Histoire de Morlaix, deuxième partie
par Ismaël Dupont (compte rendu de lecture)
Morlaix au XVIIIe siècle.
Alors que la croissance urbaine est assez forte en Bretagne au XVIII e siècle, seul Saint Malo déclinant (de 25000 habitants en 1700 à 15000 en 1750), la population morlaisienne (9000 habitants à la fin XVIIIe siècle) a tendance à stagner et Morlaix rentre dans le rang comme ville moyenne de Bretagne. « Sa bourgeoisie d'armateurs, de négociants, de boutiquiers diminue en nombre et en importance au cours du siècle. De plus, elle comprend une part croissante de non-Bretons, Normands surtout, Bayonnais, voire Flamands et Irlandais. Ceux-ci viennent comme en « territoire colonial » s'y enrichir et repartent fortune faite » (Claude Robert, Toute l'histoire de la Bretagne, Skol Vreizh 2013, chapitre 6. p.407). Rien à voir bien sûr avec Nantes (dont la population au cours du XVIIIe passe de 50 000 à 90 000 habitants), Rennes (40 à 45 000 habitants en 1789), Brest (40 000), Lorient (20 à 25 000).
Morlaix au XVIIIe siècle reste une ville industrieuse, avec un négoce de la toile en déclin ( la courbe d'arrivées des crées des paroisses toilières du Léon à Morlaix baisse, de 46000 pièces en 1742 à 20500 en 1788) mais une manufacture de tabac en essor, une ville qui s'embellit et dont la noblesse et la bourgeoisie commerçante et libérale participent au mouvement culturel des Lumières.
Morlaix est la ville de Bretagne à la fin du XVIIIe siècle qui compte le plus de loges maçonniques (quatre). Celles-ci sont fréquentées par l'élite sociale (clergé compris) et diffusent des idéaux progressistes et rationalistes qui préparent la Révolution Française.
A la fin du XVIIIe siècle, la ville compte aussi une Chambre de lecture, c'est à dire une société littéraire diffusant les idées des Lumières. « Cette Chambre de Littérature et de Politique fut fondée, nous rapporte Marthe Le Clech, en 1778. Ses promoteurs furent Macé de Richebourg, négociant et maire, le marquis de Coëtlosquetet l'abbé de Pennanpratreprésentant respectivement le Tiers-Etat, la Noblesse et le Clergé. Un règlement fut adopté et douze commissaires choisis dans tous les ordres et états furent élus pour l'administrer. La municipalité lui accorda deux salles pour ses réunions à l'hôtel de ville... Le principe de la Chambre était de mettre à la disposition d'un certain nombre de lecteurs « éclairés » des journaux et une bibliothèque d'ouvrages choisis. Les gazettes et journaux proposés aux premiers sociétaires furent: la Gazette de France, le Mercure de France, le Journal du Commerce, la Gazette de Leyde, le Courrier de l'Europe, le Journal de Paris, le courrier d'Avignon... Le 20 juillet 1780, les 33 volumes de l'Encyclopédie (de Didérot et d'Alembert) furent réceptionnés bien qu'interdits ». La Chambre Littéraire dont la plupart des membres (112 abonnés en 1780) adhéraient à l'une des quatre loge maçonniques, est un foyer intellectuel réservé aux « élites » sociales: nobles, clergé, bourgeois. (Bretagne d'hier, Morlaix. Tome 1: p.83-84). Avant la création de cette Chambre littéraire, les esprits éclairés de l'époque, aristocrates, bourgeois, clercs, avaient pris l'habitude de débattre ensemble dans les loges maçonniques ou dans les couvents, en particulier celui des Jacobins, qui reçoit « le Journal des Savants » et « le Mercure Galant » et possède également une belle bibliothèque. On vient y discuter avec les moines et parfois les opinions s'affrontent. « Ainsi, note Jeanne L'heron dans son très beau portrait de Alexandre Expilly dans son époque (Un morlaisien dans la Révolution. L.A Expilly Recteur de Saint-Martin), en 1777, alors que se tiennent à Morlaix les Etats de Bretagne, justement dans l'église des Jacobins, l'opposition verbale est forte entre le clergé et la noblesse d'une part, la riche bourgeoisie d'autre part. C'est à ce moment qu'apparaît la nécessité d'un endroit neutre où tous les points de vue pourront être évoqués. Ainsi naît l'idée de la Chambre de Littérature et de Politique, institut existant déjà dans d'autres villes bretonnes... La première réunion se tient le jeudi 3 décembre 1778 à 10h du matin dans la grande salle de l'hôtel de ville. Beaumont, le père du futur maire sous l'empire et la restauration, l'abbé de Pennamprat et le recteur Expilly sont nommés trésoriers de la Chambre Littéraire, et Macé de Richebourg et le docteur Bouëstard de la Touche sont nommés secrétaires.
