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Cessez-le-feu à Gaza : vers la fin du cauchemar ?
L’accord de cessez-le-feu conclu en Égypte entre Israël et le Hamas, première phase du plan de Donald Trump, permet d’envisager l’issue d’une guerre génocidaire.
L'Humanité - le 9 octobre 2025
Christophe Deroubaix
Lina Sankari
Le cauchemar à Gaza a-t-il pris fin avec l’annonce d’un cessez-le-feu intervenu jeudi 9 octobre ? Entre soulagement et incertitudes sur l’avenir, certains Gazaouis sont sortis dans les rues pour célébrer le moment. Les autres, toujours pris sous un ciel de feu, attendent ce jour d’après qui tarde à venir.
C’est toutefois une première dans l’histoire : une délégation israélienne s’est assise à la même table que des représentants du Hamas, dans la nuit de mercredi à jeudi à Charm el-Cheikh (Égypte), afin de finaliser la première phase du plan Trump en vingt points pour la paix.
Cette étape, qui vise un arrêt des combats et l’échange de 2 000 prisonniers palestiniens contre les 47 otages israéliens, dont vingt seraient toujours en vie, a été formellement signée, sous l’égide des États-Unis, de l’Égypte, du Qatar et de la Turquie, et devait être approuvée le soir même par le cabinet de sécurité israélien.
Cette phase restait de loin la plus aisée, le Hamas ayant signifié, dès le début de la guerre, être disposé à la libération des captifs israéliens. Ceux-ci devraient retrouver leurs proches, lundi, au plus tard.
Mahmoud Abbas cantonné au rôle de spectateur
Plus délicate est la question des prisonniers palestiniens qui doit intervenir dans un second temps. Le Hamas a fait figurer le nom de Marwan Barghouti, emprisonné depuis 2002, sur la liste des dirigeants à libérer. Tal Heinrich, porte-parole du gouvernement israélien, a assuré jeudi que le leader palestinien ne fera pas partie de cette libération, en accord avec une promesse faite par Benyamin Netanyahou, à son ministre suprémaciste Itamar Ben Gvir.
Un signe du manque de volonté israélienne de s’engager dans un véritable processus qui permette aux Palestiniens de recouvrer la maîtrise de leur avenir politique. Dans un communiqué, le président palestinien Mahmoud Abbas, cantonné par Donald Trump, Israël mais aussi les pays arabes, au rôle de spectateur du plan états-unien, a « exprimé l’espoir que ces efforts soient le prélude à une solution politique permanente (…) conduisant à la fin de l’occupation israélienne de l’État de Palestine et à l’établissement d’un État palestinien indépendant ».
Sur le plan humanitaire, le poste-frontière de Rafah, à la frontière avec l’Égypte, devrait être ouvert dans les deux sens et ainsi laisser pénétrer chaque jour entre 400 et 600 camions d’aide dans l’enclave meurtrie, soit le minimum nécessaire, selon les Nations unies. Actuellement, 54 600 enfants souffriraient de malnutrition aiguë, selon la revue The Lancet. L’accord prévoit enfin « le retour immédiat des personnes déplacées du sud de la bande de Gaza vers Gaza-ville et le nord », indique une source du Hamas à l’AFP.
Les discussions à venir quant au retrait militaire israélien s’annoncent plus ardues. Selon le président états-unien, Israël doit retirer « ses troupes jusqu’à la ligne convenue » dans un délai de vingt-quatre heures. Une ligne autour de laquelle le flou demeure pour l’heure. L’armée, qui contrôle 75 % du territoire, a annoncé avoir lancé « les préparatifs opérationnels avant la mise en œuvre de l’accord. Dans le cadre de ce processus (…) les lignes de déploiement (dans la bande de Gaza) seront rapidement ajustées ».
Israël plaide de longue date pour le maintien d’une zone tampon qui pourrait enserrer l’ensemble de l’enclave, grignotant encore du terrain. Tel-Aviv entendrait maintenir son contrôle sur le corridor de Philadelphie, long de 14 kilomètres, à la frontière entre la bande de Gaza et l’Égypte. « Le couloir de Philadelphie (…) doit être entre nos mains. Il doit être verrouillé. Il est clair que tout autre arrangement ne garantirait pas la démilitarisation », prévenait déjà Benyamin Netanyahou, fin 2023. Il revêt une importance stratégique pour contrôler les mouvements entre Gaza et l’Égypte.
Netanyahou joue son avenir politique
Preuve des craintes qui persistent autour de l’engagement d’Israël à mettre fin à l’occupation, le Hamas exhorte « le président Trump (et) les pays garants de l’accord (…) à contraindre (Israël) à appliquer intégralement les échéances de l’accord et à ne pas lui permettre de se dérober ou de tergiverser dans la mise en œuvre de ce qui a été convenu ». Sur Fox News, le locataire de la Maison-Blanche a promis que son pays s’impliquerait pour « maintenir la paix », sans l’ONU donc.
