Intervention de Ismaël Dupont, secrétaire départemental du PCF Finistère, le 8 mai 2025 au rassemblement de Trédudon-le-Moine
Cher ami.e.s, cher.e.s camarades, cher.e.s partenaires,
C'est dans un climat lourd de violences et de menaces, dans un contexte bien particulier de retour en grâce de l'extrême-droite, du fascisme et du nationalisme, avec des moyens d'influence et de domination destructeurs, comme du racisme et de l'antisémitisme, que nous rendons hommage, 80 ans après la reddition de l'Allemagne nazie, aux combats, aux idéaux et aux valeurs qui ont inspiré la Résistance populaire intérieure.
Le hameau de Tredudon-le-Moine est ce lieu emblématique de la Résistance en Bretagne et en France, Résistance à l'occupant allemand, au fascisme et au nazisme, à la collaboration de l’État français et de l'administration officielle de l'époque.
Le village a servi à stocker des armes abandonnés par les troupes alliés britanniques à Saint Thégonnec dès 1940, il a servi de base arrière, de lieu de refuge et de réunion pour la résistance finistérienne et bretonne, pour les dirigeants communistes de l'Organisation spéciale et des FTP. On y a abattu des soldats allemands qui auraient pu trahir des résistants. Sous la direction de Pierre Plassart, qui stockait les armes, les habitants de Tredudon et de Berrien ont si bien participé à l'effort de résistance à l'occupation, que Tredudon et la commune de Berrien compteront à la fin de la guerre 22 résistants fusillés, 16 déportés, 11 résistants tués au combat.
Parmi eux, à Berrien, Jean-Marie Plassart, dont la nièce, fille de Pierre Plassart, est venue nous apporter des documents il y a quelques années, et la photo de Jean-Marie, le 27 mai 2020, lors d'une commémoration organisée par le PCF, pour la Journée nationale de la Résistance.
Jean-Marie Plassart, 23 ans, communiste depuis le Front Populaire, qui, arrêté par la Police française, torturé, ne parlant pas, est déporté Nuit et Brouillard et meurt près du camp de concentration de Mathausen.
Jean Créoff, cultivateur communiste de Berrien lui aussi, FTP, déporté.
Joseph Créoff, mort en camp de concentration.
Pierre Grall, arrêté le 5 juin 1944, après avoir servi comme militant communiste dans les FTPF et avoir effectué plusieurs sabotages, attaques, actions armées, qui sera affreusement torturé par les soldats allemands à qui il avait été dénoncé après un parachutage d'armes alliées, et qui mourut en déportation à Dora, le sinistre camp enterré où l'on construisait les fusées secrètes des nazis, les V2 de l'ingénieur Werner Van Braun, qui servit ensuite le programme aérospatial américain pour aller sur la Lune, et n'eut pas de compte à rendre sur sa participation aux crimes contre l'Humanité infligés aux déportés.
Le frère de Pierre Grall, Marcel Grall, de Berrien lui aussi, agriculteur puis terrassier communiste, dirigeant des FTP de la région du Faou, dénoncé et torturé par la police française avant d'être fusillé en même temps que 28 de ses camarades le 8 juin 1944, 2 jours après le débarquement allié de Normandie.
Je ne pourrai les citer tous, même s'ils le méritent, ces martyrs de la liberté de Berrien et de Tredudon-le-Moine, qui eurent le courage de ne pas se soumettre, de résister, de dire non à l'avilissement, à la lâcheté, à la compromission avec les "fausses" valeurs de l'occupant nazi et du régime ultra-réactionnaire et antisémite du maréchal Pétain.
Tredudon-le-Moine, à la libération, village de 200 âmes à peine, se verra décerner le titre de premier village résistant de France. Une stèle est inaugurée en 1957 pat Marcel Prenant, chef d'état-major des FTPF, en présence de toutes les organisations de la Résistance.
Rappel utile contre tous les négationnismes et révisionnismes!
