Le contexte: un parti communiste première force de gauche en Finistère, dans une phase de conquête, avec son implantation électorale la plus forte dans la région de Concarneau.
Quand surviennent les événements de mai 1968, le PCF dans le Finistère représente une force non négligeable: il est passé de 52 275 voix en 1962 (15,10%) à 72 596 voix en 1967 (18,57%). C'est un mouvement national d'expansion: en 1962, le PCF obtenait 41 députés contre 73 en 1967, gagnant au passage un million de voix. Sa politique d'accord de désistement avec le F.G.D.S (créé par François Mitterrand en 1965) et d'autres forces de gauche, inscrite dans un projet de programme commun pour la gauche de rénovation démocratique et sociale et parallèle de l'unité syndicale de plus en plus forte et efficace entre la CGT et la CFDT, lui profite.
En août 1967, le PCF, la SFIO et le PSU dans le Finistère rédigent ainsi une déclaration publique commune pour Sauver la Sécurité Sociale contre les ordonnances libérales du pouvoir gaulliste. Malheureusement, ces combats n'ont pas pris une rude, sauf que les socialistes sont dans l'autre camp, celui du patronat et de la bourgeoisie.
Les fêtes du Parti Communiste sont légion, témoignant de l'implantation locale du PCF. Ainsi, rien que le 13 et le 20 août, 8 fêtes communistes finistériennes, après la grande fête de "la Bretagne", la fête de la Fédération du Finistère, à Concarneau, le premier dimanche d'août:
- Fête de la section de Carhaix
- Fête communiste à Scrignac avec allocution d'Alphonse Penven
- Fête à Lesconil avec l'allocution de Marcel Paul, l'ancien ministre de la Libération
- Fête au Guilvinec avec là aussi l'allocution de Marcel Paul
Le 20 août:
- Fête communiste à Crozon, avec l'intervention de l'ancien député Gaby Paul
- Fête à Botsorhel
- Fête du Fao à Huelgoat
- Fête des sections de Scaër - Rosporden
Le Parti Communiste gère de nombreuses communes dans le Finistère, entre autres:
Leuhan (Louis Hémeury, maire, conseiller général)
Huelgoat (Alphonse Penven, maire, conseiller général)
Le Guilvinec (avec le maire, ancien résistant déporté à Buchenwald, Jean Le Brun, retraité de la marine)
dans la région de Concarneau:
Trégunc (Auguste Picart, maire)
Kernével (René Nicolas, maire)
Le Trévoux (Emmanuel Tanguy, maire)
Saint-Yvi (Louis Huitric, maire, conseiller général)
à Scaër, sans avoir le maire, il co-gère avec la gauche socialiste et fait passer des motions, par exemple pour la Paix au Vietnam et la défense de la sécurité sociale
à Châteaulin, le PCF est aussi dans la majorité avec les socialistes et fait voter une motion contre la réforme de la Sécurité Sociale
à Quimper, le PCF est aussi dans une majorité d'union de la gauche
à Douarnenez, à l'élection municipale complémentaire du 12 février 1967, le communiste Pierre Moalic manque de 10 voix la majorité absolue, la liste PCF obtenant 49,9% des voix avec le soutien de l'ensemble de la gauche. Cette élection du 12 février est présentée dans "Notre Finistère", le supplément de l'Humanité Dimanche, comme "un sévère avertissement au gouvernement gaulliste et à ses complices à Douarnenez qui, à leur habitude, ont essayé au maximum de dépolitiser la bataille électorale pour cacher les responsabilités gouvernementales".
"Notre Finistère", supplément à l'Humanité Dimanche, 13 août 1967 : les fêtes du Parti Communiste en août 1967 dans le Finistère
compte rendu de la fête du PCF de Lesconil (août 1967) - Notre Finistère, L'Humanité Dimanche 10 septembre 1967
Comme l'Humanité à la même époque, le supplément communiste "Notre Finistère" à l'Humanité Dimanche n'hésite pas à faire la part belle aux modes, à la jeunesse, à la variété, affirmant ainsi sa vocation populaire et récréative.
