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2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 09:05

Simulacre de négociations à huis clos, organisations syndicales écartées, Parlement réduit à une armée de scribes... Tout autant que nos droits, c'est la démocratie qui est en danger !

 

Primauté à l'accord d'entreprise, licenciement sans contrainte, précarité démultipliée... Le projet de loi d'habilitation du gouvernement à modifier le Code du travail par ordonnances, adopté par le Conseil des ministres du 28 juin, manifeste sa volonté de réduire à néant les droits des salariés. La CGT appelle à manifestation et grève le 12 septembre. Et le 9, le collectif Pour nos droits sociaux organise un meeting unitaire (1). Décryptage du projet.

 

Ce projet de loi d'habilitation se décline en neuf articles, dont six principaux. En voici l'essentiel.

 

ARTICLE 1. Un code du travail par entreprise

L'objectif revendiqué est de « reconnaître et attribuer une place centrale à la négociation collective notamment d'entreprise ». En fait, cet article consacre l'inversion de la hiérarchie des normes : l'accord d'entreprise deviendrait la règle. Preuve en est qu'il est précisé que l'article 1 devra définir les domaines dans lesquels l'accord d'entreprise ne pourra pas déroger à l'accord de branche et les domaines dans lesquels l'accord de branche pourra interdire toute dérogation. Il prévoit aussi d'« harmoniser le régime juridique » du licenciement en cas de refus par le salarié des modifications de son contrat de travail induites par un accord d'entreprise. Le texte ne dit pas quelles modifications le gouvernement veut apporter. On peut craindre qu'il ne remette en cause l'assimilation de ce licenciement à un licenciement économique afin de dégager l'employeur de ses obligations (indemnités, reclassement, priorité à la réembauche...)

Il entend donner une présomption de légalité aux accords d'entreprise.

Il reviendra donc à celui qui conteste de démontrer son illégalité. Pis, cette contestation ne pourra être faite que dans un délai qui reste à fixer après signature de l'accord. Autrement dit, un texte dont on découvrirait, hors délais, qu'il ne respecte pas la loi ne serait plus attaquable. Et, cerise sur le gâteau, si un juge venait à déclarer illégal(e) tout ou partie d'un accord, il pourrait moduler « l'effet dans le temps de sa décision ». C'est-à-dire que le texte pourrait continuer à s'appliquer encore un certain temps...

Un accord d'entreprise pourra déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires. Fini les négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires, un patron pourra, si ça lui chante, imposer une périodicité de 2, 3 ou même 20 ans !

Il entend encore « faciliter le recours à la consultation des salariés ». L'employeur pourra convoquer un référendum d'entreprise pour imposer unilatéralement ses vues au cas où aucun syndicat n'accepterait de signer. Et fixer « les modalités d'appréciation du caractère majoritaire d'un accord ». Cela veut dire qu'il pourra décider de prendre en compte tous les syndicats, même ceux qui ne sont pas représentatifs dans l'entreprise, pour atteindre 50 %.

 

ARTICLE 2. Les instances représentatives du personnel muselées

Sous couvert de « simplification et (de) renforcement du dialogue économique et social » dans l'entreprise, il s'agit de « fusionner en une seule instance les délégués du personnel, le comité d'entreprise (CE) et le comité d'hygiène et de sécurité desconditions detravail (CHSCT)». La généralisation des délégations uniques du personnel (DUP) permet d'affaiblir les représentants du personnel. Dans les entreprises de moins de 600 salariés ayant opté pour une DUP, le nombre d'élus du personnel est inférieur à celles ayant conservé trois instances représentatives du personnel (IRP) distinctes. Enfin, un élu dans une DUP bénéficie au mieux de 21 heures de délégation, soit une heure de plus qu'un DP, qu'un élu CE et qu'un élu CHSCT, pour assumer à lui tout seul leurs trois fonctions. Outre réduire les moyens, notamment d'expertise, dont disposent les représentants du personnel, la DUP permettrait de faire disparaître les CHSCT, qui sont, en raison de leur droit d'ester en justice, dans le collimateur du patronat.