Les communistes ont fait bien des erreurs dans l'Histoire, au début de la seconde guerre mondiale notamment, avec le pacte germano-soviétique. Staline s'est lui aussi montré très souvent impitoyable, cynique et cruel, indifférent à la vie humaine et prêt à tout sacrifier à sa volonté de puissance et sa paranoïa... Mais les communistes, il faut le dire aussi, traqués, emprisonnés, envoyés dans les bagnes et les camps de concentration, destitués de leurs mandats, interdits d'activité politique, depuis septembre 1939, ont résisté à la réaction et à la dictature, aussi bien de l'état d'urgence anti-communiste de Daladier que de Vichy, depuis ce moment-là. Ils ont semé les graines de la rébellion et du soulèvement dans le peuple français. lls ont constitué plus de la moitié des effectifs de la résistance populaire intérieure et ont payé le plus lourd tribut, parmi les différentes familles politiques et sociales de la France, comme de l'Europe, à la répression, aux camps de concentration, aux tortures, aux exécutions d'otages et de résistants.
Ils étaient partisans, pas veules, pas individualistes, pas indifférents, pas compromis ni cyniques.
Même condamnés à morts, quelques minutes avant leur exécution, ils ne regrettaient rien de leurs engagements avec les camarades. Ils savaient qu'ils étaient du bon côté de l'histoire. Que la victoire était proche. Et croyaient qu'elle allait amener un monde de Paix, d'amitié entre les peuples, de justice sociale, d'égalité des droits, de dignité des travailleurs et de la personne humaine.
Ces résistants communistes que la République française sous Daladier, la presse réactionnaire, Vichy et les Nazis, avaient voulu bannir et éradiquer de la communauté nationale, ont relevé la Nation française par la force de leur espoir et de leur idéal, leurs sacrifices et leur courage, leur discipline et leur dévouement, et ils l'ont fait dans un esprit d'Unité et de Rassemblement de tous les courants de la Résistance nationale, avec les gaullistes, les socialistes, les radicaux, les nationalistes de droite et les chrétiens engagés dans la résistance. "Celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas... Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat", écrivait Aragon dans "La Rose et le réséda".
Ensemble, ils ont conçu dans la France occupée et à Alger, et mis en œuvre à la Libération, le programme du Conseil National de la Résistance, magnifiquement baptisé "Les Jours Heureux".
Un programmé basé sur la fondation d'une démocratie nouvelle et refondée, autour notamment de la Sécurité sociale, mise en place par le ministre du travail Ambroise Croizat, basée sur l'accès à la retraite et aux soins, aux garanties contre les accidents de travail et la maladie, pour tous, sur un principe d'universalité et de contribution des richesses produites par le travail et des profits, et de gestion par les syndicats de ce qui deviendra le premier budget de la nation. Chacun contribue selon ses moyens, chacun reçoit selon ses besoins. On en fête le 80ème anniversaire cette année dans un moment où ses principes ont été ébranlés et battus en brèche par des décennies de politiques néo-libérales et capitalistes. Le programme du CNR, c'était aussi la création de grands services publics et entreprises d’État dédiées à l'intérêt général plutôt qu'au profit financier comme l'énergie, l'électricité et le gaz, le rail avec la SNCF, les arsenaux, les banques, les télécommunications. La création du statut des fonctionnaires et de la fonction publique par Maurice Thorez. L'indépendance de la presse par rapport aux monopoles capitalistes, avec ses garanties, l'épuration de l'administration, de la police et des médias de la collaboration. On en rêve! Le droit au travail consacré dans la constitution de la IVe République avec le droit social intégré aux droits de l'homme comme préalable de la liberté concrète. La reconstruction de l'indépendance et de la souveraineté industrielle, énergétique, de défense de la France. Ce programme de travail fut immense, notre pays en est toujours l'héritier dans ce qui fait le meilleur de notre République et de notre modèle social.