En témoigne ce beau portait vintage de RIKA ZARAI dans le supplément "Notre Finistère" de L'Humanité Dimanche.
Portraits d'Alphonse Penven, Gabriel Paul et Yves Cam, candidats aux législatives pour le PCF en mars 1967 dans le Finistère -supplément "Notre Finistère" de l'Humanité Dimanche, 26 février 1967: le mot d'ordre en titre: "Pour renforcer l'union de la Gauche et assurer l'expansion économique et la prospérité de la Bretagne, Votez communiste dès le 1er tour"
Résultats du 1er tour des Législatives de mars 1967 pour les Communistes (Supplément à l'Huma Dimanche, Notre Finistère - 12 mars 1967)
Législatives mars 1967: résultats d'Alphonse Penven et appel du PCF à voter pour le candidat PSU Roger Prat ("Notre Finistère", 12 mars 1967)
Dans le cadre de la campagne des législatives de 1967, Michel Derrien, dans "Notre Finistère", le supplément à l'Humanité Dimanche du 5 février 1967, fait le point sur les enjeux locaux et sur les manquements de la majorité de droite du député maire le Duc.
Et la page "Notre Finistère" du 5 février 1967 fait la promotion des réalisations d'Alphonse Penven à Huelgoat dans le cadre de la campagne législatives, dont ce très excitant "célibatorium destiné aux célibataires du personnel EGF travaillant à la centrale nucléaire de Brennilis"
Aux élections législatives de mars 1967:
- dans la 1ère ciconscription du Finistère (Quimper), l'ancien résistant Jean-François Hamon obtient 21,6% des voix au premier tour, 43,5% des voix au second tour, face au candidat de droite UNR Michelet.
- dans la 2e circonscription du Finistère (Brest 1), l'ancien député de la Libération Gabriel Paul obtient 18,3% des voix au 1er tour.
- dans la 3e circonscription (Landerneau), Yves Cam obtient 10,9% des voix.
- dans la 4ème circonscription, Alphonse Penven, maire de Huelgoat et Conseiller Général depuis 1945 (il fut élu à 32 ans à une écrasante majorité: il était prisonnier de guerre pendant la seconde guerre mondiale, s'est évadé en 1941 et est entré dans la résistance), avec comme suppléant Michel Derrien, instituteur à Morlaix, obtient 19,4% au 1er tour (contre 15,8% en 1962) et se désiste en faveur du PSU Roger Prat (26,7% au 1er tour) qui est élu avec 50,1%.
- dans la 5e circonscription (Landivisiau), André Clerc, ouvrier en bâtiment de Plougastel Daoulas, obtient 9,8% pour le PCF.
- dans la 6ème circonscription, le maire PCF de Leuhan, Louis Hemeury, se qualifie avec 18,5% pour le second tour et obtient près de 39% face au candidat de droite UNR.
- dans la 7e circonscription de Douarnenez, Kerrec pour le PCF obtient 19,5% au 1er tour et 35,9% au second tour face au candidat UNR.
- dans la 8e circonscription (Concarneau-Quimperlé), Paul Le Gall obtient 27,9% au premier tour et 44,7% au second tour face au candidat UNR Guyon.
Dossier de la revue Ar Falz (supplément à Skol Vreiz n°37 avril-septembre 1974) établi par J. Guiffan: "Les élections législatives en Bretagne depuis 1945" - Les résultats du Parti Communiste, témoignant de son implantation très forte dans le sud Finistère et le centre Finistère
Le PCF bénéficie encore des retombées de sa critique de la poursuite de la guerre en Algérie, et dans le moment présent, mais surtout de sa lutte très forte, visible et populaire contre la guerre coloniale américaine et pour le mouvement d'émancipation au Vietnam, mais aussi de sa campagne contre l'agression israélienne au Moyen-Orient (1967).
Ainsi, le 2 novembre 1967, Louis Le Roux et le Parti Communiste organisent, pour mobiliser contre la guerre du Vietnam, la venue pour une conférence-débat de Henri Martin, le réfractaire qui avait refusé la guerre d'Indochine et été condamné à 5 ans de prison pour cela.
