Beaucoup en ont fait le reproche à Eva Joly qui manifesta publiquement il y a deux semaines sa désapprobation par rapport à un accord EELV/ PS qui s'asseyait sur le programme des Verts en matière sociale, de démocratie, de sortie du nucléaire, en échange de circonscriptions et de voix aux législatives (servant de critère pour le financement des partis): cette norvégienne sympathique mais butée n'était pas assez politique, presque irresponsable dans ses entêtements et son refus de voir la réalité des rapports de force en place. Elle ne respectait pas assez ou trop la discipline de parti, selon que l'on considérait l'objectif de la percée électorale ou celui de l'ambition programmatique.
Avec Hollande, les choses sont claires. Jospin avait eu l'idée géniale de préciser pour qui ne l'aurait pas lu "mon programme n'est pas socialiste" , afin de rassurer en anticipant le second tour de l'élection présidentielle de 2007 les électeurs centristes qui auraient pu l'imaginer avec un couteau entre les dents.
Hollande, qui ne doit assurément rien à son parti, puisqu'il a simplement été élu par des sympathisants socialistes ou de la gauche à l'issue des primaires, et non par des militants en fonction de sa capacité à porter un projet politique décidé en commun, prévient dans une tribune du journal Le Monde : "Je ne suis pas le candidat d'un parti".
Je ne suis pas, peut-on traduire par conséquent, engagé par le programme de mon parti. Et pour cause, celui-ci ne prévoit pas par exemple de poursuivre la chasse à l'emploi public comme veut le faire Hollande pour financer ses 60000 nouveaux postes dans l'Education Nationale, avec des moyens budgétaires devant diminuer de manière drastique pour parvenir à une réduction de déficit public de 50 milliards d'ici 2014. L'hyper-austérité n'était pas probablement pas l'horizon d'attente que souhaitaient mettre en avant les socialistes pour gagner la présidentielle, mais, entre temps, l'aggravation de la crise des dettes souveraines européennes (envolée des taux d'intérêt et des dettes du fait d'une récession rendant leur solvabilité plus problématique) menaçant la survie de la zone euro et de l'euro lui-même, a offert de nouvelles opportunités aux socialistes pour défendre sans complexe des préconisations néo-libérales que certains justifiaient jusque-là plutôt en privé mais qui sont dans la cohérence de leur refus de reprendre le pouvoir aux acteurs financiers et d'assumer un rapport de force avec eux.
Aujourd'hui, savez-vous qui Hollande rencontre pour se crédibiliser en tant qu'homme d'Etat doté d'une stature internationale? Michel Barnier et José Manuel Barroso, deux des principaux artisans de cette Europe ultra-libérale qui a plongé les sociétés européennes dans une spirale de régression sociale sans précédent. C'est sûr que la plateforme européenne des syndicats ou les représentants Bureau International du Travail, c'est devenu un peu ringard pour un dirigeant social- démocrate... depuis que Papendréou, l'ancien président de l'Internationale Socialiste a pu sans broncher imposer 6 ou 7 plans d'austérité avec des millions de grévistes dans la rue à une dizaine de reprises. Mais ces syndicats auraient-il de toute manière partagé l'ambition titanesque de François Hollande, le chouchou de Jacques Chirac, de "donner du sens à la rigueur", c'est à dire de faire accepter par l'électorat de gauche le pacte de stabilité pour l'euro, la règle d'or, et les pertes de souveraineté liées à l'impératif absolu de discipline budgétaire...
Hollande ne se sent pas non plus, 10 jours après l'avoir fait parapher, engagé par la totalité des dispositions de l'accord législatif entre Europe Ecologie Les Verts et le PS: il lui reviendra d'"appliquer les mesures qui lui paraissent les plus essentielles". Où l'on voit que l'homme est à l'aise dans le cadre de la monarchie présidentielle qu'institue cette Vème République donnant tant de place à l'arbitraire du pouvoir personnel. Pour que les militants de base des partis et les citoyens, dans la diversité de leurs options politiques, reprennent un peu de poids dans la décision politique, et le disputent aux milieux d'affaires qui ont trop souvent l'oreille attentive des candidats qu'ils ont contribué à porter au pouvoir et qui sont issus des mêmes réseaux, il faudrait commencer par changer les institutions, mais cela, Hollande, qui consent tout juste à accorder une miette de 10% de représentation proportionnelle aux législatives, n'est en aucun cas prêt à le faire.
Ismaël Dupont.
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