Un personnage remarquable est significatif de ce Morlaix bourgeois des Lumières, Armand Dubernad (né à Bayonne en 1741 et mort à Morlaix en 1799), ayant vécu à Séville, dont le frère, Sauveur Dubernard, fut consul de Toscane. Ce commerçant issu d'une riche familles de négociants et d'aventuriers cosmopolites établit des sociétés de commerce entre Morlaix, Séville et Cadix dans les années 1776-1790, participant à un regain de l'activité commerciale sur Morlaix. Il fut le premier président du tribunal de commerce. Il occupe des fonctions importantes dans la principale loge maçonnique de Morlaix, « l'École des mœurs ». Élu maire en 1783 puis en 1787, il prône la suppression des monastères de la ville, s'opposant alors vigoureusement à Jean-François de La Marche, évêque de Léon, et à l'évêque de Tréguier. Il deviendra pendant la Révolution un membre actif du Club Breton puis du Club des Jacobins. Au moment de la guerre avec les Anglais à partir de 1793, il tentera d'armer des vaisseaux corsaires pour prendre des bateaux ennemis (qu'il rachète) mais ses navires se font prendre par l'Anglais et Dubernad perd une partie de sa fortune dans cette affaire.
On peut citer parmi les familles huppées et influentes d'armateurs la famille noble Daumesnil, originaire de la région caennaise, qui donna un maire dynamique à la ville dans les années 1730. La famille Anthon, originaire de Roscoff, s'illustra également et s'enrichit dans la guerre de course à qui elle donna de grands capitaines morlaisiens, en s'associant avec la famille Cornic.
Joachim Darsel note toutefois dans Le port de Morlaix et la guerre de course (Le Bouquiniste, 2005) que, contrairement à Nantes et à Saint-Malo, Morlaix n'a pas connu d'aristocratie commerçante se maintenant sur plusieurs générations à la tête de la vie économique, sociale et politique locale. Pourquoi ? Parce que les nobles qui ont laissé selon la coutume de Bretagne « dormir » leur noblesse en délaissant le service des armes pour s'adonner au commerce étaient tentés, surtout à partir du XVIIe siècle où les préjugés inégalitaires liés à la noblesse reviennent en force, de délaisser le commerce une fois enrichis pour revenir dans leurs droits et leurs privilèges :
« Les familles nobles de la région, écrit Joachim Darsel, ne « s'entremirent au faict de marchandises » que lorsqu'elles y furent contraintes par la nécessité ; et dès qu'elles eurent réparé les brèches de leur fortune, elles s'empressèrent d'acheter les charges militaires ou administratives qui leur étaient proposées (ou imposées!) puis se contentèrent de tenir leur rang. Il en fut exactement de même de la bourgeoisie. Il est vrai qu'à partir de la fin du XVIIe siècle, une très malheureuse recrudescence du sentiment nobiliaire fit considérer comme présomption de roture le fait même d'avoir compté parmi ses ascendants quelques négociants : on conteste, par exemple, aux Le Blonsart de Kervézec, certaines prééminences dans l’Église de Garlan parce que plusieurs Le Blonsart avaient été marchands à Morlaix » (p. 153).
La place de l'Éperon (devant l'hôtel de ville et face au port), rénovée en 1728 (par recouvrement des rivières jusqu'au bas de la Rampe Saint-Mélaine), devient la plus considérable de Morlaix, rendez-vous des « habitants et personnes éminentes » qui s'y assemblaient pour discuter affaires. Celle place fut progressivement prolongée de quais en pierre de taille allant côté Treguier jusqu'au délà du Styvel et côté Léon jusqu'à l'entrée de l'allée Saint-François. « A la fin du XVIIIe siècle, le Queffleut et le Jarlot étaient presque entièrement recouverts dans leur passage en ville, de même que le produit de leur confluence qui allait se jeter dans le bassin face aux escaliers de Saint-Mélaine » (Joachim Darsel). C'est également à la fin du XVIIIeme siècle que l'église de Saint Martin, gravement endommagée par un orage en 1774, est reconstruite grâce à des levées de fonds sur les propriétaires de la ville et sur la manufacture de tabacs. L'église actuelle a été construite par Jean-Baptiste Souvestre, le père de l'écrivain et philosophe saint-simonien Emile Souvestre, issu d'une famille de tanneurs guingampais.
Les « élites » morlaisiennes parlent français mais ne se désintéressent pas tous pour autant du breton, ne serait-ce que par nécessité de communication. En 1626 déjà paraissait à Morlaix un dictionnaire bilingue destiné à un public de bourgeois et de commerçants: Dictionnaires et colloques françois et breton. Traduits en Breton par G. Quicquer de Roscoff.Le futur gouverneur de la compagnie française des Indes, Dupleix, baptisé en l'église Saint-Mathieu, grandit dans notre ville, comme le grand corsaire Charles Cornicun peu plus tard. A la fin du siècle, c'est le futur Général Moreau, fils d'un notaire opulent, général de la Révolution, héros des guerres de Hollande et futur rival de Bonaparte, qui naît et grandit à Morlaix.
