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24 septembre 2011 6 24 /09 /septembre /2011 13:49

 

 

troy davis

 

Malgré les 20 ans pendant lesquels Troy DAVIS a crié son innocence du meurtre d’un policier blanc pour lequel il a été condamné à mort en quelques heures.

Innocence qu’il a revendiquée jusqu’au moment de la piqûre fatale qui lui a donné la mort.,

 

Malgré l’absence de toute preuve matérielle et en particulier de l’arme du crime (la condamnation ne reposant alors que sur des témoignages),

 

Malgré la rétractation de sept des neuf témoins qui l’avaient « reconnu »,

 

Malgré les pressions de la police que ces témoins déclarent avoir subies (des adolescents noirs dans un commissariat dont l'un des policiers venait d’être tué),

 

Malgré les centaines de milliers d’appels à la retenue émanant d’institutions, d’états, de célébrités comme de citoyens anonymes,

 

 

ILS ONT OSE !!! ILS ONT TUE DE SANG-FROID UN ADOLESCENT (au moment des faits) QUI A PASSE ENSUITE 20 ANS DANS LE COULOIR DE LA MORT

 

Je suis d’accord avec Robert BADINTER : c’est un crime, un assassinat judiciaire.

Mais c’est aussi une déroute de la « démocratie » états-unienne.

 

 

Au moment où, surfant sur l’échec de la politique sécuritaire de SARKOZY et sur le mal-vivre de couches de plus en plus larges de la population, certain-e-s veulent remettre en cause l’abrogation de la peine de mort, c’est aussi un combat qu’il appartient à tous les démocrates de mener dans notre pays.

 

 

Alain DAVID

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12 septembre 2011 1 12 /09 /septembre /2011 06:19

Le recul de la décennie n’a pas effacé l’intensité du terrible choc de cet événement mondial communément baptisé « le 11 septembre », avec la destruction des deux tours du « World Trade Center ». Symbolique, car ces tours avaient été ainsi baptisées parce qu’elles devaient indiquer le lieu où battait le cœur économique et financier du monde capitaliste occidental. Acte de barbarie vécu par des milliards de téléspectateurs, imprégnant les mémoires, qui fut, quelques temps après la chute du mur de Berlin, un nouvel événement de rupture dans l’histoire.

Les dirigeants américains qui, pour combattre les pays du bloc soviétique et aussi les pays non alignés cherchant des voies d’émancipation, ont favorisé le fondamentalisme islamique, venaient de subir une attaque sur leur propre territoire, de ceux-là même qu’ils avaient créés, nourris et contribué à développer. Au-delà des trois mille morts qu’elle a engendré, de la destruction d’un quartier des plus emblématiques de New-York, le peuple nord-américain a été d’autant plus traumatisé que ses dirigeants n’avaient cessé de faire croire qu’ayant gagné la guerre froide contre le système soviétique, ils étaient désormais en sécurité et pouvaient envisager un avenir paisible, voir prospère. Les années de gouvernement de B. Clinton donnaient d’ailleurs pour une part raison à cette thèse.

Mais dans un monde globalisé, aucun pays ne peut vivre dans la prospérité quand l’immense majorité des peuples vit dans le dénuement le plus total. C’est sur la misère et la pauvreté qu’a prospéré un fondamentalisme terroriste faisant confondre les idéaux généreux de l’islam avec un intégrisme islamique. Prétexte utilisé par un bushisme, tout aussi intégriste, appelant lui aussi à de prétendus ordres de dieu pour, au nom de la lutte contre le terrorisme, déclencher deux guerres, celle d’Afghanistan et celle d’Irak. En Afghanistan, les dirigeants nord-américains ont installé au pouvoir l’ancien royaliste Hamid Karzaï, qui était collaborateur de la compagnie pétrolière américaine « Unocal », pour négocier avec les talibans, sans que l’influence de ces derniers ne recule aujourd’hui. Quant à la guerre en Irak, déclenchée sur le mensonge des armes de destruction massive, en dehors de toute légalité internationale, là non plus les choses ne s’améliorent pas, ni en Irak, ni aux alentours avec les tensions décuplées avec l’Iran que le Président Sarkozy vient de relancer.  

Partout, particulièrement aux Etats-Unis, en Europe et en Israël, la destruction des tours a servi de prétexte à des politiques sécuritaires de contrôle des individus, de restriction des libertés. Dans cette période, la direction israélienne, a favorisé l’émergence du Hamas contre l’Organisation de libération de la Palestine. Elle a bloqué les négociations pour l’existence d’un Etat palestinien souverain, continuant de voler leurs terres, leurs maisons aux Palestiniens, les colonisant de plus en plus sans qu’aucune initiative efficace ne soit prise pour mettre fin à l’intégrisme israélien au nom de la théorie bushiste du combat contre «l’axe du mal », alors que les peuples arabes considéraient que l’humiliation faite aux Palestiniens était aussi leur humiliation.

Et que dire des scandales de la prison de Guantanamo et de la complicité européenne qui ont laissé deux pays, la Roumanie et la Pologne abriter des centres de détention au service de la logique nord-américaine?

Les dirigeants nord-américains et de larges fractions de dirigeants en Europe et en Israël, ont tenté ces dernières années de survaloriser la nécessaire lutte contre le terrorisme, espérant ainsi affaiblir la lutte des classes. Nous sommes à la fin de ce cycle. Les mouvements arabes viennent de faire voler en éclats le concept de « guerre de civilisations », comme d’ailleurs celui d’une prétendue « fin de l’histoire ». L’élection de B. Obama est due pour une part au rejet des guerres américaines. Mais au-delà, le monde change un peu plus chaque jour. Sous l’effet de la crise totale du capitalisme mondialisé et de luttes émancipatrices, particulièrement en Amérique latine, la prédominance nord-américaine est menacée. L’empire vacille. Les peuples arabes cherchent les voies de leur émancipation. Ne sous-estimons pas le fait que dans la nouvelle stratégie nord-américaine, existe plus que la tentation de contrôler ce processus. Le continent africain est ainsi devenu un vaste champ d’influence et de pressions alors qu’il s’enfonce dans des difficultés extrêmes.

Dans quelques jours, l’autorité palestinienne déposera la demande de la reconnaissance de l’Etat palestinien à l’Organisation des Nations-Unies. Dans ce contexte, la valorisation de la guerre, par la Président de la République française, comme politique internationale, à rebours de toutes les traditions et valeurs françaises, est très préoccupante. Avec dix ans de retard, il marche sur les chemins de M Bush. La vigilance, l’unité dans l’action pour le désarmement et la paix, pour faire reculer la famine et la pauvreté, pour transformer le système financier international afin de faire reculer et éradiquer la crise du capitalisme, est plus que jamais indispensable. Des voies nouvelles inédites pour un monde nouveau, appelant le partage et la solidarité, sont en gestation. Des potentiels existent pour faire germer les semences encore trop sèches des futurs d’humanité.

 

Patrick Le Hyaric. Edito pour l'Humanité dimanche.

le 9 septembre 2011.

