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1 novembre 2022 2 01 /11 /novembre /2022 08:26
Victoire de Lula aux élections présidentielles du 30 octobre au Brésil - articles de Lina Sankari et de Gaël de Santis dans L'Humanité
Brésil. Lula : la vie de combats du nouveau président

Enfant pauvre du Nordeste, l’ancien ouvrier devenu président de la République a toujours suscité des envies de revanche parmi la bourgeoisie. Son destin, qui croise celui du pays, explique sa popularité et sa réélection le 30 octobre.

Publié le Lundi 31 Octobre 2022 - L'Humanité

Il y a dans son surnom toute la morgue de l’élite qui n’a jamais digéré qu’un métallurgiste se hisse à la tête du Brésil. L’« anarfa », comprendre l’anarchiste analphabète, qui se donnait déjà pour mission de rendre leur dignité aux Brésiliens, quelle que soit leur condition, a toujours fait figure d’homme à abattre.

Enfant pauvre du Nordeste, ouvrier, fondateur du Parti des travailleurs qui participe également à la création de la Centrale unique des travailleurs, Luiz Inácio Lula da Silva est l’incarnation de tout ce que la bourgeoisie abhorre. « Ma mère est née et décédée analphabète, et ma mère a dit “mon fils, la seule chose que l’homme ne peut pas perdre est le droit de marcher la tête haute et de regarder dans les yeux les gens avec qui il parle” », se souviendra-t-il plus tard.

« Quand on a connu la faim, on ne renonce jamais »

Issu d’une famille de huit enfants du côté de sa mère, il voit le jour en 1945 dans une maison de bois et d’argile. Ses chances de survie sont maigres. À cette époque, à Caetes (Pernambouc), deux enfants sur dix ne parviennent pas à leur premier anniversaire. La moitié de la fratrie est ainsi décimée mais Lula a déjà le cuir dur. Comme des milliers d’autres, les siens montent dans un pick-up chargé d’émigrants dont le seul but est de remplir l’assiette.

Au terme de treize jours de voyage, ils entament une nouvelle vie dans un bidonville de Santos, sur le littoral de l’État en plein boom industriel de São Paulo. La capitale se représente alors comme « la locomotive de la nation », qui traîne comme un boulet les États déshérités et majoritairement noirs. « J’ai connu la faim, et quand on a connu la faim, on ne renonce jamais », dira plus tard le président qui a permis au Brésil d’éradiquer le phénomène. Pour survivre, le petit gars du sertão vend des cacahuètes, du tapioca et des oranges sur les quais. Trop timide pour appâter le chaland, celui qui a l’habitude d’aller pieds nus devient cireur de chaussures.

Il rêvait pourtant d’une vie « tranquille ».

Grâce à une formation du Service national d’apprentissage industriel (Senai), Lula se forme au métier de tourneur-fraiseur. L’usine le mutile, le patronat ne se soucie guère des normes de sécurité : il perd son auriculaire gauche. « Le Senai m’a donné la citoyenneté. J’étais le fils de huit frères et j’ai été le premier à suivre une formation professionnelle, le premier à avoir une maison, une voiture ; j’ai été le premier à travailler dans une usine, le premier à participer à un syndicat et, à partir du syndicat, j’ai fondé un parti et, à travers ce parti, je suis devenu président de la République », explique celui qui aurait aimé suivre des cours d’économie. Le coup d’État militaire contre le président João Goulart, en 1964, puis la perte de sa femme et de son premier enfant, quelques années plus tard, précipitent son apprentissage politique. Il rêvait pourtant d’une vie « tranquille ».

D’usine en usine, il finit par être embauché aux industries Villares, à São Bernardo do Campo. En 1975, il prend la tête du syndicat puis dirige les grandes grèves interdites pour l’augmentation des salaires. La résistance l’amène à la conclusion qu’une nouvelle formation politique est nécessaire au combat. En 1980, le Parti des travailleurs (PT) est créé. Sa mère est terrorisée à l’idée que son militantisme le précipite derrière les barreaux. Ce sera le cas. Elle décède sans savoir que son fils est incarcéré. « Ces gens qui sont morts et qui ne peuvent pas être avec nous, maintenant, vous pouvez être sûrs qu’ils sont là-haut en train de nous observer, de rire de joie, parce que nous avons réussi à construire le rêve de quelques générations », confie-t-il une fois au pouvoir.