Enfin, la deuxième ou troisième phase autour de l’administration de la bande de Gaza à l’avenir promet également des négociations tendues. Jusqu’alors, Israël et les États-Unis tablaient sur la non-participation du Hamas à un futur exécutif – ce que l’organisation accepte déjà – et le désarmement total du mouvement islamiste.
Un point qui priverait le Hamas, déjà affaibli, de ses dernières cartes et de ses capacités militaires d’autant plus si Israël maintient des troupes à l’intérieur de l’enclave. « Le Hamas pourrait remettre (ses armes) à une force de sécurité palestinienne », soutient le chercheur israélien Gershon Baskin, qui dispose d’informations de première main sur les coulisses des négociations.
Au-delà, Benyamin Netanyahou joue son avenir politique. Cherchera-t-il à libérer sa coalition de l’emprise de l’extrême droite ? « Il pourrait construire une coalition avec d’autres personnalités », comme Benny Gantz (centre-droit), qui lui redonnerait du souffle, affirme à l’Humanité, l’ancien général David Agmon.
Ce dernier sait l’animal politique redoutable qu’est Benyamin Netanyahou pour avoir travaillé quatre mois durant avec lui, lors de son premier mandat, en 1996. Quoi qu’il en soit, le retour des otages garantit la fin de l’essentiel des manifestations et une relative accalmie sur le plan intérieur pour le premier ministre.
Reste également la question de la construction du grand Israël, chère à Benyamin Netanyahou, qui nécessite d’achever l’annexion de la Cisjordanie occupée. Mi-août, le lancement du plan E1, qui prévoit de relier Jérusalem à la colonie de Maale-Adumim, signait de fait l’accélération d’un projet destructeur pour la Palestine.
En lançant, le 9 septembre, une attaque contre des représentants du Hamas qui se trouvaient dans un immeuble à Doha, Benyamin Netanyahou avait pour objectif de torpiller les négociations en cours sur un cessez-le-feu. Paradoxalement, il a sans doute accéléré la conclusion de ce dernier. Ce bombardement a signifié de façon mondialement visible à Donald Trump que s’il soutenait aveuglément le premier ministre israélien, les intérêts des deux pays n’étaient pas totalement identiques.
Le Qatar est un allié des États-Unis au Moyen-Orient qui accueille la plus grande base américaine de la région. « Bombarder unilatéralement le Qatar, une nation souveraine et un proche allié des États-Unis, qui travaille très dur et prend courageusement des risques avec nous pour négocier la paix, ne sert pas les objectifs d’Israël ni ceux des États-Unis », a écrit le président républicain sur sa plateforme Truth Social.
Trump et la carte de l’Arabie saoudite
Benyamin Netanyahou peut envisager que son pays vive durablement dans un état d’isolement diplomatique total tant que le soutien des États-Unis n’est pas altéré, permettant à Israël de devenir la puissance majeure et incontestée de la région. Donald Trump ne peut se permettre cet isolement. Il est à la tête d’une puissance dont le leadership mondial est contesté par la concurrence économique et désormais diplomatique de la Chine.
Si le Qatar a été le symptôme de cette asymétrie entre les intérêts des deux pays, l’Arabie saoudite en est la clé et sait en jouer pour renforcer ses propres intérêts. Donald Trump souhaite non seulement intégrer Riyad aux accords d’Abraham (dits de « normalisation » des relations entre Israël et les pays arabes) mais ne pas laisser trop de place à cet allié historique des États-Unis pour développer son autonomie stratégique.
Cependant, entre Washington et Tel-Aviv, il s’agit moins d’une question de cap que de chemin à emprunter. Si, de fait, Donald Trump a poussé Benyamin Netanyahou à mettre fin à la guerre, il l’a fait aux conditions politiques de celui-ci. Le plan en 20 points s’aligne totalement sur les desseins de la coalition d’extrême droite. Il traite les Palestiniens comme des spectateurs de leur propre histoire.
La suite de la mise en œuvre du plan présenté par Donald Trump dépendra du bon vouloir de Benyamin Netanyahou, chef du gouvernement d’une puissance d’occupation, et certainement de Tony Blair, ancien premier ministre de l’ancienne puissance coloniale pendant la Palestine mandataire et l’un des acteurs principaux de la dramatique guerre en Irak. Si la guerre semble terminée, la paix s’annonce sous des auspices néocoloniaux.
Published by Section du Parti communiste du Pays de Morlaix
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