Bien sûr, cet effort de refondation nationale ne fut pas exempt de contradictions et de paradoxes tragiques. Ainsi, de hauts fonctionnaires ayant appliqué la collaboration et la politique antisémite vont bientôt réintégrer les grands corps de l'état à la faveur de la guerre froide et de la priorité mise à la lutte contre le communisme, comme Papon et Bousquet, mais aussi un certain nombre d'officiers. Le 8 mai 1945, ne l'oublions pas, surtout en cette période de renouveau de la phobie anti-algérienne et anti-arabe, c'est le point de départ des massacres de Sétif, Guelma, Kherrata, acte 1 des guerres de colonisation atroces qui vont suivre, en Indochine d'abord, avec le bombardement d'Haiphong en 1946 et la rupture des discussions avec Ho-Chi-Minh, puis en Algérie à partir de 1954, 9 ans après les 30 000 à 40 000 algériens massacrés dans le Constantinois.
Si nous avons voulu organiser ce rassemblement, c'est parce que l'héritage du Conseil National de la Résistance et des combats et idéaux de la Résistance est aujourd'hui bafoué par des politiques capitalistes et inégalitaires qui fragilisent notre démocratie sociale et politique, font régner la loi du fric et des inégalités, se traduisent par une défiance grandissante vis-à-vis de la politique, et la montée du ressentiment et des populismes et extrémismes.
Si notre rassemblement prend aujourd'hui tout son sens, c'est parce que les idéaux de Paix, de souveraineté des peuples, d'auto-détermination de ceux-ci, de refus de l'impérialisme et des dominations sociales et économiques qui vident la démocratie de contenu et contredisent l'égalité naturelle des hommes comme notre devoir de fraternité et de solidarité, sont aujourd'hui pulvérisés par un nouvel ordre mondial basé sur les brutalités, la prédation, le rejet de l'autre.
La montée des menaces de guerre internationale, l'invasion de l'Ukraine, le génocide et le nettoyage ethnique des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, infligés par Netanyahou et son gouvernement d'extrême-droite avec la complicité et l'aide des États-Unis et de nombreux états européens, l'émergence d'un néo-fascisme appuyé sur le capitalisme et l'économie numérique dont l'élection de Trump aux Etats-Unis est l'illustration terrifiante, le risque de destruction généralisée que vont peser les menaces climatiques, écologiques, l'arme atomique, nous inquiètent profondément et nous ordonnent de remettre sur le métier les combats pour la liberté, l'égalité, la fraternité, la Paix et la fin du colonialisme, la laïcité et la démocratie vraie, dans un esprit de rassemblement des bonnes volontés et des progressistes.
Citons pour terminer Albert Abalain, fils d'un poudrier et d'une ménagère de Quimerc'h, militant du PCF depuis 1936, chef départemental des FTP naissants, arrêté en octobre 1942, et fusillé avec 18 autres résistants finistériens le 17 septembre 1943 au Mont Valérien. C'est sa dernière lettre de condamné à mort, à ses parents:
"Mes chers parents, j'ai confiance en l'avenir, j'ai la certitude que nous sortirons victorieux du combat auxquels nous ont contraints les fascistes.
Je sais mes chers Parents que ma mort vous plongera dans le désespoir, mais songez à la grandeur de l'idéal pour lequel je donne ma vie.
Songez que je meurs pour que d'autres parents, plus tard, ne connaissent pas mes tourments.
Pensez que je fais le sacrifice suprême pour sortir les masses laborieuses de l'animalité de l'esclavage où les tient le capitalisme international.
Dans la cité nouvelle, le travailleur aura enfin la place qui lui revient, la première.
Partout les peuples dans l'abondance, libres égaux en droits, sans distinction de races.
Partout le bonheur dans la Paix internationale car les exploiteurs auront été impitoyablement liquidés. Aux divisions et aux luttes qui affaiblissent les masses laborieuses, et que les capitalistes entretiennent soigneusement, après les avoir provoquées, fera place la fraternité"
Enfin, je voudrai faire entendre ici le très beau poème de notre camarade Marianne Perrot, ici présente.
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