Devant la Knesset, Donald Trump célèbre sa « Pax Americana »
Le président des États-Unis s’est exprimé devant la Knesset puis s’est rendu en Égypte au sommet de Charm el-Cheikh. Plus que jamais il veut imposer les conditions de son plan de paix en y associant les pays arabes. En omettant l’occupation israélienne ou la possibilité d’un État de Palestine.
Pierre Barbancey, L'Humanité, 13 octobre 2025
En s’adressant aux députés israéliens depuis la tribune de la Knesset, ce 13 octobre, Donald Trump a été on ne peut plus clair quant à ses volontés politiques. Sa présence même dans cette enceinte, alors que les échanges de captifs israéliens et palestiniens se produisaient au même moment, ne doit rien au hasard. Le président des États-Unis est venu réaffirmer sa volonté de faire de son pays le leader incontesté du Moyen-Orient.
Se tournant vers le premier ministre israélien, il a lancé : « Je tiens simplement à te féliciter d’avoir eu le courage de dire : ”Ça y est, nous avons gagné, profitons maintenant de la vie.” » L’indécence faite homme quand on songe que Netanyahou est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) et surtout si l’on pense aux 67 800 morts palestiniens officiellement recensés, un chiffre sous-estimé au vu de l’état de destruction de la bande de Gaza après deux ans de guerre.
Ce qui n’a pas empêché Netanyahou d’affirmer : « Nous avons payé un lourd tribut à cette guerre, mais nos ennemis comprennent désormais la puissance et la détermination d’Israël. » Lui est à la fois indécent et cynique. La puissance d’Israël, que personne ne conteste, provient avant tout de l’aide militaire des États-Unis.
Trump en héros à la Knesset
Le chef du gouvernement israélien le dit lui-même en se félicitant : « Aujourd’hui, grâce à l’aide indispensable, déterminée et ciblée, au soutien indéfectible du président Trump et de son équipe, et grâce au sacrifice et au courage incroyables des soldats israéliens, nous tenons cette promesse » de retour des Israéliens enlevés par le Hamas le 7 octobre 2023.
Le même Trump a d’ailleurs expliqué devant la Knesset, comme on raconte une bonne blague dans un saloon, que « Bibi » n’arrêtait pas de lui demander des armes, de façon précise. « Je ne savais même pas de quoi il parlait », a-t-il lancé l’air goguenard.
S’il s’était vu décerner le prix Nobel de la paix, Donald Trump aurait certainement prononcé le même discours. Devant la Knesset, le Parlement israélien, le président des États-Unis a une nouvelle fois salué la « paix éternelle » au Proche-Orient. Une grande idée manquait toutefois : celle de la création d’un futur État palestinien. Cela n’a pas échappé au député communiste Ayman Odeh, ni au député de l’alliance judéo-arabe Hadash, Ofer Cassif.
Tous deux ont brandi une feuille sur laquelle était écrit : « Reconnaissez la Palestine ! » En quelques secondes, ils ont été expulsés de la Knesset. « Une véritable paix qui sauvera les deux peuples de la destruction ne viendra qu’avec la fin de l’occupation et de l’apartheid et l’établissement d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Refusez d’être des conquérants ! » a exhorté Ofer Cassif quelques minutes plus tard sur son compte X.
On peut dire que Trump est en train de parvenir à ses fins alors que depuis plusieurs semaines, sous la pression des peuples du monde entier qui manifestaient en masse, il se trouvait de plus en plus acculé. Il est néanmoins parvenu à desserrer l’étau en présentant, le 29 septembre, un plan en 20 points concocté avec son ami Netanyahou.
« Dans un acte sans précédent, la quasi-totalité de la région a approuvé le plan prévoyant la démilitarisation immédiate de Gaza, le désarmement du Hamas et la fin des menaces pesant sur la sécurité d’Israël », s’est ainsi félicité Trump, sous les applaudissements de la Knesset.