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19 août 2011 5 19 /08 /août /2011 06:07

Dans La Situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845), le compagnon de Karl Marx, le socialiste allemand Friedrich Engels, lui-même propriétaire d'une usine textile à Manchester, décrivait avec une précision sociologique les conséquences de l'émergence du capitalisme industriel de l'autre côté de la Manche, et notamment le déracinement et l'exploitation des ouvriers et la force de la ségrégation sociale et géographique dont ils étaient victimes dans les nouvelles villes industrielles hyper polluées du nord de l'Angleterre. La réflexion et l'enquête du jeune Engels avaient alors été nourries par la participation aux conférences et aux débats des nombreux cénacles socialistes, syndicaux, d'éducation populaire souvent inspirés par les idées de Robert Owen ou des chartristes partisans du suffrage universel et de l'intégration des ouvriers dans la démocratie, qui rassemblaient alors toute une avant-garde ouvrière cultivée et consciente dans les grandes villes anglaises. "Selon des estimations, affirme le biographe de Engels, Tristam Hunt, la "communauté socialiste" de Manchester s'élevait à huit ou dix mille personnes dans les années 1840, et le public du dimanche soir dans le Palais (des sciences) atteignait le nombre impressionnant de trois mille personnes"... On y causait économie politique, socialisme, travail, mais aussi athéisme et religion, littérature, astronomie... A côté de cette élite d'ouvriers qualifiés qui s'organisait pour émanciper le prolétariat de l'exploitation capitaliste, laquelle suscitait son admiration et nourrissait son optimisme quant aux chances de la révolution, Engels décrivait aussi, auprès des rivières contaminées par les teintures et les agents de traitement du textile d'où s'échappaient des odeurs fétides et des gaz dangeureux, le quart monde boueux des taudis surpeuplés par les familles fraîchement arrachées à la campagne ou les 40000 irlandais sous-payés de Manchester qui s'entassaient derrière Oxford Road et noyaient leur chagrin dans l'alcool, ce qui entraînait maltraitance conjugale et infantile, précocité des rapports sexuels, abrutissement généralisé...

Egoïsme des riches et des classes moyennes complètement étrangers aux hommes qui travaillaient à forger leur prospérité dans des conditions indignes, avilissement des travailleurs exploités, formaient déjà une dissociété ou une anti-société: "Cette indifférence brutale, cet isolement insensible de chaque individu au sein de ses intérêts particuliers, sont d'autant plus répugnants et blessants (....). La désagrégation de l'humanité en monades, dont chacune a un principe de vie particulier et une fin particulière, cette atomisation du monde est poussée ici à l'extrême" (La situation des classes laborieuses en Angleterre)... Et que pensaient les classes moyennes de cette société de misère? "Un jour, poursuit Engels dans l'ouvrage cité, je pénétrai dans Manchester avec un de ces bourgeois et discutai avec lui de la construction déplorable, malsaine, de l'état épouvantable des quartiers ouvriers et déclarai n'avoir jamais vu une ville aussi mal bâtie. L'homme m'écouta calmement et, au coin de la rue où il me quitta, il lança: "Et malgré tout, on gagne ici énormément d'argent. Au revoir, monsieur". Circulez, il n'y a rien à voir: business is business... L'aménagement de l'espace urbain, comme à Londres, à New-York ou à Paris aujourd'hui, facilitait la préservation de la bonne conscience des privilégiés et leur épargnait le contact avec les violences et les incivilités que leur société basée sur l'exploitation et l'inégalité produisait: "La ville elle-même est construite d'une façon si particulière qu'on peut y habiter des années, en  sortir et y entrer quotidiennement sans jamais entrevoir un quartier ouvrier ni même rencontrer d'ouvriers... Cela tient principalement à ce que les quartiers ouvriers - par un accord inconscient et tacite, autant que par l'intention consciente et avouée- sont séparés avec la plus grande rigueur des parties de la ville réservées à la classe moyenne".  

 

L'Angleterre était le laboratoire de la vampirisation du monde agricole traditionnel et de l'émergence la production industrielle capitaliste nourrie par le pillage colonial des matières premières des pays pauvres. Entre les années 1980 et les années 2000, elle a également été à la pointe du mouvement général de financiarisation de l'économie, de marchandisation généralisée des biens et services d'utilité publique, de destruction des droits sociaux et des garanties collectives cédant la place à une concurrence non faussée de tous contre tous pour le plus grand profit des élites financières, de désagrégation de la classe ouvrière et de ses anciennes structures de conscientisation, de solidarité et d'organisation - partis politiques et syndicats- au profit du chacun pour soi consumériste... Ce pays avait incarné pendant des années à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle une certaine idée de la force syndicale avec le Trade-Unionisme, prototype d'un mouvement ouvrier pragmatique et réformiste, non révolutionnaire et non politique, ne cherchant pas à agir sur le pouvoir central par le vote ou la grève générale, mais plutôt à améliorer la condition des ouvriers branche par branche grâce à une forte organisation bureaucratique du mouvement des producteurs en vue de négocier. Dans l'après-guerre et les années 1960-1970, un Labour Party très fort et souvent au pouvoir pour y mener des politiques socialistes assumées avait pris le relais de ce mouvement trade-unioniste et fait considérablement progresser les droits sociaux jusqu'à la crise mondiale du milieu des années 70 et aux difficultés du vieux complexe industriel anglais face à la concurrence des pays du sud aux ouvriers sous-payés.         

Mais le rouleau compresseur de l'ultra-libéralisme triomphant détruisit sans pitié tout un héritage de progrès sociaux enregistrés dans une société aux traditions demeurant fortement inégalitaires, symbolisées par ses écoles privées à destination exclusives des élites et visant à les reproduire sans mélange, lui qui fut incarné dans sa version brutale et ultra-conservatrice par Margaret Tatcher et representé plus tard dans sa version hypocritement chrétienne et philanthropique par Tony Blair et les traîtres à la classe ouvrière qui dirigèrent le New-Labour et prétendirent définir une "troisième voie" (de garage) entre l'ultra-capitalisme darwinien et le socialisme dirigiste, faite de pragmatisme économique et de consentement béat à la mondialisation et à la financiarisation de l'économie, de valorisation du rôle de l'entrepreneur mécène et bienfaiteur social, d'interprétation morale ou culturelle (déficit d'éducation ou ratés de l'intégration des populations issues de l'immigration) et non plus sociale et économique de l'origine des incivilités, de la pauvreté et du chômage, de focalisation de l'attention publique sur la délinquance de certains pauvres et de préconisation de la tolérance zéro.

 

Quels sont les résultats de ces 30 ans de guerre des classes conduite par les riches avec l'appui d'une pseudo-gauche de gouvernement? La City de Londres, malgré le krach financier de 2008 et grâce au hold-up qui a consisté à livrer dans la foulée  aux banques et organismes financiers britanniques intoxiqués par la dévalorisation de titres financiers spéculatifs des centaines de milliards de livres sterling extorquées aux contribuables, a supplanté Wall Street en tête du hit-parade des bourses mondiales. Londres est devenue la capitale de l'oligarchie mondiale où héritiers européens, magnats du pétrole, mafieux de Russie et d'ailleurs, népotes orientaux et africains, traders et banquiers plaçant leurs fortunes mal acquises dans des paradis fiscaux, investissent dans l'immobilier pour se donner une vitrine et une respectabilité et envoient leurs enfants dans des écoles privées aussi chères et élitistes que les suisses. Grâce aux politiques de baisse des impôts justifiées par le culte de la réussite individuelle et l'attractivité du territoire pour les investissements, le taux d'imposition des plus riches est passé sous Tactcher de 83% à 40% sans avoir été vraiment réévalué depuis (il n'est remonté qu'à 50% aujourd'hui). De ce fait, et à cause de la dévaluation des revenus du travail par rapport à ceux du capital (rente immobilière, spéculation...), les 10% de britanniques les plus riches ont des revenus cent fois plus élevés que les 10% les plus pauvres. 

De l'autre côté de la barrière sociale, les chômeurs sont légion, victimes de la désindustrialisation, de la mauvaise qualité des formations reçues dans une école publique délaissée (malgré l'opération odieuse de vente des écoles publiques aux mécènes privés et aux entreprises, y compris confessionnelles, organisée par Tony Blair), de l'abandon des quartiers pauvres, et de la récente crise économique terrible causée par les méfaits de la financiarisation et de la spéculation immobilière. 20% de jeunes britanniques sont aujourd'hui au chômage. L'accès à l'université, déjà peu valorisée par rapport aux grandes écoles privées d'Oxford et de Cambridge reservés aux super-privilégiés, devient inaccessible à une majorité de jeunes, du fait de l'augmentation des frais de scolarité de 300% (chiffres donnés dans l'Humanité dimanche de 18 août), ce qui a causé au printemps dernier un reveil politique des jeunes en Grande-Bretagne qui s'est traduit par des grandes manifestations violemment réprimées. L'Angleterre de 2011, apprend t-on toujours dans L'Humanité est aussi inégalitaire que celle de 1920: raccourci saisissant qui permet de bien mesurer la violence de la contre-réforme libérale que ce pays, présenté comme un modèle de toutes les réussites par beaucoup de journaux bien pensants et d'éditorialistes français du temps de Tony Blair, a subie, avec les Etats-Unis, plus que tout autre.

