Un référendum démocratique contre la «technocrature»
Les prochaines modifications de la Constitution annoncées par l'hyper-président doivent faire l'objet d'un seul et même texte sur lequel les citoyens pourront se prononcer par référendum, estime le député communiste André Chassaigne.
- Un référendum démocratique contre la «technocrature»
Un nouveau lifting constitutionnel est prévu pour le 60e anniversaire de la Ve République. A défaut de connaître le contenu exact du projet de réforme constitutionnelle, celui-ci est voué à consacrer la longue dérive hyper-présidentialiste du régime. Depuis l’accession d’Emmanuel Macron à l’Elysée, on assiste moins à un renouveau de la pratique des institutions qu’à la reproduction caricaturale de ses déviances : concentration et centralisation du pouvoir à l’Elysée, neutralisation de la fonction primo-ministérielle, dévalorisation du Parlement avec un fait et une discipline majoritaires poussés à l’extrême, défiance à l’égard des contre-pouvoirs en général et à l’encontre des syndicats comme des médias, en particulier…
En matière institutionnelle comme ailleurs, le «nouveau monde» que souhaitait incarner le président Macron n’est qu’une chimère. La version macroniste de la Ve République, qui s’inscrit dans une forme de «continuité aggravée», condamne les représentants de la Nation dans une position passive de spectateurs du pouvoir. Un sentiment d’ailleurs partagé par nombre de députés de la majorité… Du reste, la réduction d’un tiers du nombre de parlementaires, l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives ou encore la limitation à trois mandats successifs pour les parlementaires et les présidents d’un exécutif local ne sont pas de nature à bouleverser les équilibres fondamentaux du régime.
Pis, les récentes initiatives du gouvernement risquent au contraire de renforcer les déséquilibres si caractéristiques de la Ve République, au point de mettre en péril notre démocratie. Sont ainsi marqués du sceau du mépris à l’égard de la représentation nationale, de l’institution parlementaire et donc de la démocratie : le recours à l’arme antiparlementaire du vote bloqué pour empêcher in extremis l’adoption d’une proposition de loi sur les retraites agricoles, l’annonce du recours aux ordonnances pour la réforme ferroviaire et la volonté de restreindre le droit d’amendement des parlementaires. Autant de coups de force qui sont significatifs de la «démocratie technocratique» rêvée par le président Macron. «Technocrature» dans laquelle la décision politique échappe définitivement aux parlementaires pour être monopolisée par un président de la République conseillé et assisté de hauts fonctionnaires partageant un même logiciel, dans lequel notamment le Parlement est une simple start-up et ses membres de simples agents à manager.
Ainsi, le recours aux ordonnances témoigne de l’incapacité de l’exécutif à admettre le principe délibératif qui est à la base des fonctions du Parlement. Le gouvernement préfère en effet passer en force et imposer sa volonté, plutôt que prendre le temps de débattre de ses propres propositions dans une Assemblée pourtant largement acquise à sa cause. Un déficit de culture démocratique qui dénote encore d’une conception technocratique du pouvoir.
Enfin, la volonté de limiter le droit d’amendement des parlementaires témoigne d’un mépris des droits fondamentaux des représentants de la nation en général et de l’opposition parlementaire en particulier. Désormais, non seulement les parlementaires continueront à être exclusde facto de l’initiative législative, mais leur pouvoir de coproduction des projets de loi (via l’exercice du droit d’amendement) se verrait neutralisé. Une manière d’en finir définitivement avec le pouvoir législatif des parlementaires.
Aujourd’hui, plus personne ne doute de l’importance de la réforme à venir et de ses effets sur le fonctionnement démocratique de nos institutions. Il ne s’agit pas simplement de «rationaliser» le fonctionnement du Parlement, comme voudrait le faire croire l’Elysée. La portée de la réforme annoncée est bien plus vaste et concerne l’avenir même de notre démocratie. Dès lors, la logique démocratique voudrait que le peuple souverain s’exprime et tranche directement sur la volonté de l’exécutif d’imposer un peu plus la logique de l’hyperprésidentialsme et de la «technocrature».
Même si le gouvernement prévoit de répartir les mesures constitutives de sa réforme institutionnelle d’ensemble dans des projets de loi de diverses natures (constitutionnelle, organique et ordinaire), leur objet et leur portée doivent conduire à les intégrer dans un seul et même texte de révision constitutionnelle. Rien n’interdit en effet le pouvoir constituant (dérivé) d’ériger les mesures prévues au niveau de la Constitution.
Cette solution aurait le mérite de la clarté et de la cohérence, et permettrait surtout de soumettre l’ensemble des réformes institutionnelles voulues par l’exécutif au peuple souverain via le référendum constitutionnel prévu par l’article 89 de la Constitution. Article de notre Loi fondamentale qui consacre le référendum comme la voie normale de toute révision constitutionnelle. Nous plaidons en effet pour un débat devant les Français, pour une décision des Français. Un appel au peuple qui suppose la tenue d’un référendum, instrument essentiel pour rétablir la confiance des citoyens dans leurs institutions et leurs élus.
Si l’exécutif a déjà évoqué cette option, ce dernier reste flou, évasif, prostré dans une posture calculatrice. Or nous ne saurions jouer et calculer avec l’avenir de notre démocratie. Celle-ci ne saurait dépendre de tractations et autres marchandages avec le président du Sénat. En cela, l’organisation d’un tel référendum ne relève pas, selon nous, de la simple option politique, mais de l’impératif catégorique-démocratique.
André Chassaigne Président du groupe GDR à l'Assemblée nationale