ESPAGNE
LE BATEAU IVRE ?
La situation espagnole m'inspire une pensée qui n'engage que moi. Sanchez, leader du PSOE, a, en fait, refusé de créer, contrairement aux socialistes portugais, dans un autre contexte, une coalition de gauche avec IU-Podemos. C'est clair, parce qu'il avait toutes les cartes en mains pour trouver une solution.
C'est un choix politique qui en dit long sur les pressions de la finance sur les gouvernances, dans toute l'Europe. Sanchez a pris un risque en faisant le pari de se retrouver seul à pouvoir gouverner l'Espagne en soufflant le chaud et le froid sur tous les dossiers, régionaux et sociaux. En fait il tente de faire en sorte qu'en Espagne on ait à choisir uniquement entre les conservateurs nostalgiques du Franquisme et lui. Cela rappelle ce que nous connaissons en France.
Bien sûr, il est hors de question de comparer, au-delà de cette constatation, la situation espagnole et française. Cela dit, l'Espagne n'est pas prête d'être gouvernée à gauche et les Catalans risquent bien de se retrouver bientôt avec un article 155 version Sanchez, si on se réfère à son dernier discours où il fustige les "privilégiés" de Barcelone.
C'est mal connaître cette région où le salaire moyen est à moins de 1000 euros. Bien sûr, il y a de la richesse, mais elle vient d'un patronat puissant et dominateur, à l'image de celle qui assiste au mariage de Valls, de capitaux étrangers qui se déversent sur Barcelone et la Costa Brava pour concentrer à la fois le luxe et la spéculation immobilière touristique et affairiste. Les Catalans n'en voient que peu de retombées qui sont partagées sans heurt avec ceux qui viennent du reste de l'Espagne pour survivre avec les miettes précaires en étant obligés, comme dans toute l'Espagne, de faire plusieurs petits boulots pour ne pas tomber dans la grande misère.
Ce que l'on peut espérer, c'est que la droite ne profite pas de la situation pour reprendre le pouvoir et que l'opposition de la gauche dite "radicale" renforce ses positions. C'est loin d'être gagné mais c'est la seule solution pour que l'Espagne ne rejoigne pas la cohorte des pouvoirs qui imposent aux citoyens la soupe libérale décomplexée et autoritaire.
Un petite lumière dans le paysage. Les Catalans indépendantistes, qui redoutent l'isolement, commencent à comprendre qu'il serait temps de s'intéresser à la situation sociale de la région et sortir d'une vision contreproductive de leur propagande (ici on est mieux que dans le pays d'à côté, entendu l'Espagne...).
Ils semblent vouloir donner un contenu plus réceptif aux aspirations populaires dans leur lutte pour une République qu'ils rêvent indépendante. Il n'est jamais trop tard pour bien faire.
On pourrait rêver dans la foulée d'un rapprochement entre toutes les gauches catalanes qui sont, ne l'oublions pas, les héritières d'un riche passé révolutionnaire, mais on n'en est encore très loin. En Espagne comme dans toute l'Europe, le temps des cerises est encore une vue de l'esprit, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas continuer à cultiver le jardin de cette belle idée partageuse qui n'aime ni les frontières ni les murs, fussent-ils virtuels.
Yvon Huet, 21 septembre 2019
commenter cet article …