La dégradation de la moralité publique, des valeurs manifestées dans l'espace commun, médiatique et politique, le cynisme sans limite des classes possédantes, sont plus impressionnants encore que les chiffres témoignant de l'augmentation des inégalités, même si ces phénomènes sont reliés de manière consubstantielle. Entendons-nous bien: on ne parle pas d'abord de ces "hordes barbares" d'adolescents et de jeunes immoraux et violents produites par l'irresponsabilité de parents incapables de transmettre des valeurs à leurs enfants et de bien les éduquer, qui se sont défoulés dans les émeutes de Tottenham et d'ailleurs début août en cassant et volant des magasins ou des voitures. Cameron l'ultra-libéral est dans son rôle en faisant passer ces révoltés, conscients de la brutalité de la société qui les relègue à un rôle subalterne mais sans revendication ni objectif politiques clairement définis, pour des chiens enragés, des déviants que la société toute entière doit dénoncer et vouer aux gémonies, car ils n'ont aucune excuse, pas même celle de la mauvaise éducation ou du repli communautaire plus ou moins volontaire de leurs minorités culturelles, causes proclamées de leur comportement puisque l'on cherche à déresponsabiliser à tout prix la violence de relations sociales inégalitaires produites par le capitalisme et ses politiques: acculturation du peuple par des mass médias débilitants visant à transformer les citoyens réfléchis et capables de s'organiser collectivement en des mouvements revendicatifs en consommateurs dociles, précarisation et affaiblissement de la protection sociale et des services publics, crimininalisation des classes dangereuses...   

Non, ce qui soulève le coeur, c'est de voir que les politiques, et Cameron au premier chef, veulent faire passer les pauvres pour des assistés coupables de fainéantise qu'on ne peut remettre au travail qu'à coup de nerf de boeufs (d'où la baisse des allocations familiales et des allocations chômage, le travail d'intérêt général gratuit imposé aux chômeurs de longue durée indemnisée l'hiver dernier, en réponse à la crise de la dette... A l'UMP, on a pris des notes). Ce qui soulève le coeur, c'est de voir que l'on remet soudainement en cause le patriotisme des britanniques d'origine indienne, pakistanaise ou jamaïcaine en se fondant sur ces émeutes que l'on refuse d'expliquer par la pauvreté, le déclassement et la ségrégation sociale, ou sur des sondages indiquant que les habitants de Grande-Bretagne issus de l'immigration sont de moins en moins attachés à l'institution monarchiste... 

Il y a vraiment quelque chose de pourri dans le royaume d'Elisabeth II... En témoigne la surenchère martiale pour appeler à la dénonciation des émeutiers, qui vise, comme le dit l'article de l'Humanité dimanche déjà cité, "à dresser les couches moyennes contre les plus pauvres et à leur faire oublier que c'est leur politique (ultra-libérale) qui pousse le monde dans les pires affres"...  Ce pays qui avait des traditions de respect des libertés individuelles et des droits a franchi depuis les attentats du World Trade Center en 2001 et ceux de Londres en 2004, un cap extrêmement dangereux dans la mise en cause en cause des minorités culturelles et des traditions de tolérance, dans la mise en place d'une société de surveillance généralisée digne du Big Brother de George Orwell (n'oublions pas que c'est en Grande Bretagne qu'il situe le centre de sa société totalitaire dans la contre-utopie que constitue le roman 1984) et d'un arsenal liberticide et répressif, dans l'encouragement public à la délation passant par le non-respect de la présomption d'innocence (photos de suspects affichés dans les rues, le métro...) et l'enrôlement dans des milices populaires de citoyens armés et non formés...

Toutes ces mesures inquiétantes sont populaires car la population, matraquée comme en France par le complexe médiatique aux ordres du capital, a été encouragée à détourner le regard des mains de financiers, délinquants en col blanc qui la volent, pour craindre les jeunes paumés et parfois réellement violents et dangereux qui hantent les quartiers populaires. De ce fait, c'est le fascisme qui s'est installé dans les têtes insidieusement.

Ainsi, quand le tabloïd "The Sun" de Robert Murdoch exhorte les policiers en une à tirer à balle réelle sur les émeutiers le 10 août dernier, cela ne choque plus grand monde... Rappelons que cet inflexible redresseur de tort qu'est Murdoch, qui avait conclu en d'autres temps un pacte de non-agression et de business partagé avec Tony Blair, est actuellement au coeur d'un scandale d'écoutes téléphoniques organisées par ses torchons pour violer la vie privée des stars et de victimes d'attentats et de drames familiaux... Rappelons que ces parlementaires qui n'ont pas de mots assez durs  aujourd'hui contre les émeutiers ont allègrement pioché dans l'argent public qui aurait dû être destiné à améliorer le système d'éducation, de santé, de transports (...etc.) pour remettre à flot les banquiers victimes de la dévaluation de leurs placements spéculatifs hautement rentables, et se sont eux-mêmes, pour certains travaillistes comme Gordon Brown, servis dans le bourse de la nation pour embaucher des femmes de ménage, embellir leurs appartements...

La tolérance zéro, pour ces nantis, ne s'applique qu'aux gueux... 

Même si nous aimerions être surpris par un réveil des luttes émancipatrices, il n'y a guère de raisons aujourd'hui d'être optimiste sur l'évolution politique et sociale en Angleterre tant la dictature de la finance et le vérouillage du système démocratique sont bien installés, tant les forces de progrès social sont affaiblies et les solidarités collectives désagrégées, mais la situation dramatique de ce pays où des vieux de 70 ans privés de pension continent à travailler, où les salariés actifs cumulent souvent deux ou trois contrats précaires à temps partiels pour travailler jusqu'à 70 heures par semaine, où l'on revoit des hommes et des femmes se louer à la journée pour servir de mannequins vivants dans les magasins de vêtements ou "d'hommes sandwich", nous donne une idée de l'abîme où pourrait sombrer notre propre pays si on ne se bat pas assez efficacement pour faire échec aux ultra-libéraux qui veulent détruire des acquis sociaux et démocratiques glorieux issus des luttes de la révolution, des combats socialistes et ouvriers de la IIIème République, du Front Populaire et de la Résistance, ainsi que de mai 1968.   

 

Ismaël Dupont.

 

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17 août 2011 3 17 /08 /août /2011 06:27
Transmise par Patrick Le Hyaric, député européen, voici une information affligeante mais guère surprenante tant l'on constate chaque jour que les plus démunis sont ceux à qui les décideurs politiques font payer de préférence le coût de la crise du capitalisme financiarisé:  
Suppression de l'aide alimentaire, une décision scandaleuse

Lundi 20 juin la Commission a décidé une réduction drastique des fonds du programme destiné à l'aide alimentaire. Jeudi 7 juillet le Parlement a débattu de la réduction de ce fonds qui bénéficie à plus de 240 banques alimentaires en Europe.

L'aide alimentaire aux plus démunis est un programme doté d’une enveloppe de plus de 500 millions d'euros. A la suite d'une plainte de l'Allemagne appuyée par les six autres Etats qui ne participent pas à ce programme, la Cour de Justice a émis un arrêt selon lequel le programme ne devrait pas reposer sur les fonds de la Politique agricole commune mais sur les fonds sociaux de l'Union européenne. Cette décision produit un impact très concret car, cette section du budget étant moins conséquente, la Commission a réduit de 500 à 113 millions d'euros les fonds destinés à ce programme.