Tout le monde ne vit pas dans l'opulence à Morlaix, loin de là. Dans la région, le déclin de l'industrie toilière se ressent par un appauvrissement de certains bourgs ruraux. La hausse moyenne des prix du grain en Bretagne est forte (+70% entre 1726 et 1789), créant chez les pauvres des difficultés de subsistance, particulièrement lorsque les récoltes sont mauvaises à la suite d'été pluvieux. Des crises dans le monde rural se font sentir périodiquement, et affectent aussi les villes: ainsi, entre 1741 et 1743, le nombre des morts double à Guiclan pendant 3 années à cause de mauvaises récoltes et d'une forte hausse du prix des céréales, mais aussi d'une épidémie de typhus et de dysentrie. Le typhus, que l'on appelle en Bretagne « maladie de Brest », est amené à Brest par des équipages contaminés. Le développement de la dysentrie et de la typhoïde est lié à la contamination des eaux potables par des eaux usées.
L'embellissement de Morlaix au XVIIIe siècle, c'est aussi la construction de la nouvelle église de Saint-Martin. L'ancienne église, construite à la fin du XVe siècle sur les plans de Beaumanoir et sur le modèle de l'église Saint-Melaine, avait subi les assauts de la foudre en 1771 : le recteur Alexandre Expillys’apprêtait à confesser une communiante qui mourut sur le coup... Le bâtiment n'était alors plus qu'une ruine, ayant perdu sa charpente sur les deux tiers de sa longueur. La reconstruction de l'église commence en 1775 avec de la pierre de taille de Lesquiffiou en région morlaisienne, des ardoises de Châteaulin, et de la belle pierre blanche décorative de l'île Callot. Le premier architecte se revèle incompétent et c'est finalement le père d'Emile Souvestre, historien, philosophe utopiste et collecteur de la culture orale traditionnelle bretonne né à Morlaix, Jean-Baptiste Souvestre, qui achèvera l'ouvrage en 1788 après 14 ans de travaux.
La manufacture de tabac
« Les premières traces de l'existence d'une fabrique de tabac à Morlaix remontent aux années 1680, note Anne Guillou dans son livre La manufacture de tabac. C'est à Penn-an-Ru (Troudousten en Ploujean), là où se situait le manoir du célèbre armateur Nicolas de Coatanlem, que l'on traitait le tabac venant de Hollande. Près du manoir aux belles proportions, des ateliers et un moulin où l'on broyait les feuilles avaient été aménagés... En 1730, on doit envisager d'agrandir les locaux de Penn-an-Ru... Le 4 août 1734, le terrain marécageux de « Palud Marant », propriété des Moellien de Tronjolly, est retenu et acquis pour la somme de 26 000 livres » par la Compagnie fermière. La construction dure 4 ans, de 1736 à 1740, sous Louis XV. François Blondel réalise les plans. « Le granit de l'île Callot, acheminé par des gabares, prend forme entre les mains des tailleurs de pierre qui édifient une citadelle ouvrière à l'entrée de la ville. Les six imposantes bâtisses sont achevées en 1740... Tabacs à mâcher, à priser, andouillessont fabriqués à Morlaix. Le nombre d'ouvriers est fluctuant: de 1000 à 1200 en 1750, ils ne sont plus que 750 en 1776... Sous l'Ancien Régime, le travail à la Manufacture ne se fait pas dans de bonnes conditions d'hygiène. La santé des ouvriers est précaire et l'état sanitaire des personnels est préoccupant. Une sentence de police fait déplacer vers l'entrée de la ria de Morlaix (sur la commune actuelle de Locquénolé) le brûlis des côtes de tabac avariées, qui jusque-là enfumait les ateliers ».
« Selon certains observateurs, la vie des ouvriers de la Manu sous l'Ancien Régime était meilleure que celle des autres travailleurs de l'industrie. Exempts de corvée, ils avaient le loisir de cultiver l a terre des environs. Malgré cela, les motifs de mécontentement se révèlent au grand jour et, en 1770, les ouvriers ficeleurs de carottes de la Manufacture adressent une requête aux Etats de Bretagne pour obtenir une réduction de leur capitation. Mais leur plainte reste vaine. A la veille de la Révolution, les produits vendus chaque année par la Ferme du tabac sont variés. On vend de la poudre à priser, des rôles et des carottes. Les rôlesse présentent sous la forme de cordages formés de feuilles de tabac que le consommateur peut, à son gré, râper pour obtenir de la poudre, fragmenter au couteau pour bourrer une pipe. Il peut aussi le mâcher. Les carottesdésignent plusieurs rôlescompressés et ficelés formant un boudin de fort diamètre. Bientôt, la Ferme décide de vendre de la carotte,râpée à l'avance par ses soins pour contrecarrer les fraudeurs qui ont tendance à mêler à la poudre d'autres substances.
Des enfants sont employés à la Manufacture de tabac, certains envoyés par l'hôpital de la Charité, y fabriquant des chevilles.
En parallèle de la manufacture de tabac, Morlaix abrite une fabrique de « pipes à fumer » à Troudousten sur le site de Penn an Ru.
