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22 juin 2025 7 22 /06 /juin /2025 18:41
Donald Trump bombarde l’Iran et plonge le Moyen-Orient dans l'inconnu - Lina Sankari, L'Humanité, 22 juin 2025

En bombardant trois sites nucléaires iraniens, le président états-unien précipite la région dans l’inconnu. L’Europe, qui tente de relancer les pourparlers, est mise hors d’état de nuire au projet de recomposition de la région.

On ne compte plus les nuits d’effroi au Moyen-Orient depuis vingt mois. À Gaza, en Cisjordanie occupée, au Liban, en Syrie puis, désormais, en Iran, les peuples sont plongés, les uns après les autres, dans les ténèbres de la guerre. Dans la nuit de samedi à dimanche, les États-Unis ont signé leur entrée officielle dans le conflit contre Téhéran, déclenché par Israël, en bombardant les installations nucléaires de Fordo, Natanz et Ispahan. « Nous avons travaillé en équipe comme aucune autre équipe ne l’avait peut-être jamais fait auparavant, et nous avons largement contribué à éradiquer cette terrible menace qui pèse sur Israël », a assuré le président Donald Trump lors d’un discours éclair à la nation de seulement quatre minutes.

Une décision qui plonge toute la région dans une phase encore plus explosive et imprévisible. Le délai de deux semaines, fixé par Donald Trump lui-même, pour prendre la décision d’un engagement en Iran a donné l’impression d’un président qui tergiverse.

Trump met en garde contre de nouvelles attaques

L’acte semble en réalité destiné à reprendre la main sur le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, qui va de surenchères en menaces concernant l’objectif d’une chute du pouvoir iranien et, derrière, de recomposition du Moyen-Orient.

En tout état de cause, Donald Trump ne ferme pas la porte des négociations avec Téhéran sur la question du nucléaire mais met en garde contre de nouvelles attaques pour mettre à genoux le pouvoir iranien et négocier en position de force. « Soit la paix sera rétablie, soit l’Iran connaîtra une tragédie bien plus grave que celle que nous avons connue ces huit derniers jours », prévient le milliardaire états-unien.

Avant d’ajouter : « N’oubliez pas qu’il reste de nombreuses cibles. Celle de ce soir était de loin la plus difficile. Mais si la paix n’est pas rapidement rétablie, nous nous attaquerons à ces autres cibles avec précision, rapidité et habileté. » Son sinistre associé Benyamin Netanyahou a immédiatement salué « un tournant historique qui peut contribuer à mener le Moyen-Orient et au-delà vers un avenir de prospérité et de paix ».

 

Par la force de ses F-35 et de ses services de renseignement, qui ont fait la démonstration de leur technicité, le premier ministre israélien reprend la doctrine trumpienne de « paix par la force », qui vise à contraindre les États de la région – et l’Arabie saoudite en premier lieu – à la normalisation des relations.

L’Europe mise hors jeu

L’entrée en guerre des États-Unis achève également de sortir l’Union européenne (UE) de l’histoire. Alors qu’elle commençait à peine à réfléchir à une révision de l’accord d’association qui la lie à Israël du fait du blocage de l’aide humanitaire à Gaza, l’UE s’est rangée comme un seul homme derrière les buts de guerre de Tel-Aviv en évoquant, malgré toutes les évidences, le « droit à se défendre » d’Israël, et donc à violer le droit international – que les puissances européennes avaient elles-mêmes contribué à ériger – au nom d’une prétendue guerre préventive.

Ce 20 juin, Paris, Berlin et Londres, signataires des accords de Vienne sur le programme nucléaire iranien (avec Moscou, Pékin et Bruxelles), dont Washington s’était retiré en 2018, ont tenté de revenir dans le jeu lors de pourparlers de quatre heures à Genève. « Si l’agression cesse et que l’agresseur est tenu responsable des crimes commis, l’Iran est prêt à envisager la voie diplomatique », a fait savoir le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghtchi. Pour la troisième fois depuis le début de la guerre, le Conseil de sécurité de l’ONU devait se réunir en urgence dimanche après-midi.

Les négociations ont dans le même temps été court-circuitées par la rumeur de discussions parallèles sous l’égide du Qatar avec l’envoyé spécial de Donald Trump au Moyen-Orient, Steve Witkoff. « L’Iran ne veut pas parler à l’Europe. L’Europe ne va pas pouvoir aider sur ce sujet », a tranché Donald Trump à la veille du sommet de l’Otan des 24 et 25 juin, où il se place désormais en position de force pour demander une augmentation des budgets militaires à ses alliés. Dès dimanche, Abbas Araghtchi se rendait à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine dans le cadre de leur partenariat stratégique.

