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7 février 2023 2 07 /02 /février /2023 17:36
Dessin d'Eric Appéré pour le journal du PCF 29, Rouge Finistère

Dessin d'Eric Appéré pour le journal du PCF 29, Rouge Finistère

Lors de la dernière réunion du collectif de la NUPES dans le Pays de Morlaix, notre camarade Elisabeth Bégard, militante des droits humains, et de la solidarité envers les migrants, adhérente d'EELV, nous a fait une présentation partielle du projet de loi Asile-Immigration et de ses conséquences pour les demandeurs d'asile et les réfugié.e.s, une présentation qui a tout lieu d'inquiéter les défenseurs des droits de l'homme et de la solidarité humaine avec les exilé.e.s.

Nous reproduisons ici la présentation d'Elisabeth avec son autorisation dont nous la remercions.

PROJET DE LOI  ASILE -IMMIGRATION 2023

La politique française actuelle tend à réduire au maximum le nombre de personnes étrangères non européennes accueillies sur notre territoire. Elle sélectionne les étrangers non européens « qui ont vocation à rester sur notre territoire », elle engendre des sans papiers privés de leurs droits et tente d'expulser le maximum de personnes  qui ne répondent pas aux  critères du moment .

Les lois se succèdent à un rythme effréné.

Un  projet de loi a été présenté par la première ministre à l'assemblée nationale le 6 Décembre 2022. Ce projet de loi a été présenté de manière plus détaillée  par le ministère de l'intérieur et le ministère du travail du plein emplois et de l'insertion. Si elle  est adoptée, la nouvelle loi  détricoterait, encore un peu plus,  les droits accordés aux étrangers non européens qui se trouvent sur le territoire français .

Dans son discours, Elisabeth Borne donne le la.

Ces mots : « Parler d'immigration, c'est parler de trajectoires personnelles et familiales, c'est parler de nos valeurs , de notre droit et de notre histoire. » pourraient introduire une réflexion et des propositions justes qui prennent en compte les histoires personnelles, familiales et le contexte géopolitique actuel.

La première ministre  semble satisfaite lorsqu 'elle indique que le nombre de bénéficiaires de l'asile a augmenté modérément chaque année. Elle cite des chiffres : « nous accueillons chaque année 30 000 personnes menacées dans leur pays » .

Elle affirme : « C'est l'honneur de la France de leur donner une place. »

Au regard de nos constatations, au regard des statistiques communiquées par le gouvernement lors du débat au parlement la satisfaction exprimée nous semble excessive .

     Nous autres, militants, avons aidé  un nombre important de demandeurs d'asile à constituer leur dossier et constaté que malgré les dangers qui les guettent dans leur pays plusieurs d'entre eux ont été déboutés .

Le taux de protection en première instance  en France est de 28,4 %, contre 38 % dans l'UE .

 Le taux de protection global (OFPRA* et CNDA*) est de 40,7 % (au 30 Septembre 2022) .

Le ton devient plus agressif lorsqu'Elisabeth Borne affirme : « Le flux des demandes augmente nettement ces dernières années. Et ceux à qui nous n'accordons pas la protection restent encore trop fréquemment sur notre territoire .  Nous voulons accélérer les procédures d'examen des demandes d'asile et du droit au séjour pour lutter contre les pratiques dilatoires*.  Oui je souhaite des éloignements rapides et efficaces des personnes en situation irrégulière. »

Elle affiche son attachement à l'action du président Macron dans l'espace européen lorsqu'elle dit : « Notre premier levier d'action est européen . Pendant la Présidence française du Conseil de l'Union européenne nous sommes parvenus à plusieurs avancées autour du pacte sur les migrations et l'asile :

 - en particulier pour rendre plus efficace les contrôles à l'arrivée de l'Europe

 - et pour renforcer le mécanisme de solidarité pour les pays de première entrée pourvu que ces états respectent le droit maritime. »

Le premier  énoncé montre  que le gouvernement veut à tout prix limiter le nombre des entrées de demandeurs d'asile sur notre territoire .