La DUP serait apte à négocier. Jusqu'à présent, la négociation est du ressort des seuls syndicats représentatifs. Ce qui réduit la possibilité du patronat de faire avaliser ses projets par des syndicats « maison ». Elle protège aussi les négociateurs salariés du chantage patronal.

Pour faire passer la pilule, il s'agirait d'augmenter la présence des salariés dans les conseils d'administration, aujourd'hui obligatoire à partir de 1 000 salariés. Reste que, étant minoritaires et soumis à des clauses de confidentialité, leur présence n'a qu'un intérêt très réduit.

Enfin, le texte vise la mise en place du « chèque syndical », payé par l'employeur, et que le salarié pourra demander afin de financer le syndicat de son choix. Cette mesure est dangereuse car elle crée une subordination financière du syndicat à l'employeur. Et, dans bon nombre d'entreprises, on imagine mal un salarié demander un chèque syndical au profit de la CGT !

Un accord d'entreprise, dont on découvrirait l'illégalité hors délais, ne serait plus attaquable!

 

ARTICLE 3. Licencier, c'est facile

L'article vise surtout à assurer à l'employeur une certaine impunité. Outre la mise en place d'un barème que devra respecter le tribunal des prud'hommes quand il fixera le montant des dommages et intérêt dus à un salarié victime d'un licenciement abusif, l'article prévoit de réduire les délais de recours contentieux pendant lesquels le salarié pourra poursuivre son employeur. Une réduction des délais de prescription au-delà desquels les employeurs ne pourront plus être poursuivis n'est pas écartée.

Il entend faciliter les licenciements en réduisant le risque de les voir annulés pour vice de forme. La mise en place d'un « périmètre d'appréciation » des difficultés de l'entreprise permettra à celles qui font des bénéfices de recourir à des licenciements économiques sans problème. Ce type de licenciement sera moins encadré et les obligations patronales (reclassement, critères d'ordre...) seront revues à la baisse et varieront selon la taille de l'entreprise.

Il s'agit aussi de sécuriser « les plans de départs volontaires ». Disposition particulièrement cynique, alors que beaucoup de départs « volontaires » masquent en fait des départs contraints.

Ce texte va précariser toujours plus les salariés. Ce sont les accords de branche et non plus la loi qui décideront des motifs de recours aux CDD ou à l'intérim, de la durée de ces contrats ou de leur renouvellement sur un même poste. Les branches pourront aussi créer des « contrats à durée indéterminée conclus pour la durée d'un chantier ou d'une mission ». L'employeur n'aura qu'à décréter que le projet est réalisé pour se débarrasser du salarié sans préavis, ni recours. Enfin, le recours au travail de nuit et le prêt de main-d'oeuvre seront facilités.

 

L'ARTICLE 4. Le patronat fait la loi

Il crée un droit d'opposition patronal à l'extension d'un accord. Autrement dit, le Medef disposera d'un vrai droit de censure du gouvernement.

 

L'ARTICLE 5. La pénibilité, quelle pénibilité ?

Ce texte porte un coup sévère à la reconnaissance de la pénibilité. Il autorise le gouvernement à modifier les règles de sa prise en compte, ouvrant la porte à la mise en place de critères « maison » pour la définir ou mesurer l'exposition des salariés.

 

L'ARTICLE 6. Les vices cachés

Cet article « fourre-tout » devra, une fois rédigé, être analysé avec vigilance. Sous couvert de « corriger des erreurs matérielles ou des incohérences », il pourrait servir à introduire de nouvelles mesures hostiles aux salariés.

Les articles 7 et 8 sont des articles techniques autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances. L'article 9, lui, repousse d'un an la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

(1) L'appel « pour un Code du travail protecteur des salarié-e-s, non la loi travail XXL » à signer en ligne sur http://pournosdroitssociaux.fr

 

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