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7 juin 2011 2 07 /06 /juin /2011 09:31

La conférence du député de Paris et dirigeant EELV Yves Cochet il y a deux semaines à Morlaix a permis de mettre en avant un certain nombre de réalités qui doivent nous interroger. L'énergie est la base même de l'économie, de toute forme de production et de consommation. Or, 84% de l'énergie produite dans le monde provient des énergies fossiles (charbon: 23%, pétrole: 37%, gaz naturel: 21%), énergies qui font l'objet d'une demande mondiale de plus en plus forte depuis les années 50 alors que l'on sait que leurs stocks et leur productions commencent à décliner de manière irréversible (il nous resterait 45 ans de pétrole, 60 ans de gaz naturel, 130 de charbon à extraction économiquement soutenable selon André Chassaigne dans Pour une terre commune). On assiste donc « la fin de l'énergie abondante, facile et bon marché » selon Yves Cochet. Si l'on peut dans une certaine mesure s'en féliciter car les énergies fossiles, quand on les brûle, produisent des gaz à effet de serre responsables du dérèglement climatique, cet épuisement des ressources énergétiques traditionnelles n'est pas assez anticipé et risque d'entraîner avec lui des graves récessions économiques, des inégalités grandissantes dans l'accès aux énergies nécessaires à la vie courante, une multiplication des conflits internationaux pour le contrôle des stocks disponibles de part le monde. Une réduction immédiate de notre consommation d'énergie fossile serait souhaitable pour limiter l'élévation du niveau de la mer et les perturbations météorologiques liées au réchauffement climatique, phénomènes qui risquent d'avoir des répercussions dramatiques sur les conditions de pays de beaucoup de peuples du sud, et de créer de multiples inondations, sécheresses, famines, migrations, conflits armés. Néanmoins, les molécules de metane et de gaz carbonique émises dans l'atmosphère durent longtemps: il y a une inertie du changement climatique qui fait que les efforts que nous pouvons faire aujourd'hui pour réduire notre consommation d'énergie pour utiliser des énergies qui ne produisent pas de gaz à effet de serre n'auront pas des effets qui se feront sentir tout de suite.

Pour Yves Cochet, le nucléaire, qui ne représente que 6% de la consommation énergétique mondiale, ne saurait être considéré comme une énergie alternative aux énergies fossiles polluantes et en voie d'extinction dans la mesure où les stocks d'uranium ne sont pas eux-mêmes illimités et où il s'agit d'une énergie dangereuse, qui produit des déchets hautement radioactifs pendants des milliers d'années, et de surcroît d'une énergie extrêmement coûteuse quand on prend en compte le problème du renouvellement du parc nucléaire ( selon Yves Cochet, le ministère de l'industrie, Areva et EDF ont prévu d'investir entre 6 et 7 milliards d'euros pour construire 22 EPR entre 2015 et 2030) et du démantèlement des centrales nucléaire hors d'usage.

A l'heure actuelle, en France, le nucléaire avec plus de 58 réacteurs, fournit environ 77% de l'électricité (contre 29% en Allemagne, 27% au Royaume-Uni, 22% aux USA en 2000). Le reste est produit pour moitié par l'hydroélectricité, pour moitié par des centrales thermiques à gaz ou à fioul comme celle de Cordemais en Loire-Atlantique où celle que l'on veut installer à Guipavas aujourd'hui. L'énergie renouvelable (éolienne, photovoltaïque, biomasse, géothermie) ne représente actuellement qu'à peine 1% de l'énergie produite dans le monde.

 

Une fois posées ces quelques données chiffrées qui donnent des repères, quels objectifs peut-on se donner en matière énergétique et comment parvenir à les mettre en œuvre?

 

Le premier objectif serait d'encourager des modes de vie plus durables, moins gaspilleurs d'énergie et de ressources, moins polluants, sans pour autant négliger la satisfaction des besoins sociaux véritables, ni consentir à un renchérissement rapide et brutal des énergies (gaz, électricité, pétrole, énergies ou sources d'énergies dont la hausse des prix aura fatalement des répercussions sur le pouvoir d'achat des familles et l'augmentation des coûts des biens de première nécessité) ou à des fiscalités écologiques incitatives dont les classes populaires seraient les premières victimes. La sobriété énergétique est un objectif incontestable mais il ne doit pas être poursuivi sans prise en compte des besoins immédiats des classes moyennes et populaires, en pénalisant des modes de logement, de consommation, de transport qu'elles ont subis du fait de leur niveau de vie plutôt qu'elles ne les ont choisis. Par exemple, les familles qui pour pouvoir se loger dans le parc locatif ou accéder à la propriété ont été contraintes de s'installer à 40 ou 50 km des villes d'importance où les adultes travaillent ne doivent pas supporter une fiscalité écologique du type de la taxe carbone, dont les industriels seraient exemptés, en plus du renchérissement des carburants. Si les catégories populaires ont tendance à vivre dans des logements mal isolés, peu économes en énergie, l'État, par l'impôt, doit entreprendre des vastes plans de remises aux normes de ces logements et de financement de modes de chauffage plus économiques économiquement et écologiquement... Mieux encore, il faut tendre vers la fin de l'habitat résidentiel en zone péri-urbaine qui mord sur les surfaces agricoles cultivables, les espaces verts, et tend à rendre obligatoire l'usage d'une ou de deux  voitures et aller, autant que possible, vers la construction de logements collectifs à haute qualité environnementale.  Il en ressortira un bénéfice pour l'ensemble de la société et un gain de pouvoir d'achat pour les locataires et propriétaires concernés. En revanche, on peut s'interroger sur la légitimité de la multiplication des déductions fiscales pour mieux isoler les maisons, améliorer l'efficacité des modes de chauffage, investir dans les énergies renouvelables, quand elles concernent des familles à l'aise financièrement, propriétaires de leur logement, qui bénéficient ainsi d'un effet d'aubaine leur permettant de dépenser moins sur le long terme pour l'accès à l'énergie tout en échappant partiellement à l'impôt sur le revenu progressif. L'objectif d'efficacité écologique et l'objectif de justice sociale peuvent entrer ici dans une certaine forme de contradiction quand le soutien public à la transformation des modes de consommation énergétique est universel et non dépendant des revenus.