Le président français et son gouvernement se montrent donneurs de leçons à l'égard des pays de première entrée. Mais ce gouvernement  ne se gêne pas pour renvoyer en Italie, en Espagne,en Bulgarie, en Croatie ...des « migrants » dont les empreintes furent enregistrées dans ces pays de passage qui furent souvent les premiers atteints dans l'espace Schengen .Il ne prend nullement en compte la déficience systémique de l'accueil et de l'instruction des demandes d'asile dans ces pays quand ce n'est pas des violences physiques avérées .Cette politique de « réadmission *» dans les pays qui ont le plus fort taux d'arrivée est injuste au niveau politique et désastreux au niveau des conséquences humaines.Ces pays ne disposent pas d'un nombre suffisant de structures d'accueil dignes de ce nom.

 Nous constatons que des personnes, des familles qui commencent à trouver des repères, des soutiens dans notre pays ne peuvent pas vivre le traumatisme supplémentaire que représenterait le retour dans un pays de l'espace Schengen qu'elles ont quitté volontairement. Lors qu'elles refusent leur rooting* , elles sont considérées en fuite.

 

Le projet de loi reprend les mêmes idées que la loi Asile et Immigration de 2018 qui a déjà durci les conditions d'accueil des personnes demandant l'asile en France , avec

  • une durée d'emprisonnement en centre de rétention administrative( CRA) passant de 45 à 90 jours
  • la réduction des délais pour déposer la demande d'asile de 120 jours à 90 jours
  •  l'imposition aux personnes demandeuses d'asile en procédure accélérée de passer devant un juge unique à la cour nationale du droit d'asile( CNDA) alors que la possibilité de s'exprimer devant 3 juges augmente largement les chance d'accéder à une justice plus équitable(argumentaire BAAM*) 

 

La proposition de réduire les délais de la demande d'asile pourrait paraître  judicieuse .

Nous applaudirions si l'état accordait rapidement les  rendez vous pour le renouvellement  des cartes de séjour .

Mais nous  réalisons que cette volonté d'accélérer  les procédures de demande d'asile ne procèdent pas de la même nécessité. Cette accélération  aurait des  effets pervers.

  • Elle éviterait que les demandeurs d'asile aient le temps de s'intégrer et d'ouvrir d'autres droits à la régularisation.
  • Elle éviterait que les demandeurs d'asile aient le temps d'établir des liens avec des citoyens français  qui se montreraient solidaires si l'état français décidait d'expulser des personnes déboutées.
  • Elle répondrait à une volonté de réduire l'impact économique

de la prise en charge des demandeurs d'asile (versement de l'ADA, logement et accompagnement dans les structures financées par l'état). 

  • Elle rendrait difficile pour certains la construction d'un dossier solide.

L'état post traumatique subi par les demandeurs, les problèmes de langue , le manque de moyens accordés pour  un accompagnement satisfaisant , la difficulté d'obtenir des preuves appuyant le récit de vie déposé à l'OFPRA  et la demande de recours à la CNDA rendent nécessaire un temps adapté aux situations vécues.

Le nombre important des demandeurs d'asile vivant à la rue ou dans  des logements précaires ou hébergés par des bénévoles dans des lieux loin des SPADA et de tout conseil « juridique » est un handicap supplémentaire que nous mesurons régulièrement

 

Les enjeux sont terribles . La démarche et l'accompagnement proposés doivent  être à la hauteur de la situation.

 

Après un attentat, après un accident collectif  survenus sur le territoire français l'état organise des cellules de crise. Pourquoi n'accorde t'il pas la même considération à des hommes, à des femmes et des enfants qui ont subi maint traumatismes et attendent un soutien qui leur permettrait de se reconstruire ?

