"Il faut que nous restions ces forces de l'esprit au moment où s'avance la tempête de l'histoire", c'est sur ces mots pleins de gravité que s'est clos un préambule de discours où Mélenchon, devant Pierre Laurent, Christian Picquet, Clémentine Autain et des militants de toutes les forces du Front de Gauche rassemblés à Grenoble le dimanche 28 août pour l'université du parti de Gauche, venait de mettre en garde les forces politiques de l'establishment libéral contre un réveil brutal du peuple s'ils continuaient à vouloir étouffer le débat sur les projets et les causes de la crise actuelle du capitalisme.
"Le mot crise n'est même plus adapté". "Le système capitaliste tout entier est englobé dans une crise globale" . Celle qui menace de destruction les éco-systèmes de cette terre que le productivisme dicté par la course aux profits maximum saccage: "la question de la perpétuation de l'éco-système n'est pas l'à-côté de la question sociale... Nous voulons planifier le redéploiement industriel, productif... avec la préoccupation de mettre en phase les systèmes productifs avec les conditions de la perpétuation des éco-systèmes".
Cette crise globale, c'est aussi celle qui fait planer des risques d'auto-destruction sur le capitalisme et l'économie productive eux-mêmes. Celle qui saccage la moralité publique, la cohésion sociale, les acquis de la révolution et de la République. "Le moteur de tous les dangers, a martelé Jean-Luc Mélenchon, c'est le capitalisme de notre temps, sous la forme particulière qu'il a prise, lorsque la finance veut contrôler toutes les activités humaines et imposer partout ses taux de profit démentiels". "Ce capitalisme là, nous proposons à toute la société de s'en libérer...Nous proposons de définanciariser l'économie".
La tâche est t-elle trop difficile pour nous, vouée à l'échec en elle-même car nous sommes maintenant dans le train en marche de l'économie financiarisée et mondialisée ou dans l'avion en vol, de sorte qu'il ne s'agit plus que de survivre en restant compétitifs et réduisant nos droits sociaux et nos dépenses publiques? "Il n'y a qu'un combat qu'on ne risque pas de perdre, répond Mélenchon, c'est celui qu'on ne mène pas". De toute manière, il n'y a pas d'autre choix que de chercher à tenir la dragée haute aux puissances financières qui écrasent tout ce qui s'abaisse devant elle, telle la Grèce de Papandréou qui doit privatiser pour près de 40 milliards de biens publics socialisés au cours de l'histoire. "Ainsi, vous êtes prévenus braves gens: si vous cédez, il n'y aura pas de limites à la prédation".
En tant que candidat du Front de Gauche aux élections présidentielles, Jean-Luc Mélenchon "en appelle donc à la résistance de la patrie républicaine", de cette part de la France qui reste l'héritière de la grande révolution. Cette résistance se fonde sur l'humanité, les droits de la personne humaine qui sont de plus en plus bafoués aujourd'hui (droit à la santé, à l'éducation, à l'emploi stable, au logement décent)...
Notre projet politique s'appuie prioritairement sur la reconnaissance des besoins sociaux et non des contraintes financières. "La modernité, c'est de partir des besoins humains et de mettre à contribution l'intelligence et les capacités d'invention collectives pour les servir".
Quels sont les obstacles à faire basculer pour faire un virage à 180 degrés afin de mettre en oeuvre un projet émancipateur? La gouvernance de la BCE d'abord, chien garde des intérêts des rentiers et du capital que l'on veut désormais confier à un ancien conseiller de la banque Goldman Sachs, celle-là même qui est impliquée dans le maquillage des comptes de l'Etat grec... C'est aussi le pouvoir impérial des Etats-Unis qui "ne garantissent plus la valeur des dollars que par la peur qu'ils inspirent avec leur puissance militaire". C'est surtout aujourd'hui "ce coup d'état financier" auquel on est en train d'assister sans broncher en Europe, les socialistes français y compris, avec ce "semestre européen" qui permettra à la commission de censurer les budgets nationaux, avec ce pacte pour l'euro plus ou "pacte des rapaces" dénoncé par Patrick le Hyaric. Et la dette... "Qu'est-ce que c'est cette histoire de dette? La dette n'est qu'un prétexte...Le montant de la dette n'équivaut qu'à 12% de ce que notre économie produit en 7 ans...". A quoi le Front de Gauche s'engage t-il? A forcer à l'abandon "des normes de management absurdes qui abaissent non seulement la productivité mais aussi le goût de vivre", à rompre avec la précarité, qui touche particulièrement les femmes, à rompre avec l'absence d'indemnisation de la moitié des chômeurs: "nous briserons le coeur de l'exploitation, nous briserons toute cette servitude de la précarité". De même, "il faut cesser la politique d'appauvrissement délibéré de l'Etat" qui fragilise et dépèce les services publics. Pour cela, "les revenus du capital doivent être taxés à la même hauteur que ceux du travail". On nous annonce minoritaires, mais qui sait de quoi demain sera fait, qui sait quel sera le scénario dans quatre mois? Certes, nous aurons pour toute la campagne à peine l'argent que le PS va dépenser pour ses seules primaires. Mais notre force, c'est l'appel "à la mise en commun de toutes les intelligences", notre volonté de faire de notre campagne "un modèle d'argumentation", notre volonté de "parler à tout le monde", y compris et surtout à ceux qui pensent que droite et gauche, c'est au fond la même chose. Cette élection, a dit Mélenchon au début de son discours, "doit être un grand moment d'éducation populaire". Ce qui fera notre force, c'est "notre discours de rebellion, de rassemblement" qui n'écarte pas le débat, qui appelle même toutes les forces de gauche, du NPA au PS, à un grand débat sur nos propositions respectives pour faire face à la crise du capitalisme. Car "si nous n'avons pas d'adversaires à gauche, oui nous avons des divergences".
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