Choc des coïncidences...
A Deauville, on discute de l'identité du nouvel apôtre des marchés qui remplacera l'ancien directeur du FMI sali par des soupçons de viol sur une femme de chambre.
Les tenants de la dictature du capital en Europe - Barroso, Merkel, Sarkozy - font peser toute leur poids dans la balance pour que l'avocate d'affaires Christine Lagarde, celle qui, à l'été 2007, à peine entrée dans ses fonctions de ministre des finances, pleurait sans honte sur le triste sort des cols blancs français, brillants rejetons de la bourgeoisie diplômés d'économie, contraints à l'exil à Londres pour accéder à des rémunérations décentes à la City et échapper au poids écrasant de l'impôt républicain, soit nommée à la tête du FMI. Une ancienne directrice d'un fonds d'investissement américain et que tout le monde présente, après Strauss-Khan, brutalement démonétisé, comme une de nos plus brillantes économistes. Seule petite épine dans le pied de notre nouvelle dame de fer, qui ne la fait pas trop souffrir heureusement, car la justice a su se montrer complaisante en d'autres temps pour de tels arrangements entre amis: on soupçonne Madame Lagarde d'avoir pesé de tout son poids, là encore, pour que l'escroc Bernard Tapie soit remboursé par l'Etat de la coquette somme de 300 millions d'euros... Il est vrai que nanard avait tourné sa veste en 2007 en soutenant Nicolas le petit après avoir été au début des années 90 le produit d'appel du mitterrandisme agonisant. Est-il resté de cette période quelques dettes "d'honneur", réglées en tout bien, tout honneur? Ou le PS renvoie t-il à Sarkozy l'amabilité du soutien à la candidature Strauss-Khan à la présidence du FMI? Toujours est-il que Martine Aubry a trouvé opportun d'affirmer publiquement qu'elle soutenait la candidature Lagarde.
Pendant ce temps, en Espagne et en Grèce, et bientôt dans d'autres pays européens, les révolutions citoyennes arabes font des émules chez les jeunes, qui campent sur les grandes places des villes pour dire leur indignation devant l'emprise de la finance sur une classe politique inféodée, l'acceptation trans-partisane, dans les partis de gouvernement de droite et de gauche, de plans d'hyper-austérité qui font peser le poids de la crise née de la dérégulation de l'économité et de la spéculation débridée sur les classes moyennes et populaires et qui privent d'avenir les jeunes.
Dans un très bel article en dernière page du Ouest France paru ce jeudi 26 mai 2011 sur le mouvement des Indignés de la Puerta del Sol à Madrid, le journaliste Marc Pennec écrit: "Tous ces jeunes, étudiants, travailleurs précaires, chômeurs, continuent évidemment à vivre chez papa-maman, dans une capitale où les loyers et les garanties exigées par les propriétaires deviennent délirants.... Au terme d'un reportage que nous avions effectué il y a trois mois en Espagne, nous nous étonnions que la jeunesse de ce pays garde encore son calme. Près de cinq millions de chômeurs, 43% des jeunes sans emploi, record européen. L'âge de la retraite qui passe à 67 ans, l'aide de 426 € aux chômeurs en fin de droitd supprimées. A la mi-mai, les digues ont fini par tomber en poussière."
A l'occasion des élections municipales, cette énorme mobilisation populaire de la Puerta del Sol a été pour des gens de tous les âges un moment de réappropriation de la politique et de dénonciation du vide démocratique créé par l'absence d'alternative proposé aux plans de saignées sociales, par le peu de représentativité et d'écoute de la classe politique. Ce mouvement est parti de la plate-forme de discussion et de riposte DEMOCRATIA REAL YA!, "Une vraie démocratie maintenant!" (ou "Une démocratie réelle maintenant!'), lancée sur internet il y a 3 mois, et vite rejointe par des collectifs de chômeurs, de précaires, de familles indettés, et d'internautes hostiles à une régulation du téléchargement en ligne, qui a abouti sur 170 campements urbains en Espagne la semaine dernière, et à la mobilisation d'au moins 80000 manifestants le 15 mai dans 50 villes espagnoles. Pour la France, ce niveau de mobilisation ne serait ni inédit, ni très impressionnant: en Espagne, marquée par le silence des passions politiques et le consensus centriste pour la croissance après le franquisme, si...