 

La consommation d'énergie en France se partage à part égale selon Yves Cochet entre le secteur industriel (150 milliards de KWH), le secteur tertiaire (150 milliards de KWH), et le secteur habitat (150 milliards de KWH).

Certains écologistes pourraient avoir la tentation de se féliciter de la désindustrialisation de la France en y voyant un moyen de diminuer la pollution localement et de rendre possible une sortie rapide du nucléaire par une baisse de la consommation énergétique de l'industrie. En même temps, même s'il m'apparaît évident que ce capitalisme mondialisé qui multiplie les besoins artificiels, propose aux populations des pays développés un désir de consommation toujours plus forte, malgré la précarité et la stagnation des salaires, et grâce à l'omniprésence de la publicité, aux délocalisations et à l'exploitation par les multinationales des travailleurs des pays en voie de développement, est une impasse qui détruit la nature, le lien social, aliène les individus, et s'il faut donc envisager une forme de décroissance, de plus grande sobriété dans nos modes de vie occidentaux, on ne peut pas non plus être un écologiste conséquent et s'accommoder de la délocalisation des activités industrielles, de la délocalisation de la production énergétique ou du stockage et recyclage des déchets industriels ou énergétiques.

 

De manière générale, il nous faut nous arranger pour diminuer nos besoins d'énergie en gaspillant moins, en innovant technologiquement pour avoir des moteurs, des machines et bâtiments plus économes et performants, tout en relocalisant à chaque fois que c'est possible nos activités économiques afin d'atteindre une certaine auto-suffisance dans un esprit de lutte pour l'emploi et contre les délocalisations (qui augmentent les moyens de pression du capital sur le travail) et de réduction de la pollution liée aux multiples transports nécessaires pour la production des marchandises à l'ère de la division internationale du travail et de la mise en concurrence des salariés au niveau mondial. C'est valable aussi pour l'agriculture, qu'il faut sortir de l'OMC et relocaliser tout en garantissant des prix rémunérateurs aux agriculteurs afin de revenir à une agriculture durable, à taille humaine, de qualité, et de limiter les émissions de gaz à effet de serre liées aux importations et exportations, à la production et au transport des intrants chimiques.

 

Relocaliser l'activité productive exige de la production d'énergie. C'est en particulier pourquoi il me paraît difficile de sortir à court terme (par exemple, en 20 ans) du nucléaire, dont nous sommes actuellement bien plus dépendants que les Allemands, et qui a le mérite de produire de l'électricité peu émettrice de CO2 (or, nous nous sommes engagés à réduire les émissions de 80% d'ici 2050) dans un contexte où les énergies fossiles sont de plus plus rares, chères et nous rendent bien plus dépendants économiquement et stratégiquement des pays producteurs (Russie, monde arabe, Amérique du Nord et Amérique Latine). En même temps, il est indéniable que le nucléaire fait peser un risque impossible à abolir tout à fait de catastrophe mortifère sur nos sociétés et crée des déchets hautement toxiques pendant des centaines de milliers d'années dont on ne sait que faire: il s'appuie sur l'uranium, un minerais du sous-sol, que nous ne pourrons extraire pour des coûts soutenables économiquement que pendant quelques décennies (selon le hors série « Science et vie » de juin 2008, cité par André Chassaigne dans son essai, on ne disposerait que de 30 années de réserves d'uranium récupérables en dessous de 80 dollars le kilo). Le nucléaire n'est donc pas non plus réellement une énergie d'avenir et, de la même manière qu'il m'apparaît souhaitable de fermer les centrales vétustes en laissant fonctionner les autres pendant quelques dizaines d'années encore, il ne m'apparaît pas raisonnable d'investir autant d'argent dans le renouvellement du parc nucléaire français avec la construction de réacteur EPR de nouvelles générations alors qu'on pourrait investir dans la recherche, l'expérimentation, et l'incitation publique au développement des énergies renouvelables: éolienne, photovoltaïque, hydraulique, biomasse, géothermie. Ces sources d'énergie qui sont moins productives et qui ne sont pas malheureusement pas non plus sans nuisance ni effets pervers (pollution visuelle, sonore, chimique, perturbations pour la faune...etc) peuvent permettre la mise en place de bâtiments industriels et agricoles et de logements produisant leur propre énergie: elles auront néanmoins de la peine à se substituer complètement à l'énergie fossile et au nucléaire s'il l'on entreprend pas dès aujourd'hui des efforts planifiés considérables de réduction de la consommation d'énergie dans l'habitat, les transports, l'industrie, les équipements publics et privés.

