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16 février 2019 6 16 /02 /février /2019 06:14

 

Rappel de quelques éléments souvent oubliés sur l’exode vers la frontière française de plus de 450.000 Républicains espagnols, vaincus par le fascisme, mais pas détruits.

Au milieu des célébrations, commémorations (nombreuses) d’une défaite : la « Retirada », il convient de souligner que cette victoire du fascisme en Espagne fut délibérément organisée par une sorte de « front antirépublicain » très large. Pour ce front, non désigné comme tel, l’ennemi reste les communistes, l’URSS, les révolutionnaires et la « révolution sociale »... que l’URSS ne souhait pas en Espagne.

 

La fin des années 1930, très convulsive, produit en Europe une sorte de climat de psychose, notamment anti-étrangers. Georges Bonnet, ministre français des Affaires Etrangères du gouvernement du « radical » Daladier, collabore à Paris ouvertement avec le représentant de Franco, Quiñones de León, avant même la fin du conflit... Le gouvernement français se précipite d’ailleurs pour reconnaître le « gouvernement putschiste de Burgos » et son chef, Franco, le 27 février 1939 (Accords Bérard-Jordana), avec l’Angleterre, et bloquera en France notamment le dernier envoi d’armes soviétiques aux Républicains espagnols. Daladier « offrira » à Franco l’or de la République, déposé à Mont-de-Marsan, qu’il avait précédemment refusé aux gouvernements républicains pourtant légitimes.

 

Et si toute cette Guerre, suivie de la Deuxième mondiale, ne fut « qu’une immense erreur d’intentions et de réalités » ? s’interrogeait le journaliste espagnol Eduardo Haro Tecglen. Une lettre de Roosevelt du 8 novembre 1942 s’adresse à Franco en ces termes : « L’Espagne n’a rien à craindre des Etats-Unis, mon Général, je suis votre ami sincère ».

 

Winston Churchill, quant à lui, avait pris les devants, en déclarant le 14 août 1938 au journal « La Nation » de Buenos Aires  : « Franco a entièrement raison, parce qu’il aime sa patrie. Franco défend en outre l’Europe du péril communiste. (...) Mais je préfère le triomphe des autres, parce que Franco peut être un bouleversement, ou une menace pour les intérêts britanniques, alors que les autres non ». Et Franco admirait beaucoup Churchill... Sans compter qu’une haine viscérale de l’URSS rapprochait la plupart des protagonistes.

 

Le 6 janvier 1938, Juan Negrín, chef socialiste du dernier gouvernement républicain, adressa un télégramme à Roosevelt, dans lequel il écrivait : « L’histoire sera inexorable envers tous les hommes d’Etat qui ont fermé les yeux face aux évidences ». La guerre d’Espagne, c’est l’histoire de classes, d’une « trahison ». La République s’était attaquée, timidement, aux inégalités structurelles de l’Espagne, aux déséquilibres, aux injustices d’un système de classe aux relents féodaux.

 

La fin de la Guerre Espagne sous forme de coup d’Etat (le 5 mars 1939) contre le dernier gouvernement républicain, présidé par Juan Negrín, considéré aujourd’hui par de nombreux historiens comme un homme d’Etat particulièrement avisé, et la plus fantasmée que réelle « hégémonie communiste » précipitèrent la défaite totale, le chaos, et rendirent impossible l’évacuation de milliers de Républicains qui continuaient le combat dans la « poche » de la zone centre (Valence, Alicante, etc.). Negrín, après avoir passé la frontière française fin janvier, comme tous, était retourné en Espagne, dans la zone centrale, pour tenter d’éviter le pire, et sauver le plus grand nombre de vies. Des milliers d’hommes et de femmes y refusaient encore d’admettre la défaite. Cela s’avéra impossible ; les bateaux français et anglais, les « bateaux de la liberté », restèrent, en France comme en Angleterre, à quai, ou bien encore au loin, au large.

 

Les promoteurs de ce coup d’Etat de la « junte » du Colonel Sigismundo Casado pensaient obtenir de Franco une « paix des braves », notamment en donnant comme gage l’emprisonnement à Madrid des dizaines de communistes. Franco exigea de Casado, et des autres, une « reddition inconditionnelle ».

 

Le 10 janvier 1939, le ministre de Negrín, Alvarez del Vayo, à la tribune de la Société des Nations, déclarait, s’adressant aux Anglais, aux Français, aux Américains : « Le jour viendra où vous vous souviendrez de nos avertissements, et vous comprendrez... »

 

Il faut rappeler que la « Retirada », le 28 janvier 1939, ne fut pas la fin de la guerre. Franco proclama pompeusement sa « victoire » le premier avril 1939. Ce dernier reçut un télégramme du Pape Pie XII : « Nous adressons nos sincères remerciements à Votre Excellence pour la victoire de l’Espagne catholique ».

 

La répression franquiste qui marqua la Guerre d’Espagne fut organisée, méthodiquement planifiée, avec l’appui des autorités civiles et militaires, de la Guardia civil et avec la bénédiction active de l’Eglise. Franco voulait l’anéantissement de toute opposition, l’écrasement définitif du prolétariat espagnol des campagnes et des villes. Il fallait donc « nettoyer, purifier le pays », des expressions que l’on retrouve aujourd’hui dans la bouche de Bolsonaro.

 

Les Républicains espagnols réfugiés en France seront placés par le « pays des Droits de l’Homme » au cœur des processus d’exclusion et de répression de la Troisième République, et au cœur du Statut « d’indésirables » (à partir du printemps 1938, de nombreuses lois, décrets, sont imprégnés de l’esprit sécuritaire, raciste et xénophobe, anti-classe ouvrière). Un esprit de « Croisade », de « guerre froide » (qui pourtant ne commencera officiellement qu’en 1948) soufflait également sur une partie de la France ; les classes dominantes voulaient une revanche, en France comme en Espagne, sur les Fronts populaires.

 

Pour les antifascistes espagnols exilés en France, dont 10% environ d’entre eux résistèrent, il s’agissait pour eux d’un même combat antifasciste, et leurs guerrilleros furent parmi les premiers à prendre les armes, à verser leur sang, contre le fascisme, essentiellement par internationalisme.

 

Nous rappelons tous ces faits, parce que la Guerre d’Espagne est souvent l’objet d’une insupportable réécriture. Les commémorations ne sauraient se limiter à de l’émotionnel ; il convient de leur donner le contenu politique qu’elles méritent, et exigent.

 

 

 

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