Voici un extrait de l'intervention de Jacky Henin, élu du Front de Gauche : « Madame la Présidente, nous sommes ici confrontés à un véritable scandale, à un déni de justice. Alors que, depuis 1987, l'Europe vient en aide aux plus démunis, en leur fournissant un complément alimentaire sans lequel de très nombreuses familles ne mangeraient pas tous les jours, voilà que, parce que quelques États bloquent la mécanique, parce qu'en Europe, malheureusement, on ne sait faire des économies que sur le dos des faibles, nous allons droit vers une catastrophe alimentaire pour plus de 20 millions d'Européens ».

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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 06:39

Dans cet excellent édito paru dans L'Humanité le 21 janvier 2011, Patrick le Hyaric dénonce les responsables de l'instabilité mortifère des économies capitalistes et de la crise de la dette, et indique la seule voie possible d'un rétablissement d'une stabilité et d'une prospérité économique et sociale en Europe: la restauration de la souveraineté des démocraties en matière économique et de leur pouvoir de contrôle sur les flux de capitaux et la création monétaire.  

 

"Une petite bande organisée de spéculateurs cagoulés, agissant dans l’ombre, s’attaque chaque jour à la monnaie européenne, spécule sur la dette afin d’en tirer d’énormes profits. Ils achètent des obligations d’Etat à la moitié de leur valeur et les revendent à 100% voire à 120, 150%. Mieux encore ! Ils osent prétendre, avec les dirigeants et les média à leur service,  qu’il n’y a pas d’argent pour l'emploi, les salaires, les retraites, la formation...! Dans tous les pays, le discours est le même alors que la masse des produits financiers dérivés atteint la somme astronomique de 600 000 à 750 000 milliards de dollars. Douze fois la valeur de toutes les richesses produites sur la planète ! Qu'à cela ne tienne, ces adeptes de la pensée unique, celle-là même qui a produit la crise, regardent l’Union européenne se fissurer et ajoutent des plans d’austérité aux purges sociales d'un bout à l'autre du continent.

Il n’y a pas de solidarité parce que les antagonismes entre les forces nationales du capital sont puissants, au sein même de l’Union européenne, et à l’échelle de la planète. Ainsi, on voit comment, notamment, les puissances industrielles et financières allemandes sont en compétition avec celles d’autres pays, en particulier la France. Ce sont les travailleurs qui partout, comme toujours, en font les frais.

L'ahurissant dogme de la liberté totale de circulation des capitaux et des marchandises, tamponné dans les traités européens et répété en boucle par les « élites », ne fait que pousser à l'extrême les tensions et les antagonismes. La gravissime situation actuelle ne doit donc rien au hasard. Les déréglementations économiques et financières de la fin des années 1980 produisent leur terrible effet.  Leur conception de la monnaie unique n’a toujours visé, d’une part, qu’à satisfaire les marchés financiers et, d’autre part, qu’à exaucer les demandes du capital allemand. La satisfaction des marchés financiers, dans la rivalité avec le dollar, se fait en jouant avec les taux d’intérêt, en surévaluant en permanence la valeur de l’euro. L’emploi, le développement, social et économique sont ainsi sacrifiés.

La stratégie allemande a consisté depuis plus de vingt ans à développer une guerre commerciale au sein même de l’Union européenne, à l’opposé de l’idée de solidarité européenne. Certes on ne dévalue plus les monnaies nationales. On dévalue les salaires. C’est ce qu’ont fait les dirigeants Allemands depuis longtemps, tout en utilisant l’Europe centrale comme arrière-cour pour leurs exportations, ou des délocalisations pour bénéficier de salaires encore plus bas.

Nous sommes bien loin des slogans sur l’unité européenne. Les populations subissent les dégâts d'une guerre commerciale, économique, monétaire et sociale intra-européenne, sous l'égide des traités de Lisbonne et de Maastricht, basés sur la concurrence libre. C’est l’Europe des banquiers, contre la démocratie, qui est à l’œuvre. Les chefs d’Etat et de gouvernement mettent une semaine à se réunir alors  que la semaine dernière s’est tenue à Rome une réunion des banquiers européens dans le quasi secret, sans aucune autorité politique. Il faut en finir avec cela !

Nous qui pourtant avons combattu non pas l’idée européenne, non pas l’Europe des peuples solidaires, mais les traités instituant des politiques européennes, ne nous doutions pas que la catastrophe viendrait si vite et serait si forte. Nous ne nous en réjouissons pas. Après les peuples irlandais, grecs, portugais, voilà que les italiens se voient imposer en quelques heures un plan d’austérité. La même déjà à l’œuvre, au Royaume-Uni comme en France, avec la contre-réforme des retraites, le blocage des salaires, la réduction des services publics. Depuis des mois, on nous explique sur tous les tons que c'est indispensable pour « rassurer les marchés financiers ».

Mais au nom de quoi,  de quel intérêt supérieur, faut-il « rassurer » ces marchés financiers qui font tant de mal aux peuples, aux pays, et à l’idée européenne elle-même ? La priorité n'est-elle pas à rassurer les populations? Au nom de quoi l’argent de la spéculation doit-il mener le monde ?

Que l’on rende publique la liste des fonds spéculatifs, qui font de l’argent sur la dette des Etats et conduisent leurs dirigeants à saigner les travailleurs et les retraités, tout en sacrifiant les services publics. Que l’on nous dise quelles institutions financières sont derrière et arment ces fonds spéculatifs. Qu’un débat public soit lancé sur l’efficience ou pas des traités européens qui régissent l’Union européenne. Il faut refuser la mise sous tutelle des budgets nationaux, sociaux et des collectivités territoriales avec cette fameuse « règle d’or » que veut imposer le pouvoir. Qu’un audit public, avec participation des syndicats et des citoyens, soit réalisé sur la nature des dettes des Etats. On découvrira quel est le résultat des baisses des impôts sur le capital, de la réduction de l’activité économique, et des frais financiers énormes qui grossissent année après année la dette. Il faudra bien se rendre à l’évidence. Il n’y a pas de solution sans considérer une part importante de la dette comme illégitime, parce qu’elle a été gonflée d'énormes frais financiers qui n’ont servi qu’à grossir les profits des rapaces de la finance. Il devient donc urgent de réorienter radicalement le rôle de la Banque centrale européenne pour qu’elle prenne en charge tout ou partie de la dette, par rachat, et par création monétaire, tout en insufflant des moyens à un fonds de développement humain, social et écologique, à la place du fonds pour l’euro d’aujourd’hui qui n’a justement pas d’autre objectif que de « rassurer » les marchés financiers. Il faut instituer une taxe sur les transactions financières et décider un moratoire sur le paiement des intérêts de la dette.

Seule une combinaison associant la relance économique, le progrès social, des investissements pour une économie durable et solidaire, le développement des services publics, le désarmement des marchés financiers pourra amorcer un processus de sortie de crise. Fondamentalement, l’actuelle crise européenne et la crise de l’euro, facettes de la crise globale du capitalisme, posent avec force la question de la nature et des finalités de la construction européenne. Construire pour les rapaces de la finance ou pour les peuples ? Le débat ne pourra pas éternellement être éludé. Que nos concitoyens s'en emparent !"

  

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5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 06:15

 

ça y est...! Papandréou le collabo a réussi a faire voter au Parlement un gigantesque plan de saignée sociale refusé par 85% des Grecs et des dizaines de milliers de manifestants et de grévistes brutalisés par la police la semaine dernière.   

Rassurez-vous? Aucun espoir que ce plan d'hyper-austérité qui plonge le pays dans une recession plus noire encore, après que le premier plan d'austérité décidé début 2010 ait été responsable des 4,5% de recession (croissance négative du PIB) enregistrés cette année,  réduise un peu la dette de 350 milliards d'euros des Grecs... Il s'agit simplement de faire accepter le nouveau prêt d'urgence de 12 milliards que les Etats européens et le FMI accordent aux Grecs pour qu'ils remboursent les intérêts exhorbitants de leur dette et ne se déclarent pas insolvables en demandant une restructuration de la dette, voire une annulation d'une partie d'entre elle.  Cela aurait été sans doute alors un vent de panique dans les milieux bancaires et assurantiels générant un relevement des taux d'intérêt des emprunts accordés aux autres pays européens endettés fortement, une aggravation de la crise de la dette en Europe et des attaques contre l'euro.

