Bonjour à chacune et chacun,
Avec les équipes de L’Humanité, nous vivons un moment extrêmement difficile. Notre groupe est sous la protection du tribunal de commerce depuis le 21 janvier. Une audience du tribunal de commerce s’est tenue ce mercredi 30 janvier au matin. Le verdict ne sera rendu que le 7 février. Nous avons plaidé la continuité de l’exploitation de l’entreprise à partir d’un plan de redressement que nous devons parfaire encore car nous aurons l’obligation impérative d’être en permanence à l’équilibre économique incluant le remboursement des dettes.
Cela fait des semaines que par l’intermédiaire de cette « Lettre », j’alerte sur nos difficultés. Je suis intervenu au moins trois fois dans L’Humanité à ce sujet. Une souscription avait été relancée depuis la fin du mois d’octobre. Elle a d’ailleurs permis de collecter un million d’euros jusqu’au 31 décembre et nous a permis de « tenir ». Mais il nous faut beaucoup plus d’argent pour être tirés d’affaire.
Certains amis me demandent pourquoi je n’ai pas moi-même annoncé cette décision. Ils l'ont apprise à partir d’informations « fuitées » dans un magazine il y a huit jours. D’abord je dois dire que ce magazine a bafoué sa parole puisque comme pour tous les autres journaux, il m’avait promis de ne rien publier avant le jour de la convocation du tribunal de commerce. L’article publié, élaboré avec quelques bavards imprudents, était truffé d’informations approximatives ou fausses susceptibles de faire beaucoup de mal à l’entreprise et aux salariés.
Je ne souhaitais pas communiquer avant le 30 janvier parce que l’Humanité, comme toute entreprise de presse, est insérée dans tout un tissu économique et d’entreprises prestataires de services qui peuvent être elles-mêmes inquiètes de notre situation ou en subir des conséquences lorsque nous sommes en dette vis-à-vis d’elles – imprimeurs, transporteurs, prestataires de la fête, fournisseurs de papiers, gestionnaires d’abonnements. Il nous fallait prendre contact avec elles et les prévenir de notre état et du fait que le remboursement de dettes serait reporté. Tout mouvement de panique aurait eu des conséquences terribles sur toute une chaine, et aurait pu mettre à mal la parution de nos journaux. Imaginons que le fournisseur de papier décide de ne pas nous en fournir, ou que le gestionnaire d’abonnement décide de ne plus les servir tant qu’il n’est pas payé. Ceci nous aurait précipité vers l’abime dès lundi dernier. Mais de cela, les petits télégraphistes et confrères peu respectueux n’en ont cure.
Personnellement je suis comptable de la protection de l’entreprise, des salariés et au-delà de la continuité du formidable projet et des valeurs que porte L’Humanité. A côté de ces petits méfaits, je dois remercier l’ensemble des confrères, des radios, télévisions et quelques journaux qui ont rendu convenablement compte de l’enjeu qui est posé au pays et à la profession. De Sonia Devillers, qui y a consacré un éditorial puis invité Patrick Apel-Muller, à Pascal Praud chez Cnews, ou Philippe Vandel chez Europe 1, la correspondance de la presse et bien d’autres encore. Evidemment je ne veux pas ici parler des chacals qui ont érigé des tombes pour L’Humanité en nous insultant et nous crachant au visage. Ils nous rêvent en prison ou morts. Ils vont être très déçus.
J’ai donné depuis un moment des éléments sur les causes de nos difficultés. Cette année par exemple nos coûts de production vont augmenter de près d’un million d’euros. Les problèmes ne sont pas spécifiques à L’Humanité. Tous les journaux connaissent des difficultés financières. Mais celles-ci se résolvent par l’apport de capitaux de groupes industriels et financiers. Ce n’est pas notre cas. D’autre part depuis 2016, l’Etat s’était engagé à porter avec nous un plan de reconstitution de nos capitaux, avec mobilisation de banques, d’investisseurs liés à l’économie sociale et l’industrie numérique, et à la mobilisation du fonds de développement numérique. Rien de tout ceci n’a été tenu malgré des dizaines et des dizaines de réunions donnant l’impression de laisser passer le temps, nous plaçant dans une sorte de supplice chinois jusqu’à l’étranglement définitif. L’Humanité reste un enjeu bien plus important qu’on ne le croit pour certaines forces conservatrices et certains milieux économiques.