Un nouveau lifting constitutionnel est prévu pour le 60e anniversaire de la Ve République. A défaut de connaître le contenu exact du projet de réforme constitutionnelle, celui-ci est voué à consacrer la longue dérive hyper-présidentialiste du régime. Depuis l’accession d’Emmanuel Macron à l’Elysée, on assiste moins à un renouveau de la pratique des institutions qu’à la reproduction caricaturale de ses déviances : concentration et centralisation du pouvoir à l’Elysée, neutralisation de la fonction primo-ministérielle, dévalorisation du Parlement avec un fait et une discipline majoritaires poussés à l’extrême, défiance à l’égard des contre-pouvoirs en général et à l’encontre des syndicats comme des médias, en particulier…

En matière institutionnelle comme ailleurs, le «nouveau monde» que souhaitait incarner le président Macron n’est qu’une chimère. La version macroniste de la Ve République, qui s’inscrit dans une forme de «continuité aggravée», condamne les représentants de la Nation dans une position passive de spectateurs du pouvoir. Un sentiment d’ailleurs partagé par nombre de députés de la majorité… Du reste, la réduction d’un tiers du nombre de parlementaires, l’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives ou encore la limitation à trois mandats successifs pour les parlementaires et les présidents d’un exécutif local ne sont pas de nature à bouleverser les équilibres fondamentaux du régime.

Pis, les récentes initiatives du gouvernement risquent au contraire de renforcer les déséquilibres si caractéristiques de la Ve République, au point de mettre en péril notre démocratie. Sont ainsi marqués du sceau du mépris à l’égard de la représentation nationale, de l’institution parlementaire et donc de la démocratie : le recours à l’arme antiparlementaire du vote bloqué pour empêcher in extremis l’adoption d’une proposition de loi sur les retraites agricoles, l’annonce du recours aux ordonnances pour la réforme ferroviaire et la volonté de restreindre le droit d’amendement des parlementaires. Autant de coups de force qui sont significatifs de la «démocratie technocratique» rêvée par le président Macron. «Technocrature» dans laquelle la décision politique échappe définitivement aux parlementaires pour être monopolisée par un président de la République conseillé et assisté de hauts fonctionnaires partageant un même logiciel, dans lequel notamment le Parlement est une simple start-up et ses membres de simples agents à manager.