 

L'autre solution qui n'a jamais été envisagée aurait été que la BCE revoit ses missions, qu'elle crée de la monnaie pour solder la dette grecque et devenir un instrument de coopération plutôt que de police néo-libérale au service d'une politique déflationniste qui sert essentiellement les intérêts du capital et des rentiers au détriment de l'emploi et de l'activité économique.   

 

Ce qu'on impose au peuple grec pour ne pas mettre les puissances financières en colère (et ainsi se faire agresser par l'hydre hideuse et incontrôlable du pouvoir financier créée par une dérégulation et une financiarisation de l'économie encouragées politiquement par les gouvernements apprentis sorciers européens, y compris sociaux-démocrates, dans les années 80-90)  ni revoir les dogmes libéraux qui président au fonctionnement du FMI et de l'Union européenne est purement et simplement criminel.  

Jugez plutôt les mesures délirantes de ce nouveau plan d'austérité de 28 milliards d'euros d'économie à faire d'ici 2014 qui vise à réduire le budget de l'Etat à 44% du PIB contre 53% du PIB en 2009.  

Des médicaments des personnes âgées qui ne seront plus remboursés qu'à 50%. Privatisations du secteur de l'eau, de l'électricité, du gaz, des Télécom, du rail, de la loterie nationale. Suppression de 86000 emplois publics. Nouvelle baisse des salaires des fonctionnaires. Augmentation de la TVA et baisse du seuil de revenus pour payer l'impôt sur le revenu (des travailleurs pauvres gagnant 450 euros y seront désormais astreints).    

Rappelons qu'en 2010,  l'équivalent de 2 mois de salaire par an avait déjà été retiré aux fonctionnaires, la TVA avait été augmentée de 2 points, des hausses de taxe sur l'alcool, le tabac, les carburants avaient été imposées, et la durée de cotisation pour les retraites avait été augmentée de 3 ans.   

 

Papandréou avait dit préférer "restructurer le pays" (en commençant par le démolir) plutôt que de "restructurer la dette". Je vous propose d'écouter une nouvelle drôle et brillante petite chanson engagée de "La Parisienne Libérée" invitée sur le plateau de "Arrêt sur Images" qui explicite ce beau programme !   

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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 09:50

C'est l'été, une petite chanson pour la fête de la musique:

 

 

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25 juin 2011 6 25 /06 /juin /2011 10:08

Le lundi 20 juin, les militants du collectif "Un bateau pour Gaza" de la région de Morlaix se sont retrouvés dans le local du PCF Morlaix, rue de Callac, pour un repas convivial destiné à célebrer la belle aventure humaine que fut l'organisation des collectes de fonds et du fest-noz de Saint Thégonnec le 22 avril 2011 avec des citoyens engagés issus des mouvements et des courants de pensée les plus divers: Association des Chrétiens contre la Torture, Amnesty International, Ligue des Droits de l'homme, PS, PCF, NPA, les Verts, Morlaix-Vavel, AFPS...  

 

Rappelons qu'à Gaza, 1,6 millions d'habitants vivent sur 370 km2 (une des plus fortes densités de population au monde). 70% des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté et 80% de la population de Gaza dépend de l'aide humanitaire.

Depuis la victoire électorale du Hamas et la capture du soldat Gilad Shalit retenu en otage depuis 5 ans par un commando palestinien, Israël impose un blocus à cette petite enclave, relayé par l'Egypte, alliée des Américains jusqu'à la chute de Moubarak, blocus qui prive de tout les gazaoui.

En 2008, l'opération israélienne "Plomb durci" sur Gaza, une agression avec des forces disproportionnés contre une population sans défense, a fait 1400 victimes en 22 jours et s'est accompagnée de nombreux crimes de guerre et des possibles "crimes contre l'humanité" reconnus par le rapport Glodstone de l'ONU.

 

Le 21 mai 2010, l'arraisonnement brutal par un commando israélien du bateau turc qui cherchait à forcer le blocus de Gaza et à mettre l'injustice mortifère dont souffrent ses habitants au coeur de l'actualité internationale avait fait 9 morts et de nombreux blessés. Sous la pression (trop peu élevée) de la communauté internationale, Israël avait légèrement assoupli son embargo le mois suivant sur les biens "à usage civil", tandis que les matériaux de construction, par exemple, susceptibles d'utilisation militaire, restaient sous embargo.

 

L'attaque brutale de l'armée israélienne contre des civils étrangers avait manifesté le sentiment d'impunité et l'extrême violence de ce régime qui colonise à tout va, emprisonne les palestiniens et les prive de leurs ressources et de leurs possibilités de travailler dans les enclaves arabes en Israël et les territoires occupées, et qui justifie des représailles disproportionnées à chaque tir de roquette ou attentat palestinien.

 

La flotille de la liberté qui va voguer vers Gaza à partir de plusieurs ports du pourtour méditéranéen comporte deux bateaux français partant d'Athènes et d'un port du sud de la France où sont embarqués des militants des droits de l'homme, de la cause palestinienne et des personnalités publiques de gauche comme le député communiste du Havre ou Olivier Besancenot. Cette flotille a pour but de dénoncer les scandales:  

 

- de la punition collective injustifiée dont sont victimes les gazoui.

 

- de la non reconnaissance d'un gouvernement qui, quoique partisan d'une idéologie islamiste contestable et dangeureuse, est issu d'une majorité politique issue des élections (celui du Hamas).   

 

- de la prétention d'Israël à gérer les frontières d'un territoire palestinien souverain et de porter atteinte à la liberté fondamentale de circuler librement et à la possibilité pour cette enclave palestinienne de développer son économie.

 

Le ministère des Affaires Etrangères français et l'ensemble des gouvernements européens, sous l'influence des Israéliens arguant de la possibilité d'acheminer des vivres et du matériel humanitaire par voie de terre sous leur contrôle, ont tenté de dissuader la mise en place de cette nouvelle flotille en route vers Gaza. Mais l'objectif de cette opération est plus politique encore que militaire: manifester au grand jour l'arbitraire de la politique israélienne pour augmenter le niveau de pression sur cet Etat et desserer l'étau qui étouffe la population de Gaza.  

 

Pour ceux qui veulent le visionner, vous trouverez ici un petit film d'animation politique, poétique et pathétique de soutien au peuple de Gaza.   

Vive la Palestine libre et rendue dans ses droits!  