Un port de Morlaix qui retrouve une activité florissante au cours du XVIIIe siècle après des années difficiles
Joachim Darsel, dans son livre passionnant Le port de Morlaix et la guerre de course. Les corsaires à Morlaix(2005, Le Bouquiniste, 22 place Allende Morlaix) expose bien les différents facteurs qui vont être préjudiciables au commerce et au trafic maritime dans le port de Morlaix au début du XVIIIe siècle :
« Le XVIe siècle et les premières décades du XVIIe siècle avaient été pour notre région une époque de grande activité et de prospérité... Mais le lourd tribut que le négoce morlaisien dut payer au trésor royal pour se libérer des innombrables offices de jurés mouleurs de bois, visiteurs, lesteurs, délesteurs de navires, etc, venant après des sacrifices épuisants consentis au cours des dernières guerres, eut pour conséquence de saigner à blanc le commerce local. Or, l'acte de navigation, voté par le Parlement d'Angleterre en 1660, en privant les fabricants de toile de leur clientèle d'outre-Manche allait porter un premier et rude coup à la vie économique de notre cité. Et si, en 1665, suivant Colbert, on pouvait rencontrer à Morlaix près de 600 commissaires ou marchands anglais, à la fin du même siècle, ceux-ci avaient presque tous disparu ». (p.62). Par ailleurs, jusqu'au XVIIe siècle, l'importation des semences de graines de lin à partir des ports de l'Europe du Nord dont les paysans bretons avaient besoin car le lin dégénère vite en Bretagne était exclusivement le fait du port de Morlaix. Ce monopole est ensuite passé à Roscoff. Au XVIe et au XVIIe siècle, toujours, des navires morlaisiens partaient pour la grande pêche ( à la morue principalement) au large de terre Neuve. Au XVIIIe siècle, les armateurs morlaisiens renoncent presque à cette activité, qui va désormais être prise en charge par Paimpol, Saint Malo. Vers 1740, Mathurin Cornic, le père de Charles Cornic, et quelques autres marchands essayèrent de reprendre l'activité de pêche à la morue mais leur tentative, qui ne donna pas des résultats très probants, fut complètement abandonnée après le désastre de la capture par les Anglais en 1755, avant toute déclaration de guerre, sur les bancs de Terre-Neuve de 200 barques françaises, événement qui préludait la guerre de Sept-Ans. Au début du siècle des Lumières, les négociants en toile de Morlaix se sont laissés réduire au rôle de simples commissionnaires et armateurs de Saint-Malo. Vers les années 1740, ces bourgeois de Morlaix tentent de reprendre l'exportation directe de toile vers Cadix, l'Espagne et l'Amérique et ils s'élèvent vivement en 1759 contre la prétention du port de Saint-Malo à devenir une zone franche, libre de taxes, qui si elle avait été suivie d'effets, aurait définitivement ruiné le port de Morlaix. En 1780, des lettres patentes établissent que seuls Morlaix, Landerneau et Saint-Malo sont habilités à exporter des « crées » : c'est qu'auparavant, à partir des années 1740, les bourgeois de Morlaix se remettent à acheter des bateaux pour exporter leurs toiles. En 1759, M. Bernard et Miron écrivent : « nous avons à Morlaix 8 navires du port de 200 tonneaux jusqu'à 300 tonneaux qui ne se bornent pas au seul transport des toiles, mais vont au Levant, à l'Amérique Méridionale, à Vera-Cruz, à Carthagène » (Joachim Darsel, opus cité, p. 68).
Les armateurs de Morlaix ne participent pas au commerce triangulaire et à la traite des esclaves. Seul le capitaine F.J Doguet commandant de la Junonfit en 1802 une tentative infructueuse de commerce d'esclaves.
Une des grandes ressources du port de Morlaix, on le verra un peu plus loin, fut la guerre de course et la vente des prises, mais il faut savoir tout de même que la guerre avec l'Angleterre, qui intervient à quatre reprises au XVIIIe siècle, occupant quasiment vingt ans, ralentissait ou annihilait d'autres formes d'échanges commerciaux.
Un handicap fondamental du port de Morlaix au XVIIIe siècle était le mauvais état du port, l'envasement du chenal et du port et son inadaptation à la dépose des marchandises par des navires dont le tonnage ne cessait d'augmenter. Les morlaisiens ont conscience de ce défi : on cure le port et la rivière, on redresse le chenal, on prolonge les quais, on commence la grand'place... Tout au long du XVIIIe siècle, on va réfléchir au problème de l'accessibilité du port pour la flotte commerciale et militaire, si crucial pour la prospérité de Morlaix.
Marthe Le Clech (Bretagne d'hier Morlaixtome 1) raconte qu' « en 1727 le port de Morlaix était fermé en amont par la place de l'Éperon, devant l'hôtel de ville, et s'arrêtait en aval un peu au-delà de la Villeneuve et de l'enclos des Capucins (bas de la rampe Saint-Nicolas). Son entrée était étranglée par deux hauts rochers (actuellement, l'un à la bifurcation des routes de Lanmeur et du Dourduff, l'autre presque en vis à vis à Porz an Trez)... Le port était envasé par les alluvions du Jarlot et du Queffleuth et par les déblais. Là où des navires de quatre cents tonneaux avaient mouillé autrefois, abordaient à peine des barques de quarante. Les marchandises étaient donc transportées en rade. Monsieur de Boisdilly, dans un mémoire de 1747 écrivit: « Ces vaisseaux reçoivent aujourd'huy leur chargement en rade par le moyen de barques ou allèges, ce qui est sujet à bien des inconvénients surtout en hiver où les toiles séjournent 3 ou 4 jours dans les barques et sont parfois avariées avant d'entrer à bord. Le déchargement se fait de la même façon » ».Des projets de nettoiement et de rénovation du port fleurirent au début du XVIIIe siècle, sans voir le jour, du fait de l'opposition de certains intérêts privés.