Alors que les ministres européens des Affaires étrangères doivent se réunir ce 23 juin, la cheffe de la diplomatie continentale, Kaja Kallas, a dû se contenter d’exhorter « toutes les parties à faire un pas en arrière, à revenir à la table des négociations » après les bombardements qui ont visé les sites nucléaires iraniens. « Pour (eux), c’est à l’Iran de ”revenir” à la table. Mais comment l’Iran pourrait-il revenir à quelque chose qu’il n’a jamais quitté, encore moins détruit ? » a interrogé Abbas Araghtchi.

La propagande sur l’ampleur des destructions

Donald Trump, qui promettait à sa base Maga (Make America Great Again) de ne plus jamais lancer d’aventure guerrière après les désastreuses interventions en Afghanistan et en Irak, ne devrait pas s’engager dans un conflit de longue durée. Les frappes ont-elles suffi à infliger des dégâts irréversibles au programme d’enrichissement d’uranium ? Les Tomahawk utilisés contre le site souterrain de Natanz n’ont pas la capacité d’une bombe bunker buster (GBU-57), capable de pénétrer des installations en profondeur.

C’est précisément « 14 bombes GBU-57 de 30 000 livres (13 600 kg – NDLR), marquant la toute première utilisation opérationnelle de cette arme », qui ont été utilisées sur le complexe de Fordo lors de l’opération « Midnight Hammer », a précisé ce dimanche Dan Caine, chef d’état-major interarmées des forces américaines.

Reste que la propagande tourne à plein. Les Israéliens assurent qu’un coup fatal a été porté au programme nucléaire iranien sans avoir procédé aux évaluations nécessaires tandis que les gardiens de la révolution iraniens affirment que « la technologie nucléaire indigène et pacifique de l’Iran ne peut être détruite par aucune attaque ».

Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), quatre bâtiments déjà visés par Israël à Ispahan et six autres installations du même site ont été touchés, y compris une unité de production de barres de combustible. L’organisation précise toutefois que les sites d’Ispahan ne contenaient pas de matières nucléaires, ou seulement de faibles quantités d’uranium naturel ou faiblement enrichi, et que la contamination radioactive sur ce site est « limitée aux bâtiments endommagés ou détruits ».

Concernant le site de Fordo, une source iranienne a indiqué à Reuters que la majorité de l’uranium hautement enrichi qui s’y trouvait avait déjà été transféré vers un autre lieu tenu secret avant l’attaque états-unienne.

Des proxies affaiblis

Quelle sera la réponse iranienne ? Les gardiens de la révolution, qui avaient déjà mis en garde quant à une riposte contre les intérêts états-uniens dans la région en cas d’intervention de Washington, signalent que le nombre, la dispersion et la taille des bases militaires américaines au Moyen-Orient constituent un « point de vulnérabilité » plutôt qu’une force. Chercheront-ils à les atteindre afin de pousser Donald Trump à s’impliquer plus avant et ainsi l’affaiblir ? Un engagement plus important des États-Unis engagerait toutefois directement la survie du régime via des attaques directes contre les centres du pouvoir. À ce titre, des frappes contre les intérêts états-uniens équivaudraient pour les mollahs à se faire hara-kiri.

À ce stade, l’activation de ses proxies régionaux déjà lourdement affaiblis, à l’instar du Hezbollah, demeure du domaine de l’hypothèse. Le mouvement chiite libanais a perdu des milliers de combattants dans la guerre avec Israël, vu son commandement central éliminé, son arsenal détruit et ses bases au sud du fleuve Litani démantelées. Depuis la chute de Bachar Al Assad, le Hezbollah ne peut en outre plus compter sur le couloir d’approvisionnement en armes que constituait le territoire syrien. En clair, toute entrée en jeu du groupe n’entraînerait aucun changement réel du rapport de force sur le terrain militaire mais achèverait également de le discréditer sur la scène intérieure.

Pour l’heure, Téhéran tente de sauver les apparences en poursuivant les tirs de missile balistique sur Israël. L’Iran pourrait toutefois accepter de négocier un accord si ce dernier n’était pas présenté comme un acte de reddition. Les présidents ukrainien, Volodymyr Zelensky, et sud-africain, Cyril Ramaphosa, en ont fait l’expérience : Donald Trump aime humilier ses adversaires pour obtenir ce qu’il souhaite. Qu’en sera-t-il avec les Iraniens ? La guerre déclenchée par Israël avec, désormais, l’appui direct des États-Unis recèle une faille : elle semble manquer de plan pour l’après. Au risque du chaos en Iran et au-delà. Le remodelage du Moyen-Orient ne promet que la poursuite des nuits d’effroi.

 

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