Lecture de Jean-Paul Sénéchal, le livre tiré de sa thèse - Finistère du Front Populaire, 1934-1938...
C'est passionnant, je vous recommande vivement la lecture de cet ouvrage.
Hier, c'était le socialiste François Tanguy-Prigent, socialiste de gauche, unitaire, paysan syndicaliste, cheville ouvrière de la solidarité vis-à-vis de l'Espagne républicaine, partisan de l'intervention contre les fascistes en Espagne, et, avant d'être résistant et un grand ministre de l'Agriculture à la Libération, mena la bataille contre le fascisme vert de Dorgères, très actif dans le Finistère où il était soutenu par le très puissant syndicat de Landerneau de Budes de Guesbriant (le patronat agricole). Dorgères et de Guesbriant seront des soutiens du régime de Vichy et Dorgères continuera sa carrière à l'extrême-droite après-guerre.
Tanguy-Prigent monta un syndicat agricole progressiste et anti-fasciste pour résister à la poussée de Dorgères et de ses Comités de défense paysannes, anti-parlementaristes, anti-républicains, anti-impôt, réactionnaires. "Le militant socialiste investit beaucoup de temps à combattre les agrariens sur le plan des idées en intervenant dans leurs réunions et en s'opposant aux ventes-saisies qui se sont multipliées avec la crise. Les actions contre le dorgérisme et le Parti Agraire se font toujours de manière unitaire, avec la CGPT ou les militants communistes".
A Carhaix, Poullaouen, Tanguy-Prigent, ses camarades socialistes et communistes retournent les salles remplis d'agriculteurs contre Dorgères et ses hommes à l'occasion de leurs réunions publiques. A Plouigneau, seul lieu du Trégor où les fachos démagogues ont pu trouver à s'exprimer, Tanguy-Prigent "agrippe Dorgères par le cache-col, mais celui-ci s'échappe et monte sur une plate-forme de camion, entouré de chemises vertes. Une bagarre générale éclate alors. La réunion est finalement dissoute par un commissaire spécial. Dorgères n'a pu parler dans le fief de Tanguy Prigent. Cela n'empêche pas "Le Progrès Agricole de l'Ouest" d'annoncer le contraire: "La vaillance de nos chemises vertes déjoue un guet-apens socialo-communiste et inflige un cruel échec à Tanguy Prigent qui ne peut parler dans son pays". En réalité Dorgères se fait expulser de Plouigneau et ne remettra plus les pieds dans le Tregor Finistérien pendant cette période.
A Quimperlé, en mai 35, alors qu'il voulait perturber et interrompre une réunion publique de Dorgères, prêt à payer de sa personne contre les fascistes, "Tanguy Prigent ne réussit cependant qu'à prononcer quelques mots avant d'être roué de coups de poing par Dorgères qui lui saute dessus en s'entendant traité de salarié des capitalistes". A Pont-Croix, dix jours plus tard, c'est avec le futur député-maire communiste de Concarneau, Pierre Guéguin, fusillé à Chateaubriant et choisi par Pucheu, le ministre de Vichy, pour être exécuté par les Nazis, avec les 26 autres otages communistes, cégétistes, le 22 octobre 1941, que Tanguy-Prigent essaie d'interrompre une réunion publique des Chemises Vertes. Tanguy-Prigent va aussi prendre la parole plusieurs fois avec d'autres responsables communistes finistériens, comme Alain Signor, dans les luttes anti-fascistes, puis dans les Comités Front Populaire. Le député de Morlaix fut des socialistes qui refusa les pleins pouvoirs à Pétain puis qui à la Libération permis de conquérir de nouveaux droits pour les paysans.
Cet homme politique du Tregor finistérien (St Jean du Doigt) courageux au service du peuple et de son idéal, un combattant haut un couleur et un homme admirable!
Ismaël Dupont
Sortie fin mars du livre de Jean-Paul Sénéchal: le Finistère du Front Populaire, tiré de sa thèse, aux Presses Universitaires de Rennes
A suivre: une thèse de Jean-Paul Sénéchal sur l'impact du Front Populaire dans le Finistère (Télégramme)
Le Front Populaire dans le Finistère: C'était 1936, le Front Populaire vu de Bretagne
Aux origines ouvrières du Front Populaire, par Gérard Noirel (Le Monde Diplomatique, juin 2016)
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