-Pierre à Brest, puis, après un incendie où elle a été intoxiquée, elle devenue femme de service (ATSEM) dans l'école maternelle de la rue de Lyon à Brest, puis à l'école maternelle Vauban.
Elle était militante communiste brestoise à la Libération mais a déchiré sa carte peu d'années après suite à un conflit de section. Elle restera néanmoins sympathisante, électrice communiste et participera aux fêtes de l'Humanité, aux cérémonies de Châteaubriant tous les ans.
Angéline décède le 20 août 2008.
L'ANACR participe à ses obsèques.
Sources: Eugène Kerbaul, Jean-Paul Cam, Claudie Quillec, Mémoire de collégiens du Collège de Plounéour-Menez en 2003 dans le cadre du concours de la résistance avec le témoignage d'Angéline Dolley