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24 juin 2011 5 24 /06 /juin /2011 08:20
Signalée par Alain David, voici une réaction intéressante  d'André Chassaigne sur son blog à l'échec du G20 de Paris (faisant suite à 8 mois de négociation) des ministres de l'agriculture organisé en France qui devait limiter la spéculation sur les matières premières agricoles et réguler les marchés pour contenir les fluctuations des prix agricoles afin de faire face aux besoins alimentaires des plus pauvres et aux besoins de rémunération des paysans. A l'horizon 2050, selon les experts, il faudra augmenter de 70% la production pour faire face aux besoins alimentaires de la population mondiale, en augmentation principalement dans les pays en voie de développement. 
Avec quelles conséquences sur l'environnement et la santé si on fait face à ces besoins en faisant appel aux seules entreprises privées et à leur logique de rendement et de rentabilité à court terme? Avec quelle garantie que la hausse de la production agricole soit bien une visée des Etats (ce qui suppose d'aider l'agriculture locale et non de la sacrifier sur l'autel de l'ouverture des marchés ou de la modernisation de l'économie) et qu'elle s'accompagne, grâce à des prix rémunérateurs pour les matières premières produites par les paysans des pays pauvres et à des mécanismes de coopération, d'une meilleure ventilation de cette production alimentaire et du nombre de calories disponibles? Rappelons qu'une personne sur six sur la planète est sous-alimentée et que la crise capitaliste de 2007-2008 (qui a transformé les matières premières agricoles en valeur refuge pour la spéculation), combinée à la destructuration des politiques agricoles nationales, régionales et mondiale, et à l'exode rural, a fait basculer en seulement 2 ans près de 200 millions de personnes supplémentaires vers la faim.  
Quels sont les investissements publics dans la recherche et l'expérimentation agronomique pour les pays en voie de développement qui sont réellement libérés de la tutelle du profit capitaliste à court terme des grands groupes agro-alimentaires? Quels sont les moyens que se donne la communauté internationale pour lutter contre l'accaparement des terres par les puissances financières et l'expulsion des paysans traditionnels pratiquant une culture vivrière au profit des monocultures d'exportation (pour pallier aux besoins de l'élevage surdimensionné des pays riches, pour fabriquer des agro-carburants, ou confisquer la terre aux mains de puissances financières nationales et étrangères pour la revendre ou l'exploiter plus tard...)?  Comment lutter contre les égoïsmes des pays producteurs et exportateurs (Etats-Unis, Brésil, Argentine, par exemple) qui cherchent à maximiser les prix des matières premières agricoles en faisant des stocks qui condamnent à la famine des pans entiers des populations des pays pauvres, que le libéralisme du FMI et de leurs gouvernements a rendu dépendantes des cours mondiaux et des importations? Comment créer des réserves d'urgence, des stocks de régulation, détenues par la communauté internationale pour des objectifs de coopération et de lutte contre la faim et l'exode rural, qui pourraient permettre de lutter contre la volatilité des prix et ses conséquences?
Si le G20 agriculture de Paris a été un échec, c'est que la France a accepté, pour ne pas aboutir sur une impasse totale, que l'engagement de rendre public pour les Etats leurs stocks de matière agricole afin de limiter la spoéculation liée aux attentes de remontée des cours et aux incertitudes sur l'état de la production mondiale ne soit que facultatif. Une déclaration de principe de plus, sa valeur contraignante... C'est aussi qu'on ne s'est pas réellement attaqué au business des cinq multinationales qui contrôlent 75% du commerce international de céréales (cf. La Croix, 22 juin 2011), ce qui aurait impliqué de revenir sur leurs stratégies de pénétration des marchés régionaux par leur intégration à l'économie-monde financiarisée et l'imposition à tous les Etats du modèle libéral de libre circulation des marchandises et des capitaux.      

   

 

Une nouvelle fois, la « politique-réclame » du chef de l'État se conclut par un fiasco : les représentants des vingt économies les plus puissantes de la planète refusent de faire face à leurs responsabilités pour sortir l’agriculture des griffes des intérêts privés et de la fuite en avant dans la spéculation.

Ce jeudi 23 juin, les conclusions de l’initiative française se résument ainsi à un copié collé pour l’agriculture des mauvaises recettes appliquées à l’ensemble de l’économie mondiale après la crise financière de 2008.

L’accord des 20 pays se limite ainsi à améliorer la « transparence » des marchés et la « connaissance » des stocks agricoles, « en encourageant les pays à partager leurs données » et « à prendre des mesures appropriées pour une meilleure régulation ».

En dehors de ces vagues intentions, et de quelques vœux pieux sur l’augmentation de la production mondiale, aucune volonté politique n’a transparu pour extirper l'agriculture des dogmes libre-échangistes, et des dumpings sociaux, économiques, environnementaux conduits par l'OMC, le FMI, la Banque mondiale.

Comme l’a affirmé le ministre français de l’Agriculture, il s’agit bien d’un accord « historique », puisqu’il prétend tout résoudre sans rien changer sur le fond de la politique agricole et alimentaire mondiale. Les représentants des grandes puissances ont tourné le dos à l’humanité en montrant une nouvelle fois l’immense hypocrisie qui consiste à faire croire que tout change sans rien changer. L’instabilité des prix et la spéculation sur les marchés agricoles n’ont donc pas fini d’affamer les peuples du monde.

Saisir l’enjeu de civilisation d'un nouvel ordre alimentaire mondial suppose au contraire de mettre en place une véritable réforme agraire de dimension internationale, avec pour principes fondateurs la souveraineté alimentaire des peuples, et la protection de marchés communs régionaux fondés sur le développement d’une agriculture paysanne et la complémentarité des productions.

Plus que jamais, il faut en finir avec l’incantation politique. Plus que jamais, l'agriculture doit être considérée comme un bien commun de l'humanité.

 

                                                             André Chassaigne.

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18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 20:06

 

J'écoutais il y a une semaine, vers 7h50, la chronique que l'ancien rédacteur en chef de Courrier International, Alexandre Adler, consacrait à la Syrie sur France Culture. En gros, celui qui a pris depuis une dizaine d'années le virage du néo-conservatisme sioniste après avoir été maoïste dans sa jeunesse nous disait qu'il y a quelques semaines, on ne voyait pas comment un changement de régime pouvait se produire en Syrie, car les États voisins n'avaient pas forcément intérêt à voir partir le clan Assad et s'installer une démocratie dans un pays politiquement et économiquement à bout de souffle: l'Iran, parce qu'il est un allié de la Syrie, qui contrôle son bras armé au Liban, le Hezbollah; la Turquie, parce qu'elle est en train de coloniser économiquement la Syrie; l'Arabie Saoudite et les Américains, parce que la Syrie est un élément de stabilité dans la région, et l'on craint en cas de changement de régime une perte de contrôle sur la situation libanaise et une montée de l'islamisme et de l'agressivité contre Israël en Syrie (les Etats-Unis ont aussi eu recours à l'aide des services de renseignement syriens pour « lutter contre le terrorisme » et délocaliser la torture) ; Israël, parce qu'au moment où il perd un à un ses alliés arabes (Ben Ali, Moubarak), il a besoin de compter sur un pays avec lequel il est toujours officiellement en guerre, mais qui en réalité cherche essentiellement à contrôler sa population avec son armée et à maintenir un statut quo inoffensif dans ses rapports avec l'état hébreu.

Alexandre Adler concluait son analyse en disant que maintenant, les voisins de la Syrie voyaient s'installer une situation de point de non retour dans le pays du Levant avec une escalade de la répression de la part d'un régime qui par la dureté de sa riposte radicalise le ventre mou de la population qui n'aspirait jusque là qu'à des réformes démocratiques modérées, sans appeler au départ de Bachar el-Assad. La violence risque de s'installer durablement dans le pays et le régime bassiste apparaît condamné à terme. Or, loin de se féliciter d'une possibilité d'évolution démocratique de la Syrie, ses voisins, selon Adler, feraient contre mauvaise fortune bon cœur et se réjouiraient cyniquement de voir cet État qui, sous Hafez el-Assad, n'avait cessé de remuer les braises de la division ethnico-confessionnelle chez son petit voisin libanais afin d'orienter la guerre civile pour le profit de ses intérêts stratégiques, victime à son tour d'une balkanisation et de risques de conflits ethnico-confessionnels entre les communautés chrétiennes, alaouites, sunnites, chiites, kurdes, druzes, communautés qui, selon le chroniqueur, seraient actuellement en recherche d'alliance étrangère pour consolider leurs positions et défendre leurs intérêts face aux autres communautés.