C'est sous le mandat (1733-1737) du maire Joseph Daumesnil (1701-1771) que l'on entrepris d'élargir la rivière et de créer un nouveau port. Joseph Daumesnil était issu d'une famille originaire de Normandie.
Formé en 1733, un projet de nouveau port consista en un bassin à flot fermé par deux écluses dans le Dourdu (rivière de Morlaix ou Dossen) prévoyant un curage de la rivière sur 4 ou 5 pieds. Le projet, relancé dans les années 1760, n'aboutit pas. Finalement, la construction d'un bassin à flot à Morlaix ne commencera qu'en 1845.
Néanmoins, selon les dires de Daniel Appriou (Au cœur de Morlaix), sous la magistrature de Daumesnil, le centre de gravité de Morlaix se déplaça vers le port (et non plus autour du Château), qui devint le plus important de Basse-Bretagne. La majorité des quais actuels date de son époque. C'est lui aussi, à l'époque de la construction de l'actuelle Manufacture de tabacs, qui fit débuter les travaux de l'hôpital de Morlaix. L'ancien hôpital de la Renaissance qui occupait l'actuelle place des Viarmes (baptisé du nom de l'intendant de Bretagne) avait été détruit ainsi que les échoppes et maisons avoisinantes dans un incendie qui dura plusieurs jours en 1731. On couvrit alors le Jarlot depuis l'Hôtel de Ville jusqu'à la place des Viarmes et la rue d'Aiguillon.
Retiré de ses fonctions, Daumesnil écrivit lui aussi une Histoire de Morlaix avant de mourir et d'être enterré au cimetière de Saint Martin.
En 1771, on commence tout de même un quai de halage côté Trégor, ébauche du cours Beaumont. Parallèlement, une centaine de soldats venus de Brest occupés à ce quai de halage établissent les chaussées d'un nouveau chenal. Tous ces travaux imposèrent de lourds sacrifices à la ville. Faute de fonds disponibles, ils furent interrompus en 1777. « En 1789 la chaussée de Kéranroux (côté Trégor), établie sur des bases fragiles, s'écroula sur une longueur de vingt toises. L'entrepreneur Pierre Le Loarer commença la réfection mais la Révolution suspendit les travaux. A la fin du siècle, avec l'aide financière du département, la ville fit consolider le chemin de halage par les pauvres de l'atelier de charité ».
Morlaix, le principal port de corsaires français au XVIIIe siècle avec Saint-Malo
L'historien Joachim Darsel dans Le port de Morlaix et la guerre de course met en évidence combien Morlaix joua un rôle important dans la guerre de course en ce siècle si troublé, où pas moins de quatre conflits se sont succédé, opposant la France à l'Angleterre, la Manche et l'Atlantique étant des champs de bataille où s'illustrèrent particulièrement les grands marins de la région de Morlaix :
« Le XVIII e siècle fut l'âge d'or de la guerre de course... Plus de quatre cent bâtiments corsaires fréquentèrent le port de Morlaix... Dans le décompte des armements que nous avons pu relever avec quelques précisions, Morlaix arrive en tête avec 75 navires, contre 73 à Saint-Malo ; viennent ensuite : Dunkerque (47), Brest (22), Granville (20), Roscoff (14), Nantes (12), Le Havre (8)... » (p. 72).
Morlaix, note Joachim Darsel (opus cité, p. 171), « en raison de sa position à l'entrée de la Manche, était un lieu de relâche très fréquenté des corsaires opérant entre Ouessant et les Sorlingues... Les seuls centres vraiment importants de vente de prises furent en Bretagne, Saint-Malo, Nantes et Morlaix ». « A quoi devons-nous attribuer cette prédilection des écumeurs de mer pour notre cité ? S'interroge Joachim Darsel. Sans doute au fait que la rade de Morlaix était relativement sûre (le naufrage de L'Alcide ne fut qu'un malheureux accident) et que, poursuivis par un ennemi plus fort, désemparés par le combat ou par la tempête, contraints de se ravitailler en vivres frais et munitions, les corsaires venaient, en toute confiance, se placer sous la protection du Taureau. Mais ce fut surtout sa réputation de ville accueillante par excellence, de gros centre commercial et industriel (du moins jusqu'au XIXe siècle) fréquenté par des navires des plus diverses provenances et où presque tout le commerce mondial avait des représentants, ce fut cela surtout qui valut à Morlaix d'être une bourse importante du commerce corsaire ».
Ainsi, un grand armateur de Granville comme Couraye du Parc envoie toutes ses bâtiments capturés et leur contenant se faire vendre à Morlaix. « Conduits directement, soit au quai du Léon, soit à celui des Lances, ou allégés au préalable, en rade, d'une partie de leur cargaison, les navires déclarés de bonne prise trouvaient rapidement preneurs. C'est que la guerre de course, de part et d'autre, causait d'importants vides dans les flottilles marchandes... Bien souvent, les prises devenaient la propriété de négociants et d'armateurs étrangers, présents à Morlaix, lors des adjudications ou représentés par des courtiers ou commissionnaires. On trouve ainsi au milieu du XVIIIe siècle des armateurs de Rotterdam, d'Amsterdam, de Lisbonne, de Berlin, de Bilbao, qui achètent à Morlaix des prises de guerre corsaires (Joachim Darsel, p. 173).