Le mouvement DEMOCRATIA REAL YA! s'organise autour de deux axes de revendications: régénération démocratique du système politique et défense d'une politique sociale. Il s'agit d'une véritable mobilisation citoyenne, indépendante des partis politiques et des syndicats, comme les mobilisations arabes, et autogérée. Elle vise à rendre à nouveau les citoyens ordinaires, grâce à la force de l'indignation face à l'inacceptable de la confiscation de la démocratie au service des puissances d'argent, acteurs du changement. Rappelons que le pamphlet inspiré de Stephane Hessel, Indignez-vous!, c'est aussi vendu à des centaines de milliers d'exemplaires en Espagne, et qu'il fait maintenant le tour de l'Europe. Si l'on y associe le boom des ventes du Capital depuis la crise financière de 2007-2008, on peut se dire qu'il y a en ce moment des signes encourageants de retour de la question sociale et de prise de conscience de la dérive oligarchique des démocraties occidentales.
Ainsi, suivant l'exemple des Indignés de la Puerta del Sol, des milliers de Grecs ont envahi hier la place Syntagma à Athènes pour protester contre les nouvelles mesures d'austérité imposés par les créanciers de la Grèce, l'Allemagne, le France et la commission européenne qui défendent les banques allemandes et françaises contre la menace d'une restructuration de la dette, et acceptées par le docile gouvernement social-démocrate de Papandréou, aussi combattif contre les exigences indécentes du capital que son homologue espagnol dirigé par Zapatero. Nouveaux remèdes de cheval pour le patient grec qui risquent bien de lui interdire tout rétablissement à moyen terme: non-renouvellement de 150000 fonctionnaires partant à la retraite, hausses d'impôt (les plus injustes, évidemment), privatisations à marche forcée (aéroport d'Athènes, ports et marinas, compagnie d'électricité, loterie...).
En France, François Hollande nous promettait il y a quelques mois "du sang et des larmes" si les socialistes, bon gestionnaires affolés par le poids des déficits publics creusés par les plans de réduction d'impôt et de charges patronales, revenaient au pouvoir à l'issue des présidentielles et des législatives.
On ne peut laisser sans rien faire la souveraineté populaire être ainsi confisquée par avance par l'absence d'alternative imposée par les convergences libérales des partis "à vocation majoritaire" que les médias dissimulent derrière la mise en scène des égos et des micro-polémiques politiciennes. D'autant que, comme le signale un Appel à la mobilisation du mouvement ATTAC, "le désastre social en cours partout en Europe va être aggravé par les nouvelles réformes, discutées au Parlement européen en juin, qui permettront à la Commission européenne d'imposer autoritairement la réduction des dépenses publiques et des salaires" (le Pacte Euro plus)... Comme le disait Philippe Seguin en 2003, la présence ferait du bien à la droite aujourd'hui: "les politiques n'aiment pas reconnaître que là où la démocratie existe, on décide de moins en moins et qu'à l'inverse, là où on décide de plus en plus, il n'y a pas de démocratie. Certaines décisions fondamentales sont prises à l'échelle européenne ou planétaire, sans que les peuples aient voix au chapitre".
Hier, des rassemblements ont été organisés sur le mot d'ordre espagnol "Démocratie réelle, maintenant!" dans une dizaine de villes françaises et, dimanche prochain, le 29 mai, deux grandes manifestations sit-in auront lieu à Marseille et à Paris, Place de la Bastille, à 14h. En tant que communistes scandalisés par le nouveau degré de mainmise du pouvoir de l'argent sur la politique pris à la faveur de l'intégration européenne et de la dérégulation libérale de l'économie, nous ne pouvons qu'être enthousiasmés par ce réveil des peuples européens qui prend forme, et d'autant plus quand on songe que ce sont les peuples et les jeunesses arabes, que les théoriciens de l'impérialisme américain et du choc des civilisations, nous disaient immatures pour la démocratie, qui nous ont montré la voie.
Ismaël Dupont.
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