Il a immédiatement poursuivi : « Il est temps de transformer ces victoires contre les terroristes sur le champ de bataille en une récompense ultime : la paix et la prospérité pour tout le Moyen-Orient. Il est temps que vous puissiez récolter les fruits de votre travail. »
La « normalisation » du Moyen-Orient en ligne de mire
Ce « travail », comme il l’appelle, c’est évidemment la « normalisation » du Moyen-Orient. La région entière doit devenir une base stable pour les juteux profits et les intérêts de la première puissance économique mondiale, talonnée par l’adversaire désigné, la Chine. Dans ce nouvel environnement, les Palestiniens ne comptent pas ou très peu.
Pour être sûr de la marginalisation de ce peuple dans les faits, Trump a choisi de donner une place plus importante aux pays arabes. Il veut, in fine, obtenir l’établissement de relations officielles entre l’Arabie saoudite et Israël. Mais, pour l’heure, Riyad y met une condition qui ne se trouve pas dans les intentions de Trump ni de Netanyahou : la création – et donc la reconnaissance – d’un État de Palestine.
Le sommet qui s’est tenu, ce 13 octobre, dans la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh ne visait pas à résoudre cette question mais à associer les pays arabes et plus largement la « communauté internationale » à la sécurisation (au sens israélien du terme) de la bande de Gaza. Pour ce faire, il est envisagé de mettre en place une force de stabilisation qui pourrait être composée de contingents venus du Qatar, de l’Égypte mais aussi de la Turquie. Ankara est définitivement entré dans le jeu par la volonté de Donald Trump.
Une façon de contrecarrer la domination saoudienne parmi les populations sunnites. Au passage, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n’a pas été avare et a remercié son homologue états-unien de l’avoir reçu à la Maison-Blanche, le faisant entrer dans ce qu’il pense être la cour des grands : la compagnie nationale Turkish Airlines a annoncé qu’elle achetait une cinquantaine d’avions Boeing, ce qui n’était absolument pas prévu.
À ce sommet de Charm el-Cheikh, auquel, à l’origine, Israël n’était pas convié (Trump a demandé à Netanyahou de venir en arrivant en Israël, mais celui-ci a décliné l’invitation en prétextant une fête religieuse), les États-Unis entendaient bien faire une fois de plus la démonstration de leur puissance. « Ce serait formidable si nous pouvions conclure un accord de paix avec l’Iran », avait-il déclaré le matin à la Knesset.
« Je pense qu’ils le souhaitent, je pense qu’ils sont fatigués… Ils veulent survivre. La dernière chose qu’ils souhaitent, c’est de recommencer à creuser des trous dans des montagnes qui viennent d’être explosées. » Ajoutant avec son tact habituel : « De l’avis de tous (…) ils ont pris un gros coup, non ? » La Syrie, maintenant dirigée par un ancien djihadiste, Ahmed Al Charaa, a déjà fait amende honorable auprès de Washington et se dit prête à des pourparlers avec Israël.
Le nouveau président libanais, Joseph Aoun, estime, lui, qu’il est maintenant « nécessaire de négocier » avec Tel-Aviv. Les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc ont déjà normalisé leurs relations avec Israël. L’Indonésie, le plus grand pays musulman du monde, n’y est pas hostile.
À Gaza, les Palestiniens tentent maintenant de reconstruire leur vie à défaut de leurs maisons. Certes, le cessez-le-feu est en place mais pour combien de temps ? La deuxième phase du plan Trump prévoyait un retrait partiel de ce territoire mais il apparaît que Netanyahou n’y est pas disposé.
Se pose également la question du désarmement du Hamas et de la gestion de la bande de Gaza. Donald Trump n’a pas évoqué l’occupation israélienne ni l’avenir de la Cisjordanie ni même l’autodétermination du peuple palestinien. Ce dernier se retrouve plus que jamais seul.