Le PCF est avec la CGT très actif dans les luttes sociales et salariales de plus en plus nombreuses entre 1966 et 1968 où il cherche à favoriser "l'unité d'action de la classe ouvrière".
Il est très implanté dans les ports de pêche où il lutte contre la concentration, les logiques de profits des armateurs, des patrons de conserverie, au côté des pêcheurs et des ouvriers et a des relais importants dans la paysannerie du sud-Finistère et du centre-Finistère, soutient ses revendications, lui parle grâce au Journal La Terre, à des tracts dédiés, et à des fêtes populaires locales. Beaucoup de candidats communistes sont d'ailleurs ici de familles paysannes et certains paysans eux-mêmes même si de plus en plus, les "intellectuels", instituteurs et professeurs, ont tendance à tenir le haut du pavé.
Dans le Finistère, le PCF s'est impliqué contre les conséquences des logiques de mise en concurrence favorisées par le Marché Commun dans l'agriculture et la pêche qui favorise la disparition des exploitations agricoles familiales et la concentration des armements dans la pêche et des conserveries.
Il est très bien intégré dans le monde enseignant et les associations laïques. Le 29 octobre 1967, 10 000 finistériens manifestent à Brest contre les conditions de la rentrée scolaire à l'appel des Fédérations de Parents d'élèves et du Comité d'Action Laïque. Le Parti Communiste est très engagé dans ces actions.
De 1961 à 1966, les effectifs des adhérents du PCF ont augmenté de plus de 30%. Rien qu'en 1967, 466 adhésions ont été recensées et 16 cellules nouvelles. Les dirigeants du PCF finistériens se montrent exigeants puisqu'ils regrettent en mai 1968 que 20% des adhérents de 1967 n'aient pas repris leur carte en 1968.
Au premier tour des élections cantonales de septembre-octobre 1967, le Parti Communiste se targue d'un grand succès dans le Finistère, avec une progression de 7156 voix et de 5,77% des suffrages.
Avec 14,87% des voix au 1er tour des ces cantonales, il est devant les autres partis de gauche dans une situation tout de même de faiblesse électorale de la gauche finistérienne à cette époque: FGDS (Socialistes, Radicaux Socialistes, Convention) - 10% des suffrages exprimés- et PSU (4,4% des suffrages exprimés mais ils n'avaient probablement pas des candidats partout).
Dans le cantons de Brest III, le PCF et Louis Le Roux, son premier fédéral, peuvent se maintenir au second tour et représenter toute la gauche grâce au désistement et au soutien du candidats PSU: il totalise au 2e tour 3385 voix contre 5913 au candidat de la droite.
A Rosporden, le candidat FGDS Huitric gagne les cantonales grâce à l'appui du PCF.
Sur ces mêmes élections cantonales, Edouard Quemper est élu Conseiller Général communiste à St Brieuc Nord.
"Pompidou, des sous!", "U.N.R: la misère": puissante grève du 1er février 1967 dans le Finistère avec 25 000 manifestants dans la rue (supplément "Notre Finistère" à L'Huma Dimanche, 12 février 1967)
Notre Finistère, 22 janvier 1967: Crise de la pêche dans le sud-Finistère: le Parti Communiste propose...
Supplément de l'Humanité Dimanche, "Notre Finistère" (17 septembre 1967): Les candidats PCF aux Cantonales dans le Finistère: - Pour condamner la politique antisociale du Pouvoir - Pour l'expansion économique, le progrès social, la Démocratie et la Paix - Pour hâter l'heure de la signature d'un programme commun des forces de gauche. Parmi eux, Dédée Moat, l'infatigable militante communiste de Roscoff.