« Quand aux marchandises, le plus souvent exotiques, enlevées à quelques navires anglais, espagnol, hollandais ou autre, en provenance des Indes ou des Amériques, elles étaient vendues aux enchères par les juges de l'Amirauté, puis par le juge de paix, soit dans les magasins des armateurs, du corsaire preneur (ou de leurs commissionnaires), soit dans la grande salle de la maison commune. Ces ventes de prises devaient présenter un pittoresque coup d’œil car, sur le carreau, s'offraient aux acquéreurs les objets les plus disparates. On y trouvait de tout et pour tous les goûts : espingoles, escofilons, peaux de cabris, de tigres, d'élans, de visons, de loups-cerviers, de martres, de castors, d'ours ; bijoux, bœuf salé, sucre, coton, quinquina, écailles de tortues, tabacs, raisins, eaux de vie, copahu, ipécacuana, lingots d'or et d'argent, bois de campêche, laque, argenterie, objets de piété, livres de prix, etc. Les négociants Morlaisiens – mais surtout les intéressés dans les corsaires – réalisaient ainsi sur place des occasions très avantageuses. Cependant, lorsque les marchandises étaient particulièrement précieuses, des avis, imprimés chez Guyon, Plusquellec, Guilmer Frères... étaient adressés aux commerçants des villes voisines : Brest, Quimper, Landerneau, Lannion, Guingamp, Saint-Brieuc, Saint-Malo, etc. En 1758, les armateurs de Morlaix informèrent les gentilhommes réunions à Saint-Brieuc pour la session des États de Bretagne de leurs prochaines liquidations. Les objets du culte trouvés à bord des prises étaient le plus souvent offerts aux églises. Ainsi le grand christ de bois, à l'expression étrange et douloureuse, accompagné de la Vierge et de Saint-Jean, groupe provenant de la collégiale de Notre-Dame-du-Mur et ornant actuellement l'église Saint-Mathieu »
Pendant la guerre de succession d'Espagne (1702-1713), une centaine de bâtiments corsaires arrivent à Morlaix, sans compter les corsaires morlaisiens. Citons parmi ces derniers la Sainte-Anne, frégate de 200 tonneaux commandée par Nicolas Le Brignouqui, en 1706, arraisonne deux bateaux de Plymouth et de Londres, prend des otages, et gagne ainsi des milliers de livres sterling. La Marquise de Maintenon, modeste bâtiment de 18 tonneaux, commandé par le sieur Houin-Picard, n'est pas en reste, prenant quatre bateaux anglais en 1707 et 1708.
« La guerre de succession d'Autriche (1743-1748), poursuit Joachim Darsel, fut pour Morlaix l'occasion de recevoir une soixantaine de corsaires armés à Saint-Malo, Granville, Nantes, Bayonne, Le Havre, Saint-Brieuc, Dipee, Dunkerque, sans compter les vaisseaux du roi et ceux armés dans notre propre port ». Parmi les bateaux corsaires morlaisiens, citons le Triton, navire de 250 tonneaux et 18 canons qui servit d'abord à acheminer des toiles vers Cadix, avant de faire la course au retour. En 1747, ce fier vaisseau coule auprès de Saint Domingue. Citons aussi La Comtesse de la Marck (20 tonneaux, 2 canons, 30 hommes), « équipé par Mathurin Cornic, père de Charles Cornic-Duchêne, l'un des hommes les plus importants de la place. Originaire de Bréhat, celui-ci, qui fut tour à tour capitaine, négociant, armateur, était venu tenter sa chance à Morlaix... Le tonnage réduit du navire obligea ses deux capitaines à adopter une tactique spéciale qui consista, le plus souvent à guetter dans le voisinage des côtes d'Angleterre ou de France, les bâtiments marchands qui passaient à leur portée. Le faible tirant d'eau du corsaire, permettait en effet à celui-ci de s'aventurer et de s'abriter fort près de la terre, là où nul n'osait se risquer à le poursuivre » (p.76, opus cité).
Pendant la guerre de Sept-Ans (1755-1763), Morlaix reçoit moins de bateaux corsaires avec leurs prises (une soixantaine) car une partie de la flotte française, qui n'était pas spécialisée dans la course mais servait aussi à la pêche et au commerce, a préalablement été détruite par les Anglais à Terre-Neuve : 200 navires et 100 barques, avec à leurs bord 6000 matelots et 1500 soldats tués ou prisonniers. Charles Cornic, dont on contera les exploits un peu plus tard, se fait les dents lors de cette guerre sur les bateaux anglais sur la Comtesse de la Marck, la Sainte-Marthe, leVigilant, le Saint Jean-Baptiste.