Depuis la chute de la dictature en 1985, Lula est de toutes les campagnes. Candidat à la présidence quatre ans plus tard, il parvient à se hisser au second tour, mais la marche reste trop haute pour pouvoir l’emporter face à Fernando Collor, le candidat des milieux d’affaires. À force de batailles, désormais largement identifié par le peuple comme l’un des siens, Lula est investi au palais du Planalto en janvier 2003. Ses programmes d’inclusion sociale dans les domaines du logement, de la santé et de l’éducation lui confèrent une popularité sans pareille dans l’histoire politique du pays qui lui permet d’enchaîner un second mandat.

Le temps de la revanche et de la victoire

Mais l’élite est revancharde et ne supporte pas de voir le peuple accéder à un nouveau statut. « Vous savez que ce que nous avons fait aujourd’hui n’est pas peu, mais vous savez que l’on peut faire mieux », dira Lula. La droite, main dans la main avec les médias et la justice, donne le coup d’arrêt des avancées sociales. Dilma Rousseff, qui lui succède à la présidence, est destituée et, en 2018, Lula est jeté en prison au terme d’un procès politique. Après 580 jours en détention, toutes les charges pour corruption sont levées. À sa sortie, il est porté par une marée humaine de couleur rouge. Après quatre années, dans un Brésil dévasté par le fascisme, la faim et le chômage, dans un paysage politique polarisé, le vieux lion livre un nouveau combat. Pour le retour de la démocratie et la réconciliation, cette fois. 76 ans, et toujours la tête haute.

Lula remporte l’élection présidentielle. Le Brésil repasse à gauche

L’ancien chef de l’État a remporté dimanche le deuxième tour de l’élection présidentielle avec 50,9 % des voix. Il empêche un second mandat pour Jair Bolsonaro, représentant de l’extrême droite. Celui-ci n’a toujours pas reconnu sa défaite.

Publié le Lundi 31 Octobre 2022 - L'Humanité

Le résultat est très serré. Lula Da Silva a été élu dimanche 30 octobre président du Brésil pour la troisième fois, avec un score de 50,90 % des suffrages. Son adversaire pour le second tour de l’élection présidentielle, le président sortant Jair Bolsonaro s’arrête à 49,10 % des voix. Lula Da Silva semble bénéficier d’un regain de la participation, qui progresse pour la première fois depuis 2010 ; l’abstention n’est que de 20,59 %.

« Une nouvelle ère de paix, d’amour et d’espérance »

Recueillie par l’AFP sur l’avenue Paulista de Sao Paulo, la réaction de Larissa Meneses à l’annonce de la victoire de Lula résume le soulagement pour la gauche, après quatre ans de pouvoir d’extrême droite : «  Je me suis sentie comme étouffée pendant quatre ans, aujourd’hui c’est le moment de rire ». Pendant quatre ans, Jair Bolsonaro a usé de son pouvoir pour réprimer les communautés indigènes, libéraliser le port d’arme à feu et gérer piteusement la crise covid.

« Nous prendrons grand soin du Brésil et du peuple brésilien. Nous vivrons dans une nouvelle ère de paix, d’amour et d’espérance », s’est félicité dimanche Lula Da Silva, qui avait présidé aux destinées du plus grand pays d’Amérique du Sud de 2003 à 2011. Il dit vouloir gouverner pour tous les Brésiliens. «  C’est la victoire d’un immense mouvement démocratique qui s’est formé au-delà des partis politiques, des intérêts personnels, des idéologies, pour que la démocratie en sorte victorieuse », a-t-il déclaré .

Le défi est grand pour l’ancien gamin du Nordeste, entré en politique par la lutte syndicale sous la dictature. Il va falloir panser les plaies d’un Brésil divisé par cinq ans de pouvoir de Jair Bolsonaro, qui ne manquera pas de contester sa légitimité. Depuis des mois, sur les boucles Whatsapp, les soutiens du président sortant ont laissé entendre que le camp de Lula, la gauche, truquerait les élections.