Le Travailleur du Quai, Journal de la section PCF de Concarneau, avril 1968 (archives Pierre Le Rose)
A Concarneau les 13 mars et 10 avril 1968 des manifestations ont eu lieu pour défendre l'emploi et protester contre la concentration du capital des conserveries au profit du trust Saupiquet, parallèle du concentration des armements. Pierre Le Rose, alors secrétaire de la section de Concarneau (après avoir été secrétaire fédéral entre 1953 et 1956) note ainsi dans ses commentaires, témoignant d'une analyse socio-économique fine et poussée, en vue du Congrès fédéral de mai 1968:
"Les licenciements, le chômage dans la classe ouvrière concarnoise ont entraîné de multiples actions pour la défense de l'emploi, surtout depuis la concentration au profit du trust Saupiquet des principales usines concarnoises. Les manifestations puissantes de tous les concarnois les 13 mars et 10 avril confirment la justesse de la politique de notre parti... Actuellement, la situation est grave. Impulsée par l'Union Locale et les Syndicats CGT, la défense de l'emploi entraîne les partis politiques existants à Concarneau, les jeunes, les femmes, le clergé, toutes les couches sociales défavorisées, victimes de la concentration: petits industriels, commerçants, artisans, paysans. Les uns et les autres supportent les conséquences de la concentration capitaliste encouragée par l'Etat dans l'industrie, sur le port, dans le commerce (fusion d'usines de conserves entraînant la baisse du pouvoir d'achat, création de sociétés financières d'armements sous le contrôle des banques, apparition de magasins à succursales multiples dont le dernier est le Centre Leclerc, abandon des exploitations familiales agricoles). Dans de nombreuses entreprises (Marsceschi, BMA, etc...) les travailleurs sont inquiets. Après la concentration des conserveries, apparaît celle des armements. L'alliance des deux groupes politiques du Conseil Municipal (Centre Démocrate et SFIO) entraînant des démarches pour "sauver" l'usine Cassegrain a favorisé la constitution d'une entreprise nouvelle groupant Intermer, Cinal, Provost-Barbe, Cassegrain sous l'égide de Saupiquet et permettant à ce dernier par l'intermédiaire de l'Armement Delhermes de devenir prochainement le maître du Port et de la Pêche. Dans la perspective, les nouveaux armements envisagent la construction de grands bateaux modernes pouvant concurrencer le marché commun. Jusqu'ici, les armateurs concarnois, soucieux de leur profit maximum dans le plus court délai, ont entrepris une modernisation en retard sur les Pêcheries européennes. L'armement concarnois, placé dans les organismes économiques (Chambre de Commerce, Cecor...) n'hésitera pas, pour préserver ses intérêts, à accepter la main-mise du Capital Etranger sur notre port. On risque de voir ainsi disparaître la flottille actuelle de bateaux petits et moyens qui rendrait nos installations portuaires actuelles inutilisables".
Surviennent les événements de mai 1968.
En Bretagne, le Parti Communiste y joue tout son rôle.
Le 31 mai 1968, Pierre Le Rose prononce un discours réquisitoire inspiré place de la Mairie à Concarneau lors d'un rassemblement unitaire de la gauche, syndical, politique et associatif:
"Il y a 10 ans, s'appuyant sur un complot, de Gaulle pris le pouvoir. Aujourd'hui, sa politique néfaste au seul service des grands monopoles dont il est le zélé serviteur, a fait l'unanimité contre elle de toute la France qui travaille et qui pense. Alors, pour perpétuer son pouvoir, le Général use de chantage. Mais nous ne sommes plus en 1958.
Le mécontentement profond qui, unissant les forces vitales de la Nation, paralyse le pays, a des causes justifiées. La grève du 8 mai dernier en Bretagne, venant après de nombreuses actions et rassemblements, s'ajoutant à ceux de nombreuses régions de France, a montré l'union contre la politique gaulliste de toutes les couches de la population: ouvriers, marins et paysans, commerçants, artisans et fonctionnaires, intellectuels, enseignants et étudiants, croyants et non croyants. De partout s'élèvent des protestations car tous sont unis contre tel ou tel aspect de la politique du gouvernement gaulliste œuvrant au profit exclusif des grands monopoles.