La Guerre de l'Indépendance américaine(1778-1783) débute dans notre région, comme le remarque Joachim Darsel : « En 1777 l'Angleterre saisit, soit dans ses ports, soit en mer, pour 17 millions de bâtiments français, ceci pour répondre sans doute à l'attitude de Louis XVI qui prêtait ouvertement son concours aux colonies américaines insurgées... Or, c'est au large de nos côtes, à la hauteur de Plouescat que sera tiré le premier coup de canon de ce conflit. Le 17 juin 1778, la frégate française La Belle Poule attaquée par le vaisseau anglais L'Aréthuse dut se réfugier dans l'anse de Kernic. Le lendemain, on enterrait à Plouescat, les corps de Green de Saint-Marsault, capitaine en second, et de deux matelots qui avaient été tués au combat. La guerre rendue inévitable par l'immixtion de la France dans les affaires américaines et par les déprédations dont elle s'étaient rendus coupables à notre égard les Anglais était, peu après, officiellement déclarée... Au cours des hostilités, Morlaix arma une dizaine de bateaux et reçut des prises faites par près de 70 autres unités régulières, dont 29 de Dunkerque, 13 de Saint Malo, 11 d'Amérique, 6 de Granville, 5 de Brest, etc » . Des Acadiens combattent avec nos marins et on trouve aussi des capitaines insurgés américains, souvent venus de Boston, au commandement de navires américains et français. « De 1780 à 1782, sur 33 corsaires qui amenèrent des prises à Morlaix ou y débarquèrent des otages de rançon, 12 étaient commandés par des insurgés » (Joachim Darsel).
A l'issue des expéditions de course, Morlaix sert de lieu d'hébergement des prisonniers de guerre maritime anglais, surtout. Plusieurs prisons sont situées à Créach Joly, dans des tours vis à vis du couvent des Dominicains (les Jacobins), qui trempent dans le Jarlot. Ces prisons, note un rapport adressé à l'ingénieur de la province de Bretagne en 1783, doivent pouvoir accueillir entre 200 et 300 prisonniers. Le Roi à partir du XVIIe siècle offre des primes par prisonnier au commandant corsaire afin d'arrêter la pratique cruelle qui consistait souvent à jeter par-dessus bord les prisonniers. La plupart du temps, les corsaires ne ramènent pas jusqu'à leur port d'attaque ou de liquidation des prises leurs prisonniers : ils les remettent à des bateaux neutres ou en territoire neutre. Souvent aussi, les prisonniers bénéficient d'une liberté surveillée, peuvent sortir en journée, payent leur gîte à un particulier. Ces prisonniers-otages sont libérés contre rançon ou la libération de prisonniers français.
A la fin de chaque croisière fructueuse, raconte Joachim Darsel, nos corsaires morlaisiens et français se réjouissent dans les tavernes. « Chaque mise hors d'un corsaire était l'occasion de bombances qui se déroulaient à l'Hôtel du Treilly Royal ; ou de Bourbon (baptisé des Français en 1793)... ; ou du Vieux Pélican tenu par Marguerite Levinec puis par la veuve Bonnay (1765) ; au café du « Bon goût » à François Piriou, dit la Maison (1786). Les cabarets des Irlandais Corven, Magnamara (Mac Mara), Corrin, Carné, Pie, ainsi que du fameux Martin... étaient surtout fréquentés par les hommes d'équipage ou par la pègre du port ». Martin « tenait quai de Léon une auberge plus ou moins famée à l'enseigne de la Harpe Couronnée ayant une arrière-boutique que fréquentait la jeunesse des deux sexes » (Joachim Darsel, Le port de Morlaix et la guerre de course p.185-186). Dans cette auberge fut arrêté en 1749 Rodophe, le « prince de Macao », un aventurier escroc et beau parleur noir qui écumait les ports, séduisait les prostituées, oubliait de payer ses notes, tantôt se disait des Antilles où ses parents auraient été de riches planteurs, tantôt se disait originaire de Côte d'Ivoire. Interrogé par l'officier de police Moreau, ce truculent personnage « déclara avec assurance et hauteur qu'il se nommait Rodolphe, qu'il était prince de Macao aux Indes Orientales, fils d'un roi de ce pays et âgé de 25 ans. Élevé dans le palais de ses aïeux, il avait rencontré, prétendait-il, dans une de ses promenades dans les environs de Macao un missionnaire qui l'avait converti au catholicisme et lui avait administré, en grand secret, le sacrement du baptême. Un autre prince du sang (sic) espérant faire écarter le dauphin ( !!) Rodolphe du trône de Macao, le dénonça à son père. Le roi était un fervent boudhiste ; furieux de la conversion de son fils, il ordonna qu'on lui tranchât la tête ; mais la reine, sa mère, le fit évader. Il réussit à s'embarquer sur le navire le Mettais Querquanny en partance pour le Portugal. Il avait, avec lui, un millier de livres de poudre d'or, don généreux de sa mère. Arrivé à Lisbonne, il y fut princièrement traité ; mais, de son côté, il eut à faire de grosses dépenses, voulant porter dignement un nom illustre dans toutes les Indes. Trop rapidement, hélas ! Il jeta aux yeux de tous sa poudre d'or et, pour que les témoins de sa splendeur ne s'apitoyassent pas sur sa misère, il se rendit en France, espérant bien y rencontrer au Havre, de riches marchands hollandais avec lesquels il avait été en relations à Batavia. Pour son malheur, il ne les avait pas découverts ; aussi avait-il résolu de se rendre en Bretagne « certain de trouver dans ce bon pays, si pieux, un accueil d'autant plus sympathique que lui, prince de Macao, avait souffert et perdu sa couronne pour l'amour de Notre Seigneur Jésus-Christ » (Joachim Darsel, p.187-188) ... Le mythomane magnifique finit misérablement parmi les contagieux de Bicêtre où il était enfermé à la suite de son arrestation morlaisienn
Morlaix, port refuge pour les persécutés jacobites et acadiens
Morlaix, terre d'asile, cela ne date pas d'hier...