 

Il n'est pas impossible en effet qu'il y ait des risques à moyen terme de conflits plus ou moins violents entre ces communautés, qu'ils soient motivés par des revendications séparatistes, des fanatismes religieux et des disputes pour le pouvoir et ses avantages économiques. En particulier, les chrétiens de Syrie – arméniens, maronites, catholiques syriaques, orthodoxes- qui constituent un peu moins de 10% de la population et sont en voie de marginalisation du fait de leur moindre dynamisme démographique et de l'exil d'une partie des membres des communautés les plus fortunés et dotés culturellement, étaient protégés par le régime et soutenaient le patriotisme laïc dont il se prévalait: le repli identitaire observé dans la société les années 1990 et 2000 (qui les concerne également) constitue une menace potentielle pour eux, qui pourraient être stigmatisés si la majorité sunnite reprenait le pouvoir, un peu comme cela se passe aujourd'hui en Egypte avec les Coptes.

En effet, jusqu'à présent, comme hier dans l'Irak du Baas et de Sadaam Hussein, une minorité confessionnelle dominait le pays en Syrie (les alaouites de la montagne du nord-ouest de la Syrie, contrôlant l'armée, les services de renseignement, et le parti Baas, et s'appuyant aussi dans une certaine mesure, sur une alliance avec la bourgeoisie chrétienne), mais en garantissant avec des moyens autoritaires, sinon une vraie laïcité, du moins une neutralité de l'État par rapport aux cultes, et un climat de relative tranquillité pour les minorités culturelles et religieuses joint à une répression de l'Islam politique à volonté hégémonique.

Toutefois, il est frappant de constater que Alexandre Adler est incapable d'envisager une évolution démocratique, pacifique, et tolérante de la révolution citoyenne syrienne, soit parce qu'il partage les présupposés culturalistes teintées de racisme larvé des adeptes du choc des civilisations (présupposés démentis justement par le printemps des peuples arabes) qui ne croient pas les peuples arabes capables d'accéder de leur propre initiative, du fait de leur religion et de leur histoire, à une société ouverte, démocratique et libérale, soit parce qu'il imagine l'avenir probable à partir de son désir de voir Israël pouvoir exploiter les divisions de ses adversaires. En tout cas, cette analyse conduite avec le ton péremptoire qui caractérise Alexandre Adler et les adeptes de la realpolitik cynique au service des intérêts occidentaux de sa sorte, qui considèrent les peuples comme des pions sur l'échiquier des rapports de forces entre puissances amies (pro-israéliennes et pro-occidentales) ou ennemies (en révolte contre l'ordre impérialiste occidental, potentiellement anti-sionistes), manifeste un beau mépris pour le courage inouï et les motivations démocratiques et sociales des centaines de milliers de Syriens qui manifestent et s'organisent au péril de leur vie depuis presque deux mois pour arracher des concessions démocratiques au clan Assad d'abord, et maintenant pour l'expulser du pouvoir.

 

J'ai eu la chance de pouvoir séjourner avec ma compagne et mes enfants en Syrie cet été pendant un mois et demi. C'est un des voyages les plus extraordinaires que nous avons jusqu'ici eu la chance de faire en dehors de l'Europe. Les Syriens qui évoluent dans une société multiculturelle à l'histoire extraordinairement riche, sont distingués, d'une politesse exquise, très accueillants: leurs rapports entre eux, en première apparence, semblent marqués par la courtoisie et la fraternité. Les inégalités et les distances sociales n'apparaissent pas très grandes entre eux au premier abord, si l'on excepte toutefois les privilégiés de l'armée et l'espèce de mafia qui gravite autour des dignitaires du régime et contrôle les grandes entreprises privatisées. Les infrastructures de transports, les villes, les services publics de santé et d'éducation n'apparaissent pas aussi délabrés qu'en Égypte ou au Maroc: on n'a pas le sentiment d'être dans un pays sous-développé quand on circule dans les villes.

Cependant, une enquête du Programme des Nations Unies pour le Développement révélaient que 30% des syriens vivaient en dessous du seuil de pauvreté, 2 millions ne pouvant subvenir à leurs besoins alimentaires, principalement dans le monde rural et semi-désertique et dans les périphéries des villes où se pressent les victimes des sécheresses et de l'exode rural. Depuis la libéralisation économique des années 1990-2000, avec la baisse en particulier de l'emploi public et des salaires dans la fonction publique, la classe moyenne s'est également appauvrie: le niveau de vie moyen des syriens s'est détérioré (1000 dollars par habitant et par an en moyenne: il a baissé de 10% entre 1980 et 2000) avec un fort de taux chômage et une crise du logement. La plupart des gens sont obligés de cumuler plusieurs emplois pour s'en sortir et vivent sans confort, en ne s'assurant que la satisfaction des besoins élémentaires. En Syrie, les ressources pétrolières, qui représentent les 2/3 des exportations et 50% des revenus de l'Etat, sont accaparées par le clan Assad et sa clientèle.

 

Bachar el-Assad a succédé à 34 ans à Hafez-el-Assad comme président-dictateur de la Syrie le 13 juin 2000. Pourtant éduqué dans un contexte occidental et s'étant destiné à une carrière d'ophtalmologiste dans le civil, il n'a pas apporté les réformes d'ouverture démocratique et de respect des droits humains qu'on voulait espérer de lui, malgré la curiosité de la succession dynastique dans un régime censément présidentiel. L'état d'urgence instauré en 1962 dans le sillage des atmosphères de coups d'état militaires qui ont suivi la séparation avec l'Egypte, qui conduit à donner les pleins pouvoirs au président, au parti-Etat du Baas, et aux services de sécurité, n'a pas été aboli. Toute opposition politique, y compris celle des différentes fractions d'une mouvance communiste autrefois très puissante qui ont refusé de se faire intégrer dans le régime dictatorial (en 1973, au début du règne d'Hafez-el-Assad, les communistes, honnis par un Hafez qui représentait la fraction la plus nationaliste et de droite du Baas socialiste et pan-arabe, se sont séparés en deux fractions acceptant d'être représentées dans le rassemblement présidentiel et une majorité rentrant dans l'opposition clandestine, dont les leaders ont été éliminés, emprisonnés et torturés, contraints à l'exil: à la dernière fête de l'humanité, le stand du parti communiste syrien « acheté » et officiel était à 50 mètres du stand du parti communiste syrien clandestin et persécuté, où j'ai pu m'entretenir avec de vieux militants en exil), est réprimée et empêchée de s'exprimer.

D'emblée, Bachar n'a pu imposer son autorité qu'en donnant des gages au clan familial (ses oncles, son beau-frère ont d'abord fait figure de rivaux dangereux) et au clan alaouite qui tient le pouvoir en Syrie: son pouvoir s'appuie comme celui de son père sur tout un appareil sécuritaire reposant sur quatre services de renseignement différents (les moukharabat assurant renseignements et sécurité du régime, contrôlant l'armée composée de 300000 hommes et affectée par la perte de revenus lié au retrait du Liban en 2005, et la société) et des unités d'élites militaires. Quand on demande « qui gouverne en Syrie? », les syriens, nous dit la spécialiste française de la Syrie contemporaine Caroline Donati (L'exception syrienne: entre modernité et résistance), qui dénoncent le règne des moukharabat, répondent « les services de renseignement »: « Organiser un mariage, ouvrir un commerce, fonder une association, envoyer un fax, s'inscrire à l'université ou dans des instituts de formation, importer des pièces détachées d'automobile: autant de gestes de la vie quotidienne qui nécessitent l'autorisation des omniprésents services de renseignement ». Le système de sécurité s'autonomisait déjà par rapport au pouvoir du clan Assad avant le début de la révolte citoyenne en Syrie: il fonctionnait tout seul et assurait essentiellement la protection de ses intérêts. Avant 2011, le parti Baas n'était déjà plus vraiment une force sociale pour asseoir le pouvoir autoritaire de Bachar: un parti fourre-tout composé aussi bien de riches et de pauvres, de paysans et d'ingénieurs, et où beaucoup, à la base, se plaignent de la corruption du régime et des régressions sociales. Un parti qui vieillit, s'éloigne de la société, particulièrement dans les villes: « seuls 29000 Damascènes en sont membres effectifs sur une population de 4,5 millions d'habitants » selon Caroline Donati. Et encore, beaucoup de membres du Baas sont loin d'être convaincus par la qualité des orientations politiques prises par Bachar ni par l'idéologie officielle du Baas, leur adhésion devant davantage à des raisons opportunistes d'intérêt personnel.