Les travailleurs ne font pas grève de gaieté de cœur. Ils y sont contraints et forcés. Malgré l'augmentation de la production et de la productivité les travailleurs ont vu baisser leur pouvoir d'achat. Par la concentration des entreprises, comme dans la conserve, de nombreuses ouvrières et ouvriers ont perdu leur emploi. Les ordonnances de l'été dernier portaient atteinte lourdement à la Sécurité Sociale, à la défense des travailleurs contre la maladie et l'accident. La création et l'extension des grands magasins à succursales multiples entraînent la faillite des petits commerçants tandis que la concurrence industrielle ruine l'artisanat. Alors qu'augmentent les prix industriels, la baisse à la production aussi bien dans la pêche que dans l'agriculture contribue à la concentration, à l'exode rural, au sous-emploi. La mise en place du marché commun accélère ce processus. La réforme Fouchet-Peyreffite toujours au profit des monopoles, sans tenir compte des besoins grandissants de la jeunesse ajoute encore aux raisons de la crise de l'Université inadaptée aux progrès du monde moderne.
L'étincelle des étudiants a fait se lever, en même temps, de partout, et dans toutes les couches de la population, le mécontentement accumulé depuis dix ans et exprimé dans des luttes, des grèves, des rassemblements, de simples résolutions parfois ou pétitions. Cette lutte inlassable a uni les travailleurs manuels et intellectuels contre le pouvoir gaulliste en déclin.
Aujourd'hui, les choses sont claires. La volonté d'en bas se heurte à un gouvernement et un gros patronat qui, contraint de négocier ou de céder sur certains points, ne veut pas satisfaire pleinement aux exigences légitimes de la classe ouvrière et du peuple. C'est pourquoi de plus en plus fort notre peuple demande à vivre décemment. Pour y aboutir, les réunions se multiplient entre les organisations syndicales et démocratiques, entre la Fédération de la Gauche démocrate et socialiste et le PCF, une position commune que, pour notre part, nous n'avons cessé de demander depuis depuis des mois et des années.
Le PCF, considérant qu'un tel programme commun doit comprendre des clauses permettant de franchir une étape vers le socialisme. S'en prenant aux monopoles, il doit prévoir la nationalisation des grandes banques d'affaires, mais aussi celle des grandes entreprises industrielles. Les entreprises nationales doivent être gérées démocratiquement et, à tous les échelons de la vie économique doit s'établir un pouvoir de contrôle des travailleurs, à commencer par l'extension des attributions des Comités d'entreprise et la libre activité de la section syndicale dans l'entreprise. La réforme démocratique et profonde de l'Université doit être réalisée avec le concours des enseignants et des étudiants comme le demandent avec une grande maturité que nous tenons à saluer les lycéens de Concarneau, unis dans un même mouvement aux côtés de leurs professeurs et de tous les personnels de l'Education Nationale.
Les réformes de structures proposées n'ont pas pour but d'enterrer sous des phrases de gauche les revendications essentielles des travailleurs telles que l'augmentation des salaires, la réduction progressive du temps de travail, l'abrogation des ordonnances anti-sociales, le plein-emploi pour tous. Pour changer ainsi complètement de politique, il faut une autre politique conforme à la volonté du peuple.
Ne tirant aucune leçon des 10 années de faillite, de Gaulle veut se maintenir en place. Devant l'échec de l'opération-Référendum, il dissout l'Assemblée Nationale pourtant favorable à ses conceptions mais montrant qu'il craint par-dessus tout l'expression démocratique de l'opposition. Soutenant à fond Pompidou, il entreprend le replâtrage de son gouvernement. Arrogant et méprisant, il somme les travailleurs en lutte de reprendre le travail, les enseignants d'enseigner, les étudiants d'étudier, ne tenant nul compte que sa politique seule est cause de la paralysie actuelle, parce qu'il veut la perpétuer. Faisant fi de la volonté du peuple, il le menace et songe à supprimer les élections. Il brandit le chantage à la guerre civile. Comme si la guerre civile n'était pas justement parmi ceux qu'il avait "compris": les Salan, les Soustelle, et autres O.A.S. Et lorsqu'à deux reprises ceux qui l'avaient portés au pouvoir tentèrent l'insurrection, de Gaulle dut se tourner vers ce peuple qu'il méprise et implorer "aidez-moi". Ce fut le cas en 1960 lors des barricades d'Alger et en 1962 lors de la subversion O.A.S: ce sont les syndicats, les organisations démocratiques, les partis de gauche qu'il méprise qui étouffèrent les nouveaux complots et empêchèrent la guerre civile. Mais au lieu de porter les coups principaux à ses alliés d'hier, voyant déjà en eux ses alliés de demain, c'est contre la C.O que s'abattit la répression comme à Charonne lorsque dix travailleurs dont neuf communistes trouvèrent la mort sous les coups des sbires de Fouchet. Une fois de plus, de Gaulle attaque grossièrement notre Parti. Rien de plus naturel car nous tenons fermement le drapeau de la démocratie véritable et de la paix civile.