La satisfaction du Parti communiste

«  Le Brésil a dit non à la régression, à l’autoritarisme, à la haine et à la violence. C’était le résultat de l’espoir. La majorité de la population a clairement fait savoir qu’elle ne voulait plus vivre dans un pays divisé et sans perspectives », a réagi Luciana Santos, présidente du Parti communiste du Brésil (PCdoB). Pour la dirigeante de gauche, « le peuple a élu Lula président pour que nous puissions retrouver la paix, la dignité, la nourriture dans nos assiettes. C’est un jour de célébration de la démocratie. La raison, la vérité, l’engagement envers le peuple et envers un projet inclusif du pays ont gagné ».

Mais de peu. Avec seulement 1,8 point d’avance sur son adversaire, Lula ne se détache pas vraiment, preuve que le bolsonarisme est très implanté dans le pays. En début de soirée électorale, il était devancé de plus de 4 points par son concurrent. Le président sortant n’a d’ailleurs toujours pas reconnu sa défaite ni réagi aux résultats de l’élection. La conférence de presse prévue a été annulée par Jair Bolsonaro. Ses ministres qui souhaitaient le rencontrer ont essuyé un refus, selon le magazine Veja. Le climat de l’élection, dimanche, a été très tendu. Dans certaines zones du pays, la police a organisé des barrages, retardant l’arrivée des électeurs de gauche dans les bureaux de vote. Par ailleurs, une députée bolsonariste, Carla Zambelli, a pointé son arme vers des habitants partisans de Lula à Sao Paolo. Certains alliés ont déclaré dimanche qu’il n’y aurait pas de contestation de l’issue du scrutin. Mais ce lundi, dans au moins cinq États des manifestants et chauffeurs routiers bloquaient des axes routiers, dont celui reliant Rio De Janeiro à Sao Paulo.

Lors de son discours, dimanche, Lula Da Silva a déclaré : « il n’y a pas deux Brésil ». Alors qu’en 2002, la gauche triomphait dans tous les États fédérés, la carte électorale est cette année beaucoup plus nuancée. Lula l’emporte dans les États du Nordeste, Bolsonaro reste majoritaire dans ceux du Sud.

Des marges réduites

Pour l’emporter, l’ancien et futur chef d’État a pu compter sur la popularité de ses programmes sociaux du passé, tel « faim zéro » qui a sorti des dizaines de millions de foyers de la pauvreté, mais jouant sur la nostalgie dans la campagne, il a peiné à se renouveler. Surtout, aura-t-il les moyens de l’innovation politique ? La croissance économique est faible, rendant plus difficile une politique de redistribution, d’autant plus qu’il va devoir composer au Parlement avec ses alliés de droite. Ainsi, son vice-président sera Geraldo Alckmin, un centriste néolibéral qu’il avait battu lors de la présidentielle de 2006 et qu’il a choisi pour rassurer les milieux d’affaires.

« Un temps d’espoir »

Sur le plan international, la victoire du camp du progrès au Brésil, est une avancée. Alors que Jair Bolsonaro ne s’inscrivait pas dans la lutte contre le changement climatique et a œuvré à la déforestation de l’Amazonie, Lula donne un ton vert à son engagement et a promis, dimanche, que le Brésil est «  prêt à reprendre son rôle de leader dans la lutte contre la crise climatique, en protégeant tous nos biomes (milieux écologiques, NDLR), notamment la forêt amazonienne ». « Félicitations Lula pour ta victoire dans ces élections à travers lesquelles le Brésil a décidé de faire le pari du progrès et de l'espoir. Travaillons ensemble pour la justice sociale, l'égalité et contre le changement climatique », a salué Pedro Sanchez, le premier ministre socialiste espagnol. La victoire du fondateur du Parti des travailleurs relancera également la coopération entre États sud-américains, où la gauche est au pouvoir au Mexique, au Venezuela, en Colombie, en Bolivie, à Cuba, au Chili et en Argentine. «  Ta victoire ouvre une nouvelle ère dans l’histoire de l’Amérique latine. Un temps d’espoir et un avenir qui commence aujourd’hui », a salué Alberto Fernandez, président argentin.

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