 

Mais ne soyons pas naïfs. A l'échelle mondiale, des réponses aux défis sociaux de l'augmentation de la population, l'accès de tous à une alimentation correcte, à l'eau potable, à l'électricité, à des biens de consommation dépassant le strict nécessaire indispensables à une vie confortable, se pensent difficilement sans développer une capacité à continuer à produire de l'énergie et à produire tout court, dans les domaines agricoles et industriels. Mais si les Chinois, les Indiens, et d'autres peuples en voie d'expansion économique, sont conscients des menaces climatiques, énergétiques et environnementales en général que font peser sur la planète les modes d'existence des sociétés développées actuelles, ils ne se priveront pas par esprit de sacrifice héroïque de tous les bénéfices de la croissance économique, en tout cas pas avant que les occidentaux ne donnent l'exemple à s'assujettissant eux-mêmes à des contraintes véritables pour revenir à des modes de vie plus durables et surtout partageables. En 2008, disait Yves Cochet, les Chinois, 20 fois plus nombreux que les Français, avaient autant de voitures qu'eux: on peut imaginer qu'ils ne pourront jamais en avoir autant que nous du fait des contraintes écologiques et de la raréfaction des énergies, mais cela nous montre l'impossibilité à universaliser notre mode de vie occidental, et donc son caractère aberrant et profondément inégalitaire.

 

Quoiqu'il en soit, ce n'est pas le libéralisme et le marché qui vont nous permettre de polluer moins et d'adopter des modes de production et de consommation plus soutenables sur le long terme. D'abord parce que la recherche et l'expérimentation pour promouvoir des modes de production et de consommation plus écologiques n'est pas forcément immédiatement rentable et qu'elle a besoin d'investissement public, donc de ponction fiscale sur le capital. Ensuite parce que le libre-échange accentue les transports de marchandises et aligne naturellement les normes écologiques vers le bas sans régulation internationale contraignante. Enfin, parce qu'on ne peut attendre notre salut des « technologies vertes » dont les effets sont neutralisés quand elles engendrent ou s'accompagnent d'une plus grande consommation (par exemple la chute de la consommation moyenne des voitures de 37% en 30 ans en France s'associe à un doublement du parc automobile et d'un usage accru...) et qui produisent parfois, quand elles sont développées par le secteur public sous les seules auspices des exigences de rentabilité, des effets pervers terribles sur l'environnement et la qualité de vie des populations (ex. agrocarburants qu'on produit en masse en Amérique et en Indonésie en dévastant la forêt primaire, l'agriculture vivrière, en provoquant un renchérissement des denrées alimentaires de base augmentant la malnutrition dans le monde). L'ouverture à la concurrence des services publics de production et de distribution d'électricité (loi NOME), ou des services publics de transport, dans la mesure où elle les transforme en entreprises à capitaux publics fonctionnant dans un contexte concurrentiel comme des entreprises privés, ne favorise pas non plus la prise en compte prioritaire des besoins sociaux de la majorité des usagers, des impératifs de sécurité et des exigences écologiques. La SNCF s'est vue progressivement dépourvue des moyens de développer les transports en commun de voyageurs à bon marché en alternative aux modes de transports individuels comme des moyens de développer le fret ferroviaire, moins polluant que le tout camion. C'est inacceptable. De la même manière, EDF perd de l'argent aujourd'hui en devant vendre de l'électricité à bas prix à des opérateurs privés de distribution d'électricité qui la revendent plus cher, au détriment de sa capacité d'investissement, du pouvoir d'achat des usagers du service public, au détriment de la sécurité. Sa politique d'acquisition d'autres groupes à l'étranger n'est pas pour rien non plus dans le détournement de ses anciennes missions de service public... Que dire de la possibilité bientôt de confier à des entreprises privées la construction et la gestion des centrales nucléaires, ou de la tendance de plus en plus affirmée d'EDF, gérée comme une entreprise privée par l'ami de Sarkozy et compagnon de table du Fouquet's, Henri Proglio, d'employer des intérimaires sur les tâches les plus délicates et dangereuses en centrale nucléaire...

 

Ismaël Dupont.

 

 

 

 

 

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