C'est l'hommage du vice à la vertu. Les communistes qui ont lutté et fait la preuve avant guerre au sein du Front Populaire, pendant la guerre dans l'union de la Résistance, à la Libération au sein du gouvernement et dans la bataille pour relever la France, ensuite dans la lutte pour l'indépendance nationale contre l'impérialisme américain, depuis dix ans, levés dès le premier jour contre le pouvoir gaulliste, ne peuvent qu'être choisis pour cible par des adversaires du peuple. Mais en 1968, en France, l'anticommunisme peut-il encore diviser? Il vous appartient d'y répondre en vous unissant, comme vous l'avez fait jusqu'ici dans le calme et la fermeté, sans vous laisser détourner par aucune provocation ou diversion, ayant en vue vos clairs objectifs, conformes d'ailleurs aux intérêts du pays.
Loin d'être un signe de force, l'allocution menaçante de de Gaulle est une preuve de faiblesse. Le mythe de l'Etat fort, de l'ordre et de la stabilité est tombé. Le masque est tombé. Derrière la "Chie-en-lit" il ne reste qu'un vieillard impuissant qui se veut tyrannique.
Puisqu'un défi est lancé, répondons au défi. Nous ne craignons pas les élections, bien au contraire. Le scrutin prochain apportera une majorité de gauche, si toutes les forces démocratiques s'unissent autour d'un programme commun de gouvernement.
Que des chantiers, des usines, des entreprises, des quartiers, les démocrates s'unissent.
C'est en appelant à l'union des forces de gauche que notre Parti mènera la campagne électorale en exposant ses solutions, en les faisant ratifier par le corps électoral. Celui qui menace de supprimer les élections, tout en accusant d'autres d'ailleurs de totalitarisme et de tyrannie, a certainement peur du verdict du peuple.
Pas nous, pas les démocrates, pas ceux qui luttent pour une vie meilleure, pas les syndicats, partis et organisations qui vous ont appelés ici aujourd'hui et qui font serment de rester unis comme les doigts de la main.
Unité pour les libertés!
Unité pour la République!
Unité, permettez-nous de reprendre les mots d'il y a 32 ans, Unité pour une France libre, forte et heureuse!
Dans son allocution à l'ORTF le 12 juin, que "l'Humanité" reproduit dans un supplément le 13 juin, le premier secrétaire du PCF Waldeck Rochet est un peu moins enthousiaste face aux manifestations de l'unité et de la révolte populaire de 1968 appelant à une "fin rapide du conflit" (par la satisfaction des revendications ouvrières et la fin de la répression policière), présentant le PCF comme "le parti du progrès, de l'ordre, de la sagesse politique", de la responsabilité, contrairement aux "groupes ULTRA-GAUCHISTES" qui "nous attaquent et nous insultent, parce que nous avons DESAVOUE, dès le début, leur recours à la provocation et aux violences aveugles susceptibles de nuire au mouvement populaire et de faire le jeu du pouvoir gaulliste". Ici clairement visé "le drapeau noir de l'anarchie".
Paul Le Gall, membre du Comité, dans son article du 16 juin dans le supplément Finistère de "l'Humanité" (la page Bretagne Nouvelle), se félicite des succès obtenus par le mouvement populaire - "gouvernement et patronat ont du céder" et appellent à insister dans les urnes pour obtenir de nouvelles conquêtes:
"Les questions concernant l'agriculture et la pêche, celles aussi de l'Université, restent en suspend mais chacun se rend compte que les coups redoutables portés au pouvoir vont favoriser leur règlement. Pour qu'il en soit ainsi, il importe en premier lieu de resserrer les liens entre toutes les catégories sociales victimes du pouvoir gaulliste. Aussi, prennent-ils une lourde responsabilité ceux qui, sous couvert de phrases "révolutionnaires" tentent de diviser les masses populaires.