 

Le  gouvernement exprime sa satisfaction et sa volonté d'engager le dispositif d'asile dans une logique  «  d'aller vers » afin de renforcer le rééquilibrage territorial de répartition des demandeurs d'asile. Il ne remet nullement en question que l'orientation soit directive , donc que les personnes concernées ne soient pas autorisées à  formuler une demande qui prenne en compte les facteurs humains .

 Les élèves de terminale qui rentre dans le dispositif parcours sup peuvent exprimer leurs choix qui sont  ensuite étudiés en fonction des places disponibles . Pourquoi une telle démarche n'est elle pas appliquée pour les demandeurs d'asile ? Cette remarque a fait rire une professeur retraitée qui m'a indiqué qu'il y avait des loupés dans le dispositif parcours sup. Le dispositif  pour la localisation des hébergements n'aurait pas les mêmes dimensions donc il serait plus facile à gérer et devrait pouvoir améliorer les orientations.

 

La territorialisation  de la CNDA pour réformer la juridiction localisée à Montreuil en s'appuyant sur le maillage actuel des cours administratives d'appel est envisagée. Cela reviendrait à créer des chambres territoriales de la CNDA . Dans quel lieu siégeraient ces chambres ? Comment l'état va t'il pouvoir nommer et recruter non seulement des juges, mais également des rapporteurs  et des traducteurs , tous indispensables à la qualité des audiences et de la prise de décision finale ? Y aura t'il assez d'avocats des étrangers qualifiés habitant près des lieux d'audience ?

 

Il nous semble que la proposition d'élargir l'intervention  du juge unique à la CNDA répond à des considérations d'ordre budgétaires et au dysfonctionnement des tribunaux qui manquent cruellement de moyens . Cette mesure priverait les demandeurs venus  de la présence de trois juges qui est accordée actuellement aux demandeurs issus de pays qui ne sont pas listés sur la liste des « pays sûrs ». L'un des trois juges est nommé par le haut commissariat aux réfugiés (HCR) .Il connaît la situation des pays d'origine dont sont issus les demandeurs et peut apprécier le contexte dans lequel ils ont évolué .

 

La création de pôles d'asile territoriaux  qui s'occuperaient       d'enregistrer la demande , d'octroyer ou non les conditions matérielles  d'accueil, d'introduire la demande d'asile et de mener l'entretien personnel est  envisagée .

Actuellement après une inscription au spada le demandeur est convoqué par le GUDA,  service des étrangers de la préfecture de région. Le jour du rendez vous , dans les mêmes locaux,  il rencontre un agent de l'OFII .

 S'il est autorisé à déposer sa demande d'asile il dispose de   21 jours pour envoyer son dossier de demande d'asile à l'OFPRA à   Fontenay sous Bois en région parisienne.

 

La cimade ,association française qui est très active dans le soutien aux personnes étrangères, désapprouve la création des pôles d'asile territoriaux . Selon elle ces pôles écorneraient

  -  l'autonomie de l'OFPRA

  -  l'indépendance de celle ci concernant l'instruction qui est un 

     principe inscrit dans la loi.

Un obstacle juridique est dénoncé. Le décret de mai 2015 indique que tout établissement public déconcentré est placé sous l'autorité du préfet qui

    • coordonne son action
    • fait participer aux instances de collégialité des chefs des services déconcentrés de l'état en région ou dans les départements.

L'OFPRA déconcentré serait donc fortement incité à participer à différents comités Théodule qui sont prévus par les schémas régionaux d'accueil. Dans le secret des réunions (les compte rendus ne sont pas rendus publics) un préfet peut lui  demander d'instruire plus rapidement toutes les demandes « manifestement infondées » de personnes qu'il est obligé d'héberger avec l'OFII, afin de prendre rapidement les mesures d'éloignement qu'il juge nécessaires.