 

Qu'est-ce qui explique la force du soulèvement populaire en Syrie ? D'abord, évidemment l'exemple du courage des citoyens tunisiens et égyptiens qui, en s'organisant pour rompre le lien de la peur et manifester ensemble pacifiquement, ont réussi à faire chuter des régimes tout aussi corrompus et répressifs que celui des Assad, mais qui étaient moins destructeurs de toute opposition politique et de la liberté d'expression et davantage liés aux intérêts occidentaux, et donc sur lesquels ces derniers avaient une certaine prise.

En Syrie, on a aussi un contexte de récession économique et de crise sociale liée à une absence de partage des richesses et à des politiques libérales au service des privilégiés. On a une population de 17 millions d'habitants dont la moitié ont moins de 20 ans, avec des diplômés et des moins diplômés sans autre perspective que le chômage, la précarité ou les bas salaires qui aspirent à plus de liberté, plus de reconnaissance institutionnelle et sociale de leur dignité, plus d'égalité, moins de favoritisme et de corruption au plus haut niveau du pouvoir. En 2009, par exemple, l'influent cousin du président, Rami Makhlouf avait des intérêts dans 9 des 12 banques privées que compte le pays, avait une exclusivité sur les entreprises de téléphonie mobile domiciliées dans des paradis fiscaux, et des capitaux dans l'exploitation pétrolière, l'immobilier. « Sous Bachar, écrit E.Picard cité par Caroline Donati, le caractère patrimonial du régime se combine avec l'épanouissement d'un secteur capitaliste ultralibéral voire mafieux. C'est ce « capitalisme des copains », combiné à la persistance de l'autoritarisme, qui fait du régime ba'thiste aujourd'hui un régime néo-patrimonial ». La nouvelle clientèle du régime, ce sont les nouveaux entrepreneurs de l'économie globalisée et des des anciennes grosses entreprises publiques de l'ancien État socialiste aujourd'hui privatisées qui sont protégés par le régime pour faire leurs affaires et n'ont surtout pas intérêt à ce que cela change. En Syrie aussi, les chaînes satellitaires arabes et internet ont permis de faire circuler l'information et de contourner la propagande et la désinformation du pouvoir. De plus, la ferveur musulmane des sunnites joue certainement un rôle important dans l'esprit d'indépendance et de sacrifice des jeunes qui débutent dans les mosquées leurs marches de colère contre un régime qui en 1982, n'avaient pas hésité à massacrer 15000 personnes au moins à Hama. Tout un quartier du centre-ville agité par la rébellion islamiste où l'on avait tué des soutiens du régime avait été pilonné à l'artillerie lourde pendant des jours avant que les survivants, à qui l'on avait promis par haut-parleur depuis le sommet de la colline d'où on les bombardait la grâce pour qu'ils puissent enterrer leurs morts, soient encore triés lors de ratissages militaires et en partie éliminés: désormais, ce sont des hôtels et des restaurants de luxe, un grand commissariat, et des terrains vagues qui ont remplacé ce quartier historique martyr situé au pied du grand parc de la ville où les enfants sont toujours aussi gais.

 

Depuis presque trois mois, le régime syrien réprime avec une violence inouïe les manifestations et la révolte populaire. L'armée et les services de sécurité tirent sur des manifestants désarmés (dans les villes du djebel druze au sud, les banlieues de Damas, Lattaquié...) - hommes, femmes, adolescents – et « punissent » des villes entières (Deraa au sud, Djisr el-Choghour au nord-ouest) en les encerclant avec des chars pour les affamer avant de les ratisser méthodiquement afin d'arrêter et de torturer, bombardant et mitraillant les villages (Maraat an Nouman, la petite ville du massif calcaire du Nord-Ouest au sud d'Alep où les croisés européens en leur temps avaient massacré toute la population et s'étaient livrés à des actes de cannibalisme en arrivant en Syrie) avec des avions et des hélicoptères pour faire des exemples de répressions féroces susceptibles d'inspirer la terreur. Des jeunes gens, des enfants de 13 ans sont rendus à leur famille morts et affreusement mutilés, ou vivants mais détruits psychologiquement et physiquement par des tortures sadiques que les services de renseignement syriens ont déjà expérimenté au Liban.

Le cœur se soulève en imaginant le calvaire que les syriens sont en train de vivre, parfois privés de tout, face à un régime qui se sait voué aux gémonies par une majorité de la population mais qui a décidé, que l'ordre vienne de Bachar où des puissants qui gravitent dans l'ombre autour de lui, de préserver à tout prix et par la manière la plus forte les intérêts des cadres de l'armée, des services de sécurité et des membres de la mafia associée au dictateur, en pariant sur la lassitude de la population et le renouveau de la peur devant tant d'horreurs.

Plus de 1300 morts déjà ! Et combien de vies saccagées par les tortures systématiques visant à « guérir » de l'engagement politique... Mais maintenant, le peuple syrien est debout, et s'y maintient dans les pires épreuves par la force de la haine, parce qu'il a entrevu une vie meilleure dans un avenir démocratique possible et car il sait qu'il est trop tard pour reculer, qu'il n'a plus grand chose à perdre et que ce régime de bourreaux sans conscience est acculé.

A court ou moyen terme, la dictature en Syrie tombera, comme probablement le régime islamiste répressif et vieillissant de l'Iran voisin. Malheureusement, l'armée est tenue elle aussi jusqu'à présent par le lien de la terreur et les répressions des récentes mutineries dans des casernes du nord du pays ont été atroces. Il semble que seule une insurrection généralisée (et armée?) de la population pourra venir à bout de ce régime. Il faut en attendant que les États qui font des affaires avec la Syrie (la Turquie, la Russie...), ou chez qui les proches du régime ont placé des capitaux et investi dans des entreprises, isolent le régime de Bachar el-Assad. Il faut qu'on ne lui vende plus d'armes et qu'on cherche à soutenir les rares foyers d'opposition structurée (par des communications, des conseils, de la logistique, des aides financières, des pressions sur le régime pour relâcher les prisonniers).

Est-il responsable de chercher à armer la révolte populaire? Je n'en sais rien: cela pourrait encore démultiplier la violence de la répression et enfoncer le pays dans une guerre civile dont pourrait se nourrir les conflits communautaires.

Ce qui est sûr, c'est que les syriens, nourris au lait du nationalisme arabe, sont hostiles à toute intervention militaire étrangère pour chasser la dictature, comme cela s'est fait en Libye, et qu'il ne sert à rien d'agiter cette menace qu'instrumentalise Bachar el-Assad pour ses intérêts en faisant passer ses opposants comme les éclaireurs d'un complot impérialiste occidental. L'armée syrienne est d'ailleurs suffisamment forte pour résister, à partir du moment où elle ne s'est pas désunie en fractions pro et anti-Bachar, à tout assaut étranger sur son sol.

 

La première chose que l'on devrait faire à mon sens, c'est d'ouvrir en grand les espaces d'expression publique aux opposants syriens partout dans le monde, pour empêcher que les gouvernements, d'ici quelques semaines, en reviennent à ménager leurs intérêts stratégiques en se lavant les mains et détournant les yeux devant les souffrances infligées à la population civile. C'est ce qu'a fait le parti communiste dans sa conférence nationale en invitant le vendredi soir un intellectuel et éditeur syrien proche du communisme exilé en France qui nous a disséqué avec clarté la nature du régime et de la contestation qui grandit dans son pays natal.

 

La Syrie partage une histoire commune avec la France: principautés franques, normandes, ordres de moines-soldats installés sur son territoire pendant plus de deux siècles à l'époque des croisades, protectorat français de 1918 à 1945, nombreux échanges culturels depuis. Ne l'abandonnons pas à ses tortionnaires!

 

Ismaël Dupont.

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