Décidément, Macron et le gouvernement Philippe ont l’art du contre-pied, sinon du contresens de l’histoire. Alors que la question des services publics est au cœur du mouvement des Gilets jaunes, que des milliers de cheminots se sont mobilisés contre la réforme de la SNCF, ils ouvrent à la concurrence les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon.
Les usagers du train n’ont pas besoin de concurrence pour que le service s’améliore et soit de meilleure qualité. Ce qui est nécessaire, c’est que l’État investisse dans les infrastructures, le matériel et les hommes afin de répondre aux besoins de la population. Aujourd’hui, il faut 1h30 de plus pour réaliser Nantes-Bordeaux qu’il y a 10 ans, par manque d’investissement de l’État. Rien qui puisse inciter à laisser sa voiture pour faire ce trajet.
François de Rugy, ministre de l’Écologie, devrait donc, de son côté, plus se soucier des investissements qui sont réalisés dans le ferroviaire que d’assurer de nouveaux profits à des opérateurs privés.
Les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon ont un vrai rôle d’aménagement du territoire, répondent aux besoins de déplacements quotidiens de salariés et de lycéens, tout comme elles assurent un lien inter-régional (1 million de passagers annuels).
Cette ouverture à la concurrence, à l’instar de l’exemple anglais, va se traduire par une augmentation progressive des tarifs et une dégradation du service, tout en permettant à des promoteurs privés de réaliser des profits. C’est un contresens quand, aujourd’hui, la Grande Bretagne renationalise ses trains à la demande de la population, devant l’inefficacité des opérateurs privés.
Nous refusons cette logique. Ce dont ont besoin nos populations, c’est d’un service public de qualité, qui assure la solidarité territoriale et d’un aménagement harmonieux, en y consacrant les moyens financiers nécessaires.
Cécile Cukierman, porte parole du PCF
La phase opérationnelle de la mise en concurrence des lignes Nantes-Lyon et Nantes-Bordeaux a été lancée jeudi par le ministère des Transports. Résultat de la réforme ferroviaire, la libéralisation se fait au détriment des usagers et des cheminots.
«A vis de préinformation pour la mise en concurrence des lignes Intercités Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon ». Par ces quelques mots introduisant un communiqué à en-tête, le ministère des Transports, jeudi, lancé la phase opérationnelle de l’ouverture à la concurrence du service public, pilier de la réforme ferroviaire que le gouvernement a fait passer en force en juin dernier. « Avec cette décision, l’État devient la première autorité organisatrice à s’engager dans le processus d’ouverture à la concurrence », se félicite même le ministère, qui précise « l’objectif d’un début d’exploitation en 2022 ». Les deux liaisons concernées sont des trains d’équilibre du territoire, TET, régies directement par l’État. Elles totalisent 1 million de voyageurs annuels pour un coût de 25 millions d’euros. En clair, « par cette annonce, le gouvernement signifie clairement et unilatéralement renoncer à garder la maîtrise de l’exploitation de ces lignes », résume la fédération CGT des cheminots des Pays de la Loire. Un désengagement déjà largement amorcé par le passage de nombreuses lignes TET dans le réseau TER, passant, dès lors, sous les responsabilités des régions. C’est le cas du Paris-Amiens-Boulogne, du Paris-Orléans-Tours ou encore du Clermont-Nîmes et du Paris-Rouen-Cherbourg.
Un contrat de service public pour l’opérateur qui remportera le marché
Dans cette course au tout-concurrence, nombre de régions se sont d’ailleurs déclarées favorables à une libéralisation anticipée, au premier rang desquelles Paca, qui a déjà lancé un appel à manifestation d’intérêt sur la gestion de ses lignes régionales.
Côté calendrier, l’État devrait publier « dans les prochains jours au Journal officiel de l’Union européenne » un avis définitif de préinformation. Une procédure d’appel d’offres s’ouvrira dès lors dans un délai de douze mois minimum, durant lequel, souligne le ministère, « tous les opérateurs candidats pourront faire valoir leurs atouts et propositions ». L’opérateur, SNCF comprise, qui remportera le marché sera alors lié à l’État par un contrat de service public.
L’État n’a pas choisi Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon par hasard. Ces deux lignes d’intérêt national « viennent de bénéficier d’un renouvellement complet de leurs trains », précise le ministère. Mais, pour la CGT, c’est l’état des voies qui pose question, singulièrement sur « l’axe Nantes-Bordeaux dont la régénération est à ce jour suspendue à une répartition des financements » entre l’État, les régions et les collectivités pour un montant total de 138 millions d’euros. « Sans travaux, quel opérateur, public ou privé, s’engagera dans l’exploitation de cette ligne alors que les temps de parcours (...) promettent d’être rallongés avec de nouvelles limitations de vitesse ? » interroge le syndicat, qui émet de « sérieuses craintes quant à la pérennisation de la desserte ».
« Les usagers du train n’ont pas besoin de concurrence pour que le service s’améliore et soit de meilleure qualité », martèle pour sa part le PCF, qui en appelle à ce que « l’État investisse dans les infrastructures, le matériel et les hommes afin de répondre aux besoins de la population ». Loin d’y répondre, ni à l’exigence d’un aménagement du territoire qui garantisse à tous l’accès aux transports, ce nouveau coup porté au service public ferroviaire s’inscrit, en sus, « à contresens de l’histoire », poursuit le PCF. Car, alors que de tous les ronds-points émerge depuis des semaines la revendication populaire d’un véritable service public, l’État choisi « d’assurer de nouveaux profits à des opérateurs privés ». Le tout, sans compter l’attaque sociale contre les cheminots qui, par décret du 26 décembre dernier, sont désormais dans l’obligation, sous peine de licenciement, d’accepter le transfert au nouvel opérateur.
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