Olivier Cromwell avait engagé en 1649 avec l'invasion de l'Irlande un processus qui s'était achevé à la fin du XVIIe siècle avec la défaite du roi catholique Jacques VII. Ses partisans, les jacobites, privés de liberté religieuse, interdits de commercer les produits de leur agriculture avec l'Angleterre (leur laine notamment), chassés de leurs terres par des protestants, presbytériens écossais notamment, émigrent vers la France, l'Espagne, l'Angleterre. Plusieurs familles jacobites irlandaises font souche à Morlaix, en paroisse de Saint Martin notamment.
Près de 70 ans plus tard, des déportés Acadiens, colons d'origine française (normande et poitevine notamment) s'étant installés au Canada , persécutés par les Anglais après leur conquête complète du Canada, débarquent à Morlaix, venus de Nouvelle-Ecosse. 80 familles, 250 personnes, s'installent dans notre ville, qui met à disposition des logements de particulier ou de petites casernes attenantes à des maisons et commerces situés rue Haute, rue des Nobles, quartier Villeneuve, rue Longue du Bourret. « Ce fut d'ailleurs dans cette dernière rue, raconte Joachim Darsel, si pittoresquement accidentée, que s'installa définitivement par la suite le gros de l'émigration acadienne. Ces morlaisiens d'adoption s'appelaient Le Blanc, Boudreaux, Le Bourg, Bouterie, Daigre, Granger, Hébert, Moreau, Richard, Terriot, Thibaudeau, Trahan, Vincent, etc. On retrouve beaucoup de ses hommes avides de revanche dans les navires corsaires morlaisiens pendant la guerre de l'indépendance d'Amérique
Charles Cornic, corsaire républicain
Charles Cornic Duchêne naît à Morlaix en 1731. Daniel Appriou, dans son livre Au Cœur de Morlaix,nous présente sa vie extraordinaire: « Il est élevé dans une famille de marins et embarque comme mousse à huit ans, parcourant les océans sur les navires de son père jusqu'en Irlande, Espagne, Saint Domingue, Terre Neuve. A dix-neuf ans, il rentre comme subalterne dans la marine royale mais la quitte rapidement pour aller protéger les navires marchands contre les corsaires anglais. Le ministre de la Marine lui donne alors une corvette de six canons, l'Agathe; ses nombreux succès le rendent célèbre, le roi lui octroie une pension de cinq cents livres. A bord de la Félicité, il s'empare de nombreuses frégates anglaises, puis, sur le Protée... il capture en moins d'un mois cinq vaisseaux de la compagnie des Indes. Le butin est énorme mais Cornic ne garde rien pour lui ». Cornic attire la jalousie des officiers nobles du Grand Corps, arborant l'uniforme rouge, se bat en duel avec eux, avec son uniforme bleu d'officier roturier. Il « devient rapidement l'idole de Brest mais la haine des jaloux démeure si grande qu'on doit lui attribuer une garde personnelle ». « Quand la paix est signée, le Morlaisien commence un long travail de rectification des cartes françaises; il lève les plans de rades, de ports, des côtes de Roscoff à Bréhat ». On lui doit aussi le balisage de la baie de Morlaix en 1776. En 1789, il écrit « Je suis un ami de la Révolution ». En l'an II de la République (1793), Charles Cornic proposa à la Commission de Marine et des Colonies de créer un port à l'entrée de la rade de Morlaix puis, en 1802, il s'adressa au général Bonaparte, Premier Consul de la République Française, pour demander la création d'un bassin de relâche pour vaisseaux de guerre dans la rivière Le Dourdu (les eaux noires) qui débouche au Dourduff. Le but de Cornic, alors retiré en son château de Ploujean, était de faire de Morlaix un nid de corsaires qui serait le point de départ des attaques vers l'Angleterre. Avant cela, à la fin de la révolution, il fut nommé général de l'artillerie à Bordeaux pour combattre les Anglais. Charles Cornic meurt en 1809 à l'âge de 68 ans en son château de Suscinio.
Morlaix, le 30 juillet 2013.
Morlaix: de la fondation de la ville au 17e siècle. Une histoire de Morlaix, première partie
Morlaix au XVIIIe siècle: Une histoire de Morlaix, deuxième partie
Morlaix pendant la Révolution (I), Une histoire de Morlaix, troisième partie
Morlaix pendant la Révolution (II), Une histoire de Morlaix, troisième partie
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