Quel régime tout de même! Il a fallu pas moins de 10 millions de travailleurs en colère pour le faire reculer. Satisfaction n'était pas encore accordée que De Gaulle encourageait le patronat à résister et amenait ses ministres à ne céder que le minimum. Demain, ils essaieront de reprendre ce qui leur a été arraché si... si à l'Assemblée Nationale ils arrivent à avoir une majorité de gaullistes et centristes. Rappelons que ces derniers avaient voté contre la motion de censure sur les ordonnances en octobre 1967. Il s'agit donc d'amener une nouvelle majorité au Parlement. Au sein de cette majorité de gauche, la présence de nombreux communistes sera garante de la formation d'un gouvernement populaire et d'union démocratique".
Paul Le Gall est lui-même candidat pour le PCF, après la dissolution de l'Assemblée Nationale, aux élections législatives du 23 et 30 juin 1968, avec dans le Finistère Louis Le Roux (secrétaire fédéral du PCF, Brest I), Denise Roudot (prof de maths à Brest) dans la circonscription de Morlaix II, Yves Cam, prof d'Education Physique dans la circonscription de Brest II, Jean-François Hamon à Quimper, Alphonse Penven, le maire communiste de Huelgoat, dans la circonscription de Morlaix I, Marcel Youinou dans la circonscription de Douarnenez, Louis Hémery, le maire de Chateaulin dans la 7e circonscription.
Au niveau national, à l'issue de ces législatives marquées par une large victoire du "vrai parti de l'ordre", la droite gaulliste, le PCF fera en moyenne 20% au 1er tour mais n'obtiendra que 34 sièges.
Voici les résultats des élections de Juin 68 dans le Finistère pour le PCF.
Une lourde défaite pour la gauche au second tour. Des résultats en baisse pour le PCF par rapport à 67.
Une partie de la France a eu peur et a voté pour les candidats de l'ordre et du pouvoir gaulliste.
1ère circonscription du Finistère (Quimper):
Jean-François Hamon (PCF): 22,62% au premier tour (11 841 voix) et 37% au second tour (avec le report des voix du candidat PSU qui avait fait 13% au 1er tour). Le candidat UDR est élu au second tour avec 62%
2ème circonscription - Brest I
Louis le Roux (PCF): 15,10% au premier tour et 14,64% au second tour suite à son maintien (le candidat SFIO Francis Le Blé avait fait 14% au 1er tour). Le candidat UDR (de Bennetot, 43%) est élu au second tour face à un autre candidat de centre-droit (Lombard, 42%)
3ème circonscription - Brest II
Yves Cam (PCF): 11,68% Il était seul face au candidat de droite UDR, élu au 1er tour.
4ème circonscription - Morlaix
Alphonse Penven (PCF): 16,65% au 1er tour (7768 voix). Se retire pour Prat (PSU) qui avait fait 28,6% au 1er tour mais c'est Lelong (UDR) qui est élu.
5ème circonscription- Morlaix II
La candidate PCF, seule candidate de gauche, Denise Roudot, fait 8,8%. Le candidat UDR est élu au 1er tour.
6ème circonsciption - Châteaulin
Le candidat PCF Louis Hémeury, seul candidat de gauche, accède au 2me tour avec 25,69% des voix au 1er tour mais son score baisse au second tour (23,1%) et Mme Ploux pour l'UDR est élue.
7ème circonscription - Douarnenez
Marcel Youinou pour le PCF fait 16,52% des voix au 1er tour et se désiste pour le candidat SFIO Donnart au second tour (17% au 1er tour, 39% au second). Le candidat UDR est élu.
8ème circonscription - Quimperlé
Paul Le Gall pour le PCF fait 24% des voix au 1er tour, 38% au second tour, avec l'appui du candidat FGDS/SFIO Boëdec (15% au 1er tour), contre 61% au candidat de droite, Républicain indépendant, Petit.
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