Mort de Jean-François Téaldi, un journaliste combattant - Pierre Barbancey, L'Humanité, 12 mars 2025
Notre confrère, qui travaillait à France 3 Côte d’Azur avant de prendre sa retraite, nous a quittés. Il était un professionnel exigeant, défenseur du service public de l’audiovisuel, militant communiste et syndical. Ses obsèques auront lieu mercredi 19 mars à 16 heures au crématorium de Cannes.
Pierre Barbancey, L'Humanité, 12 mars 2025
Jean-François Téaldi nous a quittés après un long et douloureux combat contre la maladie, le seul peut-être qu’il a jamais perdu. Il venait d’avoir 73 ans. Combattant, c’est sans doute le mot qui le désigne le mieux, entièrement. Depuis très jeune jusqu’à son dernier soupir. Il y a quelques jours encore, il postait des messages sur les réseaux sociaux pour mettre en avant une émission avec Fabien Roussel, un rendez-vous de la section du PCF de Cagnes-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, ou un commentaire sur l’actualité internationale.
Jef, comme tous ses amis l’appelaient, avait le journalisme chevillé au corps. Lui le fils de prolo, le gamin qui a grandi dans un quartier populaire de Cannes, savait ce qu’était la ségrégation sociale. C’est à la faculté des lettres de Nice qu’il adhère à l’Union des étudiants communistes (UEC), puis au PCF. Côté syndical, il s’engage à l’Unef dite Renouveau.
Journaliste, syndicaliste, communiste
Mais peut-être faut-il chercher dans son amour de la vérité et des petites gens son choix professionnel. Chercher, interroger, comprendre, tel était son mantra. En 1977, il devient pigiste pour le quotidien Nice-Matin et à l’antenne locale de FR3. Le passionné de foot qu’il était saute sur les multiplexes de France Inter. Il devient, en 1982, journaliste spécialisé à FR3 Méditerranée puis présentateur du JT à FR3 Côte d’Azur. Il animait également une émission culturelle particulièrement remarquée où, pour une fois, les plasticiens pouvaient parler à un large public. Ce qui ne l’empêchait pas de multiplier les reportages à l’étranger au Liban, en Afrique du Sud (avec Ernest Pignon-Ernest parti remettre à Nelson Mandela les œuvres des artistes contre l’apartheid), en Afrique du Nord, au Japon…
Ce métier, qu’il a aimé passionnément, il l’assumait totalement, y compris en restant attaché à sa station locale. Être journaliste, c’était être citoyen. Un citoyen avec des engagements politiques et syndicaux, membre du Comité national du PCF de 2008 à 2016 et secrétaire général du SNJ-CGT à France Télévisions et pour l’ensemble de l’audiovisuel public et privé, de 2002 à 2012. C’est d’ailleurs le titre de l’ouvrage qu’il a publié en 2017 au titre répulsif pour certains mais que beaucoup devraient méditer. Journaliste, syndicaliste, communiste. Trente-sept ans d’un combat dans l’audiovisuel public (éditions Tirésias-Michel Reynaud). Un ouvrage qui, pour ceux qui ne connaissaient pas Jef, permet de découvrir toutes les facettes de sa personnalité.
C’est le regretté Marcel Trillat, autre grand défenseur du service public de l’audiovisuel et communiste dans l’âme, qui a réalisé cet important entretien. « La mémoire de Jean-François Téaldi fourmille d’anecdotes (…) : il n’a pas toujours été facile d’être communiste, dans une télévision publique longtemps contrôlée par le pouvoir politique », écrivait l’ancien PDG de France Télévisions Hervé Bourges dans la préface. Il sera d’ailleurs « débarqué » de son poste de rédacteur en chef de FR3 Nice sans raison valable. Son rôle leader dans les grèves de France Télévisions n’y est évidemment pour rien !
Le 15 mars 2017, Jean-François Téaldi confiait à notre collègue Caroline Constant, dans une interview publiée dans l’Humanité : « Le mythe de la neutralité ou de l’objectivité a toujours existé. Je l’ai toujours réfuté. Y compris dans les écoles de journalisme où j’ai enseigné. » Il fallait le voir dans ses émissions face à Jacques Médecin, Jean-Marie Le Pen, Christian Estrosi ou Bernard Tapie, les poussant dans leurs retranchements, dévoilant leurs contradictions, ne cédant jamais avant d’obtenir une réponse, malgré les invectives. « Je sais bien que vous voudriez que mes idées aient la couleur de votre veste », lui a même lancé l’ancien député FN, Jacques Peyrat, qui allait devenir maire de Nice après avoir décollé son étiquette.
Avec Jef, c’est un camarade, un ami et un frère qui nous quitte. Nous avons en tête mille anecdotes, de rires, d’engueulades, de désaccords politiques (rarement), de bons moments passés à la Fête de l’Huma, au Village du monde et au stand des Amis avec Trillat, Pignon-Ernest et bien d’autres encore. Et à Nice, bien sûr, aux deux rendez-vous annuels du PCF, la fête du Château et celle de l’hebdomadaire « Le Patriote Côte d’Azur ». Sans parler des échappées dans de petites échoppes inconnues des touristes dans la vieille ville.
« Chez moi, il n’y avait ni livres, ni télévision, ni voiture. Ma culture politique et culturelle, je la tiens du Parti communiste. Ça me structure et ça me structurera jusqu’à ma mort », confiait-il à l’Huma, son journal, qu’il lisait chaque jour, y compris dans les derniers moments. A luta continua, Jef, comme disait Miriam Makeba dans cette chanson que tu aimais tant. À Marie-France, son épouse, nous disons notre peine.
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