Par ailleurs , une implantation  dans un même lieu de structures qui doivent être indépendantes pourrait provoquer des échanges autour des machines à café ou dans d'autres lieux de rencontre informels qui rendrait plus poreuses les cloisons qui doivent exister pour des raisons éthiques entre les structures .

S'y ajoutent les difficultés éventuelles énoncées ci dessus concernant la possibilité de recrutement de qualité de nouveaux officiers de l'OFPRA , traducteurs, rapporteurs et juges.

 

La proposition concernant les mesures d'éloignement provoque un tollé chez les défenseurs des droits humains .Il s'agirait de  prononcer une mesure d'éloignement d'un débouté d'asile dès le prononcé de décision de rejet de l'OFPRA . La mesure d'éloignement sera prise immédiatement, mais dans le cas où l'appel est suspensif ,sa mise à exécution sera reportée à la date de la décision de la CNDA,qui reste compétente en matière de contentieux d'asile , le contentieux d'éloignement restant du ressort des tribunaux administratifs. Cette proposition révèle une logique étrange :

       -l'échec du recours  semble la seule possibilité envisagée par        

        le gouvernement

      -les tribunaux sont saturés .  Cette mesure engendrerait un

        travail inutile , l'attribution d'un  statut d'asile  entraînant la

        suppression automatique  de l'OQTF

       -un refus de l'OFPRA est généralement vécu comme un drame

         qui s'ajoute aux drames vécus antérieurement . Ce refus

        accompagné d'une OQTF, voir d'une IRTF*  peut avoir un

        effet dévastateur.  Il complique la situation puisqu'il faut

    déposer deux recours auprès de juridictions différentes (la

        CNDA de Montreuil et le tribunal administratif  dont dépend

       la personne ) .

 

 Il renforce le sentiment d'insécurité chez des personnes qui ont du révéler auprès de l'OFPRA  ce que fut leur vie antérieure et qui ne comprennent

pas  que leur témoignage soit mais en doute.

 

Amnesty souligne :

les conséquences seront :

  • l'augmentation des risques de refoulement pour les personnes qui n'auraient pas pu déposer le recours dans les temps .
  • La complexification des démarches car il faudra faire 2 recours dans des délais très restreints ; un contre le rejet de l'OFPRA, l'autre contre l'OQTF.
  • La notification d'une OQTF à des personnes qui seront reconnues comme réfugiés par la cour nationale du droit d'asile (CNDA)
  • la procédure d'asile a normalement pour but d'éviter le renvois d'une personne dans un pays où sa vie ou sa sécurité sont menacées. Si l'on réduit les délais et que l'on renvoie les personnes avant d'avoir terminé l'examen de leur demande d'asile , le droit français devient totalement défaillant.

Cette prise de risque est humainement inacceptable et juridiquement contestable .

                 

                  *****************

 

Un mot sur la circulaire Darmanin envoyée aux préfets qui est actuellement en circulation.

La circulaire , qui préfigure la loi, vise non seulement à bloquer l'accès à l'hébergement d'urgence , envers et contre la législation existante et la jurisprudence , mais donne également à certains acteurs(bailleurs et travailleurs sociaux par exemple ) des missions de contrôle et donc de police , dans un mélange des genres qui accentue l'ambiance de chasse aux sorcières que le gouvernement souhaite lancer contre les personnes migrantes.

Cette circulaire demande également aux préfets de démultiplier les mesures d'éloignement du territoire et de veiller à leur mise en œuvre (avec assignation à résidence) .

 

Darmanin a annoncé vouloir

  • réduire les possibilités de recours contre les OQTF en passant de 12 à 4 catégories .
  • Ficher les personnes concernées par une procédure en les inscrivant systématiquement dans le fichier des personnes recherchées.

Son  but est de détériorer encore les conditions de vie des personnes exposées à des OQTF en les traquant avec ce qu'il appelle une «  police du séjour » , en les assignant à résidence ou en les enfermant en CRA ( centre de rétention administrative) .

 

 

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